5 décembre 2019 4 05 /12 /décembre /2019 15:29

 

 

 

par Jorge Elbaum*

Toutes les versions de cet article : [Español]

 

Le modèle de contrôle hégémonique prévu [par les États-Unis d’Amérique] pour l’Amérique Latine est composé d’ancrages médias, de tribunaux, d’agences d’espionnage (locales et internationales) et de dispositifs de manipulation numériques basés sur l’intelligence artificielle et les technologies Big Data. Dans plusieurs pays d’Amérique Latine, s’ajoute à cette combinaison, l’action développée par les secteurs évangéliques fondamentalistes, ayant des racines et des ramifications dans les sphères les plus rétrogrades de Washington.

Au cours de la première quinzaine d’août, un consortium de 15 médias non hégémoniques, dirigé par Columbia Journalism Investigations (CJI) et appartenant à l’Université de Columbia, en partenariat avec le Centro Latinoamericano de Investigación Periodística , a publié un dossier sur le ce conglomérat extrémiste.

Le groupe qui mène l’offensive en Amérique Latine [et partout dans le monde] est la Capitol Ministries (CM) , dirigé par Ralph Kim Drollinger , un ancien basketteur de la NBA devenu un véritable croisé contre les idéologies de genre, les processus migratoires, la séparation de la religion et de l’État, et toutes les luttes sociales émancipatrices.

Les rapports présentés par le CJI montrent la présence de Capitol Ministries au Mexique, au Honduras, au Brésil, au Pérou, en Uruguay, en Equateur et au Costa Rica. Au Nicaragua, au Panama et en Argentine, ils opèrent par l’intermédiaire d’organisations satellites liées au même programme néolibéral, assaisonné d’un langage suprématiste.

Le lien de Drollinger avec l’administration républicaine actuelle se visualise à l’intérieur de la Maison-Blanche, il office le Faith and Opportunity Initiative (WHFOI), un espace au sein duquel le vice-président Mike Pence, le secrétaire d’État au département, Mike Pompeo, et le ministre de l’éducation Betsy De Vos, partagent des réunions théologiques « de guérison » organisées par Capitol Ministries.

Ces réunions ont un rang institutionnel depuis que l’ actuel homme d’affaires devenu président, a signé le décret # 13831 du 3 mai 2018, par lequel le WHFOI est défini comme un espace spirituel de réflexion pour le gouvernement.

Drollinger fut à Buenos Aires en novembre 2009 dans l’intention de renforcer l’opposition au Kirchnerisme qui, à cette époque, cherchait à affaiblir le gouvernement de Cristina Fernández. Depuis cette époque, sa représentation à Buenos Aires est gérée par l’organisation Parliament and Faith, dirigée par Luciano Bongarra, un participant régulier à la Delegación de Asociaciones Israelitas Argentinas (DAIA), avec laquelle il partage sa sympathie pour la politique de Bibi Netanyahu.

Bongarra figure sur le réseau professionnel Linkedin en tant que directeur pour l’Amérique Latine chez Capitol Ministries, alors que le même titre est attribué au pasteur péruvien Oscar Zamora, qui a été le bâtisseur le plus efficace du réseau évangélique avec les différentes délégations diplomatiques de Washington au sud du Rio Grande.

Criminalisation

Dans une de ses interprétations bibliques, selon les exigences du trumpisme, Drollinger a souligné que les processus migratoires devraient être basés uniquement sur des textes sacrés et que la ségrégation ne devrait jamais être mise en question : « Exclure les individus qui peuvent être des criminels, des traîtres, des terroristes ou qui puissent avoir des maladies transmissibles n’est en rien du racisme.

Capitol a justifié la séparation des familles à la frontière mexicaine sur la base de la criminalisation des migrants et a promu la peine de mort sur la base d’un prétendu soutien biblique. L’ancien joueur de basket a également estimé que les femmes ne sont pas aptes à enseigner la Bible et que la présence de femmes dans les domaines législatifs est sans aucun doute un péché, car les femmes doivent prendre soin de leurs enfants et ne pas être loin de chez elles, car elles finissent par fraterniser avec des inconnus.

La relation affective entre les personnes du même sexe, ajoute Drollinger, devrait être considérée comme « une affaire qui suscite la colère de Dieu ». Pour Katherine Franke, professeur de droit et d’études sur le genre et la sexualité à la Columbia University, la présence de Capitol à la Maison Blanche viole la Constitution des États-Unis en promouvant une conviction religieuse particulière : « Le gouvernement [des États-Unis] encourage la religion en tant que projet gouvernemental officiel et cela viole clairement l’une des clauses de la Constitution », a-t-elle déclaré.

Le pasteur Mario Bramnick, descendant de Cubains basé à Miami, a également organisé un mouvement appelé «  Latinos for Trump  », qui a des ramifications au Mexique et en Amérique Centrale et aux Caraïbes. Bramnick est également le fondateur de la « Coalition latino-américaine pour Israël (LCI) », un groupe de pression évangélique au soutien non critique du gouvernement Bibi Netanyahu. Les pasteurs Bramnick et Drollinger ont institué le ministère pastoral de Capitol Ministries aux Honduras, aux côtés de leur président, Juan Orlando Hernández, afin que ce dernier soit libéré des accusations de trafic de drogue qui pesaient sur lui.

Le 2 août, grâce aux interventions des pasteurs, un tribunal fédéral de New York a accusé le frère du président hondurien, Tony Hernández, de trafic de drogue et d’avoir recueilli 1,5 million de dollars pour financer la campagne électorale de son frère. Selon les enquêtes de CJI et du CLIP, le président ne figure pas parmi les accusés, en raison des bons offices probables de ses amis fondamentalistes de l’OFCB. En échange des dites interventions de Drollinger et Bramnick, Juan Orlando Hernández s’est engagé à déplacer l’ambassade de Honduras à Jérusalem, à la demande du gouvernement de Donald Trump.

Au Mexique, les hôtes de Drollinger se sont organisés autour de l’ Alliance Defending Freedom (ADL) [Alliance pour la Défense de la Liberté], qui anime les mouvements pro-vie et cherche à justifier le mur le long de la frontière mexicaine comme une forme de lutte contre le trafic de drogue : les entrées de la drogue aux etats unis limitées , affirment les pasteurs , réduira la violence des gangs criminels immédiatement, au fur à mesure que leur financement diminue.

L’une des organisations membres de l’ADL est l’association Incluyendo México AC , qui a réussi à recueillir environ 62 millions de dollars pour les dépenser dans la diffusion d’activités anti-avortement et promouvoir les cliniques proposant des programmes de conversion des homosexuels.

Les prises de position publiques des pasteurs fondamentalistes, promoteurs des thérapies de guérison forcée pour les personnes appartenant aux groupes LGBTI, ont conduit l’American Psychiatric Association (AAP) à publier pour la énième fois que l’homosexualité ne peut être considérée une maladie ou une déviation et qu’il y a près de 5 décennies, en 1972, elle avait été rayée de la liste des troubles mentaux. Pour sa part, l’Organisation mondiale de la santé a accompagné les déclarations du AAP avertissant que, pour la Cour interaméricaine des droits de l’homme, les soi-disant thérapies de conversion pour les personnes LGBTI sont assimilables aux pratiques de torture et doivent être punissables en tant que telles.

Au Paraguay, l’offensive fondamentaliste est dirigée par le représentant de Capitole Ministries à Asunción, Miguel Ortigoza, qui promeut la lutte contre l’immigration des Afro-descendants et des musulmans et s’oppose à la parité des sexes dans les zones représentatives du Congrès guarani. Pour le pasteur Ortigoza, il existe des raisons bibliques d’empêcher l’arrivée d’hérétiques potentiels qui se cachent aux frontières : « Les musulmans ont commencé à venir, et ils sont venus de toutes les couleurs. Ils ont déjà commencé à investir, ce qui entraîne la migration ».

Au Brésil, les partisans de Drollinger et de Bramnick sont des adeptes fervents de Jair Bolsonaro qui, en juin, ont mis en cause un jugement de la Cour Suprême de leur pays qui assimilait l’homophobie à un crime similaire au racisme. A cette occasion, le président a déclaré que la Cour avait « complètement tort ».

Quelque temps auparavant, le ministre de l’Éducation brésilien, le pasteur évangéliste Damares Alves, avait estimé que les filles devaient porter des vêtements roses alors que les garçons devaient faire attention à s’habiller avec la couleur bleue. Il a également expliqué que les viols des filles dans les secteurs populaires étaient causés par le manque de sous-vêtements. Le problème, a suggéré Alves, pourrait être résolu efficacement avec la mise en place d’entreprises fabriquant des culottes.

Diviser

Les membres de Capitol ont pour tâche fondamentale de promouvoir une législation anti-droits et d’affronter ceux qui défendent les idéologies de genre. Cependant, l’objectif principal est de diviser les majorités populaires, sous le prétexte de la protection de la famille noyau, territoire du soutien de base de l’affectivité sociale des groupes les plus vulnérables.

Basée sur la promotion de cette segmentation caryocinétique, on vise à empêcher la formation et/ou la sollicitation d’identités politiques cohérentes, capables de remettre en cause la logique néo-libérale. En outre, pour contribuer à cet objectif, les membres de l’OFCB proclament la théologie de la prospérité, une doctrine qui bénit ceux qui s’enrichissent et méprisent les humbles.

Pour ces conceptions, les pauvres arrivent à la misère à la suite d’une punition divine : les riches - affirment les membres de Capitole - seront récompensés tandis que les nécessiteux seront les destinataires de la leçon théologique méritée. Par nature transitive, les États-Unis sont prospères par décision céleste, tandis que les habitants de l’Amérique Latine sont les nécessiteux du fait de leur responsabilité propre et absolue.

Ils marchent. Mais ce ne sont pas des saints.

Jorge Elbaum* pour Nodal

Nodal. Buenos Aires, le 2 septembre 2019

*Jorge Elbaum est sociologue, Docteur en Sciences. Économiques. Président du « Llamamiento Argentino Judío ».

Traduit de l’espagnol pour El Correo de la Diaspora par: Estelle et Carlos Debiasi

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27 novembre 2019 3 27 /11 /novembre /2019 03:34

 

 

 

La situation en Amérique Latine ne cesse de se complexifier, comme le jeu qui consiste à pêcher des gouttes de vérité dans des océans de fausses nouvelles et de propagande plus ou moins élaborée, selon les publics cibles. Des sites auxquels j’ai pu faire confiance pendant des années, soudain semblent changer de bord, un site indigène (Pérou) publie une ode à Camacho, un site de gauche (Espagne) traite AMLO de fasciste…

Camacho "Jamais la Pachamama ne reviendra dans ce palais" dit-il en pénétrant dans le palais présidentiel

Camacho "Jamais la Pachamama ne reviendra dans ce palais" dit-il en pénétrant dans le palais présidentiel

 

 

La situation en Amérique Latine ne cesse de se complexifier, comme le jeu qui consiste à pêcher des gouttes de vérité dans des océans de fausses nouvelles et propagande plus ou moins élaborée, selon les publics cibles. Des sites auxquels j’ai pu faire confiance pendant des années, soudain semblent changer de bord, un site indigène (Pérou) publie une ode à Camacho, un site de gauche (Espagne) traite AMLO de fasciste…

Les fachos de la Media Luna Bolivienne, cela fait des années que je les suis, irrégulièrement, mais j’ai visité plusieurs de leurs sites, lu des centaines des commentaires qu’ils échangent entre eux avec leurs amis d’extrême-droite d’autres pays, d’autres contrées, les appels à exterminer les populations indigènes qu’ils se répètent ad nauseam, et récemment j’ai trouvé un article-enquête qui faisait une synthèse élargie de ce que j’avais pu apprendre jusque-là et qui ne laisse aucun doute Fundamentalista, paramilitar, fascista y millonario: Luis Fernando Camacho, líder del golpe en Bolivia il mériterait une traduction complète… comme tant d’autres sujets… je vais vous en donner quelques éléments qui concordent avec ce que j’ai pu vérifier par ailleurs. Vous trouverez quelques vidéos illustratives sur le lien donné ci-dessus.

C’est un texte de Max Blumenthal, le fait qu’il soutienne clairement Evo Morales n’enlève rien à la valeur informative de l’enquête. Qui est Camacho, qu’est l’Union des Jeunes Cruzenistes qu’il dirige, comment il va émerger du néant politique pour devenir le leader du coup d’état contre Morales alors que quelques jours avant presque personne ni en Bolivie, ni ailleurs n’avait entendu parler de lui, sinon dans les laboratoires de déstabilisations des USA, qui utiliseront les médias aux ordres pour le transformer en un instant en leader de la « révolution démocratique » en Bolivie.

Aujourd’hui quand j’entends les termes Démocratie, Liberté, Société Civile, je cherche la tentacule de la pieuvre fasciste qui se cache derrière les écrans de la désinformation, de la manipulation des consciences, de même que je prend des pincettes quand je vois les mêmes propagandistes matraquer du dictateur, narco-régime, terroriste, non pas pour JOH au Honduras, un des chouchous de Trump, mais bien pour Evo Morales ou autres des hommes à abattre.

Je suis critique de Morales, en fonction de ma propre vision d’avenir, cela n’efface pas tout ce qu’il a fait de bien pour son pays et pour ses habitants. Le taxer de dictateur narco-terroriste, se servir de cette requalification abusive pour le transformer en Cheval de Troie involontaire de l’invasion armée dont les USA menace le Mexique qui l’a accueillit, cela se sont des mensonges, des manipulations de l’histoire inacceptables. L’ex-indigène, oxygénée, remodelée et mal blanchie, qui joue en ce moment le rôle de Présidente très chrétienne (et raciste) de Bolivie, Jeanine Añez, dépose plainte contre AMLO à la Cours Internationale de Justice de la Haye parce qu’il « protège un terroriste ». Tout cela semblerait ridicule, si cela ne s’articulait pas avec d’autres mouvements et tactiques de l’extrême droite américaine (du nord, du centre, du sud) pour déstabiliser le Mexique et l’ensemble de la région. Ce sont des infos qui arrivent dispersées, un puzzle dont les pièces rassemblées montrent le sinistre dessein de la préparation d’un coup d’état au Mexique. Requalifier Evo de terroriste et faire de même avec les organisations du crime organisé, une autre grande manipulation en chantier (voir l’affaire LeBaron) permettraient aux USA de mener une invasion armée au Mexique sans autre forme de procès… mais les préparatifs de putsch au Mexique, bien que fortement lié est un autre sujet.

Revenons à nos Cruzénistes, mouvement notoirement connu en Bolivie, de longue date, pour son idéologie raciste et les violences qu’il commet contre la population indigène et les installations du gouvernement (ce que confirme un rapport de l’ambassade US, qui ajoute que leurs actions sont plus racistes que politiques). Ses membres reçoivent une formation paramilitaire, et pratiquent le salut nazi. Il faut rappeler que la Media Luna bolivienne dont ils sont originaires fut un des nombreux berceaux latinos de l’essaimage nazi, un des lieux où les héritiers d’Hitler se sont enracinés et reproduits, transmettant leur funeste idéologie à leurs descendant et gagnants de nouveaux adeptes à leur cause.

Dès que Evo Morales arrive à la présidence en 2006, ils sont outragés, humiliés d’être subordonnés à un sous-homme, un cafard indigène… je n’exagère même pas un tout petit peu, loin de là. Ils commencent à préparer leur revanche. En 2002, à l’âge de 23 ans, Camacho a été élu vice-président de l’Union des Jeunes Cruzénistes (UJCà.

Ils sont séparatistes et prêchent pour l’autonomie de leur région, et pour réaliser leurs projets ils ont formé une « garde civile », qui selon eux compterait 7000, un chiffre sur-évalué, toujours selon l’ambassade (US en Bolivie).

Après avoir visiter les membres de la UJC en 2007, le journaliste Benjamin Danglo les décrit comme « le poing de fer » du mouvement séparatiste de Santa Cruz et écrit à leur sujet :

« L’Union Juvenile est connue pour frapper et fouetter les paysans qui marchent en faveur de la nationalisation du gaz, lancer des pierres sur les étudiants qui se sont organisés contre l’autonomie, lancer des cocktails Molotov sur la télévision de l’état et attaquer brutalement le mouvement des Sans Terre qui luttent contre les monopoles agricoles ».

En 2008, Camacho a trouvé un ami et complice en la personne de Branko Marinkovic, président du Comité Civique pro-Santa Cruz, organisation marraine de UJC, dénoncé par la Fédération Internationale des Droits de l’Homme en tant qu’acteur et promoteur du racisme en Bolivie. Quand Marinkovic dénonce Evo Morales devant cette organisation pour les soi-disant persécutions politiques dont il serait l’objet, la FIDH lui répond par une lettre dans laquelle elle dénombre les actes de violence dont lui-même et son organisation se sont rendus coupables !

En Bref :  La FIDH exprime sa profonde préoccupation pour la recrudescence des actes violents fondés dans l’intolérance, la discrimination et le racisme pratiqués par le Comité pro-Santa Cruz et l’Union Juvénile Cruzéniste  – qualifiée par le FIDH « d’espèce de groupe paramilitaire » - parmi lesquelles figurent les harcèlements, menaces, assassinats de défenseurs de droits humains et de paysans qui luttent pour une juste répartition des terres mais qui mènent aussi des attaques contre des personnes ou des groupes du seul fait qu’ils sont indigènes ou partisans du gouvernement…..

En 2013, alors que les USA soutiennent ces organisations dans leur préparation d’un coup d’état contre EVO, le New York Times évoque une autre organisation membre du complot, la Phalange Socialiste (en souvenir du National Socialisme d’Hitler) Bolivienne, fondée sur le mode des Phalanges espagnoles de Franco, elle accueillera le bourreau nazi Klaus Barbie, avant que la CIA ne le recycle dans l’Opération Condor qui installe les dictatures militaires d’Amérique Latine à la fin du siècle dernier. Dans ce cadre la Phalange avait mené en Bolivie en 1971 le coup d’état qui avait renversé le gouvernement de gauche, son chef le général Hugo Banzer Suares s’attribua la présidence. Le précédent président avait commis le crime de nationaliser les industries du pays et d’en expulser les agences vecteurs d’ingérences de Washington…. Déjà vu ?

 

En 2019, ce sont ces mêmes organisations qui après des années de préparation et plusieurs échecs ont dirigé le mouvement qui a mis Evo Morales en déroute et à présent ce sont les mêmes Organisations Cruzénistes et leurs émules qui accompagnent police et militaires, au service du pseudo-gouvernement, dans des opérations destinées à remettre, par l’épouvante, à leur place d’esclaves et de bétail, les populations indigènes et les partisans d’Evo, et à les dissuader par la menace de tenter de participer à l’avenir à la vie politique du pays.

Et si demain l’occasion leur était donné de tuer massivement tout habitant originaire non exploitable sans merci pour leur propre profit, je n’ai aucun doute il le feraient, sans hésitation, ni état d’âme, ni remords…. Qui parlait d’éternel retour du même ? J’espère que non et que la réorganisation qui se produit au sein des mouvements ouvriers, paysans, indigènes arrivera à empêcher ce coup d’état de se perpétuer lors de prochaines élections. Mais cela c’est la suite de l’histoire.

L’article est encore long, il donne des éléments de la préparation de ce coup d’état militaire et paramilitaire, montre ses liens avec Washington et avec une nébuleuse fasciste internationale, etc.

Ce que je voulais mettre en évidence ici c’est la continuité et la répétition de politiques d’ingérence US en Amérique Latine et leur utilisation systématique d’organisations d’extrême-droite pour parvenir à leur fin. Ainsi que la menace que ces gens et les groupes auxquels ils appartiennent font peser « contre des personnes ou des groupes du seul fait qu’ils sont indigènes ou partisans du gouvernement….. » Afin de mettre en lumière les raisons d’une modification du rapport de force, nous ne sommes plus dans la lutte entre pro et contre Evo, mais dans un combat différent qui oppose les putschistes qui voudraient s’installer au pouvoir de manière durable à tous ceux qui par le passé ou récemment ont souffert des actes violents fondés dans l’intolérance, la discrimination et le racisme pratiques récurrentes des groupes suppôts de ce pouvoir fasciste.

La résistance s’organise et une jeune femme de 32 ans, Eva Copa Murga, membre du MAS a été élue constitutionnellement Présidente du Sénat. De nouveaux leaders apparaissent, qui réorganisent les forces politiques de manière critique et autocritique… Lien vers l’entrevue (en Esp) réalisée par radiodeseo, Eva y explique que sa première motivation pour accepter d’assumer cette lourde charge, c’est pouvoir contribuer à mettre un terme à la répression et restaurer un ordre constitutionnel dans le pays. Elle a pris en main les négociations avec la pseudo-présidente pour l’organisation d’élections et un accord a été signé dimanche. Mais cela je vous en parlerai par la suite

Anne W

 

Pour finir sur une note d’espoir, Eva Copa Murga, nouvelle présidente du Sénat que je soutiens de tout cœur, vous pouvez la voir ici une vidéo de quelques secondes qui ne peut être reproduite sans droits d'auteur...

Eva la courageuse

Eva la courageuse

Autres vidéos qui dressent un panorama de la situation Noticias Bolivia., la plupart sont courtes et illustratives.

 

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21 novembre 2019 4 21 /11 /novembre /2019 20:53

Introduction de la traductrice

En traduisant la vidéo qui suit, je suis arrivée à une conclusion : pour le fond rien n’a changé, ils ont simplement perfectionné leurs techniques. Au Guatemala en 1954, le président Arbenz a démissionné sous les pressions fabriquées depuis les USA…. Pourtant 69 ans plus tard tout le monde reconnaît qu’il y a eu coup d’état au Guatemala en ce temps là. Faudra-t-il autant de temps aux aveugles de l’intelligence et du cœur pour comprendre qu’en Bolivie à présent se déroule également un coup d’état ?

1954 Guatemala : Modèle pour les guerres psychologiques de la CIA

En 1950 Arbenz est élu président du Guatemala avec 65 % des voix. Il entame une réforme agraire qui nuit aux intérêts de la United Fruit qui était propriétaire de la moitié des terres fertiles du pays et de presque toutes les voies ferrées. Les travailleurs étaient payés 50 centimes par jour alors que la compagnie enregistrait des bénéfices annuels de 65 millions de dollars. Le programme agraire impulsé par le Président Guatémaltèque obligea la United Fruit à vendre des terres qui seraient attribuées aux paysans pour qu’ils y réalisent des projets productifs. Cette réforme fit que la compagnie se sentit menacée.

Au Guatemala les intérêts et la sécurité d’United Fruit – pardon des USA – sont menacés, il faut agir.

La CIA a découvert : le coup d’état fantôme.

En 1954 au Guatemala la CIA lance l’opération sous couverture PBSUCCESS.

500 rebelles vont affronter l’armée du président. La CIA a déjà choisi le prochain président du Guatemala qui sera à la tête de l’armée « rebelle. » Les soldats seront entraînés par Rip Robertson, un légendaire agent paramilitaire.

Il a été décidé de recourir à la guerre psychologique utilisée pour la première fois par la CIA.

Une opération de guerre psychologique sous couverture se base dans la tromperie, dans les mensonges : explication d’un coup d’état modèle du genre en se basant sur des archives déclassifiées récemment qui révèlent la première tentative de la CIA de renverser un gouvernement de gauche en Amérique Latine… et son premier usage déterminant de la guerre psychologique.

Interviennent dans la vidéo

-Stefan Schlesinger (StS), auteur de « Fruits Amers »

-Peter Kornbluh (PK) des Archives de sécurité nationale.

-Prof Kenneth Osgood (KO) (expert en Guerre Psychologique)

-Don Mann (DM) ex-membre des Forces spéciales US

- un expert d’aviation militaire (EaM)

- Mario Avila (Mario) témoin présentiel du coup d’état à Guatemala city

 

12 août 1953, à Washington se tient dans le plus grand secret une réunion à la Maison Blanche. Trois hommes se réunissent le président Dwight Eisenhower, son secrétaire d’état et Allen Dulles directeur de l’Agence Centrale d’Intelligence [et frère de Forster Dulles avocat de la United Fruit Company]. Objectif : faire face à une nouvelle menace à la sécurité du pays. Un petit pays d’Amérique Central, le Guatemala a défié les hommes les plus puissants des USA.

