Le texte ci-dessous que j’avais exhumé pour les besoins de la cause (indigène) dans le monde entier, et Dont Carlos et Estelle Debiasi ont complété la traduction de quelques passages que j’avais publié sous a été repris sous le titre .L’armée des États-Unis enverra une équipe d’experts du programme Human Terrain System au Mexique
Je voudrais donc replacer ce texte dans son contexte, qui va bien plus loin que l’envoi d’une équipe mixte anthropologiquement militarisée au seul Mexique. J’avais auparavant traduit le texte de l’anthropologue A. Pine ("culture stratégique" : le commandement sud et la militarisation des universités (aux USA) sur le même thème, ce qui m’a rendue attentive aux manifestations de terrain de ce concept.
Concrètement sur le terrain, la mise en œuvre du concept stratégique est un plan d’éradication de la culture indigène et paysanne, et d’éradication de ceux qui résisterait à l’assimilation-intégration dans le système-monde.
La culture stratégique permet une cartographie humaine des différents peuples résistants, le repérage des meneurs à cibler et éliminer par l’assassinat "sélectif" et l’emprisonnement (éviter les dommages collatéraux), mais sert aussi au repérage des mécontents. Ceux qui veulent devenir leader à la place du leader, d’autres textes décrivent comment la culture stratégique va permettre de « fabriquer un nouveau leader » qui souvent inconsciemment servira les intérêts qu’il prétend combattre. Cette stratégie opère aussi en Europe. D’autres mécontents, sont ceux qui estiment ne pas être reconnus à leur juste valeur, ne pas bénéficier des avantages auxquels ils auraient droit sans participer pour autant aux mouvements de résistance, ceux-là sont prêts à se vendre au plus offrants en pouvoir ou/et avantage matériel. Les missionnaires de la culture stratégique sont là pour les repérer, les désigner et déterminer quel genre de verroterie aura raison de leur conscience, la cible sera alors la cinquième colonne au sein du peuple, au sein de la tribu. L’histoire des USA, nous montre comment la « résolution de la question indienne » va établir les bureaux des affaires indiennes pour liquider l’indianité, en mettant à leur tête des indigènes acquis aux valeurs du colonisateur, dotés de pouvoir contraignant et répressif, mais éloigné des pouvoirs traditionnel des tribus.
D’autres armes culturelles seront mises au point par le biais des renseignements collectés par les anthropologues. Ce n’est pas nouveau, je reprends ici les paroles de Miriam Miranda, présidente de OFRANEH (Organisation Fraternelle Noire Hondurienne)
« La dirigeante garifuna rappelle aussi le fort affaiblissement institutionnel qui a résulté du coup d’état de 2009, approfondissant la cession des ressources naturelles au plus offrant et initiant une offensive médiatico-culturelle pour accroître la logique individualiste dans le pays. « Aujourd’hui le pari du système néo-libéral est rompre et en finir avec la vision collective et communautaire des peuples, où les droits et les biens collectifs sont plus importants que les droits individuels et la compétitivité »,explique Miranda.
Pour elle, ce système « vorace et déprédateur dans lequel nous vivons considère le thème des droits collectifs comme un affront et un danger qu’il faut combattre. En ce sens, Miranda appelle la société hondurienne et les mouvements sociaux à poursuivre la lutte de résistance dans les territoires ».
La culture stratégique est aussi le moyen d’élaborer les stratégies de destructions locales du collectivisme indigène sur toute la planète. Un collectivisme organique, natif, communisme primitif antithétique de ce collectivisme de synthèse qu’ont incarné les dictatures du communisme d’état, imposées d’en haut à des populations qui n’en voulait pas, et qui comme en Russie ne se sont débarrassées de leurs tsars que pour se retrouver sous le jougs bien mieux organisé de nouveaux maîtres. Soit.
Tout l’intérêt des témoignages venus directement de peuples indigènes qui subissent la répression culturelle et stratégique, est que si on peut les qualifier de peuples primitifs dans leur manière de vivre, en ce sens de « en prise avec l’essentiel » ou « enracinés dans le territoire », en ce qui concerne leur perception et analyse du réel, nous trouvons parmi eux une réelle avant-garde mondiale, à la conscience politique instruite, informée et formulant un projet de monde ayant une portée planétaire. Ils sont- écosophes –défendant une sagesse de l’habiter – et non écologistes – gestion de l’habitat variant éthiquement selon les prémisses retenues.
Les 200 millions de membres de la Via Campesina, plus les centaines de millions d’autres qui sans en être membres, comme moi, soutiennent ce courant de conscience témoignent de l’ampleur du phénomène.
Je ne peux traduire tous les textes que je lis, et je le déplore. Ma récolte de pièces du puzzle conduit à un constat partagé par beaucoup d’autres. Parler d’une équipe d’anthropologues envoyée au Mexique est réducteur, minimise la gravité du problème.
Il s’agit d’une offensive généralisée contre l’ensemble des peuples indigènes d’Amérique Latine (et du monde) , qui se traduit par une militarisation de toute la région, de toutes ses polices, pratiquant jusqu’ici un génocide permanent de basse intensité, mais dont tout indique que se mettent en place dans toute la région les moyens d’une « solution finale ». C’est à ce propos que je voulais lancer l’alerte !
Le Système de Terrain Humain est de l’intelligence ethnographique
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Début mai 2013, deux conseillers du programme nommé Système de Terrain Humain (HTS, par ses initiales en anglais) se sont rendus dans la caserne du Northcom (Commandement militaire US autoproclamé pour l’Amérique du Nord), dans le Colorado, pour analyser un éventuel degré d’ignorance culturelle qui pourrait justifier l’envoi d’anthropologues dans notre pays [Mexique, sauf que les différentes ethnies vont au-delà des frontières comme les Mayas, Miskitos, etc.], dans le contexte du « Programme d’Analyse Culturelle du Mexique du Northcom ». Cependant, le porte-parole John Cornelio a indiqué que dit le programme se trouve en phase de gestation « donc il serait inadéquat de faire des commentaires à propose d’un sujet qui n’est pas totalement défini ».
Cependant, le 30 avril dernier, un porte-parole non identifié du United States Northern Command a fait savoir qu’en septembre prochain [2013] l’Armée des États-Unis enverra une équipe d’experts qui collaboreront avec le gouvernement sur des travaux sociaux relatifs au trafic de stupéfiants. Les experts font partie du HTS et disposent d’une grande expérience dans les conflits d’Afghanistan et d’Irak, où des spécialistes en sciences sociales de 25 disciplines ont été déployés.
Selon l’information disponible sur les site web du sHTS, la mission du programme consiste en « recruter, former, mettre en action, et appuyer un « intégré » ayant une approche socio-culturelle pour réaliser les investigations et analyses pertinentes afin de développer et maintenir une base de connaissance socio-culturelle, avec la finalité de servir de base à la prise de décisions, améliorer la capacité opérative ainsi que de préserver et partager la connaissance institutionnelle socio-culturelle ».
Le HTS cherche, depuis 2007, à ce que les anthropologues et scientifiques sociaux collaborent à l’amélioration des capacités des militaires étasuniens à travers le renseignement ethnographique – alliance entre le renseignement militaire et l’ethnographie de terrain – et la collecte de données de première main, pour apporter une compréhension de la culture et de l’organisation sociale des populations, de manière à pouvoir planifier et accomplir les missions avec chaque fois moins d’usage de la force.
Chaque équipe de « terrain humain » est composée par un responsable militaire, un anthropologue, un coordonnateur d’investigation et un analyste. Les anthropologues, qui reçoivent un entraînement militaire, portent un uniforme et sont armés, doivent aider les militaires à gagner la confiance de la population pour ainsi, attirer certains groupes sociaux vers la « cause » et éviter qu’ils s’allient aux groupes radicaux ou à l’insurrection.
Pendant les quatre premières années, le HTS a connu un succès relatif, compte tenu que la présence des anthropologues a permis ainsi de réduire les opérations cinétiques à 60 %, et de rassembler les éléments relevés en matière de sécurité, de santé et d’éducation des locaux.
Cependant, des opinions trouvées au sujet de ce programme existent. L’anthropologue Montgomery McFate, a remarqué que l’HTS a contribué à l’anthropologisation des militaires, ce qui a permis d’éviter des dommages collatéraux dans des conflits armés centrés sur le culturel, puisque « le savoir socioculturel réduit la violence et produit de la stabilité », après avoir commissionné les anthropologues pour faire une « guerre plus humaine » à travers d’un « travail social militarisé ».