StS :« Eisenhower dirigeait le pays de manière très clandestine et entre les 3 ils élaborèrent de nombreuses stratégies qu’ils appliquèrent dans le monde entier. »

Ils ont un nouveau problème, : un petit pays à 1300 kilomètres de la frontière Sud, Guatemala a élu récemment un leader avec des liens communistes notoires, Jacobo Arbenz Guzman. Arbenz, déjà, a commencé à menacer les intérêts étasuniens, son gouvernement confisque des milliers d’hectares de l’entreprise multinationale United Fruit.

PK : « A quoi s’ajoutait le fait d’être une menace pour la sécurité des USA ? Avec la guerre froide qui bat son plein, la grande préoccupation à Washington est d’empêcher que le communisme se propage dans le monde entier, en particulier dans l’hémisphère occidental. La CIA commençait à voir des communistes de toutes parts et elle était disposée à utiliser tous les moyens pour réduire leur pouvoir. »

 

1954 Guatemala : Modèle pour les guerres psychologiques de la CIA

La décision est prise, ils doivent renverser Arbenz.

 La CIA décide de mener une opération pour renverser le président du Guatemala. Elle présente au président un document top secret qui contient un plan extraordinaire : la dite Opération PBSUCCES.

STS : « Il résumait la manière dont peut se renverser un régime établit sans utiliser de troupes étasuniennes. » Le plan est d’appuyer secrètement un soulèvement armé contre Arbenz leader du Guatemala élu démocratiquement et de le renverser par un coup d’état.  Mais Eisenhower a des doutes. Il faut empêcher que le complot de la CIA puissent être relié au président des USA.

STS : « Pourquoi les USA avaient-ils aussi peur de se voir impliqués ? L’opération pouvait être perçue comme le renversement d’un gouvernement élu démocratiquement, une violation des principes des Traités qu’ils avaient signés devant les Nations Unies. Cela aurait endommagé la réputation des idéaux étasuniens. »

PK :« Personne ne devait pouvoir attribuer l’opération au président US »

L’opération combine 3 stratégies clés. Premièrement une invasion avec une petite armée spécialement entraînée. Ensuite l’application d’une pression politique extérieure et pour finir, la CIA utiliserait toute une panoplie de tromperies.

L’opération PBSUCESS inaugurait une nouvelle stratégie, des choses qu’on avait jamais vu auparavant, des actions qui n’avaient jamais été mises en pratique. Ces méthodes sont tellement novatrices que la CIA ne sait même pas si cela va fonctionner. C’était risqué parce que personne ne savait exactement ce qui allait se passer. On considère que l’opération à seulement 40 % de chance de réussir.

La CIA doit planifier rapidement une opération sous couverture et réalisable. 

Eisenhower dit : « En avant, nous devons le faire. Je crois que cela va fonctionner et qu’il est important de le faire. »

Le premier mouvement de la CIA est d’installer un Centre Secret de Commandement à la base de Opa Locka à Miami, en Floride. Ce centre est tellement secret que seulement quelques hommes qui travaillent directement sous les ordres du président connaissent sa localisation.

StS : « Pourquoi à Miami ? En premier lieu parce que c’était loin de Washington. S’ils le faisaient depuis Washington, toute l’opération aurait pu se révéler au grand jour. »

Une fois le Centre de Commandement préparé, la CIA a besoin d’un homme de paille qui puisse diriger une armée rebelle contre le Président du Guatemala. Le leader devait être quelqu’un de malléable qui obéisse aux ordres de la CIA et soit loyal au gouvernement des USA. La CIA incline pour un homme nommé Castillo Armas. Armas est un colonel guatémaltèque charismatique et ambitieux. Trois ans plus tôt, il avait participé à un coup d’état militaire raté. Il avait été emprisonné, et selon les rumeurs, il avait réussi à s’échapper grâce à un plan très audacieux. La CIA va le trouver exilé au Honduras.

PK: « La CIA avait décidé qu’il était le candidat parfait pour diriger l’attaque et par son intermédiaire rétablir le contrôle étasunien sur le Guatemala.. » Armas vole jusqu’au Centre de Commandement de Opa Locka. Les deux parties parviennent à un accord.

Le défi suivant est de créer une force guérilla « rebelle » qui mènera le soulèvement. La CIA établit une base secrète dans la forêt d’Amérique Centrale.

 

Honduras, Amérique Centrale. Camps d’entraînement des Forces Rebelles L’homme élu pour entraîner l’armée secrète est Rip Robertson, un vieux spécialiste des opérations militaires sous couverture.

DM : « Il adorait se retrouver dans la forêt. Un véritable guérillero ne cesse jamais d’être en guerre, et Robertson était comme cela. » STS : «  Rip Robertson, ce genre de choses l’enchantait, il était né pour faire cela. Et qu’on le paye pour le faire sous la protection du gouvernement des USA devait lui sembler être le paradis. ».

En janvier 1954 commence la période d’entraînement. L’ordre est donné à Robertson de convertir ces hommes en une force de combat bien entraînée en 6 mois. Il s’agit de réfugiés guatémaltèques recrutés dans d’autres pays d’Amérique Centrale. Parmi eux, il y avait des mercenaires professionnels. Maintenir le nombre des effectifs en dessous de 400 permet de les entraîner en secret.

DM :« Rick Robertson dû entraîner son équipe aux tactiques de guérilla. Comme on dit dans le monde des Opérations Spéciales : pouvoir entrer, causer le dommage désiré et partir sans être repéré. » Robertson les entraîne pour qu’ils dominent le sabotage, les explosifs et différents armements. Il les soumet a un épuisant programme d’exercices physiques qui devra leur permettre de progresser sur les terrains difficiles du Guatemala. Mais cela, c’est la partie facile. Armas et son armée de mercenaires  vont devoir affronter un adversaire formidable : l’armée du Guatemala.

STS : « Le Guatemala disposait de la meilleure armée et des forces de polices les plus nombreuses d’Amérique Centrale. » L’armée comptait 16 000 hommes, il y en avait 13 000 dans les forces de police. Un nombre de loin supérieur à de n’importe quel autre pays d’Amérique Centrale.

A ce moment l’armée est loyale à Arbenz, son leader récemment élu qui compte avec l’appui du peuple Guatémaltèque. Arbenz est également un général expert.

PK:« Arbenz lui-même était un militaire respecté, considéré comme brillant et cultivé par la propre CIA. »

Contre un politique aussi populaire et brillant les chances de la CIA paraissent très faibles.

KO ;« La grande question était : comment vaincre avec une armée rebelle de 300 ou 400 hommes une armée de 5 000 ou 6 000. » La CIA pense avoir la réponse, : une arme secrète élaborée de manière occulte au sein de l’agence et qui n’avait jamais été utilisée aussi près du territoire étasunien… jusqu’à ce moment, la guerre psychologique. KO : « Les opérations psychologiques se fondent dans la tromperie, dans le mensonge. Il s’agit d’employer des sales moyens, de manière occulte, cela ne fonctionne pas si on révèle son identité. »

Les opérations psychologiques sont utilisée depuis la Seconde Guerre Mondiale, mais jusque-là, elles n’avaient jamais été utilisée à une telle échelle.

STS : « C’est la première fois que la CIA utilise une manœuvre de ce genre pour renverser un gouvernement »

La CIA recrute un présentateur de radio expert en relations Publiques David Atlee Phillips pour exécuter la phase psychologique de l’Opération. C’est la dite « Opération Sherwood ». Son objectif était de saper la popularité du Président pour qu’il perde tous ses soutiens.

Ko : « Ce qu’il firent, c’est de créer une émission de radio clandestine qu’ils appelèrent « radio libération ». L’idée était de présenter cette émission comme la voix secrète de l’armée de libération qui était sur le point de libérer le peuple du Guatemala. »

1954 Guatemala : Modèle pour les guerres psychologiques de la CIA

Studio d’enregistrement. Opa Locka, Miami

L’opération se déroulera depuis Opa Locka. Phillip reçoit le soutien de 2 présentateurs guatémaltèques qui figurent dans les archives déclassifiées comme Mario et Pepe. Comme partie de l’offensive psychologique, ils doivent enregistrer des centaines d’heures de programmes radiophoniques qui seront ultérieurement émis au Guatemala.

KO : « Une des premières questions qui s’est posée aux agents de la CIA est : A qui allons-nous nous adresser ? » Phillips doit choisir entre s’adresser au peuple guatémaltèque, à l’élite intellectuelle ou aux leaders religieux. KO : « A tous, mais le premier objectif est l’armée.  L’armée et les généraux sont les cibles fondamentales. » Phillips savait que les généraux et le commandement supérieur étaient le plus grand obstacle.

KO :« Tout correspondait à l’objectif fondamental des opérations sous couverture qui était de creuser un fossé entre Arbenz et l’armée. «  Phillips élabora une série de programmes de radio conçus pour éloigner l’armée de son leader. Un d’eux s’appelait « On l’accuse de haute trahison » Dedans on accusait Arbenz d’avoir abandonné son armée, de l’avoir trahie, d’être un traître contre lequel il fallait agir immédiatement. L’objectif des programmes qui concernent cette trahison est de semer l’idée que les officiers qui resteront loyaux recevront un traitement sévère après le coup d’état. 

Radio Libération : « A la suite figurent plus de noms à ajouter à la liste noire des traîtres à la patrie, » ensuite Phillips s’adressa au point faible des officiers, leur porte-monnaie. KO : « Dans une de ses compagnes, il suggéra que la monnaie était sur le point de s’effondrer et qu’Arbenz n’aurait pas d’argent pour payer les officiers. Rien ne faisait plus peur dans les rangs des soldats qui le sont pour l’argent que l’idée qu’ils ne seront pas payés. »

Jour après jour, nuit après nuit, pendant 6 semaines entières, Phillips et son équipe réalisent des centaines d’enregistrement. Quand les enregistrements sont prêts, la CIA les transporte depuis d’Opa Locka, Floride jusqu’à un émetteur secret près de la frontière du Guatemala. KO : « Jusquà aujourd’hui nous ne savons toujours pas d’où fut émise l’Opération Sherwood. ; Certains rapports la situe dans la forêt du Honduras et d’autre dans une grange de l’Hacienda du dictateur du Nicaragua »

1er mai 1954, moins de 3 mois après le recrutement de Phillips, Radio Libération commence à émettre : « Radio Libération émettant depuis un lieu secret à l’intérieur de la République transmettra 2 fois par jour » La propagande des programmes radiophoniques enregistrés à Opa Locka est écoutée par des dizaines de milliers d’auditeurs de tout le Guatemala, ils ignorent qu’il s’agit d’un complot de la CIA. Alors que l’armée rebelle entraînée par Robintson est prête à attaquer.

1954 Guatemala : Modèle pour les guerres psychologiques de la CIA

La CIA exécute la phase finale de son plan : isoler politiquement le président Arbenz.

A la fin octobre 1953 a commencé le complot pour l’isoler, la CIA a envoyé au Guatemala le diplomate étasunien John Peurifoy. PK : « L’ambassadeur Peurifoy fut choisi avec soin pour sa personnalité arrogante et son opposition frontale au communisme. » Son travail consiste à augmenter la pression contre le Président Arbenz. STS : « Peurifoy était très ostentatoire, il portait des chapeaux Borsalino ornés de plumes. Il portait toujours un pistolet dans ses fontes. » Sa première attaque contre Arbenz eut lieu seulement une semaine plus tard quand il est invité à se réunir avec le Président du pays. PK : «Cela devait être une scène extraordinaire. La seule chose que fit Peurifoy, c’est de critiquer la présence de communistes dans son gouvernement. » STS : « On peut dire que cela servirait comme indicateur de comportement de Peurifoy pour l’avenir. »

Un des premiers travaux de Peurifoy fut de créer une délégation secrète de la CIA dans la ville de Guatemala. Mais où un ambassadeur pouvait-il établir un centre d’Opérations sans être découvert par le gouvernement ? Dans l’ambassade des USA, bien sûr, où lui-même travaillait. STS : « Elle occupa un étage entier de l’ambassade pour se charger de toute la planification interne nécessaire pour parvenir à leur objectif final qui était de se défaire de Jacobo Arbenz.  C’était une zone de l’ambassade dont l’unique fonction était de travailler pour renverser le Président Arbenz. On peut imaginer, les cartes, les chaînes de commandement, les personnes à contacter, la planification de différentes tactiques qui vont être utilisées, un ensemble de choses destinées à chercher comment parvenir à mettre en déroute ce gouvernement. »

Une fois établie la base de la CIA dans l’ambassade, Peurefoy commence a repérer quels membres de l’élite guatémaltèque sont susceptibles de se retourner contre leur propre gouvernement. Une des choses qui se fit depuis l’ambassade des USA fut de payer des officiers de l’armée pour qu’ils désertent. Ce fut une opération cruciale, vu que les planificateurs de la CIA pensaient que s’il parvenaient à influencer l’armée, ce serait la fin d’Arbenz. Arbenz la considérait comme une défense inexpugnable et ce fut compliqué de découvrir par quel moyen l’annihiler.. Beaucoup de temps fut nécessaire pour convaincre des officiers de déserter contre des payements en effectif. De fait, à un moment une personne offrit de l’argent à Arbenz lui-même pour qu’il abandonne le pouvoir. Naturellement il jeta cette personne hors de son bureau pour le lui avoir simplement suggéré. Ils essayèrent d’éliminer tous ses soutiens dans l’armée pour l’affaiblir, pratiquement jusqu’au point où elle ne serve plus à défendre Arbenz. »

Pendant que Peurifoy essaye de gagner l’ennemi depuis l’intérieur du Guatemala, la CIA cherche aussi dans le reste du monde des manières de saper le pouvoir d’Arbenz. La CIA a besoin d’un grand événement, un accident politique tellement grave qu’il permette aux USA de déchaîner une grande campagne politique contre Arbenz. STS : « Ils cherchaient quelque chose qui justifie ce qu’ils étaient sur le point de faire et ils le rencontreront par surprise. » Le coup de chance de la CIA ne s’est pas produit au Guatemala, sinon à 10 000 kilomètres de là dans un pays communiste de l’Europe de l’Est. 

1954 Guatemala : Modèle pour les guerres psychologiques de la CIA

Le 17 avril 1954, Szczecin, Pologne

Un espion de la CIA en Pologne découvrit un chargement suspect sur un bateau, le Afhelm. STS : « Ils se rendirent compte que ce bateau avait certaines caractéristiques inhabituelles, qu’il pouvait transporter des armes. » L’espion informa la CIA au sujet du Afhelm, averti qu’il était possible qu’il se rende en Amérique. La CIA surveilla le trajet du Afhelm. alors qu’il se dirigeait vers les Caraïbes. Elle contrôle le voyage du Afhelm qui passa par l’Afrique avant de se diriger vers Antilles Hollandaises. Au bout de trois semaines, soudain il vira vers le sud. Pour leur surprise, et satisfaction, sa destination était Porto Barrios au Guatemala.

Porto Barrios, Guatemala 17 mai

Quatre semaines plus tard quand le Afhelm aborde, la CIA obtient de son chargement toutes les preuves dont elle a besoin : au total ce sont deux tonnes d’armes légères comme des fusils, des mitrailleuses et des mortiers. STS : « Obtenir une preuve que les communistes étaient infiltrés au Guatemala fut une justification pour l’envahir. » Eisenhower dispose de toutes les munitions diplomatiques dont il a besoin pour déchaîner une campagne politique contre Arbenz. En réponse au chargement d’armes, il envoie des navires, des avions et des sous-marins de l’armée pour patrouiller près des côtes du Guatemala. STS : « Il utilisa tout son arsenal pour mettre en déroute le gouvernement du Guatemala. Eisenhower était décidé à y parvenir. » Arbenz peut seulement être témoin avec horreur de la manière dont son pays est étranglé par un blocus naval. Lui et ses généraux se demandent si les USA pourraient envahir leur pays .

PK : « A ce moment, Arbenz compris qu’une grande campagne avait été organisée à son encontre. Alarmé par la démonstration de force de Washington, » Arbenz tente une conciliation politique avec les Washington. Il envoie son Ministre des relations extérieures à se réunir avec Peurifoy pour voir s’il pourrait obtenir une trêve. Mais la dernière chose que voulait la CIA à ce moment, c’est d’une trêve. L’opération PBSUCCESS a un unique objectif, un changement de régime.

 

15 juin 1954. L’armée rebelle formée de 500 hommes est transportée vers des bases offensives plus avancées, près de la frontière du Guatemala. Les troupes sont déployées en cinq points offensifs au large de la frontière orientale du Guatemala. En la divisant en 5, la CIA espère créer l’illusion d’une armée beaucoup plus grande qu’elle ne l’est réellement. ‘STS : « Ils voulaient faire croire qu’il s’agissait d’une attaque à grande échelle depuis la côte du Pacifique, de l’Atlantique et des pays voisins qui détruirait toute les défenses du Guatemala et qui permettrait à Castillo Maras de s’emparer du pouvoir. « Pour appuyer l’invasion terrestre, la CIA fait voler une douzaine d’avions jusqu’aux premières lignes. Ils furent piloté par des pilotes des forces aériennes des USA qui n’ont pas été identifiés jusqu’ici.

KO : « Depuis la perspective de la psychologie militaire, l’usage d’avions sera terriblement important. » Les avions n’appuieront pas seulement les troupes, ils joueront aussi un rôle psychologique clé, déjà parce qu’ils intensifieront l’illusion d’une grande invasion. Avec le soutien aérien préparé et l’armée en place, prête à agir, la CIA prend contact avec le leader des rebelles Guatémaltèques, Castillo Armas et donne le feu vert pour l’invasion. DM : « Beaucoup de choses étaient en jeu et on ne pouvait pas se permettre que cela se passe mal. »

1954 Guatemala : Modèle pour les guerres psychologiques de la CIA

18 juin 1954, le coup d’état commence

Aux dernières heures du jour, le leader du putsch Castillo Armas se trouve sur une route écartée tout près de la frontière du Guatemala, il dirige un groupe formé par 120 des 500 soldats qui forment le contingent oriental de l’invasion. Si tout se déroule comme prévu, d’ici quelques jours il sera le prochain président du Guatemala.  En s’approchant de la frontière, ils virent qu’il y avait 2 gardes. L’un deux est un fonctionnaire des douanes. Il est rapidement abattu. DM : «  C’est le premier coup de feu du coup d’état. » A partir de là, c’est le chaos. Le second tombe mort pendant que le convoi traverse la frontière du Guatemala. DM : « Le plan est de continuer en avançant à pieds. La CIA a opté pour une attaque de guérilla pour occulter le véritable nombre des soldats. Plus de temps il serait possible de faire croire à l’armée qu’elle était confrontée à des milliers de personnes, plus grand serait l’avantage. Les hommes de Armas avancent sur des terrains abrupts pendant 3 jours entiers. Il est difficile de s’orienter dans l’es épaisseurs de la forêt, surtout qu’il y avait des pluies torrentielles. »

Le troisième jour de l’invasion, ils parviennent à la petite ville de Kipulas. Après une brève bataille avec des policiers locaux, Castilla Armas obtient sa première victoire. STS :« Les habitants de Kipulas devaient être commotionnés de voir apparaître ces guérilleros sur la Grand Place. Quelques soldats fournirent des armes aux habitants du village, déconcertés, pour donner l’impression qu’ils s’étaient joints à Castillo Armas pour renverser Arbenz. »

Pendant ce temps, 100 kilomètres au Nord de la position de Armas, le second contingent de l’invasion croisait la frontière.A Gualán, ils se heurtèrent à une garnison de l’armée. Gualán, ouest du Guatemala. C’est la bataille la plus sanglante de l’invasion jusque-là, elle va durer 36 heures. C’est la première grande épreuve pour les mercenaires de la CIA entraînés par Rip Robertson. DM :« Ou tu les tues, ou ils essayeront de te tuer, c’était une question de vie ou de mort. » Mais la situation va empirer. L’un après l’autre, les « rebelles » commencent à fuir. Quand les soldats restants se rendent compte de ce qui se passe, aucun d’entre eux ne veut être capturé et accusé de trahison. DM : « A voir fuir 2, 3, 5, 6 personnes ils commencent à penser que c’est peut-être la meilleure option. C’est le genre de problème qui surgit avec une armée irrégulière. » Finalement quasi toute la deuxième colonne fuit et retourne vers la frontière. C’est le premier grand revers pour l’armée « rebelle ». Beaucoup de ses soldats ont été blessés ou sont morts.

A Washington. La situation est sur le point d’empirer. Le plan était d’augmenter la pression sur le Président du Guatemala dans le champ diplomatique. Mais les leaders mondiaux ont des soupçons sur l’attitude des USA. StS : « Le gouvernement dArbenz décide de recourir à diverses organismes internationaux en quête de protection. Le premier fut l’ONU, le second fut l’Organisation des États Américains (OEA). »

Extrait d’infos :« A Caracas, la dixième Interaméricaine écoute Toriello, ministre des relations extérieures du Guatemala, cible d’une résolution des USA... »

Les Nations Unies vont jusqu’à mettre en place une équipe d’investigation pour analyser l’invasion. Le complot de la CIA court le risque d’être découvert, et les responsables de l’Opération PBSUCCESS disposent de peu de temps pour éviter que cela se transforme en un coup d’état manqué qui aura coûté des millions de dollars et une humiliation internationale.

Au Guatemala, la phase suivante de l’opération va de mal en pis. Le troisième détachement de l’invasion qui est parti du Salvador ne parvient même pas à pénétrer au Guatemala. 60 »rebelles » sont détenus alors qu’ils tentent de croiser la frontière. Le quatrième détachement, chargé d’attaquer Puerto Barrios au Nord du pays est mis en déroute par des travailleurs portuaires armés.

KO : « La situation paraissait chaque fois pire ». Et ce ne sont pas les seules mauvaises nouvelles que reçoit la CIA : les attaques aériennes ne parviennent pas non plus à atteindre leurs objectifs. Quasi tous les avions de combat sont immobilisés par des avaries mécaniques, StS : « L’attaque aérienne est réduite de 50 ou 60 % avec pour conséquence que l’armée d’invasion a perdu presque tout son appui aérien. Et la CIA est préoccupée à l’idée qu’elle ne soit pas capable de gagner sans cette démonstration de force. Le vital appui aérien reste au sol et le « soulèvement armé » a seulement réussi à pénétrer de 10km dans le pays. Toute l’opération est suspendue à un fil. PK : « Seuls les hauts dirigeants de la CIA savaient à quel point l’opération était sur le point de se solder par un échec. »

23 juin 1954. KO : « Peu après avoir lancé l’attaque, la CIA reçoit des services d’intelligence un rapport secret. (à présent déclassifié) qui disait : nous ne savons pas comment tout cela va se terminer. Si l’armée reste fidèle à Arbenz, tout est perdu. Mais si elle se retourne contre lui nous aurons des chances de gagner. »

L’opération approche d’un point critique et Allen Dulles, directeur de la CIA tient avec le président une réunion secrète d’urgence. Le président est surpris par l’échec des opérations militaires. StS :  « Eisenhower est déconcerté vu qu’il pensait que tout s’était déroulé selon les plans de la CIA ». Dulles lui dit d’emblée que l’unique option pour renverser la catastrophique invasion, c’est que le président autorise l’envoi d’un petit contingent des meilleurs avions des USA. Le président lui demande : « Nous pouvons vraiment gagner si je te donne deux avions supplémentaires ? » Dulles répond : « Je crois que nous aurions 20 % de probabilité de gagner. » Après quelques secondes, Eisenhower, lui dit : C’est bon, je te les donnerai. »

Les archives déclassifiées révèlent que le président accorda à Dulles deux nouveaux chasseurs bombardiers F47 d’une valeur de 250 000 $. Le F47 Thunderbold sera sans doute le meilleur avion de combat en Amérique Centrale à ce moment. La CIA est préoccupée par l’idée que quelqu’un puisse découvrir l’implication des USA et fait retirer les insignes étasuniens des avions qui volent illégalement jusqu’en Amérique Centrale. KO : « Ils avaient la sensation que tout cela pouvait mal finir, mais il fallait le tenter de toute façon » Même s’il parait peu probable que les F47 puissent changer le déroulement de l’invasion.

1954 Guatemala : Modèle pour les guerres psychologiques de la CIA

La CIA garde un as dans sa manche : LA GUERRE PSYCHOLOGIQUE.

STS : « Dans l’opération PBSUCCESS, tout se fonde sur des illusions. « Il s’agit de faire croire au peuple guatémaltèque qu’une énorme armée « rebelle » est sur le point de s’emparer du pays. La CIA augmente la fréquence des émissions de « Radio Libération » qui commence à émettre en permanence des bulletins qui annoncent une invasion dévastatrice. KO : « C’est une succession d’histoires des victoires des « rebelles », il est question de voies ferrées bombardées, de dépôts d’aliments sabotés… mais la réalité est complètement différente. L’armée de Armas est à des centaines de kilomètres de distance. »

L’objectif suivant de la CIA, c’est l’armée guatémaltèque. KO : « La CIA et l’Opération Sherwood obtinrent une grande victoire quand un colonel qui avait commandé les forces aériennes guatémaltèques déserta, croisa la frontière pilotant son avion privé et se rendit à la CIA. » David Atlee Phillips qui avait été responsable de la campagne de radio voulait que le Colonel annonce sa désertion en direct, mais celui-ci s’y refuse. KO : « Phillips feignit d’accepter son refus et lui servit un whisky et puis un autre, jusqu’à laisser le bonhomme à moitié saoul. Le colonel était toujours d’avantage en état d’ébriété. Phillips usa un magnétophone pour enregistrer le récit de sa désertion sans qu’il s’en rende compte et dès qu’il put, Phillips édita l’enregistrement et le diffusa. »

Non seulement les autres officiers de la force aérienne écoutèrent l’enregistrement ; le Président Arbenz l’entendit aussi. Il ordonna immédiatement que les forces aériennes guatémaltèques restent au sol de peur que d’autres officiers décident de déserter. KO : « Ce fut un grand triomphe de l’Opération Sherwood. Et ils continueront à utiliser des trucs de ce style. Chaque fois plus et encore plus trompeurs. Il utilisa un truc ingénieux pour gagner de la crédibilité auprès des auditeurs. Il feignit une attaque de l’émetteur. Ceux qui étaient en syntonie avec la radio, écoutaient une émission normale et d’un moment à l’autre, ils entendirent des cris, des gémissements, des enfants qui pleuraient et d’un coup, l’émission fut coupée. Le silence se fit. » Mais tout était une tromperie pour faire croire par la suite aux auditeurs que la radio a réussi à recommencer à émettre  KO [en pleine jubilation ! NdT] : « Le jour suivant la radio recommença à émettre avec un ton triomphal, comme pour dire, nous sommes de retour. »

23 juin 1954, Guatemala City... « une des expériences les plus terrifiantes que puisse souffrir une personne sur cette terre »

La nouvelle tromperie se produisit quand les deux nouveaux F47 arrivèrent au Guatemala. Six jours après le début de l’invasion l’attaque aérienne commence. EaM :« Jamais encore on avait vu des F47 attaquer une ville en volant à basse altitude et de manière aussi agressive ». Mario : « Quand nous avons entendu les avions, ma mère s’effraya très fort. Ce fut très compliqué, ce moment. Nous n’avions encore jamais vécu de guerre nous autres ». L’attaque aérienne est tellement impactante que les guatémaltèques inventent un surnom tout à fait approprié pour les bombes : « Sulfatos ». EaM : « Sulfato était le terme utilisé pour faire référence à un laxatif, un truc qui t’envoie aux toilettes. C’était cela l’effet que les bombes produisaient sur la population du Guatemala . Et après les bombes, les mitrailleuses. C’est sans doute une des expériences les plus terrifiantes que puisse souffrir une personne sur cette terre. Imagine un avion qui fait un bruit effrayant duquel il semble impossible de s’éloigner, qui vient directement sur toi, avec ses armes étincelant sur ses ailes » Mario : « Cela sème la panique, c’est quelque chose de très épouvantable. Ce n’est pas la peur… normale, c’est de l’épouvante».

KO : « Imagine une scène comme celle-là au Guatemala, un pays qui n’avait jamais expérimenté des bombardements terrifiants. Soudain surgit un avion qui vole très bas, avec les moteurs qui rugissent, laissant tomber des explosifs et tu entends près de toi un bruit horrible. »

Malgré la terreur produite, les archives déclassifiées de la CIA révèlent quelque chose de surprenant : (Eam) : « Je ne crois pas qu’ils prétendaient causer un grand dommage. S’il avaient voulu utiliser les F47 pour lancer une attaque aérienne dévastatrice, ils auraient utiliser les bombes de 227kg pour lesquelles ils ont été conçus, mais ils ne le firent pas. Ce type de F47 peut transporter 3 bombes de 227 kilos, ils auraient pu causer beaucoup plus de dommages avec celles-là. » De fait les dommages furent plus apparents que réels [sic Et les chocs post-traumatiques comme on les appelle à présent ? NdT], selon les rapports il n’y a pas eu une seule mort, et il n’y a pas une seule bombe vraiment puissante qui a été lancé pendant l’attaque. KO : « La vérité que que pendant certaines attaques ils larguèrent aussi des bouteilles de coca cola depuis les avions parce que l’explosion du verre produit une forte explosion. »

Tout cela fait partie de l’Opération Psychologique. L’objectif de l’attaque aérienne n’est pas de tuer, mais de semer le chaos et la terreur parmi la population guatémaltèque. KO : « Ils laissèrent tomber une bombe, une bombe énorme, qui en réalité n’était pas un artefact explosif mais qui projeta un immense nuage noir sur la ville donnant l’impression que quelque chose d’horrible s’était produit. » La bombe de fumée donna l’impression aux guatémaltèques qu’ils avaient subit une attaque directe. Mario: « C’est quand nous avons vu qu’il y avait de la fumée noire… en... en un lieu de la capitale... ». Les tactiques psychologiques de la CIA vont toutefois encore plus loin. KO : « Ils utilisèrent un autre truc propre aux opérations sous couverture : répliquer le son d’un bombardier. » Ils installèrent dans l’ambassade de la ville de Guatemala des énormes hauts parleurs qui reproduisirent le bruit d’un bombardement et du vol d’avions à réaction pour causer de la terreur chez la population. Mario : « Ce que raconte les personne âgées, c’est qu’ils allaient tuer beaucoup de gens et qu’il valait mieux ne pas participer d’avantage à la défense du gouvernement. »

Une invasion qui en réalité n’existe pas !

Alors que l’offensive psychologique avait commencé à produire des résultats, l’armée « rebelle » avait été réduite à une poignée de désespérés qui n’avaient pas pénétrés de plus de 10km dans le pays. Et Arbenz était toujours au pouvoir. La CIA était sur le point de faire une découverte inespérée, une lumière qui transformerait sa défaite en immense victoire.

KO : « Juste à ce moment critique, Phillips recourut à ce qu’il a appelé son meilleur et plus important mensonge ». Son plus grand et plus important mensonge, c’est la dernière phase des fausses émissions de radio pour donner une version totalement inventée de l’invasion. KO : « D’une certaine manière, il y avait deux invasions. D’un côté la vraie qui consistait en une force d’invasion infime avec ses effectifs réduits de moitié. Et d’un autre côté, la situation inventée par « radio libération «  qui suggérait que les troupes avançaient sans rencontrer d’obstacles. »

Les émissions de radio de la CIA parlent d’une victoire après l’autre ; une invasion qui en réalité n’existe pas. KO : « Ils disaient que les forces rebelles avançaient sur la capitale, que l’invasion était un succès, que le soulèvement était en marche. C’était une histoire après l’autre sur l’inévitable victoire des forces « rebelles ». Le plus grand mensonge de tous arriva quand la radio annonça que des milliers et des milliers de soldats s’approchaient de la ville de Guatemala. Sts : « Le mensonge, c’était ces deux colonnes de l’armée qui marchaient sur la capitale prêtes à s’en emparer ». La mise sur le grand mensonge porta ses fruits. Des milliers de Guatémaltèques fuirent la ville, la circulation était bloquée, la ville se paralysa petit à petit. Tmario : « Et les gens s’enfuirent à la périphérie de la ville. Les familles furent évacuées ».

Le moment critique du grand mensonge, fut quand les hauts commandements tournèrent le dos au Président du Guatemala. KO : « Le grand moment de l’opération psychologique sous couverture arriva quand plusieurs colonels de l’armée firent clairement savoir à Arbenz qu’ils ne resteraient pas à ses côtés. Basiquement, ils lui dirent : « Toi et tes amis communistes, tu nous a crée des problèmes avec les étasuniens, maintenant tu dois démissionner. ». L’un après les autres les officier qui entourent Arbenz s’éloignent d’un président toujours plus isolé. KO : « Imaginez un colonel de l’armée du Guatemala écoutant les nouvelles sur ces opérations militaires, et se demandant : Où est-ce que je vais finir quand la situation se calmera ? » La pression sur Arbenz, politiquement isolé, atteint de grandes dimensions. Non seulement se redoute la déroute par les armes, existe également l’effrayante possibilité que ce soit les USA qui soient derrière tout ça. PK [en pleine jubilation à son tour NdT]: « La question n’était pas de savoir s’il luttait contre Castillo Armas et ses hommes, mais si c’était les États-Unis qui s’apprêtaient à envahir le pays et qu’il faudrait affronter. »

STS : « Arbenz était assis dans le bureau présidentiel, déconcerté et sans savoir ce qu’il devait faire. Il s’était écroulé intérieurement. La CIA avait réussi à le miner, et cela fut réellement la fin de son mandat. ». Avec le commandement de l’armée contre lui, Arbenz démissionne le 27 juin.

StS : « Il n’a pas pu le supporter, les pressions  psychologiques étaient trop grandes»

 

Épilogue

Dix jours plus tard, Castillo Armas prête serment comme nouveau président du Guatemala. Le colonel exilé,, qui il y a un peu plus d’une semaine était une figure presque inconnue au Guatemala, s’est transformée en la personne la plus puissante du pays. A Washington, l’Opération PBSUCCESS est considérée comme une énorme victoire. KO : « Selon tous les paramètres s’est une opération qui n’aurait pas du bien se terminer. Ce fut possible grâce à l’audace, la volonté et d’une certaine manière à un absurde manque de prudence. »

STS : « L’opération PBSUCCESS fut une tromperie brillante. Une des grande conquêtes parmi les tromperies logistiques réalisées par la CIA. »

L’opération PBSUCCESS démontra que la guerre psychologique pouvait être utilisée comme une arme létale et efficace. Elle trompa un pays entier et réussi à renverser un président. Au sein de la CIA, PBSUCCESS se convertit en un modèle pour les changements de régimes dans le monde entier

 

Moralité (de la traductrice)

Il est dangereux pour un gouvernement de défier les transnationales.

Dans la doctrine de sécurité des USA, qui leur permet à leurs yeux d’intervenir comme bon leur semble contre tout qui à leurs yeux présente une menace pour les intérêts de la sécurité des USA, il faut entendre USA non un territoire habité par des personnes, mais comme une entité qui réunit les Corporations qui se sont emparées du pouvoir et ceux qui les servent. L’avenir l’a confirmé, les fabuleux bénéfices de la United Fruit, obtenus grâce au travail esclavagiste, n’étaient pas destiné à faire le bien de la population des États-Unis, un pays où actuellement des dizaines de millions de personnes crèvent dans la misère et un adulte sur cent croupit en prison. 69 ans nous séparent de ce premier coup d’état d’une longue série ininterrompue de coup d’états en Amérique Latine, toujours pour les mêmes raisons. Il y a 69 ans au Guatemala ressemble beaucoup trop à hier en Bolivie

 

Anne Wolff, traduction du documentaire La CIA al Descubierto: GUATEMALA

 

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27 octobre 2019 7 27 /10 /octobre /2019 19:48
Honduras et ingérence étasunienne, Mel Zelaya témoigne

« […] la faiblesse et la fragmentation des groupes politiques du pays sont les principales responsables de ce que l’ambassadeur des EU se soit converti en “chef de la salle des opérations politiques et de sécurité du pays”, et de ce que lui soit accordé effectivement le dernier mot dans une série de problèmes internes. »

Cette citation est extraite d’un texte que j’avais traduit en 2012 et qui montre comment de fait l’ambassadeur des USA est le vrai gouverneur du Yémen, courroie de transmission des intérêts US dans le pays. Mais ce paragraphe pourrait être appliqué sans en changer un mot à ce qui se passe dans de nombreux autres pays, comme le confirme le témoignage de José Manuel Zelaya Rosales président renversé du Honduras et actuel député du parti LIBRE (liberté et refondation).

Dans de nombreux pays d’AL le terme AMBASSADE prononcé avec une emphase particulière désigne, sans aucun doute, l’ambassade des USA. Quand Evo Morales a été élu président de Bolivie, pour la première fois et qu’il a pris possession du bureau présidentiel quelle ne fut pas sa surprise de découvrir qu’il y avait une seconde porte à ce bureau, que cette porte s’ouvrait sur un couloir et que ce couloir conduisait directement dans les bureaux de l’Ambassade des USA….

Ici je vais vous traduire quelques extraits d’une récente Interview de Manuel Zelaya, président du Honduras renversé par un coup d’état militaire fomenté par les USA le 28 juin 2009. L’interview a été réalisée par Laura Carlsen, journaliste du média mexicain indépendant Rompeviento, Mel y fait des révélations importantes concernant les modes de l’ingérence étasunienne au Honduras. Il décrit aussi la catastrophe qui résulte de l’application des recettes néolibérale dans son pays. Une rengaine à présent connue de tous : des privatisations qui enrichissent quelques-uns, des Transnationales et leurs complices locaux, alors que l’ensemble de la population est réduite à la misère. Ils détruisent jusqu’à notre dignité, dit Mel. Les gens ne migrent pas, ils fuient. Ils fuient la misère et le manque d’opportunités.

Depuis 10 ans le peuple du Honduras est en résistance. Cette semaine le peuple du Chili s’est soulevé. Si l’expérience néolibérale au Honduras est de notoriété publique une catastrophe, le Chili se présentait jusque-là comme le modèle à suivre d’application de cette idéologie, une oasis, la Suisse de l’Amérique Latine. Dans les 2 pays on constate pourtant cette même réalité : le modèle creuse les différences entre une petite caste de très riches et l’immense majorité de la population jetée dans la plus cruelle misère. Une plus ou moins longue agonie.

Les gens ne migrent pas, ils fuient.

Les gens ne migrent pas, ils fuient.

Le projet de Mel Zelaya, président du Honduras était un projet de souveraineté nationale, similaire en beaucoup d’aspects à celui qui avait valu à Jacobo Arbenz alors président du Guatemala d’être renversé par un coup d’état made in « USA » en 1954.

Mel nous dit : « L’initiative privée avec sa créativité et sa force de production n’est pas le problème en soi. Les problèmes arrivent quand ce secteur concentre des privilèges et des richesses et nie les droits du peuple, réduit au silence les voix de la population, avec pour résultat des régimes totalitaires, des systèmes excluant et un haut niveau d’exploitation qui détruit le milieu ambiant et détériore l’humanité elle-même. Le problème ce sont les racines, c’est un problème d’essence : la globalisation de l’économie dirigée à travers un système hégémonique qui produit un système de haute dépendance aux fluctuations du capital et met les peuples à genou, en particulier dans les petits pays comme le Honduras. »

Comme Jacobo Arbenz, Manuel Zelaya développait un modèle de souveraineté nationale, quand les ressources et productions locales servent en priorité pour le bien être des habitants du pays. Il adhérait également au mouvement de souveraineté et entraide régionale intégré par les mandataires progressistes et quelques autres au début de ce siècle. Il s'était tourné vers eux, il s’était vu refuser toute aide pour la mise en place de ces projets de programmes éducatifs, de santé publique et de stimulation de la production national par le FMI, les USA et autres instances néolibérales. Il avait alors reçu l’aide du Brésil et du Venezuela… Le peuple n’en bénéficiera jamais, Mel sera renversé avant d’avoir pu utiliser les fonds avancés qui seront utilisés par les putschistes pour construire la dictature.

juin 2009 Mel président de Honduras et ami du peuple est enlevé par les militaires qui l'emmenent hors du pays

juin 2009 Mel président de Honduras et ami du peuple est enlevé par les militaires qui l'emmenent hors du pays

Quand il arrive à la présidence, l’Ambassadeur (des USA) lui rend visite et lui remet une enveloppe et lui dit : « Président je voudrais que quand vous arriverez chez vous, vous ouvriez cette enveloppe. Je vous y fait une recommandation. La lettre en question ne comporte aucun signe qui identifie son origine. Une liste y figurait. Pour le secrétariat à la défense, 3 noms sont proposés. [Mel rigole] c’est démocratique, il nous laisse un large choix ! Entre trois personnes qui ont été recrutées par l’Ambassade. »

Mel bien sûr n’a pas obéit à cette « recommandation », ni à celles qui ont suivi et veulent lui imposer ses ministres et secrétaires d’état dans les domaines de la Sécurité, l’Économie, la Finance, lui laissant la liberté dans les domaines des Sports, des Arts, de la Musique...

Quand l’ambassadeur lui demandera s’il a un commentaire à faire à ce sujet, il répondra : aucun commentaire. Mais c’était clair: « Avant mon arrivée au pouvoir la « coutume » était que ce soit les États-Unis qui décident des ministres, des secrétaires d’état. L’ambassade manipule les médias, elle manipule les cercles de pouvoir, une partie des églises se plient à son influence, les politiciens lui demandent sa permission avant d’agir. La Défense, la Sécurité, c’est le Commandement Sud des USA qui les dirigent. L’économie c’est le Fond Monétaire internationale qui la prend en mains en complicité avec la cinquième colonne, les entrepreneurs locaux qui sont associés de transnationales. Non seulement ils manipulent la Sécurité, l’économie, la production ; ils manipulent également la justice avec l’aide de l’OEA qui décide quel corrompu doit être arrêté et quel autre jouira d’impunité. »

Mel ne recevra aucune des aides qu’il demande pour ses réformes au bénéfice du peuple, ni pour pratiquer une réforme agraire qui restitue la propriété des terres à leurs légitimes habitants et mettre en place les conditions d’une souveraineté alimentaire. Le FMI exige au contraire qu’il réduise la masse salariale et qu’il pratique une dévaluation qui favorisera la pénétration des transnationales. Ce n’est pas étonnant. Le modèle de division mondiale du travail veut que les pays de la périphérie fournissent à bas pris les matières premières, fournissent un travail esclave dans les maquiladoras ou les cultures d'agro-industrie d’exportation dont les transnationales tirent profit. Alors que l’utilisation de pesticides interdits dans les pays développés empoisonnent les cultivateurs et leurs famille. Depuis le coup d’état, quand des communautés réclament les titres de propriété qui leur avait être accordés par la réforme agraire, elles se font expulser de leurs terre et pire elles sont criminalisées, qualifiées de terroristes ou ne narcotrafiquants. Les meneurs des lutte comme Berta Caceres sont agressés, harcelés, assassinés, leurs familles menacées sont souvent forcées à l’exil. La destruction des cultures vivrières, de la production locale visent à rendre ces pays totalement dépendants d’importations que la plupart ne peuvent se payer. Le néolibéralisme ne tolère aucun projet de souveraineté nationale. Il a abandonné depuis longtemps le masque humain derrière lequel il dissimulait ses véritables intentions. Le génocide est en cours.

« La Constitution nous dit que nous sommes un pays indépendant, que nous sommes un pays souverain, que nous sommes un pays qui s’est constitué comme état nation, et à la fin et quand je suis arrivé à la présidence j’ai découvert que nous n’étions rien d’autre qu’une colonie. Nous sommes une société soumise à travers la dépendance d’un système économique qui nous appauvrit toujours d’avantage. Et qui chaque fois nous rend plus Indignes, plus Misérables, plus déchus et serviles. »

Rester digne dans la misère

Rester digne dans la misère

Le régime du Honduras non content d’être corrompu est un narco-état. Le frère de l’actuel président, Juan Orlando Hernandez, est jugé à présent à New-York (il a été condamné cette semaine) pour participation au narcotrafic à grande échelle internationale (en complicité avec des narcos colombiens et le cartel de Sinaloa du Mexique) et les enquêtes montrent que les profits de ce trafic ont alimenté les campagnes électorales de JOH. Et les réseaux de corruption du pays. Cela fait des années que la DEA mène l’enquête sur JOH, les preuves de son inculpation s'accumulent, depuis son premier mandat, avant même sa réélection inconstitutionnelle… comment se fait-il que les USA qui prétendent mener une lutte frénétique contre la drogue tolère un président impliqué dans le narcotrafic. La réponse est connue : la guerre contre la drogue n’existe pas, elle n’a jamais existé, elle est une guerre contre les peuples, un outil de déstabilisation qui favorise les intérêts des transnationales.

Renverser JOH sans changer le système ne sert à rien. L’ambassade des USA le remplacera par un autre fantoche. Son élection à un premier mandat était déjà le résultat d’une fraude électorale que j’ai documenté à l’époque. Elle mettait en jeu divers processus, une modification du contenu des urnes, des groupes armés empêchaient les électeurs de se rendre dans les bureaux de vote… Par exemple : l’ambassadrice des USA de l’époque, Kubiske, se rendait jusqu’au fin fond des campagne, elle y amenait des cadeaux, des cartes d’électeurs et… des « méthodes du Bien Voter »…

Pour Mel il n’y a qu’une seule solution pour lutter contre la corruption :

« La solution réside dans le partage du pouvoir de décision entre le plus grand nombre de personnes possible : souveraineté populaire.

Le système dans son illusion de dominance disqualifie tout discours qui n’est pas conforme à son idéologie postulée comme Vérité Unique. Dans la réalité chacun à une opinion et ces opinions peuvent être différentes, c’est quand ces différentes opinions se conjuguent que nous rencontrons le chemin de la vérité, le chemin de la liberté, le chemin de la justice. »


 

Vendredi 29 octobre 2019 la police fait taire la voix du peuple qui exige le départ du président corrompu et incapable

Vendredi 29 octobre 2019 la police fait taire la voix du peuple qui exige le départ du président corrompu et incapable


 

L’interview est longue et je ne peux pas tout traduire. Mais il dit certaines choses que je voudrais mettre en évidence ici, parce que de cela on ne parle jamais. Il voudrait également un pays ou chacun puisse faire un travail qu’il aime au mieux de ses qualités. Et cela c’est fondamental, j’ai fait des boulots durs, des boulots dont beaucoup ne voudraient pas, mais je les ai fait avec plaisir, parce que cela faisait partie de la réalisation de projets communs partagés avec des gens que j’appréciais. La production industrielle atteint les limites des ressources de la planète ; le système de l’emploi prend la forme d’un nouvel esclavage qui fait prévaloir l’idée du travail comme souffrance. Changer de système c’est remettre les métiers à l’honneur. L’hyper-production c’est aussi un système qui vend à des esclaves les produits de basse qualité produit par d’autres esclaves, des miettes comme autant d’illusions qui contribuent à maintenir la paix sociale sans que personne y trouve son bonheur.