Pendant ce temps, pour Marcus Griffin, un anthropologue détaché en Irak entre 2007 et 2008, le HTS constitue « une occasion pour l’anthropologie de promouvoir la liberté dans des temps de crise grâce à sa compréhension des cultures ». Dans ce sens, l’universitaire Julien Bonhomme conclut que les arguments positifs sont basés, principalement, sur une double opération de « culturalisation » et de dépolitisation de la guerre.
En contrepartie, les détracteurs du HTS remarquent que celui-ci transforme l’anthropologie en une arme de guerre, tandis que pour l’Association Anthropologique Américaine (AAA), le programme « place les anthropologues dans une position encline à violer le code déontologique de l’association, et que l’emploi des anthropologues met en danger d’autres anthropologues et les personnes qu’ ils étudient », en plus de souligner que « l’envoi de spécialistes en sciences sociales, pour étudier des populations locales en compagnie de troupes armées dans un contexte hostile actif ne produira pas d’information scientifiquement fiable ».
L’utilisation des sciences sociales, particulièrement l’anthropologie, a des précédents au XIXe et XXe siècle dans les empires français et britanniques, ainsi que lors des Guerres mondiales, de la Guerre Froide, et des Guerres de la Corée et du Viêt-Nam. Cependant, devant l’avancée de la technologie et du caractère multifactoriel des conflits guerriers, nous devons être attentifs aux implications possibles de programmes comme le HTS dans le nouveau contexte géopolitique.
Simón Vargas Aguilar * pour La Jornada
- Twitter : @simonvargasa
- Facebook : simonvargasa
- Courriel : simon.9@prodigy.net.mx
La Jornada. Le Mexique, le 29 septembre 2013.
Traduit de l’espagnol pour El Correo par Anne Wolff et Estelle et Carlos Debiasi.
El Correo. Paris, 20 octubre 2013.
Voici le même texte sous le titre
et voici celui qui m'avait amenée à réattirer l'attention sur ce concept de "culture stratégique", d'une portéé bien plus grande qu'une ponctualité au Mexique !
Les indigènes d’Amérique centrale, objectifs militaires de l’expédition Bowman de l’Armée des Etats-Unis
Publié le 1er octobre 2013 par ofraneh
Une fois de plus, nous, les peuples indigènes d’Amérique Centrale et nos territoires sommes devenus un objectif militaire pour les Etats-Unis. Selon le périodique ‘Lawrence Journal , dans son édition du 13 juin passé, le Département d’Etat, a approuvé les fonds pour l’Initiative d’Investigation Minerve, destinée à effectuer une série d’enquêtes en relation avec les dites Expéditions Bowman». En cette occasion les expéditions Bowman se chargent de cartographier les 59 peuples indigènes d’Amérique Centrale.
Le projet s’appelle Centramérique Indigène et est une réplique du controversé Mexique Indigène (2005-2008), lequel fut denoncé par l’Union des Organisations de la Sierra de Oaxaca (UNOSOJ) signalant que ceux qui étaient concernés n’avaient pas été avertis par les géographes de l’Université du Kansas, chargés de l’exécution du projet, de leurs connexions avec le Bureau des Etudes Militaires Etrangères (FMSO pour son sigle en anglais).
Les expéditions Bowman collectent des données destinées à la base de données Système de Terrain Humain, utilisées dans le contexte de la stratégie militaire des guerres d’Irak, et d’Afghanistan. Dans le cas de Mexique Indigène, les études furent réalisée dans la Huasteca et la sierra de Oaxaca, les lieux où se produit la plus grande résistance au projet de titularisation des terres PROCEDE, financé par la Banque Mondiale (B.M.) destiné à la liquidation du système de tenure collective des terres et à promouvoir la titularisation individuelle.
Le Facteur Demarest : la propriété communautaire et la prétendue induction de la violence.
Le Lieutenant Colonel Geoffrey B. Desmarest, assigné au Projet Mexique Indigène et participant à l’expédition Bowman dénommée Comuna 13, à Medellin, Colombie a manifesté en diverses occasions son rejet de la propriété communautaire. Dans un de ses écrits intitulé « Géopropriété : Sujet Externe de Sécurité National et Droit de la Propriété » souligne que la possession informelle et irrégulière de terres favorise l’usage illicite et la violence » et suggère comme unique solution pour ces « champs de culture du crime et de l’insurrection » la privatisation de la titularisation de la terre.
Au Honduras, la OFRANEH a dénoncé de manière déterminée comment la B.M. à travers le Projet d’Administration des Terres du Honduras (PATH), promoteur de la Loi de Propriété en vigueur, dans son chapitre III, précisément à l’article 100, planifie la dissolution des titres communautaires émis par l’Etat durant les dernière décennies.