Manuel Zelaya était un bon président. Un homme simple, vivant dans une maison de classe moyenne, se déplaçant à moto, sans escorte, pour déjeuner dans les restaurants populaires. Le Honduras est un pays de 9 millions d’habitants. Quelques heures après qu’il ait été renversé, à l’aube du 28 juin 2009, 600 000 personnes protestaient rien que dans les rues de la capitale Tegucigalpa. Une mobilisation qui durera plusieurs mois et n’a jamais cessé depuis. Un président populiste est un président qui utilise le langage de la démagogie et utilise des méthodes clientélistes pour acheter les votes. Manuel Zelaya était un président populaire, qui agit de manière transparente en consultant ses mandants pour décider ensemble, un ami du peuple, parce qu’ensemble ils partagent un même projet de pays.

Mais cela fait partie du langage unique, de la pensée unique qui disqualifie la volonté des peuples, la notion de populaire a été bannie de nos vocabulaires, et les peuples, considérés comme stupides par nature, quand ils choisissent des représentants qui vont se mettre à leur service, sont accusés de céder aux chants de sirènes du populisme. Comme s’il était stupide de vouloir des conditions de bien-être, de juste répartition, la participation aux décisions qui nous concernent.

Participer ensemble aux décisions qui nous concernent que ce soit dans notre quartier, dans notre ville, dans notre pays, pour l’avenir de la Vie sur Terre, c’est la condition première pour construire un monde dans lequel chacun disposeraient des conditions du bien -être et de la dignité. Cela nous dit Mel ne se reproduira pas sans que les USA et l’Europe se remettent en question parce que jusqu’ici quand un président démocratique, pacifique veut construire un projet de souveraineté nationale ils le renversent. Ils font taire les voix divergentes, alors que la vérité se construit par la rencontre des points de coïncidence après que chacun ait exprimé son point de vue, nous dit Mel. Ce n’est pas possible quand toute parole différente est disqualifiée au nom d’une prétendue Vérité Unique et valable pour tous.

Au cours des derniers jours nous avons pu voir les USA, malgré les divisions politiques internes du pays, utiliser des mêmes techniques et d’autres pour déstabiliser le gouvernement du Mexique qui prétend également mettre en place un projet de souveraineté nationale, de démocratie participative et de juste répartition des richesses dans le pays. Comme l’avait fait Manuel Zelaya, Andrés Manuel López Obrador refuse de céder à la pression. Au contraire il appelle l’ONU, l’Amérique Latine et le monde à mettre un terme au modèle néolibéral, à ses méfaits. Aujourd’hui, dimanche, et il y a un relatif moment de calme dans le déroulement de cette tentative de réactiver une « guerre de basse intensité » au Mexique, et dans la prolifération d’information qu’elle génère… nul doute que demain amène de nouveaux développements de cette situation périlleuse.

Anne W

PS : résistance à la désinformation. Si certains médias occidentaux titrent : « des milliers de manifestants protestent contre le gouvernement d’ Andrés Manuel López Obrador », ils omettent de nous faire savoir que des centaines de milliers d’autres manifestent en soutien à leur président.


 

Rio Blanco foyer de résistance du peuple lenca du Honduras

Rio Blanco foyer de résistance du peuple lenca du Honduras

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3 octobre 2019 4 03 /10 /octobre /2019 14:04

 

 

Depuis plusieurs mois je découvre intensément le Mexique, mais le sujet est tellement riche, vaste, que jusqu’ici je n’avais pas trouvé le chemin pour aborder ce thème sur le blog. Face à la désinformation éhontée qui sévit dans la presse francophone concernant les événements de la semaine dernière à Culiacán et les révélations qui ont suivi, j’ai choisi cette entrée en matière pour aborder ce sujet passionnant : le Mexique en quête d’équité et de souveraineté nationale et populaire.

 

Les événements de Culiacán (capitale de l’état de Sinaloa, côte pacifique du Mexique) qui se sont déroulés depuis le jeudi après-midi au samedi de la semaine dernière ont fait couler beaucoup d’encre et de salive. Dans une première phase, il s’agissait de dégager la réalité derrière les informations contradictoires qui circulaient, y compris dans le discours officiel du propre Secrétariat à la Sécurité Civile du pays.

La première version de ce secrétariat décrit une opération de patrouille de routine d’un groupe d’une trentaine d’effectifs de la Garde Nationale qui auraient été attaqués par surprise depuis une villa. Les gardes auraient répondu à cette agression et se seraient alors emparés de la villa où se trouvait justement Ovidio Guzman, fils du narcotrafiquant Joaquin Gusman Loera, un des chefs du groupe criminel transnational connu comme Cartel de Sinaloa. Guzman mieux connu sous le nom de El Chapo a été récemment condamné par un tribunal de New York à l’emprisonnement à vie.

Quelques heures plus tard, cette version sera complètement démentie par le même Secrétariat de Sécurité dont la nouvelle narration décrit une tentative d’arrestation du même Ovidio G. sur base d’un mandat d’extradition (sollicitée par les USA) émis par un juge. L’opération aurait foiré parce que le groupe militaire en question, déjà engagé dans l’action, n’aurait pas reçu à temps le mandat qui lui permettait d’opérer légalement cette arrestation alors que pendant leur attente, le cartel avait mobilisé quelques centaines de membres de son armée dotée d’armes de guerre pour prendre en otage Culiacan, menaçant d’opérer un carnage si el Chapito Guzman n’était pas immédiatement libéré. Il apparaît alors que ni le secrétariat de sécurité, ni le chef d’état n’avaient été informé de cette opération et qu’ils se retrouvaient devant le fait accomplit : une opération bâclée qui enfreint toutes les règles. Selon divers experts une telle opération demande la mobilisation de plusieurs centaines d’effectifs, disposant d’une couverture par hélicoptères et d’un centre de coordination efficace. Cette opération a eu lieu dans l’après-midi alors que toutes les règles veulent qu’une telle intervention se déroule à l’aube, quand il y a peu de présence d’habitants dans les rues, après qu’un cordon sanitaire ait été établit pour assurer la protection des civils du voisinage.

Mis devant le fait accomplit, face à l’ampleur de la crise, et pour éviter le risque de massacre parmi la population civile, le secrétaire d’état décide de relâcher Ovidio, une décision qu’avalisera inconditionnellement le chef de l’état Andrés Manuel López Obrado (AMLO).

La décision d’Andrés Manuel recevra entre 80 % et 90 % d’approbation de la part des habitants de Culiacán, alors que le reste du pays est partagé. Ce qui est intéressant, c’est que nombre de ceux qui ne soutiennent pas AMLO approuvent néanmoins ce qu’ils et elles considèrent comme une sage décision.

Ces événements ont généré des flux de questions qui à leur tour ont donné lieu à une multiplications de débats pour tenter d’y répondre. Dans un premier temps, il apparaît que si la décision de libérer le jeune Guzman n’est pas questionnable, ce qui l’est et exige des réponses claire de la part du gouvernement, c’est le fait qu’un petit groupe de Gardes Nationaux ait pu entreprendre cette opération sans que soit consulté ni le chef d’état ou au moins le Secrétariat de Sécurité.

Une enquête est en cours pour mettre des noms sur ceux qui dans la chaîne de commandement sont responsables de ce cafouillage qui aurait pu tourner au massacre entraînant le pays dans une nouvelle guerre contre le narcotrafic sur le même mode que celle qui au cours des précédents mandats présidentiels avait fait des centaines de milliers de morts, principalement des civils, généré un climat de terreur dans le pays et entraîné des déplacements massifs de population entre autres conséquence néfastes pour la tranquillité du pays.

AMLO l’a clairement exprimé, bien avant même la campagne présidentielle qui l’a porté au pouvoir : il ne combattra pas les Cartels du Narcotrafic et autres formes du crime organisé par les armes. « On éteint pas le feu en y jetant de l’essence » a-t-il coutume de dire, et les résultats catastrophique d’escalade de la violence obtenus par les guerres contre les narcos menées par ces prédécesseurs semblent bien lui donner raison. Plus de deux décennies de « guerre contre le narco trafic » en Colombie, en Amérique Centrale et au Mexique l’ont clairement démontré, cette stratégie n’est pas seulement inefficace elle est très clairement aussi sanglante que contre-productive. Du moins si son véritable objet est d'éradiquer la production de narcotiques et la quantité de ces produits qui pénètrent aux USA pour alimenter une demande qui n’a cessé de croître.

Pour lutter contre le narcotrafic et la violence toujours plus terrifiante qui l’accompagne, AMLO développe différents axes de lutte comme la prévention. Par exemple en luttant contre l’abandon scolaire par l’octroi de bourses aux familles d’étudiants dans l’ensemble de leur parcours scolaire, en accordant des subsides aux entreprises et artisans qui forment de jeunes apprentis et en développant un programme de jeunes inventant le futur qui se déploie dans de vastes domaines artistiques, protection du milieu ambiant, travail communautaires…. Un autre axe de lutte est la lutte contre la corruption qui prétend éradiquer le narcotrafic en s’attaquant aux biens mal acquis et aux ressources financières des Cartels et de ceux qu’ils ont achetés. Le projet de souveraineté alimentaire a également des impacts dans la lutte contre le narcotrafic. En effet de nombreux paysans ont du abandonner leurs terres chassé par les narcos ou se mettre au service de ces derniers en cultivant l’opium, la coca ou la marijuana. Repeupler les campagne et permettre aux paysans de disposer d’un juste revenu pour la culture de produits alimentaires, permet d’éviter que ceux-ci s’adonnent à des cultures illicites, souvent les seules qui leur permettaient de nourrir leur famille.

 

Les USA qui ont dépensé des milliards de dollars pour « lutter », sans succès, contre le narcotrafic dans les pays du Sud n’ont jamais rien entrepris pour mener sur leur territoire une lutte de prévention, au contraire, nous verrons pourquoi par la suite. Le seul changement significatif dans le marché de la drogue aux USA est celui du rôle devenu prédominant de sociétés pharmaceutiques dans la croissance de l’addiction de la population au cours des dernières années. Une diversification qui étend le phénomène de la dépendance aux opiacé à des couches de populations qui jusque-là étaient relativement épargnées. La multiplication des overdoses provoquant une chute de l’espérance de vie dans le pays.

 

Pour évaluer la stratégie de López Obrador et ses chances de succès de nombreux facteurs sont à prendre en compte. La situation dont il a hérité est grave, complexe, pour la comprendre une connaissance de l’histoire du narco-terrorisme mexicain s’impose. J’emploie le terme narco-terrorisme au sens large qui recouvre autant les dit « Cartels » et leurs méthodes que la manière dont ils se sont militarisés avec l’aide en arme et formation des USA qui ont contribué à leur transformation en armées, utilisant des modèles éprouvés, les méthodes de formations de l’École des Amériques ou celles des Kabyles du Guatemala, des militaires conditionnés pour devenir les tortionnaires des gauches et autres souverainistes latinos, spécialistes des coups d’état militaires, disparitions forcées et exécutions extra-judiciaires, maîtres en matières de soumissions des populations par la création d’un climat d’insécurité et de terreur.

Une petite anecdote concernant les formations que reçoivent ces militaires : chaque nouvelle recrue doit se charger d’un animal de compagnie. Si les étudiants de l’École des Amérique se verront obligés quelques années plus tard de tuer leur compagnon animal et de le manger, les Kabyles eux doivent le manger vivant. Leur formation fait de ces militaires guatémaltèques une élite parmi les élites qui ne reculent pas quand le devoir leur impose de massacrer des communautés indigènes ou des paysans requalifiés pour l’occasion de terroristes, narcotrafiquants ou autres étiquettes utilisée pour qualifier des ennemis intérieurs fabriqués de toutes pièces.

 

Qui est qui dans ce jeu pervers est fort difficile à définir. Non seulement certains Cartels sont formés en partie d’anciens militaires de forces spéciales, de kabyles ou d’anciens membres de la DEA, alors que d’autres ont bénéficié d’une relative impunité pour les services qu’ils ont rendu aux USA qui les ont armés pour lutter contre les autres cartel (cas du cartel de Sinaloa). La DEA n’est pas une organisation homogène, et de nombres de ses membres ont crée leur propres réseaux et lignes de trafic, avec l’aval ou non de leur direction ? La réponse n’est pas claire. Certains louent parfois leur service de sicaires à des cartels de la drogues et autres transnationales. On a vu à diverses reprises la CIA (à l’insu des agents de terrain de la DEA) utiliser des organisation narcos dans sa lutte contre la « subversion » comme pendant la guerre des Contras. Les USA livrent des armes aux forces « contre-insurrectionnelles » d’Amérique Centrale contre de la drogue qui arrosera la jeunesse rebelle dans un but de démobilisation dans leur pays et en Europe, des narcos mexicains servant d’intermédiaires dans ce trafic seront formés militairement pour jouer ce rôle. Un premier, le franchissement d'un premier seuil dans l'escalade de la violence narco.

Si les forces de l’Ordre ont pratiqué des infiltration de ces groupes criminels, l’inverse est bien plus développé et généralisé : les groupes criminels ont infiltrés tous les secteurs de l’état, depuis la police municipale jusqu’aux différents gouvernements successifs, en passant par l’armée, la justice, etc. En plus ces mêmes gouvernements ont totalement abandonnés une majorités de communautés et états du pays permettant aux Cartels qui créent de l’emploi licite et illicite, des écoles, des hôpitaux, des musées d’apparaître comme des bienfaiteurs du peuple.

Alors que l’opposition reproche à AMLO de « n’avoir rien dans le pantalon » et d’avoir cédé au chantage des narcos, son prédécesseur Enrique Peña Nieto, qui voyage beaucoup en ce moment, a du renoncer à la visite qu’il voulait faire dans son pays. Un autre fils de Guzman, Archibaldo, le menace : il existait un accord entre Peña et le Chapo qui avait soutenu sa campagne électorale par un don de millions de dollars en échange de l’impunité. Un contrat que le président de l’époque n’a pas respecté puisqu’il a livré Guzman aux USA , pays où il a été condamné à perpétuité. Un exemple parmi d’autres, des gouverneurs d’état, des maires, des syndicalistes et autres politiciens, des juges, des policiers ont été achetés. Comment recréer des bases saines depuis cette gangrène de corruption qui corrompt la géographie et tous les niveaux de hiérarchies sociales du pays, c’est un des défis que doit relever l’actuel gouvernement et il est de taille.

Le sujet est bien trop vaste, complexe, et produit d’une trop longue histoire pour que je puisse ici en montrer d’avantage que quelques lignes de force. Si l’histoire de cette transformation de paysans cultivateurs de quelques acres de maria ou de pavot en Cartels agissant dans plus de 100 pays, interpénétrant les réseaux financiers et des gouvernements à échelle internationale, ayant diversifiés leurs activités et disposant de leurs propres armées est fort bien documentée en espagnol, en français, il existe peu de documents de référence. Beaucoup de matière à traduire.

Comment des drogues produites dans un premier temps à petite échelle et de manière artisanale vont être produites à échelles industrielles, dans un climat de violence et de terreur dont les populations civiles sont les premières victimes ne peut se comprendre sans mettre en relief le rôle joué par les USA et les gouvernements locaux complices dans cette transformations d’un « artisanat » local en une industrie transnationale du crime organisé. Pour le comprendre en profondeur, il faudra mettre en lumière le double rôle du narcotrafic a)comme outil de neutralisation de la jeunesse potentiellement rebelle et b)comme agent de pénétration des transnationales minières et de l’agro-industrie et organisation paramilitaire de défense des biens et intérêts de ces mêmes corporations sur les territoires ou sévit la "lutte contre la drogue" made in USA.

Il faut également souligner que la volonté de Trump de fermer la frontière Nord avec le Mexique pour éviter le trafic de drogue est tout simplement ridicule, parce que 1) les voies maritimes et aériennes prédominent dans ce juteux trafic et 2) les nouvelles drogues comme le Fentanyl et les méthamphétamines peuvent tout aussi bien être produites dans des laboratoires situés sur le territoire des USA. Et aussi, une partie du Fentanyl consommé aux USA provient de Chine, pays qui produit 85 % de la production mondiale du mortel opiacé. Les consommateurs étasuniens pouvaient jusqu’à ces derniers mois y commander sur Internet la drogue qui leur parvenait par courrier. Au début de cette année Trump a sommé le président Xi Jinping de mettre un terme à ce trafic.

Depuis les débuts de la guerre contre la drogue des USA, les foyers de production n’ont cessé de se déplacer sans que la production diminue, au contraire, quand aux routes de la drogues elles s’adaptent aux nouvelles contingences. Les résultats de la lutte contre la consommation de drogue aux USA aurait été bien plus efficace si les dizaines de milliards dépensés en actes de guerre avaient été utilisés pour favoriser l’éducation et les perspectives d’avenir d’une jeunesse sacrifiée. Mais tous le prouve, si le gouvernement réel ou officiel des USA s’inquiète des nouvelles addictions étasuniennes, c’est que cette fois ce ne sont plus les cibles désignées, minorités de couleurs et population pauvre, rebelle ou marginale qui sont affectées mais bien la classe moyenne en majorité blanche.

Le gouvernement du Mexique exige pour sa part un meilleur contrôle des USA sur les armes lourdes utilisées par les narcos qui proviennent de ce pays. Une demande qui est elle parfaitement fondée. Paradoxe : les USA qui prétendent vouloir collaborer avec le Mexique pour lutter contre ce trafic, envoie un ambassadeur dans ce pays, qui a été auparavant un des principaux avocats … du lobby des fabricants d’armes. Mais ce n’est qu’une des données qui met en doute la volonté de collaboration réciproque entre deux pays souverains.

Jusqu’ici chaque fois que j’ai été tentée de prendre AMLO pour un naïf, la suite m’a donné tort. J’espère que ce sera encore le cas cette fois-ci. Cela ne m’empêche pas d’être critique, au contraire, mais c’est un des éléments intéressants de ce processus politique :toute la mobilisation critique de ceux qui soutiennent ce changement de régime et apportent leur contribution en mettant en évidence les lacunes et contradictions du processus. La qualité du débat, du travail des journalistes et autres chercheurs, du travail de milliers de militants et autres travailleurs sociaux est tout simplement impressionnante.

Après que des éclaircissements aient été donné sur le déroulement sur le terrain des événements de Culiacán, un nouvel acteur a été mis en évidence : la DEA qui serait à l’origine de cette action « malheureuse » et qui aurait donné de fausses informations aux acteurs mexicains de terrain prétendant que le Cartel de Sinaloa serait complètement disloqué et que l’arrestation d’Ovidio aurait tout d’une opération de routine. C’est ce qui a été mis en lumière ces derniers jours alors même que les USA exigent à présent d’AMLO de reprendre une « guerre contre le narcotrafic » dont leurs services d’intelligence, le Commandement Militaire Nord et autres groupes militaires US anti-narcos seraient à nouveau les dirigeants depuis la conception de cette lutte jusqu’à un retour de la présence de forces armées et de renseignements des USA sur le territoire mexicain. .Telle qu’elle apparaît aujourd’hui l’opération de Culiacán se révèle clairement comme un acte d’ingérence des USA qui l’ont organisée avec des « complices » mexicains, politiques et membres des forces armées à l’insu du gouvernement du Pays, dans un but d’affaiblissement voir de renversement d’un gouvernement qui au début de ce mois jouissait de 69 % de soutien populaire. Les derniers développement montrent que cette opération est clairement le premier volet d’une stratégie de reprise en main de l’annexion du Mexique, de sa mise sous tutelle.

De nouvelles questions, de nouveaux débats, mais surtout après les révélations des dernières 24 heures, même les plus prudents parmi les analystes ont abandonné la position de « doute raisonnable » pour reconnaître que cette opération ratée de Culiacán fait partie d’un plus vaste plan de déstabilisation du Mexique et de son gouvernement, une réactivation de l’Opération Mérida par les voisins du Nord. 

 

 

Anne W

 

 

Pour en savoir plus sur le narco capitalisme et la guerre « contre les drogues », l’article de Dawn Paley traduit sur ce blog :

Dawn Paley est également auteure du livre

Capitalisme antidrogas. Una guerra contra el pueblo dont la version en Espagnol est en libre accès, la version originale est en anglais.

 

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14 juillet 2019 7 14 /07 /juillet /2019 20:36

 

 

De la guerre qui est à la guerre qui vient

par avispa.org

Rétrospective des dépossessions,  de la militarisation et de la contre-insurrection dans le sud-est du Mexique et en Amérique Centrale

I.

Le 16 août 2014, le Congrès National Indigène publia la seconde déclaration sur l’expropriation de nos peuples, dans laquelle était exposée de en guise de métaphore, 24 rétrospectives de l’expropriation territoriale et de la guerre contre les peuples à l’échelle nationale ; structurées par une relation intrinsèque entre les violences politiques de l’état - autrement dit, la militarisation, les réformes, la création de lois etc. -, les violences destructrices, anonymes du capitalisme ; depuis les agissements des grandes corporations – minières, pétrolières, etc. - jusqu’au crime organisé dans sa grande diversité de cartels. A 5 ans de cette déclaration, la guerre non seulement s’est intensifiée, la continuité de la militarisation et des expropriations se sont poursuivies, sous prétexte de lutte contre le crime organisé. [et plus récemment de « protection de l’environnement ». NdT]

Le déploiement de la garde nationale, qui était prévu pour le 30 juin de cette année, a été avancé au mardi 18 juin (1) en raison des accords conclus entre le secrétaire des Relations Extérieures des États-Unis du Mexique, Marcelo Ebrard, et Mike Pence, vice-président du gouvernement des USA. La menace d’une guerre douanière contre le Mexique impulsée par le président Trump a fait trembler l’état, ses institutions et un secteur libéral de la région. Contenir le flux migratoire en 45 jours fut la condition posée par le gouvernement US pour freiner ce qui aurait pu générer une « crise économique à cause de l’augmentation des barrières douanières prévues »

Quelques semaines auparavant, la Commission Économique pour l’Amérique Latine et Caraïbe (CEPAL) avait présenté, lors d’une conférence de presse matinale du président Andrés Manuel López Obrador, une proposition appelée « Plan de développement intégral : Salvador, Guatemala, Honduras et Mexique » comme une réponse pour combattre le phénomène migratoire en Amérique Centrale. Dans ce plan sont proposés l’établissement d’une interconnexion électrique entre les pays de la région qui impliquerait la construction d’un gazoduc de 600 km pour « l’intégration entre le Sud du Mexique et l’Amérique Centrale par le transport des excès de gaz naturel et permettant de faire baisser les coûts», en plus d’un terminal et d’une centrale énergétique dans le port de Cortés au Honduras, de l’amélioration des infrastructures des 950 km de la frontière entre le Guatemala et le Mexique, de la construction d’une voie ferroviaire de 710 km depuis la ville de Hidalgo dans les Chiapas, jusqu’à port de Libertad au Salvador (2) qui pourrait connecter en même temps le Guatemala, le Honduras, le Salvador et le Mexique. S’ajoutent à cela, des projets d’investissement dans des presses hydroélectriques, des projets de parcs éoliens et de panneaux solaires, des projets miniers en continuation du projet Mesoarica financé par différentes Corporations -comme les pétrolières EXXON, SHELL, etc - et également par la Banque Mondiale (3). Le tout impulsé et justifié de cette manière [lutte contre les migrations forcées par le développement économique] par la CEPAL

Le 14 juin a été publié dans le journal officiel de la fédération le décret qui créé un organisme « public, décentralisé, doté de personnalité juridique et d’un patrimoine propre, non sectorisé et dénommé Corridor Interocéanique de l’Isthme de Tehuantepec » (4), organe qui assumera la direction de la construction des divers projets du plan de Développement Intégral pour sa partie concernant l’isthme. Une semaine auparavant, les habitants de différentes communautés de l’état d’Oaxaca et de différentes organisations sociales s’étaient réunis dans le cadre d’une rencontre sur le thème « l’Isthme est à nous », pour refuser la proposition de canal interocéanique du gouvernement fédéral.

A partir des négociations du 5 juin à la Maison Blanche, ces initiatives, tant celle de la CEPAL que le Couloir Interocéanique, se sont accélérés pour protéger aussi bien les intérêts du voisin du Nord, que ceux des Corporations elles-même. Ce complexe de méga-projets implique la matérialisation d’une trame économique impliquant des variables politiques clairement néo-libérales, inscrivant comme unique solution celle de « résoudre » la crise dans le cadre même qui l’a causée. Crise qui se présente actuellement comme migratoire, énergétique, politique et économique.

En réponse à l’exode migratoire, se poursuit en ce moment le déploiement de la Garde Nationale - commencé le 18 juin - qui implique la mobilisation de 6000 effectifs, ainsi que de 825 agents de l’Institut National de Migration (5) en différents points stratégiques de passage des migrants dans la zone sud-est.

Face à cette situation, le vendredi 14 juin, le commissaire de l’Institut National de la Migration et spécialiste des questions migratoires, Tonatiuh Guillén a démissionné en formulant de fortes critiques contre les politiques anti-migrants du gouvernement étasunien. Après cette désertion, Francisco Garduño a assumé cette responsabilité, il avait été auparavent Commissaire de l’Organe Administratif Décentralisé de Prévention et Réadaptation Sociale au Niveau Fédéral, autrement dit, il s’agit d’un spécialiste des prisons. (6) Simultanément Kevin McAleenan, ancien commissaire des douanes, a été nommé chef du département de Sécurité des USA, et la possibilité que Thomas Homan, ex directeur de l’agence migratoire connue comme ICE, le remplace dans les prochains jours a été évoquée ; un homme connu comme le nouveau « Tsar des Frontières », et qui, en plus de soutenir la séparation des familles des migrants dans le processus de détention, promet de multiplier par 4 ou 5 les contrôles et déportations de migrants, et de renforcer (7) les nouveaux camps de concentration déjà installés à la frontière de ce pays. Cela fut la réponse de Trump au flux migratoire, la militarisation non seulement de la frontière Nord [du Mexique], mais également le repositionnement du Commandement Sud au Guatemala et la capacitation par ce commandement de militaires honduriens pour différentes tâches qui comprennent « les salles de nettoyage, la qualification en maniement des armes, contrôle de véhicules et points de contrôles tactiques  (8)» avec pour objectif de combattre l’exode et les autres menaces internes. Les pratiques de militarisation et de détention de migrants sont arrivées à un point qui ressemble fort aux camps de concentration Allemands du siècle dernier, comme l’affirme David Brooks, « nous sommes entrés dans un système de camps de concentration,dont la définition est : la détention massive de civils sans jugement ». C’est clair, « la semaine passée a été révélé que le gouvernement de Trump utilisera une base militaire en Oklahoma qui était un camp de concentration des japonais-étasuniens internés pendant la Seconde Guerre Mondiale, y seront détenus quelques 1400 enfants migrants non accompagnés » (9)

L’exode migratoire ne peut se comprendre sans la formule expropriation-militarisation, qui en termes géopolitiques se traduit en zones de sacrifice (territoires stratégiques riches en ressources naturelles, culturelles) et zones d’accumulation, points géographiques qui se « développent » au détriment d’autres lieux géographiques et qui reposent sur une logique commune : la violence du capital, soutenue par les différentes formes d’états (depuis les progressistes comme le Nicaragua jusqu’au néo-libéraux) et l’introduction, principalement par les USA, de différentes stratégies contre-insurrectionnelles.

C’est précisément dans ce contexte que se produit la militarisation du Mexique par la Garde Nationale. Le contrôle territorial du Sud n’est qu’un des efforts pour mener un processus de réorganisation territoriale en faveur du capital et de ses grandes corporations, le Train Maya et le Plan de Développement Intégral de l’Isthme de Tehuantepec et de l’Amérique Centrale, qui s’insèrent dans la dite « économie verte ou capitalisme soutenable » (10) comme « nouveaux espaces globaux, dans lesquels l’ordre et la gestion du territoire cessent d’être propriété de l’état pour passer à disposition du capital étranger » (11), un processus d’industrialisation qui implique la construction de grandes zones de maquileras – stratégiques à échelle globale - et de projets de « développement ». On retrouve le rôle qu’ont joué les Zones Économiques Spéciales, mais doté d’un nom plus attractif.

JOH, président du Honduras en  compagnie de ses souteneurs gringoss

JOH, président du Honduras en compagnie de ses souteneurs gringoss

II.

La décennie 80-90 à été marquée par une grande violence entre groupes guérilleros et les armées des états placées sous égide et conseillées par les différentes institutions et départements de sécurité du gouvernement gringo. Tant le Pentagone, que le département de la Défense et la CIA ont joué un rôle spécifique pour contrecarrer les groupes insurgés, en installant des bases militaires sur tout le territoire de l’Amérique Centrale. Cette stratégie en langage militaire s'appelle « domination du spectre complet » et implique le contrôle et la vigilance de l’ensemble de la planète par 5 commandements spéciaux ; comme nous le savons déjà du Guatemala à la Patagonie officie le Commandement Sud [le Mexique est sous contrôle du commandement Nord et du Homeland Security]. L ‘Amérique Centrale a été un laboratoire de contre-insurrection impulsé depuis les différents départements de sécurité étasuniens, qui ont réussi à imposer, dans cette petite région, l’implémentation de pas moins de 28 bases et centres d’opération militaires. La stratégie de « Domination du Spectre Complet » n’a pas seulement servi pour combattre les subversions, elle a servi aussi pour surveiller et contrôler les ressources naturelles. Renan Vega Canto et Felipe Vega ont réussi à retracer les lieux d’établissement de ces bases militaires et centres d’opérations gringos en Amérique Latine dans leur enquêtes “Geopolítica del despojo; Biopiratería, genocidio y militarización” y “Los economistas neoliberales, nuevos criminales de Guerra” (12) La distribution des centres d’opérations et bases militaires est la suivante :

Rétrospective des dépossessions,  de la militarisation et de la contre-insurrection dans le sud-est du Mexique et en Amérique Centrale

Mexique :

1) Bases de Chicomuselo et Juquilipas, Chiapas, 600 effectifs. Elle a été fondée en tant que partie de l’Initiative Mérida, et la militarisation du Sud du Mexique, comprend les 14 000 militaires déployés dans les Chiapas.

2) Académie de l’État de formation et développement policiers des Encinas, San Salvador de Chachapa à l’est de Puebla. Le FBI et autres agences gringas y ont une participation directe.

Guatemala :

3) Fond de maintenance contre le narco-terrorisme, à San José de Guatemala créé par le commandement Sud.

4) Centre d’opération contre le narco-terrorisme de Champerico, créé par le commandement Sud. Caserne-centre d’opérations et embarcadère qui ont demandé un investissement de 1,75 millions de dollars.

5) Centre d’opération contre le narco-terrorisme de Tecun Uman, créé par le Commandement Sud avec un investissement de 1 million de dollars.

6) Centre d’entraînement de Forces Spéciales Kaibiles à Potpun. Commandement Sud et Opérations Spéciales Sud avec un investissement de 1,15 million de dollars, fonctionne comme centre d’opérations et base aérienne.


 

Honduras :

7) Centre anti-narco. Commandement Sud. Contrat attribué en juin 2010 pour 1,2 million de dollars.

8) Puerto Castrilla. Commandement Sud. Investissement 350 000 dollars.

9) Base aérienne et militaire Sotocano et Palmerola. Elle fut construire à l’origine pour contrecarrer la révolution sandiniste du Nicaragua et de mouvement guérillero du Salvador.

10) Forces d’action conjointe BRAVO-Sotocano.

Salvador :

11) Forces d’Action Conjointe el Aguila, base aérienne de Comalapa.

12) Position d’opérations avancées Miraflores, Commandement Sud d’Opération Spéciales


 

Belize :

13) Centre anti-narco-terrorisme. Callao Hunting et Callaos Sapodilla. Casernement, centre d’opérations et embarcadère créés par le Commandement Sud avec un investissement de 1,750 million de dollars.

14) Centre d’opérations contre le narco-terrorisme. San Pedro. Casernement, centre d’opérations, embarcadère, entrepôt de combustible et dispensaire, financé par le Commandement Sud, un investissement de 1,5 millions de dollars

Nicaragua :

15) Le Bluff Bluefields. Construction d’un casernement contre le narco-terrorisme par le Commandement Sud, qui apporta 1 million de dollars.

16) Centre contre le narco-terrorisme. Île de Cuerno. Commandement Sud avec un investissement de 500 000 dollars.

17) Corinto. Caserne et embarcadère. Commandement Sud. Investissement 3,9 millions de dollars.

Costa Rica.

18) Base Anti-narcos. Liberia. Construction par le Commandement Sud en 2009. Construction d’un radar et un hangar par les USA.

19)Base navale Punteras. Calderas, Costa Rica. Création d’une école de gardes côtes. Le Commandement Sud a apporté en 2009 1,5 million de dollars pour la construction de l’embarcadère et des installations.

Panama :

20) Centre contre le terrorisme. Isla Grande, Panama. Casernement, centre d’opération, embarcadère et système de réapprovisionnement créé par le commandement Sud pour 3,5 millions de dollars.

21) Centre contre le narco-terrorisme. El Porvenir, Panama. Centre d’opérations, embarcadère et système de réapprovisionnement créée par le Commandement Sud. Millions de dollars.

22) Centre contre le narco-terrorisme. Puerto Pina. Casernement, centre d’opérations et embarcadère créés par le Commandement Sud avec un investissement de 4 millions de dollars.

23) Centre contre le narco terrorisme. Puerto Obaldia. Investissement du Commandement Sud de 3,5 millions de dollars. (13)


 

La militarisation et le contrôle de l’Amérique Centrale ont permis que dans cette région soient mis en pratique un large éventail de tactiques et stratégies de contre-insurrection qui furent, dans tous leurs aspects, des générateurs de violence ont eut des répercutions et montrent à présent leurs effets dans le phénomène migratoire.

D’autre part, sur le territoire dominé par l’état Mexicain, la distribution des forces armées se fait à travers 46 zones militaires distribuées sur toute la surface du pays. (14) Dans l’état de Puebla aux Chiapas, nous rencontrons 10 zones à charge de l’institution militaire. Auquel s’ajoute les 266 centres d’opérations de la Garde Nationale, seulement pour Oaxaca, Veracruz, Chiapas, Tabasco ont été établi plus de 50 de ces centres opératifs, lesquels furent les premiers à fonctionner - dès le 18 juin 2019 – pour cause de crise migratoire.

La crise qui se produit à présent est venue accompagnée de stratégies de développement intégral comme réponse à ces dites problématiques, non sans, comme dans le cas mexicain, auparavant militariser la zone du problème en installant un mur de contention contre les exproprié(e)s. En fait, ces propositions de « développement intégral » ont pour unique effet d’intensifier la violence propre au capitalisme, montrant un visage plus aimable. N’oublions pas que ce fut la CEPAL – qui par ses analyses opérées depuis le point de vue de l’économie politique ou « capitalisme à visage humain » - qui a proposé et apporté le label « scientifiques » pour le développement de l’Amérique Centrale via le projet Mésoamérica. Nous ne pouvons oublier que « développer intégralement une zone » est une figure de l’économie politique, qui signifie simplement la reproduction de l’actuel mode de production qui a pour fondement le pillage permanent grâce à l’utilisation de la violence.

Chiapas

Chiapas

III.

Et, comme il fallait s’y attendre, après un peu plus d’une semaine de déploiement de la Garde Nationale, les effets de la répression ont commencé à se faire sentir. Le Réseau de la Zone Nord de Casas [auberges pour migrants] et le Centre des Droits Humain des Migrants dénoncent le harcèlement et la violence avec lesquels ont agit les éléments de la Garde Nationale envers les migrants et les défenseurs des droits humains, au cours des derniers jours (15), non seulement dans la zone nord du pays, mais par dessus tout dans la partie sud, où l’Institut National des Migrations en collaboration avec la Garde Nationale ont agit en réseau contre les migrants (16). Et, comme prévu, la zone Sud-Est du pays est devenue un mur de contention militaire contre les personnes sur le chemin de la migration.

Au cours des derniers mois, plusieurs organisations sociales et communautaires ont dénoncé le Gouvernement Fédéral et l’Institut National des Peuples Indigènes qui ont mené des « Consultations  truquées»(17) avec la claire intention de poursuivre les projets de dépouillement.

D’autre part, le Congrès National Indigène a enregistré 117 assassinats depuis sa création en 1996, et 11 disparitions. En seulement 5 mois de l’actuel gouvernement ont été enregistrés 10 assassinats de membres du CNI (18). Il y a une guerre déclarée contre le zapatisme, qui implique non seulement le renforcement de la militarisation en territoire de l’EZLN,mais également l’agression permanente jusqu’à l’assassinat de qui s’opposent à la prise en main par l’état de leur manière d’organiser leur vie.

Cela illustre la réalité de la guerre dans laquelle nous sommes déjà plongés et la réalité de la guerre qui vient. Le 26 juin ont été découverts morts, alors qu’ils tentaient de franchir la frontière Oscar Martinez de 25 ans et sa fille Valeria de 23 mois sur les berges du Rio Bravo, dans le Nord du Pays. L’Organisation Internationale des Migrations a publié une étude nommée «Fatal Journeys Missing Migrant Children » (19)  dans laquelle elle signale que les morts de migrants sont dues à 3 causes principales 1) accidents sur le train appelé la Bestia, 2)-les causes inconnues comme les disparitions , 3)- la violence ; et elle affirme qu’en 5 ans, depuis 2014 à nos jours ont été enregistrées 1907 morts de migrants [chiffre largement sous-estimé, il y a des dizaines de corps sans organes trouvés dans des charniers anonymes, des centaines de corps non-identifiés dans les morgues, et tout ceux qu’on ne trouvera jamais. Il y a des milliers de familles qui cherchent leurs disparus et attendent parfois indéfiniment des résultats d’analyse ADN dont les résultats viennent au compte-goutte.NdT], mais ils oublient d’expliquer les causes ponctuelles qui ont été à l’origine de la violence ainsi que la dépossession de ceux qui migrent, et le rôle joué par les Forces Armées dans ces processus.

L’image des assassinats de Berta Cáceres au Honduras, des peuples Xincas et Mayas au Guatemala, des étudiants et habitants réprimés et assassinés au Nicaragua, de la crise politique au Panama, des expropriations territoriales au Costa Rica, nous montre que c’est précisément cette violence de la classe criminelle transnationale, des corporations et leurs acteurs légaux et illégaux, leurs liens avec les institutions de l’état ainsi que la militarisation et la para-militarisation, c’est cela les facteurs qui ont obligé les personnes a abandonner leur territoire et/ou résister jusqu’à être assassinés.

L’Amérique Centrale et le Sud-Est mexicain se présentent à nous comme une mosaïque d’images, chaque mosaïque affrontant sa version singulière de la crise et cherchant à en sortir. La guerre qui est en cours, et celle qui vient sont celles des « anonymes », des propriétaires de rien, des délogé(e)s et des exclu(e)s, des déplacé(e)s par la violence d’états, des assassiné(e)s par les balles du capital, des emprisonné(e)s par les grandes corporations, des disparu(e)s par le crime organisé international ; la guerre qui vient sera celle des « anonymes», de ceux qui, comme le dit Galeano, valent moins que la balle qui les abat.

 

Source Criterio

 

Traduction Anne Wolff

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10 juillet 2019 3 10 /07 /juillet /2019 11:32

par Matías Caciabue y Paula Giménez

3 juillet 2019

Augmentation de l'ingérence militaire étasunienne en Argentine

L'hécatombe économique du gouvernement néo-libéral de Mauricio Macri noie l'Argentine dans la mer des intérêts militaires et géopolitique de Donald Trump.

Sous le patronage des États-Unis, la Conférence des Armées Américaines a réalisé des exercice militaires à la Triple Frontière de l'Argentine, du Brésil et du Paraguay, et le responsable du Commandement Sud, Craig Faller, a visité Buenos Aires pour finaliser plusieurs accords et aligner l'Argentine contre la Russie, la Chine et le Venezuela

Augmentation de l'ingérence militaire étasunienne en Argentine

Chronique d'une Argentine occupée en « défense de l'environnement »

La protection de la biodiversité est devenue l'excuse pour la réalisation de pratiques d'occupation à la triple frontière entre Brésil, Argentine et Paraguay, cœur de la réserve aquifère Guarani.

La province Argentine de Misiones a été l'épicentre d'un « Exercice International d'Opération Inter-agences en Protection de l'Environnement et des Ressources Naturelles », organisé par la Conférence des Armées Américaines (organisation inter-américaine surgie après la révolution cubaine sous égide du Pentagone), l'Armée Argentine et le Sous-Secrétariat de Protection Civile de cette province.

Ceci est possible grâce aux nouvelles réglementations que le gouvernement de Mauricio Macri a imposé pour permettre l'articulation des institutions de protection citoyenne (pompiers, défense civile, entre autres), des forces de sécurité intérieures (police), des forces armées argentines, et leur actuel alignement néo-conservateur avec les forces étrangères.

Le nouveau cadre juridique, comme celui amené par la loi 27287 promulguée en 2016 sur le Système de Gestion des Risques, rompt la trame juridique dont se dota le pays au retour de la démocratie en 1983.

Les exercices se réalisèrent dans la localité de Puerta Libertad, aux environs du barrage Urugua-i, en présence de représentants des armées de 15 pays, parmi lesquels se détachaient celles du Canada, des USA et de l'Espagne.

Lors d'une entrevue avec le quotidien « El Independiante » de Misiones, le sous-secrétaire de Protection Civile de la Province, Enrique Parra, mis en évidence la centralité militaire dans ces prétendus exercices civiles : « Nous avons travaillé en d'autres opportunités avec les forces fédérales. Ce qui se passe, c'est que l'armée vient avec toute sa structure et nous allons nous incorporer à sa structure de travail ».

Le portail Infobae, spécialisé dans l'information de l'agenda néo-conservateur du pays, évalue la participation aux opérations à 450 civils et militaires. Pour sa part, la presse de Misiones détailla la réalisation de quatre grands exercices militaires qui, derrière la narration de la protection du milieu ambiant, paraissent être dirigés vers une préparation de l'action civile et militaire face à une éventuelle attaque militaire ou « terroriste ».

Le premier exercice simule une fissure du barrage de Urugua-i. La seconde simulation, la chute d'un avion en pleine selva de Mission. Le troisième traitait du naufrage d'une embarcation dans le lac Urugua-i et le dernier fut la simulation d'un accident de camion contenant des produits chimiques à risque.


 

« Terrorisme » international dans le pays ?

Depuis que Macri a assumé la présidence, en plus d'une opportunité, dans la presse hégémonique, il a été question de cellules dormantes de Hezbollah dans la zone de la Triple frontière - précisément la zone où se sont déroulés les exercices militaires - un fait qui n'a jamais pu être vérifié.

Au contraire de ce que publiait le matraquage médiatique, le Hezbollah est une organisation politico-militaire qui surgit au Liban en 1982 en réponse à l'invasion israélienne sur son territoire. Son statut d'organisation « terroriste » pour les USA apparut quand en 1983, en pleine guerre contre l'occupation israélienne et occidentale, par le biais d'attaques suicides, ils tuèrent 258 étasuniens dans un casernement de Marine des USA à Beyrouth.

Ce qui est étrange, c'est que après la guerre, le Hezbollah s'est transformé en un parti légalement constitué qui compte actuellement un nombres d’élus des plus importants au Parlement Libanais. Ce qui l’a conduit a faire partie, sans problèmes, du gouvernement de coalition du président chrétien, Michel Aoun.

En Argentine cette organisation fut accusée, de manière réitérée mais sans aucune preuve, des attentats contre l'Ambassade d'Israël et à la AMIA (1992 et 1994), et même d'être responsable de l'assassinat du procureur Alberto Nisman (alors que tout indiquait qu'il s'agissait d'un suicide)


 

Le  chef militaire rendit visite au ministre de la Défense argentin, le radical Oscar Aguad, et à la secrétaire de Stratégie et affaires militaires, Paola Di Chiaro

Le chef militaire rendit visite au ministre de la Défense argentin, le radical Oscar Aguad, et à la secrétaire de Stratégie et affaires militaires, Paola Di Chiaro

Le Commandement Sud étasunien visite l'Argentine

Par hasard ou par lien de cause à effet, les exercices militaires de Mission coïncident avec la visite de l'Amiral Craif Faller, Chef du Commandement Sud des Forces Armées des USA en Argentine, avant qu'il ne se dirige vers le Chili. L'objectif de cette tournée est de présenter la Chine, la Russie et le Venezuela comme des dangers pour les « démocraties » de l'hémisphère.

« Je crois qu'une alliance forte entre nos deux pays laissera hors de la compétition d'autres pays, y compris la Russie et la Chine », affirma le chef du Commandement Conjoint des forces armées nord-américaines qui assistent, contrôlent et interviennent en Amérique Latine.

Le Venezuela, comme scénario géopolitique central de la région, n'échappa pas à l'analyse du commandant étasunien, qui signala que la tâche du moment « est d'étudier les rapports des services de renseignement, apprendre et parvenir à une perception claire de la situation et de la complexité du désastre pour pouvoir ainsi planifier le lendemain. »

Le chef militaire rendit visite au ministre de la Défense argentin, le radical Oscar Aguad, et à la secrétaire de Stratégie et affaires militaires, Paola Di Chiaro (liée à l'influent Fulvio Pompeo), il était accompagné de Liliana Ayalde, une spécialiste en affaires latino-américaines du Département d’État qui officiait en tant qu'ambassadrice nord-américaine au Paraguay, lors du coup d'état contre Fernando Lugo, et au Brésil pendant l'impeachment (jugement politique) contre Dilma Roussef.

La présence de Craig Miller vient simultanément avec l’offre d'avions et de véhicules blindés aux Forces Armées Argentines. En d'autres termes, l'industrie militaire étasunienne fournit les armes et le Commandement Sud les entraînements.


 

Mot de la fin

En temps de période électorale, il semble que la stratégie officielle est de focaliser le débat sur le Venezuela et sur le Hezbollah et de cesser de parler de la faim, de la pauvreté, du chômage de millions d'argentins et d'argentines.

L'Argentine traverse une féroce récession provoquée par un projet économique qui ne vise que les bénéfices des oligopoles locaux (énergétiques, miniers), les entreprises TIC, les chaînes agroalimentaires, et « les marchés », autrement dit, la vingtaine d'acteurs financiers qui se remplissent les poches avec la « bicyclette financière » de bons et obligations, les LEBAC's et LELIQ's.

Ce projet économique ne se soutient que grâce à l'intervention directe du Fond Monétaire International (FMI) et au strict alignement du pays sur la stratégie néo-conservatrice de Donald Trump, avec qui Macri espère se réunir de manière bilatérale dans le cadre de l'Assemblée du G20 au Japon.

Pichetto, le sénateur péroniste, qui accompagne à présent Mauricio Macri dans la formule présidentielle pour les élections d'octobre, se prononça clairement : « Nos liens ne se tissent déjà plus avec des pays complexes du Moyen Orient, la Russie ou la Chine - avec qui je suppose qu'il garder des relations - nous devons nous situer résolument dans un profil occidental et revenir à notre relation historique avec les États-Unis. »

La poursuite de ce modèle économique, régit par la valorisation financière (dans laquelle gagne seulement ceux qui ont les moyens de faire « travailler »de grandes quantité de l'argent de la spéculation) exige ce pervers alignement géopolitique. Et c'est cet alignement qui rend obligatoire l'installation de bases étrangères (de la DEA, du Commandement Sud) sur notre territoire et l’accomplissement de ces ignominieux exercices militaires d'occupation.

Les forces populaires de Missiones ont depuis remis en question les mécanismes qui permettent l’entrée de forces armées étrangères dans le pays et elles ont dénoncé le fait que le Congrès de la Nation n'a pas été informé du déroulement de ce genre d’exercices militaires.

« Depuis un certain temps cette tendance [politique] est venue en utilisant des arguments comme les désastres naturels, la prévention du narcotrafic et le terrorisme afin de permettre une plus grande ingérence politique et militaire de la part des USA », affirma Jorge Almada, militant du Front de la Patrie de Misiones, à la presse de la province, où il annoncera aussi la formation de « Trinchera Soberana », une multi-sectorielle qui a convoqué diverses mobilisations populaires contre la militarisation du territoire.