Notre organisation a eu recours au Panel d’Inspection de la B.M., signalant la violation des directives opérationnelles relatives aux peuples indigènes. Le Panel dans son rapport indique comment l’Etat du Honduras viole le la Convention 169 de la OIT en ignorant le droit à la consultation en ce qui concerne l’élaboration de cette loi contestée, en plus d’indiquer une série d’incohérences de la part de la direction de la Banque dans le maniement du projet PATH.
L’actuel gouvernement post coup d’Etat du Honduras, au moyen de la Loi de Régions Spéciales pour le Développement (RED, sigle espagnol) connue aussi en tant que cités modèles, prétend remettre aux investisseurs étrangers une zone que englobe 24 communautés Garifuna. A la loi RED a été substituée la Loi Pour les Zones d’Emploi et de Développement Economique (ZEDE) en plus de la nouvelle Loi pour la Promotion du développement et de la Conversion de la Dette Publique (Loi Hypothèque), laquelle n’est pas mise en vigueur.
La dissolution de la propriété communautaire qui existe encore dans les communautés Garifuna est une démonstration du double langage des fonctionnaires de l’état et des organismes financiers, ceux qui connaissent l’effet domino des ventes de terres qui se produira à travers l’individualisation de la propriété.
Offensive de l’Etat contre les peuples indigène en Amérique Centrale
Au cours des dernières années la mise en œuvre du Projet Mesoamérica, connu auparavant comme Plan Pueblo Panama, a provoqué des interventions répressives contre les peuples indigènes qui se sont prononcés contre la construction de centaines de barrages sur leurs territoires et contre l’exploitation minière. Depuis San Cristobal Barilla (Guatemala) jusqu’à Tabasara (Panama), résonnent les clameurs des communautés indigènes qui ne furent jamais consultées et voient comment leurs habitats sont submergés par les barrages.
Le droit à la Consultation et au Consentement, Préalable, Libre et Informé (CPLI) consigné dans la Convention 169 de la OIT, celle qui a été signée et ratifiée par presque tout les pays d’Amérique Centrale, est violé de façon systématique. Tout indique que les investissements, tant nationaux qu’étrangers son plus importants que la sauvegarde des peuples indigènes et de leurs cultures, lesquelles sont intimement liées à la terre mère.
La réaction des peuples aux saccages des territoires et aux déplacements qui en résultent ont suscité un énorme intérêt de la part des armées et forces de répressions, qui cherchent à neutraliser les protestations pacifiques effectuées par les peuples en résistance et quelques-unes de leurs organisations.
Dans le cas du FMSO des Etats-Unis, ceux qui nomment la Centramérique comme étant leur frontière (borderlands) et au nom de la prétendue lutte contre le narcotrafic ils en viennent à intervenir directement avec la création de bases militaires et à présent avec le projet Centramérique Indigène, prétendant générer une base de données - allant au-delà de celle de la géographie terrestre – concernant les 59 peuples qui habitent l’isthme,
Système Terre Humaine dans la Moskita et l’absence de concertation des communautés garifunas qui le caractérise
Entre mai et septembre de 2011, les géographes de l’Université de Kansas associés à l’armée des Etats-Unis, ont effectué une rigoureuse cartographie (un riguroso mapeo ) du territoire qui s’étend de cap Camaron jusqu’au rio Coco, incluant les communautés Garifunas sans avoir effectué aucune consultation de notre peuple.
Comme par hasard, en mai 2012, la côte nord du Honduras à été le lieu d’une opération militaire incluant une opération psychologique. Les hélicoptères du département d’Etat opérèrent des survols nocturnes au ras des villes et des communautés, des missions aériennes qui culminèrent avec le massacre de Miskitos innocents dans la rivière Patuca.
La militarisation évidente à laquelle est confrontée l’Amérique Centrale, à travers l’imparable montée de la violence, qui était presque inexistante dans les communautés indigènes, fait partie d’une stratégie de soumission et de pillage de nos territoires, où se trouvent une bonne partie des résidus des dites « ressources naturelles ».
Sambo Creek, La Ceiba Atlantida, 1 de Octubre del 2013
Organización Fraternal Negra Hondureña, OFRANEH
OFRANEH | Federación del pueblo garifuna de Honduras
Traduction Anne Wolff
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