 

Chercheurs argentins de CLAE-FILA (Centre Latino-Américain d’études Stratégiques)

 

Source originale en espagnol Resumen Latinoamericano

Traduction Anne Wolff


 

Augmentation de l'ingérence militaire étasunienne en Argentine

Note de la traductrice :

Cet accroissement de la présence militaire US en Argentine trouve sa place dans ce qui est (re)devenu une occupation régionale du territoire par les USA qui vise d’une part les ennemis : Venezuela, Chine, Russie, mais également une prise de contrôle des ressources naturelles, ici la ressource aquifère du lac Guarani, 4ème réserve d’eau mondiale, alors que la surconsommation mais surtout les irréversibles pollutions qui résultent de la fracturation hydraulique (fracking) dans l’extraction des hydrocarbures, polluent de manière irréversible une grande partie des ressources aquifères des USA, provoquant pour la population des pénuries d’eau. Un phénomène qui ira en s’aggravant. Des forces militaires US surveillent aussi le lac Guarani depuis le Paraguay. On remarquera également le rôle joué (conseils, entraînement, fourniture d’armes et autre matériel militaire) par les Forces Armées US dans la militarisation de la répression des protestations sociales et populaires dans la région, en Colombie, au Honduras, ... Un pays où de nombreuses voix s’élèvent comme un avertissement : « Nous sommes le laboratoire de la reprise en main de la région par les USA ». Ici, Les marines débarquent en Argentine : zoom sur l'invasion militaire nous voyons que des soldats US et d’autres, Israéliens, sont venus à l’automne dernier entraîner tant les effectifs militaires que les Forces de Police d’Argentine afin de lutter contre l’ « ennemi intérieur ».

Voir Alerte l'invasion militaire silencieuse US en Amérique Latine se précise et s'accélère pour une approche régionale de cette invasion et Galapagos: De patrimoine de l’humanité à porte-avions des USA? (juillet 2019) pour la similitude des méthodes utilisées par les gouvernements de droite d’Équateur et d’Argentine, une occupation militaire autorisée par l’exécutif – sans consultation ni notifications faites aux organes législatifs - et prétextes avancés : protection de l’environnement, lutte contre la drogue mais aussi contention de l’avancée des influences chinoises et russes dans la région,. Et bien sûr le « cas Venezuela », pays pour lequel est plus probable une intervention militaire proxy que celle directe des forces étasuniennes, du moins dans un premier temps.

Et nous ne devons jamais perdre de vue le rôle crucial jouée par cette militarisation dans la répression de l’ « ennemi intérieur » : les populations organisées qui protestent contre la misère grandissante, les paysans et populations natives qui refusent les expulsions et les transformations mortifères du milieu ambiant, de leur territoire, de notre planète.

N’oublions pas la déclaration faite par John Kerry, en 2013, alors qu’il était Secrétaire d’État d’Obama :“L’hémisphère occidental [terme à connotation colonialiste utilisé aux USA pour désigner l’Amérique Latine. NdT] est notre cour-arrière, il est d’une importance vitale pour nous. Avec une grande fréquence, beaucoup de pays de la région sentent que les USA ne leur portent pas assez d’attention et dans certaines occasions, c’est très certainement la vérité. Nous devons nous rapprocher vigoureusement, nous avons planifié de le faire. »

 

Honduras, militarisation du Bas Aguan, terre de luttes populaires, natives et paysannes

Honduras, militarisation du Bas Aguan, terre de luttes populaires, natives et paysannes

A cette même époque, Giorgio Trucchi met en évidence la militarisation de l’Amérique Centrale imposée par Washington au nom de la lutte contre « les drogues » :

De la remilitarisation de l'Amérique Centrale 1

De la remilitarisation de l'Amérique Centrale 2

De la remilitarisation de l'Amérique Centrale 3

De la remilitarisation de l'Amérique Centrale 4

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8 juillet 2019 1 08 /07 /juillet /2019 10:34
Illustrations Alai

Illustrations Alai

Les USA ont toujours voulu s’approprier des Îles Galapagos (qui appartiennent à l’Équateur) invoquant la politique de Bon Voisin et la Doctrine de Monroe. Pendant la seconde guerre mondiale, ils ont occupés manu militari l’Archipel pendant 7 ans. À présent, le gouvernement de Lénine Moreno a conclu un accord avec les USA - dont le contenu est gardé secret - qui permettrait aux militaires étrangers d’utiliser l’aéroport de l’Île San Cristobal.

C’est au mois de juin que les équatoriens ont appris l’intention du gouvernement de Lenin Moreno de permettre aux forces militaires étasuniennes d’utiliser les Îles Galapagos, le ministre de la Défense du Pays Andin, Oswaldo Jarrin, avait alors déclaré que « les Galapagos sont un porte-avion  naturel ». L’indignation des citoyens équatoriens et la préoccupation mondiale ont été immédiates.

Lors d’une conférence de Presse avec les médias étrangers, le ministre a confirmé que dans les Îles Galapagos des avions étasuniens Orion P3 et Awaks, mèneront des opérations dans le cadre de la lutte contre le narcotrafic et de la pêche illégale, en assurant que depuis ces îles, ils peuvent assurer « permanence, réapprovisionnement et facilité d’interception ». Il ajoute qu’en raison de ces opérations l’aéroport de l’Île de San Cristobal sera agrandi et que les USA vont se charger d’améliorer les conditions, spécialement de ré-approvisionnement. Dans le but de calmer les voix qui questionnent cette manière de livrer le pays, il conclut en indiquant que « chaque opération sera escortée par des officiers équatoriens. »

 Tant Jarrín que Norman Wray, président du Conseil de Gouvernement du Régime Spécial des Galapagos, ont affirmé qu’il n’y aura pas d’installation d’une base militaire étrangère et que donc la Constitution ne sera pas enfreinte. Pour éviter justement que se renouvelle une situation comme l’usage de la Base de Manta par des Forces étasuniennes, la Constitution approuvée par le peuple équatorien en 2008, dit dans son article 5 :  « L’Équateur est un territoire de paix. L’établissement de bases militaires étrangères ou d’installations étrangères à fins militaires ne sera pas autorisé. Il est interdit de céder des bases militaires nationales à des forces armées ou de sécurité étrangères ».

L’article de la constitution est très clair, il signale que ne seront autorisés ni l’établissement de bases étrangères, ni celle « d’installations étrangères à des fins militaires ». Cela recouvre le projet prévu aux Galapagos : s’il ne s’agit pas d’une base au sens classique, il s’agit, sans nul doute, d’installations étrangères (avions, équipement de réapprovisionnement, personnel militaire, etc. ) dans un aéroport équatorien. En plus dans ce cas, serait cédée une base à des forces armées ou de sécurité étrangères comme le stipule l’article 5 de la Constitution.

A son tour, le président Lenin Moreno a manifesté via un tweet, que « la surveillance aérienne est une activité conjointe entre plusieurs pays pour prendre soin de ce patrimoine mondial ». Ce qui revient à dire que pour prendre soin de ce patrimoine le concours des USA est requis, mais aussi la coopération élargie avec les gouvernements de Pérou, Chili et Colombie, « pour adopter une posture régionale face à ce genre de menaces », comme le signale Norman Wray. En termes géopolitiques, ceci signifie que l’Équateur se soumet à la géostratégie militaire des USA qui vise le contrôle de l’Amérique du Sud et de tout le Pacifique Sud-Américain en fonction de leurs intérêts et objectifs impériaux, centrés actuellement vers une intervention au Venezuela, le combat du narcotrafic, les migrations – en particulier en Amérique Centrale, et la contention de la Russie et de la Chine.

Mais les Galapagos ne seront pas le seul « porte-avions » d’une force aérienne étrangère dans le pays, il y en aurait deux autres : celui de Guayaquil et à nouveau celui de Manta. Selon le journal « El Comercio » du 19 juin, « une fois que les aéronefs seront opératifs depuis les Galapagos, l’idée du gouvernement est de créer le dit « Triangle de Sécurité », que les Îles forment avec avec Manta et Guayaquil. Cela se met en place, en ce moment l’Orion P3 et l’Awac volent déjà depuis le Port Principal et ils peuvent également le faire depuis la capitale de la province de Manabi  [Portoviejo]».(1)

En effet, dès septembre 2018, les avions d’intelligence étasunienne ont opéré depuis Guayaquil, pour des « voyages de reconnaissance », des prises de photographies et des détections » , selon le ministre Jarrín.

Jarrín, qui chapeaute le réalignement et la soumission de l’Équateur aux USA, a une longue carrière militaire et est connu pour sa position ouvertement pro-étasunienne.

Il a débuté sa carrière militaire en 1966 et a occupé de hautes charges à l’intérieur des Forces Armées. Le 15 janvier 2003, il avait été nommé Chef du Commando Conjoint des Forces Armées par le président Lucio Gutiérrez alors en fonction, une charge qu’il abandonna le 18 juin de la même année en raison de rumeurs de déstabilisation du Gouvernement National.(2)

Le journaliste Kintto Lucas, dans son livre « Ecuador cara y cruz, tome 2 » informe de l’étroite relation qui existait entre le général Jarrín et le chef du Commandement Sud des USA, James Hill, et comprenait des randonnées dans la selva équatorienne et des réunions à Miami, au cours desquelles étaient abordée la question de la « sécurité à la frontière colombo-équatorienne », Hill argumentait alors que « la position de son gouvernement était de régionaliser les Opérations du Plan Colombie ».

Après le renversement de Gutiérrez, le président Alfredo Palacio, le désigna comme ministre de la Défense le 19 août 2005, fonction qu’il occupa jusqu’au 29 août de 2006. En une occasion, au sujet des luttes des mouvements sociaux qui réclamaient l’attention de l’État, Jarrín parla de former « une force de paix pour l’Équateur » et signala que « l’État va avoir besoin d’un pouvoir extérieur afin de contrôler la paix et l’ordre, de reconstruire la nation et (que) probablement à l’avenir nous aurons un Haïti en Équateur ».(3)

Puerto Baquerizo, île San Cristóbal.  Foto: ETG

Puerto Baquerizo, île San Cristóbal. Foto: ETG


 

 Toujours les mêmes arguments

La présence militaire étasunienne annoncée dans l’Archipel des Galapagos est le résultat des accords de coopération conclus entre l’actuel gouvernement d’Équateur et les USA, en particulier dans le domaine militaire. Les USA prétendent se réinstaller dans le pays andin, après une décennie de prise de distance, avec le même argument utilisé pour installer la base de Manta : le prétexte de la lutte contre le narcotrafic.

Il faut se rappeler que le 2 août de 2018, le Ministre de la Défense informa que les USA disposait d’une Officine de Coopération de Sécurité (OCS) en fonction, résultat d’un accord entre USA et Équateur, selon le Ministre Jarrín : « par disposition présidentielle et autorisation des Ministères des Affaires Étrangères et de la Défense. »

D’après le département de la Défense des USA, les OCS, font partie de l’Agence d’Assistance de Sécurité de la Défense, et leur rôle est de réaliser des actions qui « promeuvent les intérêts de sécurité spécifiques des USA, incluant toutes les activités internationales de coopération en matière d’armement et d’activités d’assistance de sécurité ».

 Utilisant la « coopération » en guise de justification, les forces militaires étasuniennes sont de retour en Équateur dix ans après en avoir été expulsées, quand le gouvernement de Rafael Correa décida de ne pas renouveler la Convention avec les USA pour l’usage de la Base de Manta (signé en 1999 et en vigueur jusqu’à 2009), après la mobilisation et à la demande de plusieurs organisation sociales.

Par la médiation de cette Convention, les USA avaient installé un Poste d’Opérations Avancées (FOL sigle en anglais : Forward Operating Location), qui alla beaucoup plus loin que ce qui était convenu. Les actions arbitraires des militaires étasuniens durant leur présence à Manta, sont toujours présentes dans les mémoires : bateaux équatoriens coulés par des frégates étasuniennes ; contrôle de la migration ; affectation de l’activité des pêcheurs  ; contrat signé avec la compagnie DynCorp, qui avait immédiatement été dénoncée pour activités illégales en relation avec le système d’embauche de mercenaires d’autres pays ; entre autres.

 Ce qui est essentiel, c’est que la base de Manta, selon les paroles du commandant de la FOL, Javier Delucca, était considérée comme stratégique pour le Plan Colombie, puisque de là ils surveillaient le conflit colombien. Il a également affirmé que le rôle de la Base de Manta avait été déterminant pour le bombardement de Angostura, (province équatorienne de Sucumbíos) par des militaires colombiens en coopération avec les USA en 2008. Bombardement dans lequel mourut le dirigeant des Farc, Raúl Reyes, en même temps que 25 guérilleros et des civils qui se trouvaient dans le campement guérillero.

A présent l’histoire se répète. Dans le cas de la Base de Manta, le Ministère des Affaires Étrangères et le Ministre de la Défense étaient initialement parvenus à un accord avec l’Ambassade des USA. Toute la négociation et l’accord étaient restés secrets, jusqu’à ce que la pression populaire exige que le Congrès National se prononce à ce sujet.

Aujourd’hui il se produit la même chose en ce qui concerne les Galapagos. En plus, malgré les déclarations des plus hautes autorités du gouvernement d’Équateur qui ont annoncé que les USA procéderaient en coopération (avec l’Équateur) dans les Îles Galapagos, le Département de la Défense US dément disant qu’il n’y a pas eu d’accord signé avec le gouvernement d’Équateur pour l’utilisation de l’aéroport des Galapagos et qu’il n’y a pas de négociations formelles en ce sens (4). Qui devons-nous croire ? Tout cela met en évidence la nécessité de ce que soit révélé exactement ce que le gouvernement équatorien a accordé aux USA dans le dos des citoyens et de l’Assemblée Nationale.

Tout près de l'aéroport de San Cristobal se trouve le lieu connu comme La Loberia.  Foto: ETG

Tout près de l'aéroport de San Cristobal se trouve le lieu connu comme La Loberia. Foto: ETG

 Le fragile milieu ambiant mis en danger

Il faut se rappeler que l’Archipel des Galapagos, situé à 1000 kilomètres de la côte équatorienne, a été déclaré Patrimoine Naturel de l’Humanité en 1978 par l’UNESCO, parce qu’il remplissait 4 critères qui semblent n’avoir aucune importance pour ceux qui dirigent les politiques de défense : - receler des phénomènes naturels extraordinaires ou des aires de beauté naturelle ; - être un exemple remarquable de l’histoire de la Terre ; - avoir certaines caractéristique et processus géo-morphologiques et géologiques ; - être un exemple de processus écologiques et biologiques du cours de l’évolution des écosystèmes et de la diversité biologique et d’espèces menacées. Rappelons-nous que le chercheur anglais Charles Darwin a fondé sa théorie de l’évolution des espèces sur les observations qu’il avait réalisées aux Galapagos.

Il a été reconnu que, en raison de son isolement et après des millions d’années d’évolution, l’Archipel des Galapagos possède un écosystème unique au monde, lequel se verrait sérieusement menacé s’il se convertissait en « porte-avions » pour les militaires étasuniens, comme l’affirme le gouvernement équatorien.


 

L’ex-ministre du Milieu Ambiant et actuelle membre de l’Assemblée de la Révolution Citoyenne, Marcela Aguiñaga (dans le programme de Telesur EnClave Politica du 20-06-2019) alerte au sujet des risques d’affectation du milieu ambiant à San Cristobal, autant à cause de l’agrandissement de l’aéroport qu’à cause des opérations nocturnes prévues. Elle signale que chaque opération de cette nature requière une étude d’impact ambiantal, concernant le bruit, les ordures et déchets qui auraient un impact sur la population et les espèces qui habitent les îles, d’autant plus que l’aéroport est situé à proximité d’un centre de population et d’un lieu où vivent les loups marins, connu comme La Loberia.

Si San Cristobal est utilisé comme centre de ravitaillement d’avion, Aguiñaga se demande comment va être transféré le combustible à 1000 kilomètres de distance, en quelle quantité et quels sont les plans de contingence. Question qui se pose avec d’autant plus d’acuïté si on considère qu’il avait été décidé de réduire l’usage des combustibles fossiles dans les Îles. L’idée de zéro combustibles fossiles pour les Galapagos est née justement après une catastrophe écologique causée par le naufrage du Jessica en face du Port Baquerizo Moreno en 2001, lors duquel s’échappèrent quelques 240 000 galons de combustibles, générant un grave problème ambiantal qui affecta plusieurs espèces.(5)

La membre de l’Assemblée conclut que cette décision du gouvernement met en risque la réserve de la biosphère, la réserve marine d’une grande importance mondiale, et le droit des populations à vivre dans un milieu ambiant sain. Pour cela Aguiñaga annonce que l’Assemblée a demandé que comparaissent les Ministres de la Défense et du Milieu Ambiant afin d’informer du contenu des accords et des impacts et plans de contingence prévus.

Combat contre le narcotrafic

 Un des arguments invoqué pour l’installation du porte-avions étasunien au Galapagos est qu’il servira pour combattre la menace des maffias du narcotrafic et du crime organisé, qui utilisent les routes de l’Océan Pacifique pour transporter la drogue dans des bateaux rapides et sophistiquées ainsi que dans des avionnettes. Le général retraité Carlos Moncayo argumente qu’il « est nécessaire d’établir une coopération avec une autre nation, comme les USA, qui disposent de la capacité opérationnelle pour affronter le crime organisé et le narcotrafic », ajoutant que l’amélioration de l’aéroport est un bénéfice pour les opérations militaires propres à l’Équateur et non pas étasuniennes. (6)

A ce sujet on peut exprimer les considérations suivantes  :

Premièrement. Il faut commencer par préciser l’approche qui doit guider la lutte anti-drogues, indubitablement un fléau qui cause chaque année des milliers de morts et de graves problèmes pour les personnes qui les consomment. Les USA ont une vision répressive, focalisée sur la question de l’offre et transfèrent la lutte en dehors de leurs frontières, avec toutes les conséquence que cela entraîne. Une autre approche considère que le problème des drogues est, avant tout, un problème de santé publique et d’éducation. En 2016 les USA comptaient 27 millions d’addicts, quelques-uns d’entre eux disposant d’un haut pouvoir d’achat, prêts à payer n’importe quel prix pour acquérir la drogue. Tant que ne se réduira pas la demande, il sera difficile de faire diminuer l’offre. L’Assemblée Générale des Nations Unies qui a abordé le thème de la drogue en 2016 et formulé des recommandations pour réduire l’offre et la demande, signale qu’il est nécessaire de prendre des mesures autant dans les pays qui produisent la drogue que dans les pays consommateurs. (7)

 Deuxièmement.. La lutte contre la drogue a été utilisée par les USA comme prétexte pour renforcer leur position de contrôle et de domination géostratégique du continent. Après la chute du mur de Berlin (1989) et l’implosion de l’Union des Républiques Soviétiques Socialistes (1991), sous la tutelle de la puissance du Nord, se redéfinirent les agendas des Forces Armées de la région. La « lutte contre le péril communiste » qui en grande partie fut la raison d’être des Forces Armées Latino-Américaines fut remplacée. Premièrement par la « lutte contre la drogue » et ensuite, après l’attentat des Tours Jumelles (11septembre 2001), par la « lutte contre le terrorisme ». Le combat contre les drogues interdites se convertit en problème de sécurité nationale et impliqua de manière croissante les Forces Armées. Le résultat de ces interventions dans plusieurs pays, comme le Mexique ou la Colombie, sont désastreux, comme en témoigne les chiffres des assassinat, déplacés, disparus, torturés.

Troisièmement Dans la complexe lutte contre la drogue, quelques analystes affirment qu’il faut mettre en œuvre une stratégie intégrale, qui consiste entre autres points, à s’attaquer au contrôle des précurseurs utilisés pour raffiner le cocaïne et autres drogues illicites, dont beaucoup sont fabriqués par les pays développés ; au contrôle du blanchiment de l’argent produit par le trafic et la vente de drogues interdites qui dans sa majorité aboutit dans des paradis fiscaux et les banques des pays riches ; affronter le problème comme un thème de santé publique et d’éducation ; ne pas écarter la possibilité de la légalisation de certaines drogues interdites pour que l’état et la société disposent d’une meilleure faculté de contrôle et d’intervention dans ce domaine ; prendre en main la substitution des cultures de coca avec l’aide de l’état , combattant la pauvreté, offrant des services et la participation aux paysans.

Foto: ETG

Foto: ETG

 A quoi servent les bases ?

Le rôle des bases militaires des USA tant en Amérique Latine que dans le reste du monde dans le cadre de « la guerre contre les drogues » doit être débattu parce qu’il suscite biens des doutes. En Colombie, par exemple, les 7 bases militaires que les USA ont installées dans le pays et les centaines de millions de dollars investis depuis les débuts du Plan Colombie en 2000 n’ont assurément pas servis à diminuer ni la production, ni le trafic de la cocaïne et des autres drogues interdites. L’ONU nous a appris dans le Rapport Mondial sur les Drogues que la production mondiale de cocaïne en 2017 a atteint 1.976 tonnes, soit une augmentations de 25 % par rapport à 2016. Dans ce contexte, la Colombie, avec plus de 200.000 hectares semés de cocas, produit 70 % de la production mondiale de cocaïne d’une grande pureté.(8) On pourrait dire la même chose d’Afghanistan où la production et le trafic de l’héroïne ont augmenté depuis que les USA et les pays de l’OTAN l’ont envahi en 2001, après l’écroulement des Tours Jumelles à New York.(9)

Les bases peuvent s’appeler FOL ou porte-avions, ce qu’il faut analyser, c’est le rôle qu’elles jouent et leurs objectifs. La chercheuse mexicaine Ana Esther Ceceña, affirme que les USA ont deux objectifs généraux : garantir le maintien du capitalisme et la prééminence des USA ; se garantir la disponibilité de toutes les richesses du monde comme base matérielle du fonctionnement du système, assurant le maintient de leurs hiérarchies et dynamiques de pouvoir... » (10)


 

 Après le remplacement ou l’affaiblissement des gouvernements progressistes et parallèlement au démantèlement des organismes régionaux comme l’Union Sud-Américaine des Nations (UNASUR), le gouvernement de Donald Trump a repris l’initiative et a établi des accords militaires avec les gouvernements de droite du Brésil, d’Argentine, d’Équateur et du Guatemala qui lui ont permis de déployer une nouvelle présence militaire, qui se joint aux contingents qui sont déjà présents au Honduras, à Panama, Cuba (Guantanamo), Curaçao, au Pérou, au Paraguay et en Colombie.

Parmi les « dangers » et « menace» pour son pays, le Commandement Sud mentionne Cuba, le Venezuela, la Colombie, le narcotrafic, les réseaux illicites régionaux et transnationaux, une plus grande présence de la Chine, de la Russie et de l’Iran en Amérique Latine et Caraïbe et parle d’aide à déployer face à des désastres. D’après le journaliste cubain, Raúl Capote Fernández, « l’objectif de l’empire est d’augmenter la présence militaire dans la région afin d’assurer ses intérêts hégémoniques dans l’hémisphère, de consolider un front contre le Venezuela et de perpétuer sa domination sur les immenses ressources de l’Amérique Latine et Caraïbe ».(11)


 

 

L'archipel des Galapagos, un patrimoine naturel de l'humanité

L'archipel des Galapagos, un patrimoine naturel de l'humanité

 Les USA ont toujours eu un œil sur les Galapagos

La prétention des USA de s’emparer des Îles Galapagos à des fins militaires et stratégiques n’est pas nouvelle. Depuis qu’elles ont été intégrées à l’Équateur, en 1832, tant les USA que les autres puissances coloniales, comme la France et le Royaume Uni ont tenté de s’emparer des Îles sous divers prétextes et motifs, comptant pour cela avec la collaboration de plusieurs gouvernements équatoriens.

Le président Juan José Flores proposa au Royaume Unis de les leur vendre pour apurer la dette contractée pendant la lutte pour l’indépendance ; plus tard le président conservateur Gabriel Garcia Moreno en 1861 les proposa à la France qui mettrait les Galapagos et la région amazonienne de l’Équateur sous protectorat. Heureusement ces initiatives n’aboutirent pas.

En 1883 le sénat des USA déclara les Galapagos « terre de personne » et proclama qu’il existait de sérieux doutes concernant la souveraineté équatorienne sur les Îles.(12) La résolution fut prise après que les USA aient envoyé en Amérique du Sud le Commissaire George Earl Church avec plusieurs missions, et parmi elles celle de démontrer que les Galapagos n’appartiennent pas à l’Équateur. Face à cela, le gouvernement équatorien, par l’intermédiaire du Ministre des Affaires étrangères Antonio Flores Jijón présenta une protestation officielle, mais les prétentions des USA de s’emparer de l’archipel ne cessèrent pas.

En 1910, pendant le gouvernement de Eloy Alfaro, les USA offrirent à l’Équateur 15 millions de dollars pour 99 ans de séjour dans les Îles. Alfaro soumit la proposition qui était attractive pour le développement du pays au débat national, et finalement, elle fut écartée.

Après la construction du Canal de Panama qui permit d’unir les océans Pacifique et Atlantique, œuvre initiée par la France au 19ème siècle et conclue par les USA au début du 20ème siècle, les Îles devinrent d’un grand intérêt stratégique pour la surveillance, le contrôle et la défense du nouveau canal.

Pendant la première guerre mondiale (1914-1918), les USA déployèrent un grand contingent militaire dans la mer Caraïbe pour défendre le canal de Panama mais ils devaient consolider leurs défenses dans l’Océan Pacifique, d’autant plus quand les navires allemands et japonais se mirent à rôder du côté des Galapagos. A cette fin, ils exercèrent de fortes pression sur le gouvernement de Léonidas Plaza Gutiérrez pour obtenir la vente ou la location des Îles Galapagos, parmi « leurs offres alléchantes, ils offrirent de solutionner les problèmes de l’instable Trésor National » (13).

L’équatorien Octavio Latorre, un des plus renommé des chercheurs de l’archipel, prétend que les USA « on tout préparé dès 1920 pour une occupation des Îles, sur base du fait accompli et la politique de Bon Voisin, en réalité la Loi du Plus Fort » (14). On peut ajouter que les USA ont agit sous le principe de la doctrine de Monroe synthétisé par la phrase « l’Amérique pour les (nord) Américains » énoncé dans le cadre de la lutte pour avec les anciennes puissances coloniales européennes.

Après que le dictateur équatorien Federico Páez ait géré en 1935 l’échec d’un emprunt aux USA, le président Roosevelt suggéra la possibilité de convertir les Îles Galapagos « en un parc national pour protéger sa faune et sa flore, dont la propriété reviendrait à tous les pays membres de l’Union Panaméricaine, parmi eux, les USA » (15). Le but était d’empêcher l’usage militaire de l’Archipel par « un quelconque pays ennemi ».

 Prenant comme prétexte la seconde guerre mondiale, les USA occupèrent militairement les Îles Galapagos, construisant une grande base sur l’île Baltra (aussi appelée Seymour Sud) et eurent une présence sur les îles Isabela, Española, entre autres. Ils établirent également une base sur la péninsule de Salinas, territoire continental équatorien.

Le 12 décembre 1941, 36 marines étasuniens débarquèrent aux Îles Galapagos afin d’y construire un dépôt de combustible, sans qu’il existe aucun accord formel avec l’Équateur. (16) Cela se produit 5 jours après l’attaque japonaise de la base hawaïenne des USA à Pearl Harbor qui fut l’événement qui motiva la déclaration de guerre faite par les USA au Japon.

Des mois plus tard (le 13 septembre 1941) le gouvernement équatorien présidé par Carlos Alberto Arroyo del Rio (17), par l’intermédiaire de l’ambassadeur à Washington, Colón Eloy Alfaro avait signé un document secret par lequel l’Équateur permettait que l’aviation militaire et navale des USA effectue des vols depuis leurs bases en Amérique Centrale jusqu’aux Îles Galapagos.

C’est seulement après l’occupation de fait des Galapagos par les USA que furent signés les accords entre la puissance du Nord et l’Équateur pour permettre la construction de bases étrangères à Salinas et aux Galapagos.

Le 24 janvier 1942, les représentants des Forces Armées des USA et l’Équateur souscrivirent un accord de coopération par lequel il était permis au « général commandant la Défense des Caraïbes d’occuper les terrains de la paroisse de Salinas et d’y construire des installations militaires » et il pourrait « également installer des bouées dans les eaux territoriales de la même juridiction, et utiliser les eaux pour l’amerrissage d’avions ou l’ancrage de navires » (18)


 

Le 2 février 1942 un autre accord est signé entre l’ambassadeur Colón Eloy Alfaro et le secrétaire d’État des USA Cordek Hull par lequel les gouvernements d’Équateur et des USA conviennent d’établir des « opérations à caractère de défense continentale en eaux et territoire de l’autre. » « Se servant de cette autorisation, mais sans avoir un statut précis et concret à ce sujet, ni une référence directe aux Îles, ni même une notification, les USA avaient occupé avec une base militaire l’île Seymour Sud (ou Baltra), et installé des stations de surveillance en d’autres lieux de l’Archipel » affirme l’écrivain Alfredo Luna Tobar. (19)

Le gouvernement de Arroyo del Rio céda les Galapagos aux USA « en accomplissement et conformité avec les pactes multilatéraux en vigueur, coopérant avec efficacité à la défense continentale, et donnant une preuve effective de solidarité américaine », selon ses propres paroles. Il le fit de manière gratuite « pour qu’il soit démontré que nous agissons sous l’impulsion d’un idéal et non avec le but mercantiliste de faire commerce avec le territoire national » et de manière temporaire « autrement dit, tant que dure le conflit belliqueux mondial et uniquement pour cette durée, les bases devront être restituées à la fin de cette conflagration, sans affecter notre souveraineté. » (20)

La guerre mondiale s’acheva en 1945 mais les militaires étasuniens restèrent aux Galapagos jusqu’en 1948. Le 1er juillet 1946 eu lieu un acte officiel de restitution des Îles aux autorités équatoriennes, cependant les militaires des USA y séjournèrent de fait jusqu’en décembre 1948.

Les USA non seulement n’ont pas payé le moindre dollar pour occuper les Îles Galapagos, en plus quand ils se sont retirés, ils se défirent ou détruirent « des tonnes d’objets en tous genres et qualités » invoquant une clause secrète qui disait « à restituer telle que vous l’avez reçue ». Au lieu d’offrir l’infrastructure et la machinerie à l’Équateur, un pays qui leur avait facilité l’accès aux îles sans condition, les avions étasuniens larguèrent des falaises des îles ou dans la mer une grande quantité de matériel de la base en bon état comme les équipements hospitaliers, radios, pièces de rechanges d’avions et d’automotrices, vaisselle, etc. (22) Ils firent quelque chose d’équivalent à la base de Salinas, dont ils avaient délogés plus d’une centaine d’habitants auxquels ils donnèrent des indemnisations dérisoires. (23)

Mais ce qui oui resta sur l’île ce furent les passifs ambiantaux. On n’a pas connaissance d’une étude d’impact sur le milieu ambiant que laissa le passage des militaires des USA par les Galapagos, mais il est facile de déduire que la construction de la piste aérienne de Baltra, le bruit constant et les atterrissages d’avion tuant les iguanes, la production quotidienne d’ordures et de déchets de plus de 10 000 effectifs qui y ont transité pendant cette période, ont affecté la flore et la faune des Îles.


 

 Pour finir

Les annonces des autorités équatoriennes relatives à la présence militaire étrangère dans l’Archipel des Galapagos essayent de minimiser les impacts que cela aura et de tranquilliser les citoyens, mais il y a des inquiétudes concernant la parole officielle surtout à cause des contradictions et du secrétisme qu’il y a autour de tout ce qui concerne ce sujet comme cela s’était déjà produit durant l’occupation des Îles Galapagos pendant la seconde guerre mondiale et lors de l’installation de la base de Manta en 1999. Face à cela il est légitime de poser quelques questions. Quel est le contenu et la portée des accords de coopération avec les USA ? Combien de temps durera l’occupation non seulement de l’aéroport des Galapagos mais aussi de Guayaquil et Manta ? Quel est le statut légal du personnel militaire des USA ? (24)

Il incombe à l’Assemblée Nationale de prendre connaissance et approuver cette sorte d’accords internationaux. Quelques membres de l’Assemblé ont montré leur préoccupation quant à la présence militaire des USA dans les Îles Galapagos, mais il existe de sérieux doutes concernant ce qu’il est possible de faire avec l’Alliance de la droite qui dirige actuellement l’Assemblée Nationale, présidée par le moréniste César Litardo.

La balle est à nouveau sur le terrain du champ populaire, dont la première tâche sera d’exiger que soit donnés à connaître tous les accords signés par le gouvernement de Lenin Moreno avec les USA, et en second lieu il faudra déployer de nouvelles luttes, comme celles menées dans la première décennie de ce siècle qui ont permis d’expulser les militaires étasuniens de la base de Manta et d’Équateur. Cette fois la lutte est pour la défense des Îles Galapagos en tant que Patrimoine de l’Humanité et pour la souveraineté nationale, et pour un but de plus large portée celui de préserver l’Amérique Latine comme territoire de paix, tel que l’a déterminé la Communauté des États Latino-Américains et Caraïbes (CELAC).

Notes

1 El Comercio, Naves de EE.UU. ocuparán pista de aeropuerto de Galápagos una vez al mes, 9-06-2010, https://www.elcomercio.com/actualidad/naves-eeuu-pista-galapagos-control.html  (consulté le 02/07/2019)

 

2 La Hora, En FFAA y Policía: Cambios sorpresivos, 18-06-2003, https://lahora.com.ec/noticia/1000170756/el-jefe-del-comando-conjunto-de-las-ffaa-general-oswaldo-jarrc3adn-fue-reemplazado-ayer-por-octavio-romero-quien-era-comandante-general-del-ejc3a9rcito , (consulté le 02/07/2019)

 

3 El Universo, Jarrín habla de fuerza de paz para Ecuador, 22-02-2006 , https://www.eluniverso.com/2006/02/22/0001/12/9AC883B6E98F4936B034F32ED8145096.html?p (consulté le 29-06-2019)

 

4 Mayor Chris Mitchell, Porte Parole du Pentagone, cité par Gisell Tobías, Voz de América, Washington.

 

5 El Telégrafo, Un buque encalló en Galápagos sin que haya derrame de contaminantes, 28-01-2015, https://www.eltelegrafo.com.ec/noticias/informacion/1/coe-de-galapagos-se-instala-tras-encallamiento-de-buque (Consulté le 29-06-2019)

 

6 Entrevue avec le général (r) Carlos Moncayo, Radio Pichincha Universal, 25-06-2019, Quito, https://www.pichinchauniversal.com.ec/portaviones-en-galapagos-no-implican-entrega-de-soberania-segun-general-en-servicio-pasivo/ (consulté le 29-06-2019)

 

7 Nations Unies"Declaración Política y Plan de Acción sobre Cooperación Internacional hacia una Estrategia Integral y Equilibrada para contrarrestar el Problema Mundial de las Drogas", www.unodc.org

 

8  Revista Semana, Producción de cocaína crece en el mundo y Colombia aporta el 70%, 26-06-2019, 
https://www.semana.com/amp/produccion-de-coca-crece-en-el-mundo-y-colombia-aporta-el-70/621010?fbclid=iwar1ksnh8qmdjeb7bt97m2wbiltuybjkwwvbh_djrpu7rggjkpm0lc_o-xvm&__twitter_impression=true , Bogota, (consulté le 2/7/2019)

 

9 Vicky Peláez, El opio, ¿el pretexto real de la guerra en Afganistán?, 28-06-2017,

https://mundo.sputniknews.com/firmas/201706281070344882-asia-kabul-confrontacion-washington/ , consulté le 2/7/2019

 

10 James Patrick Jordan, Resistiendo las bases militares y las estrategias del Pentágono en Latinoamérica, 29/01/2018 https://www.alainet.org/es/articulo/190678 , (consulté le 2/7/2019).

 

11 Raúl Capote Fernández, Bases militares de EE.UU. en América Latina y el Caribe. El Plan Suramérica, 9 de agosto de 2018,

http://www.granma.cu/mundo/2018-08-09/bases-militares-de-eeuu-en-america-latina-y-el-caribe-el-plan-suramerica-09-08-2018-17-08-04, (consulté le 02/07/2019 )

 

12 Hugo Hidrovo, Baltra-Base Beta, Ministère de la Culture d’Équateur, Quito, 2008, p.31

 

13 Ibid, p.58

 

14 Octavio Latorre, Historia humana de Galápagos, Artes Gráficas Señal, Quito, 2011, pp. 182-183

 

15 Jorge W. Villacrés Moscoso, Las ambiciones internacionales por las Islas Galápagos, Maison de la Culture équatorienne, Guayaquil, 1985, p. 97

 

16 Alfredo Luna Tobar, Historia Política Internacional de las Islas Galápagos, Ediciones Abya Yala, AFESE, Quito, 1997, p. 269)

 

17 En Équateur on a pas accordé à l’occupation militaire des Galapagos l’importance qu’elle méritait, parce que l’attention était focalisée sur l’invasion militaire par le Pérou de l’Équateur qui a commencé le 5 juillet 1941 et se termina en janvier 1942 avec la signature du Protocole de Rio de Janeiro par lequel l’Équateur perdit 200 000 kilomètres carrés de son territoire. Dans le contexte de la seconde guerre mondiale, ce traité fut imposé à l’Équateur par la force. Un des pays garant du même fut les USA. Le gouvernement pro-étasunien et répressif de Arroyo del Rio qui signa ce document fut renversé par une insurrection populaire le 28 mai 1944.

18 Équipe de Haut Niveau d’Analyses, Enquêtes et Publications, Ministère de Relations Extérieures y Mobilité Humaine,  Bases Militares Norteamericanas en el Mundo, Capítulo Especial Ecuador, Quito, 2016, pp. 82-83

 

19 Op. Cit., Alfredo Luna Tobar, pp.274-275

 

20 Op. Cit. Hugo Idrovo, p. 128

 

21 Ibid.  p102

 

22 Ibid. p. 102

 

23 Op. Cit., Equipo de Alto Nivel…, p. 115

 

24 L’Accord sur la base de Manta publié le 25 novembre 1999 concède l’immunité diplomatique au « personnel étasunien  et personnel dépendant en Équateur » et détermine que « dans l’éventualité où les autorités équatoriennes détiendraient un membre du personnel étasunien ou du personnel dépendant, elles devraient le notifier aux autorités des USA afin de coordonner une rapide remise entre leurs mains [du détenu]. Sur base de ces articles, l’assassinat de Pablo Vincente Jamarillo commis à Quito supposément par Peter Kamilowicz, membre de la sécurité de l’ambassade des USA et celui de Victor Manuel Mieles, commerçant de Portoviejo dont l’auteur présumé est Damon Pyler, fonctionnaire de la base de Manta restèrent impunis. Ce passera-t-il la même chose aux Galapagos ? Voir : Coalition No Bases Ecuador, Base de Manta, ojos y oídos del Plan Colombia, Quito, 2007, pp. 19-44-45.


 

Source Alai

Traduction Anne Wolff

 

Note de traduction : j’ai choisi de traduire dans ce contexte « medio ambiante » par milieu ambiant plutôt que par environnement, en effet ces deux concepts supposent différentes manières d’être au monde, deux ontologies différentes. L’environnement comme cet extérieur qui nous entoure répond à une conception occidentale, le milieu ambiant dont on est partie suppose une autre manière de voir et percevoir le monde, comme celle développée en Amérique Latine depuis les cosmo-visions des Peuples Originaires.

 

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5 juillet 2019 5 05 /07 /juillet /2019 11:53

 

Par Susana Albarrán pour El Salto, 3 juillet 2019

Víctor Fernández y Martín Fernández, militants du Movimiento Amplio por la Dignidad y la Justicia de Honduras

Víctor Fernández y Martín Fernández, militants du Movimiento Amplio por la Dignidad y la Justicia de Honduras

Martin et Victor Fernandez sont des militants du Movimiento Amplio por la Dignidad y la Justicia de Honduras. Tous deux ont également été avocats du COPINH [Conseil Civique des organisations populaires et indigènes du Honduras : 25 ans de luttes et de révolution ] lors du premier jugement pour l’assassinat de Berta Cáceres.


 

Le 28 juillet dernier s’accomplissaient 10 ans depuis le coup d'état au Honduras qui entraîné la destitution du président Manuel Zelaya et qui a été suivi par des mois de résistance et de répression. Depuis le peuple du Honduras traverse une crise continue alors que les mouvements sociaux luttent pour obtenir un changement de la situation politique. En mai dernier s'est levée une nouvelle opposition contre les plans de privatisation totale de l'éducation et de la santé élaborés par le Fond Monétaire International et le gouvernement de Juan Orlando Hernandez, réélu président pour un second mandat de manière inconstitutionnelle – la constitution du Honduras interdit la réélection présidentielle – en novembre 2017.

Au cours des dernières semaines se sont intensifiés les blocages de route, mobilisations, actions collectives, résistances pacifiques de divers secteurs de la société hondurienne dans différentes parties du pays rencontrant la répression comme réponse de la part de l’État, dont le mandataire a ordonné le déploiement des Forces Armées. A la fin juin les manifestations se soldaient par des morts et des blessés.

 

Pendant le mois d'avril de cette année, les avocats Martin Fernandez et Victor Fernandez ont parcouru plusieurs villes européennes, à l’occasion d’un voyage à Brême pour y recevoir le XVIème Prix Solidarité, qui leur était octroyé par cet État allemand en reconnaissance du travail qu'ils fournissent dans l'organisation Frente Amplio por la Dignidad y la Justicia (MADJ) à laquelle ils appartiennent tous les deux. Leur lutte poursuit l’approfondissement des espaces de participation de la société hondurienne pour le renforcement de la démocratie.

El Salto a conversé avec eux, au sujet de la reconnaissance de leur travail, mais surtout afin qu’ils nous informent du climat « défavorable » que rencontrent les mouvements sociaux , et la société hondurienne en général, pendant les jours de plus grande convulsion de la présidence de Juan Orlando Hernandez. Martin et Victor Fernandez sont coordinateurs exécutifs et coordinateurs politique de MADJ, ils sont avocats et ont travaillé avec le COPINH dans le premier des procès qui tentent de mettre en lumière la responsabilité intellectuelle de l'assassinat de Berta Caceres. Ils nous ont également parlé de la signification du jugement dans ce procès.


 

Qu'a signifié ce voyage en Europe si nous prenons en compte la délicate situation que vit votre pays ?

Martin Fernandez : Premièrement nous sommes venus pour recevoir le prix, ce qui nous a permis d'ouvrir des espaces de rencontre pour faire connaître la situation au Honduras, et en plus de créer des liens Il faut souligner que ce prix a un caractère politique en raison de toutes les implications qu'ont la défense des Droits Humains et du milieu ambiant menées par notre organisation, le Movimiento Amplio por la Dignidad y Justicia, de laquelle nous sommes cofondateurs et défenseurs, et de toute la problématique à laquelle sont confrontés les défenseurs et défenderesses dans notre pays. Actuellement nous sommes le pays, après le Brésil, où il est le plus dangereux d'exercer ce type de fonctions. Nous avons réussi à coordonner tous ces processus de lutte, et le prix n'est pas pour Victor ou pour moi, sinon pour une organisation qui forge collectivement un processus de résistance et d’exercice de souveraineté territoriale. Le prix est arrivé à un bon moment parce que le Honduras est un pays où est invisibilisé tout le travail fournit depuis les différents espaces [de participation et de lutte], pas seulement ceux que coordonne mouvement Amplio.

Nous avons eu l'occasion de partager toute l'expérience du Honduras, tant de manière spécifique, à travers les cas au sujet desquels nous travaillons en tant qu'organisation, ainsi que d'autres expériences que nous partageons avec d'autres organisations. Depuis Brème, nous avons pu aller à Berlin, Valence et en Irlande. Victor a été à Genève parce que il y a peu s'est produit le crime de deux compagnons d'un village indigène appelé Tolupanes, et des réunions avec les Rapporteurs des Droits de l'Homme et des Peuples Originaires étaient prévues. Nous en avons profité pour dénoncer également toutes les atrocités auxquelles a donné lieu l’installation de cette narcodictature - comme nous l'appelons – de la part de la structure criminelle qui dirige le pays, sous les applaudissements des USA et tous les gouvernements d'Europe.


 

Quand nous parlons de Movimiento Amplio, de quelles organisations est-il question ? Qui le compose ?

V.F. : Le Mouvement est né comme un espace qui rassemble d'autres organisations. Au début, quand il est né, en 2008, il était formé par des organisations ayant un plus grand renom, mais par la suite s'est incorporée la participation d'organisations de base, coopératives de gestion de l'eau, des patronages, des conseils communaux... La structure du mouvement se fait au travers de noyaux de bases communautaires, autrement dit, de communautés rurales et de communautés urbaines, et à l'intérieur de cette structure participent des espaces qui existaient antérieurement.


 

Quelle est la situation actuelle au Honduras et comment le Movimiento Amplio y fait-il face ?

V.F. : Le Honduras a vécu 11 années de luttes soutenues et intenses. Nous situons l'origine en 2008 parce que ce fut le moment où se produisit la grève des procureurs qui a duré 38 jours, et a signifié l’ensemencement d'un mouvement culturel et citoyen qui affronte une structure de pouvoir qui se soutient sur la base de la corruption publique. En 2009, après que ce soit produit le coup d'état, le niveau de participation et d'articulation des différents espaces a fait un bond. Par la suite, un événement remarquable dans le pays est celui qui se produisit en 2015 [la Salle constitutionnelle violant la Constitution autorise la réélection présidentielle], entraînant un nouveau mouvement de lutte citoyenne contre la corruption, jusqu'au dernier événement clé qui est la lutte populaire contre la fraude électorale de 2017. [et depuis 2019, lutte de la Plateforme contre la Privatisation de la Santé et de l’Éducation qui fonctionne sur des principes de souveraineté populaire et implique des secteurs de la population qui ne s’étaient jamais mobilisés, jusque-là.]

Le Honduras se mobilise dans les champs de différents espaces et initiatives citoyennes populaires, et d'autres moins populaires, mais dont nous dirons qu’ils participent au mouvement d'opposition à la dictature. Le coup d'état continue à se dérouler sur le plan économique, par l’accaparement de la richesse du pays et c'est là qu'est le combat. C'est cela le Honduras que dans lequel nous vivions: un pays dirigé par une tendance officialiste conservatrice impliquée dans les pratiques de corruption. Nous devons considérer que l’état est pour eux un espace à saigner, le pays un territoire à piller, et qu’ils combinent cette pratique historique de corruption publique avec d'autres pratiques, plus spécifiques du crime organisé et violent.

Ainsi, plus que les gouvernements du Honduras des 11 dernières années, c'est la structure de pouvoir, manifestation des différentes formes d’expressions du pays - incluant les politiques partisanes et économiques - qui configurent le scénario de corruption [Le Président Zelaya qui veut changer cela se fera renverser par un coup d’état législatif et militaire]. Une structure de pouvoir qui jouit d'un soutien international, qui se maintient sur base d’une militarisation de la société, de la corruption et à laquelle le mouvement populaire hondurien fait contrepoids. Le movimiento a différents versants, dont un est composé d’avantage de la base, c’est celui auquel nous participons : l'organisation communautaire – qui a surmonté la léthargie et l’enlisement du mouvement ouvrier historique, qui a disparu de la scène. Ce versant, joint aux autres espaces du mouvement de Droit Humains, fait contrepoids. S'y ajoute une opposition politique de partis qui n'est sans doute pas si claire, alors que les gens du secteur populaire avancent dans leur recherche : entre la lutte sociale en soi et sa convergence avec les autres tendances politiques électorales qui peuvent être plus ou moins affines avec cet espace.

Le Honduras, dans ce contexte, se bat contre un gouvernement corrompu, narcotrafiquant, avec une bonne partie de son leadership expatrié aux USA. Nous vivons la phase post-fraude électorale avec la grande impunité, les morts violentes et la criminalisation des mouvements. Nous sommes cela, une citoyenneté en mouvement que nous revendiquons. De cela fait partie le Movimiento Amplio por la Dignidad Y la Justicia.


 

Cela c’est la situation du Honduras aujourd'hui, et en plus il y a toute la pression que subit actuellement la région dans son ensemble. Les USA font pression depuis la frontière Sud du Mexique pour pratiquer des politiques extractivistes auxquelles participent des entreprises et des gouvernements européens. Cela rend-il le contexte plus difficile pour s'organiser ?

V.F. : Oui, le modèle te propose des sorties faciles, immédiates, de survie. Les USA dirigent cette crise, soutiennent ces gouvernements, ce qui entraîne une expulsion des gens, c'est la cause des caravanes de migrants... et après, ils prétendent les contenir avec un discours raciste et fondamentaliste.

Beaucoup de gens n'ont pas la possibilité de quitter le pays. Nous avons un enracinement et des conditions qui nous obligent à rester. Dès que nous disposons d'un peu de conscience, nous n'avons pas d'autre option que d'assumer la défense du territoire. Que de penser que cette période d'adversité que nous traversons dans l'histoire du pays, nous devons la convertir en opportunité. Une opportunité qui te dit que ton pays ne t'a rien offert, que le monde ne t'a rien offert, que la vie ne t'a rien offert et que ce qui t'es offert, c'est une opportunité de construire [le pays]. Nous en sommes. C'est ce qui nous inspire, c'est la perspective de la dignité que nous développons. Là où on te la refuse tu dois la conquérir, en même temps que de configurer un entourage qui transcende la dignité individuelle pour rencontrer cette démarche de dignité collective, c’est ce qui rend possible un espace comme le nôtre, de diversité. Nous réunissons des professionnels, des paysans, des indigènes... une configuration qui reflète l'ensemble du pays.

Alors oui, le panorama est contraire, c'est la militarisation, c’est la violence dans ses différentes manifestations, parmi elles la violence structurelle – celle que pratique le système. Un système qui a conduit, à 200 ans de notre indépendance, à ce que presque 70% de personnes soient plongées dans la pauvreté, dans un pays comme le nôtre, avec toute la richesse qui est la sienne. Nous promouvons l'idée que la pire adversité te place dans la nécessité de lutter, de construire pour tous, dignité et justice.


 

Qu'est-ce qui va se passer dans les prochains mois en matière de résistance active ?

M.F. : Pour nous le scénario n'a pas changé, mais n'a pas non plus changé l’espérance que nous avons pour notre pays. Nous avons toujours dit : « Nous n'avons pas d'autre pays. [Reconstruire] le pays, c’est notre travail, notre engagement, notre contribution ». L’organisation a fêté ses 11 ans le 24 mai dernier, alors que nous étions dans un processus d’évaluation très critique et autocritique de notre gestion des 10 premières années pour évaluer si effectivement notre travail avait contribué au processus et répondu aux nécessités du pays . Pour ces 10 premières années nous nous étions fixé des objectifs ambitieux et très clairement le movimiento n’a pu s’étendre autant que nous le souhaitions. Pourtant les exercices [de pouvoir populaire] que nous avons mené dans les territoires sont très importants. Nous nous sommes constitués comme un mouvement de base territorial, après le pillage de toutes les institutions, nous continuons à miser sur un mouvement qui s'est forgé au cours du mouvement de résistance.

Actuellement nous pouvons dire que le projet de concessions du Honduras [aux transnationales minières, hydroélectriques, à leurs zones franches qui soustraient des fragments de territoire au gouvernement et à la juridiction du pays, en dépossèdent les habitants] est le fruit d'un travail qui a été effectué de manière systématique, et donc nous sommes confronté à un monstre. Et il nous a incombé de lutter, de résister à grand nombre de processus de concession que nous avons réussi à freiner [voir par exemple Le peuple Lenca du Honduras met la plus grosse entreprise de construction de barrages en déroute ]. On peut dire que nous n'avons pas facilité le travail d'implantation du modèle. Actuellement nous entamons une étape qui a pour slogan « Nous avons faim de justice et soif de dignité ! ». Dans les prochaines 10 années nous allons continuer à travailler, comme nous avons travaillé, à travers un processus de résistance qui nous a permis de bloquer le développement d'initiatives tant minières qu'hydroélectriques. Cela a contribué à mettre en lumière la manière dont se déroule le pillage du pays. Nous entrons dans une étape pour laquelle la revendication de tous ces processus est essentielle. En plus de cela nous avons besoin de créer un processus de souveraineté territoriale. C'est pour cela que nous avons construit ces processus de résistance après lesquels le modèle extractiviste ne pourra plus rester égal à lui-même. C'est une travail permanent, de chaque jour, et c'est un travail qui a du sens.


 

La dynamique fondamentale de l'organisation réside dans ses assemblées qui portent les voix de la population qui est impliquée et tissent la voix de notre organisation comme autorité [populaire] suprême. Nous devons approfondir les processus d'organisation et de formation ; nous devons augmenter les niveaux de diffusion et de connexion avec d'autres processus. C’est indispensable et pas seulement au Honduras, mais aussi à l'extérieur. Nous avons participé à différents mouvements comme celui qui réunit ceux qu'affectent des projets de barrages, qui est né en 2016 et regroupe 14 pays d'Amérique Latine. Cela permet de construire non seulement une résistance contre ce modèle, mais également de construire une alternative à toutes ces initiatives perverses du capital.

Et ce faisant, nous développons des capacités. Certainement ces processus d'articulation vont être importants pour pouvoir opérer les échanges nécessaires, nous avons besoin de partager des expériences, qui trop souvent restent occultées. Nous opérons toutes ses connexions des luttes, dans tous les territoires. Nous savons très clairement que c'est un processus qui demande une implication permanente. Contre le modèle qui veut nous dominer, nous devons inventer nos propre rébellions.

V.F. : Dans un point de vue cette fois macro, plus traditionnel de la vie politique du Honduras, les gens se demandent ceci : après les élections frauduleuses qui ont été avalisées par la communauté internationales, Juan Orlando va-t-il terminer ou non son mandat présidentiel ? C'est une question omniprésente dans une conjoncture qu’aucune société ne tolérerait : avec un président qui est fortement impliqué dans la corruption du secteur public - ses campagnes ont été financées par l'argent des principaux cas de corruption mis en cause dans le pays. Non seulement, sa famille et les structures de son parti apparaissent comme directement impliquées dans les plus scandaleux actes de corruption, en plus ils apparaissent comme étroitement liés au narcotrafic. Son frère Antonio Hernandez – c'est à dire un très proche - est jugé aux USA en ce moment à New York. Il a été prouvé qu'il était impliqué dans le narcotrafic à grande échelle, pas seulement au Honduras, mais dans toute l'Amérique Centrale. Et des informations concernant le capital qu'il a accumulé ont été révélées, par exemple les méthodes de son blanchiment, en passant pas le président et son épouse. [et Juan Orlando est actuellement la cible d’une enquête en cours menée par la DEA.]

N'importe quelle société penserait que c'est un gouvernement qui est tellement illégitime que le système même devrait avoir les ressources pour favoriser son auto-nettoyage de ce genre de sujet. Mais les acteurs décisifs, dans ce cas, ce sont les secteur des partis politique joints à l'ambassade du gouvernement des USA. Ils semblent définir la limite jusqu'à laquelle pourra aller le Honduras. Autrement dit, le maintien de ce gouvernement dépend de la manière dont il favorise ou non les intérêts des USA, à qui il convient d'extrader les narcos qui ne leurs servent plus à rien, quand ils sont usés. La question est donc : Jusqu'à quand Juan Orlado Hernandez va-t-il être utile au régime des USA ? A quel point lui serait bénéfique ou préjudiciable qu'il soit le prochain extradé ? Quand la Mission de Soutien contre la Corruption et l'Impunité au Honduras (Maccih) crée par l'OEA dans le cadre des plaintes de la population (nous-mêmes), va-t-elle porter des accusations ? Quand va-t-elle l’incriminer pour les cas de corruption desquels il est responsable ? Cela dépend de calculs politiques des acteurs qui sont actuellement décisifs. C'est de cela dont il est question.

En côté de cela, il y a ce qu'a planté Martin, les efforts des bases populaires au sens de processus plus que de conjoncture. Il faudra que nos processus, dans la prochaine conjoncture du pays aient atteint la hauteur suffisante, la force suffisante pour que nous ne soyons pas spectateurs de ceux qui ont toujours décidé, les acteurs de toujours comme les politiques-électoraux, comme la communauté internationale ou l'empire nord-américain, qui utilisent toujours les crises comme élément de renforcement de ce modèle. Voilà le défi.

Et aujourd'hui cela vaut d'avantage la peine que dans des occasions précédentes d'imaginer cela : le Honduras sans Juan Orlando et sa structure. Cela sera notre Honduras ou un Honduras plus favorable à l'empire nord-américain. Là est le combat. Et donc, face à une telle alternative, nous agissons dans la perspective de devenir toujours d'avantage protagonistes. Nous retrouvons ici les grands défis historiques des mouvements populaires : l'unité, et la proposition d'une alternative claire. C’est la question d’une démarche de la base, populaire, qui brise le système. Dans le cas contraire, nous entrons dans une logique de revitalisation ou de régénération du système.

Et nous en sommes là, il se peut que ces choses se réalisent, il se peut que nous soyons dans l’antichambre d'une nouvelle conjoncture - ce sera la cinquième ou la sixième des dix ou douze dernières années de l'histoire de notre pays – et nous sommes devenus des protagonistes. Cela n'évolue plus seulement à la convenance d'acteurs extérieurs, qui s’arrangent pour contenir les protestations populaires et trouvent toujours une réponse pour t’arrêter. Et nous espérons briser les processus qu’ils ont utilisés ces derniers temps. Cela traite de cela. Notre histoire est très circulaire, mais à un moment nous sortirons du cercle et nous pouvons changer cela. C'est notre espoir.

M.F. : Je crois que ce que décrit Victor se situe sur le plan interne, nous avons comme tâche fondamentale de convertir chaque espace en opportunité. Et actuellement nous serions complètement myopes si nous ne prenions pas en considération la situation que traverse le Honduras et ce que vivent beaucoup de gens hors du Honduras. Nous parlons en terme de citoyenneté de Honduriens qui ont été expulsés [par la violence, la misère]. De fait nous apprécions tout ce travail que nous faisons là, non seulement avec les honduriens mais aussi avec beaucoup de personnes qui participent à des processus de solidarité avec le Honduras. Nous devons aussi articuler le processus hondurien depuis les différents espaces [extérieurs], peu importe le lieu dans lequel se retrouvent nos compatriotes, là aussi nous devons créer ces processus de dénonciation, de résistance et de participation concernant la réalité du pays. Connectant les luttes, des luttes qui s’amplifient. Nous avons toujours d’avantage conscience et entendons mieux la nécessité que ce ne soit pas la lutte d’un seul pays sinon de toute une planète.

Le jugement de l’assassinat de Berta Cáceres était attendu comme un épisode dans lequel le pouvoir judiciaire hondurien était sommé de donner à la population une vérité indiscutable [concernant les auteurs intellectuels]. Une opportunité a-t-elle été perdue ?

V.F. : Une interprétation correcte de ce jugement doit nécessairement le considérer en tant que produit de la lutte populaire. Si vous vous en souvenez, le 3 mars 2016, la première déclaration officielle du ministre de la Sécurité du Honduras relative à l’assassinat de Berta Cáceres était que le crime avait eu comme mobile un conflit passionnel ou un conflit interne du COPINH. C’est le genre de vérité officielle qu’ils cherchent toujours à nous vendre. Puis, il y a tout ce qui s’est passé et qui est le résultat des luttes menées par des organisations comme le COPINH et nous en tant que Movimiento Amplio, nous nous sommes joints à cette cause, parce que comme tous le disent : «  Nous sommes tous Berta ! »

C’est très important de situer dans son contexte ce premier jugement [condamnation de 7 auteurs matériels et mise en cause d’un auteur intermédiaire], qui correspond à celui de la vérité matérielle de ce qui s’est passé le 2 mars 2016. Ces 7 personnes, oui, elles ont participé au crime, mais ces personnes étaient en relations avec des acteurs intermédiaires, eux-mêmes au service des auteurs intellectuels du crime. Sans ces mouvements, cette solidarité, jamais nous ne serions parvenu jusqu’à eux. De fait le premier à avoir été capturé n’était aucune de ces personnes. C’est une pratique historique au Honduras, où le taux d’impunité est de 95 % en ce qui concerne les morts violentes. Si on s’en tient aux statistiques il est fort probable que ce crime serait resté impuni et que les responsables désignés aient été le COPINH ou quelque proche de Berta. Dès lors nous pouvons dire que nous avons évité - par nos propres moyens, par la force de l’articulation nationale et internationale - qu’en plus d’avoir tué Berta, ils tuent l’effort politique, parce que c’est cela le scénario historique. Quand un dirigeant est tué, une dirigeante, ils attribuent le crime à un conflit interne. Le coup est non seulement directement humain, il est aussi politique.

C’est cela le résultat du premier jugement : Nous avons enlevé au loup un poil et maintenant nous allons vers les niveaux supérieurs. Il va y avoir le jugement de David Castillo Mejia, qui n’est toujours pas un auteur intellectuel, il était employé de l’entreprise Desarollos Energeticos S.A. (DESA), c’est un acteur intermédiaire, et au-dessus sont les auteurs intellectuels de ce crime. Et derrière il y a la structure qui pratique ce type de crimes et qui en plus participe d’autres crimes que subissent, pas seulement le Honduras, mais les différentes sociétés qui sont actuellement exposées au modèle extractiviste, qui est l’expression moderne du néo-colonialisme que nous vivons.

Là, nous nous attaquons aux entreprises, celles qui doivent nous rendre des comptes, celles qui doivent être - au moins - confrontées à la criminalité normalisée qui est leur mode d’action. Et derrière elles, il y a le système financier, et parfois ce sont les mêmes. Et cela n’implique pas seulement le secteur privé, il y a la banque multilatérale, autrement dit la Banque Mondiale, qui utilise l’argent des pays, l’argent des peuples, pour ce nouveau dépouillement au nom de la logique du prétendu développement. Ce sont les banques régionales comme la Banque Centre-américaine d’Intégration Économique (BCIE) qui est très proche de tout cela. C’est de cela dont il est question et que nous voulons obtenir, pas parce que cela viendrait du gouvernement ou de la structure x du pouvoir, mais parce que nous luttons , nous nous battons pour y parvenir.

Il faut comprendre cette logique, et mettre en lumière les clés de cette avance qualitative qui s’est produite dans quelques cas, pour que cela prenne un caractère emblématique, pour que cela apporte de la lumière aux autres processus. Nous, en tant d’organisation nous sommes confrontés à un grand nombre de procès de leaders assassinés. Nous en apprenons beaucoup concernant les manières de lutter, de se battre contre le système dans ses propres espaces. Nous allons à la police, et nous luttons pour cet espace ; nous allons face au ministère public et nous nous battons , dans les tribunaux, dans les médias, face à la communauté internationale, dans les systèmes de droits humains internationaux qui ont également un pouvoir. Ainsi nous balisons la route que doivent suivre les mouvements réellement alternatifs qui veulent briser ce système. C’est l’apport de Bertita, qui nous a enseigné tous les rouages du système que nous avons du affronter depuis son assassinat. Nous sommes plusieurs organisations qui travaillons sur son cas et c’est un enseignement pour tous le reste de nos actions.


 

Revenons au prix qui vous a été attribué à Brème…

V.F. : Le prix est un geste de solidarité politique pour deux enjeux, l’un est la défense des Droits Humains et l’autre – c’est dit explicitement - est une reconnaissance de la lutte menée par l’organisation contre la corruption publique. Et nous voulons montrer ce que cela signifie pour nous.

Premièrement, il est important que cela vienne d’une instance officielle. C’est un état, parmi les 16 qui composent la Fédération Allemande, qui prend position publiquement, et qui reconnaît qu’il y a des organisations - dans ce cas-ci la nôtre - qui luttent contre la corruption du secteur publique et pour les droits humains, dans un contexte difficile. C’est important aussi que cela vienne d’Allemagne qui est d’un grand poids dans les projets de « développement » pour nos peuples. Cela pose un contrepoids. Et ce qui était encore plus important, c’est que la Commune de Brême avait convoqué l’ambassade du Honduras à assister à cet événement, celle qui fait alliance avec le régime de Juan Orlando. C’est un message pour le gouvernement de Juan Orlando autant que pour la communauté internationale, celle qui ne se manifeste pas au Honduras, celle qui fait alliance avec le régime de Juan Orlando. C’est possible que Brême soit le plus petit état d’Allemagne mais pour nous cela ne retire rien à l’importance de cette reconnaissance.

En termes plus spécifiques, nous dirions que ce type de reconnaissance aide à protéger les processus et sauve des vies. Le niveau de danger est élevé au Honduras, nous ne voulons pas nous considérer comme des victimes de cela, mais il est certain que chacun d’entre nous peut devenir « une nouvelle », d’un moment à l’autre. Peut-être que ceci est notre dernier voyage de travail en Europe,… c’est cela la réalité du Honduras. Nous banalisons le thème du risque mais c’est à cela que nous sommes exposés dans une société et avec un régime comme celui du Honduras. Alors qu’apparaissent et nous parviennent ces messages, de toutes parts, c’est très important, et si en plus il viennent d’acteurs officiels, pour tout dire de gouvernements, c’est remarquable. Comme il était important pour nous de nous lier avec la société civile, qui elle a noué des alliances politiques,dans cette région, en particulier avec des parlementaires, des gens du ministère des investissements, de l’économie, des relations extérieure… afin qu’ils prennent conscience que quelque chose doit changer dans un pays comme le Honduras. Nous revendiquons sans aucun doute l’importance de cette reconnaissance.


 

M.F. : Nous avons parlé de la nécessité dans laquelle nous nous trouvons de mettre en évidence tout le processus qui se vit en Amérique Latine et en particulier dans notre pays. Nous disions aux Irlandais, par exemple, que peu importe les idéologies dans le thème de la corruption parce que la corruption est une pratique qui se retrouve dans tous les états, et qui d’une manière ou d’une autre, réduit de manière absolue la satisfaction des besoins basiques de l’être humain. La pratique de la corruption, depuis n’importe quelle structure de gouvernement, fait irruption et sape les possibilités de parvenir à des sociétés plus justes. Dans la mesure où vous êtes tolérants avec ce genre de pratiques, même si vous vivez dans un état de bien être, « à quel prix ? »

Si aujourd’hui vous accordez un pouvoir sans limite aux entreprises qui peuvent assassiner des gens sur d’autres territoires, certainement que ces entreprises vont devenir encore plus gigantesques et continuer à affaiblir les propres systèmes de vos pays. Nous avons besoin de mécanismes de contrôle. Ceci est un appel pour que vous réfléchissiez depuis ces sociétés. Transmettre ces processus de lutte c’est envoyer un message aux sociétés qui vivent la commodité, un appel à rompre avec cette commodité parce que au final nous sommes aux portes d’un modèle qui va tous nous écraser, et qui est capable d’en finir dans le plus court laps de temps y compris avec la vie de chacun des habitants [de la planète]. Il faut en finir avec la spéculation et la voracité qui caractérise ce modèle.

 

Source : El Salto

 

Traduction Anne Wolff

 

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28 juin 2019 5 28 /06 /juin /2019 12:03

publié par le COPINH, Conseil Civique des Organisations Populaires et Indigènes du Honduras

Non à la présence de l'armée israélienne en territoire Lenca

Récemment le gouvernement de Juan Orlando Hernandez a annoncé l'arrivée de mille militaires israéliens au Honduras avec la mission présumée de sécuriser la frontière hondurienne face à la crise qui continue a expulser des milliers de personnes hors du pays vers le Mexique et les USA ; cette situation a été remise en question par la population du Honduras et les organisations sociales.

Plus récemment, les communautés de la municipalité de Colomoncagua ont appris qu'une partie des effectifs du contingent militaire israélien a été assignée à cette municipalité. Les habitants de la zone organisés dans le COPINH ont manifesté leur profond refus de cette décision qui est contraire à la volonté des peuples et ont voulu faire entendre cette dénonciation.

Les communautés déclarent que, avant tout, « notre pays n'est en guerre contre aucun autre pays et rien ne justifie que des militaires venus d'ailleurs se retrouvent au Honduras. En plus de cela, sachant qu'il n'y a pas de guerre contre un autre pays, c'est donc que la guerre, ils la mèneront contre le peuple hondurien selon la pratique habituelle de ce gouvernement répresseur. »


 

La population de Colomoncagua, municipalité située à la frontière avec le Salvador, après analyse, a conclu que cette situation aggraverait la violence et la répression dans cette région dans laquelle en plus se matérialise la construction d'une base militaire, un fait dont ils ont pris connaissance il y a moins de 8 mois. Le rôle de l'armée israélienne pour contenir une vague de migration est inexplicable, cette vague sera irrépressible tant que se poursuivent les conditions de violence, pauvreté, exclusion et militarisation de notre pays.

La jeunesse de Colomoncagua a avoué qu'elle avait terriblement peur parce que dans le passé proche deux jeunes actifs dans la lutte ont été assassinés par les militaires honduriens et ils considèrent la présence des armes et des militaires comme des ennemis de la jeunesse qui depuis longtemps essayent d'effrayer les jeunes qui ont le courage de manifester dans les rues.

Il faut se rappeler que plusieurs communautés sont menacées par la construction de barrages hydroélectriques dans la zone frontalière, les plus proches sont 4 barrages sur le Rio Negro ou ses affluents : les rios Cañas, Pichigua, Chinacla et el Puente, entre autres. A cela s'ajoutent les intérêts miniers dans le Cerro (colline) del Alumbrador. Il ne serait pas étonnant que cette augmentation de présence militaire face partie de la stratégie d'asservissement aux grands intérêts économique de populations qui ont une tradition de lutte.


 

Tout le COPINH, avec ces multiples communautés, se joint à ce rejet de la présence de l'armée israélienne qui depuis des années opprime le peuple frère de Palestine frappé par des expulsions qui se réalisent de manière similaire à celles que nous subissons en territoire Lenca.

Nous exigeons des autorités que cette décision soit reconsidérée car les peuples sont prêts à défendre l'autonomie de leurs territoires et à ne permettre ni les armes, ni la violence contre le peuple.

« Nous voulons des haricots, nous voulons du maïs, nous voulons des routes, mais nous ne voulons plus de l'armée ici »

 

Un habitant de Colomoncagua, Llano Grande, le 12 juin 2019

Source : No al ejército israelí en territorio Lenca.

Traduction Anne Wolff


 

 

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Nouvelles formes du fascisme

"Le vieux fascisme si actuel et puissant qu’il soit dans beaucoup de pays, n’est pas le nouveau problème actuel. On nous prépare d’autres fascismes. Tout un néo-fascisme s’installe par rapport auquel l’ancien fascisme fait figure de folklore […].

Au lieu d’être une politique et une économie de guerre, le néo-fascisme est une entente mondiale pour la sécurité, pour la gestion d’une « paix » non moins terrible, avec organisation concertée de toutes les petites peurs, de toutes les petites angoisses qui font de nous autant de microfascistes, chargés d’étouffer chaque chose, chaque visage, chaque parole un peu forte, dans sa rue, son quartier, sa salle de cinéma."

 

Gilles Deleuze, février 1977.

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