Le mouvement de protestation: une aile gauche est-elle possible?

 

Peut-on caractériser la situation en Ukraine comme révolutionnaire ? Nous devons nous battre pour y avoir notre place tout en comprenant son hétérogénéité politique et sociale.

ukraine gauche

Moscou, le 30 janvier 2014

À la mi-décembre 2013, notre estimation de la crise politique en Ukraine en tant que « situation révolutionnaire » a donné lieu à beaucoup de commentaires critiques. En outre, l’emploi du concept « révolution » dans le contexte ukrainien a été condamné comme une sorte de sacrilège, car les événements de Kiev paraissaient totalement incomparables à la grandeur des révolutions passées. Il n’y avait pas de proclamations sur le début d’un monde nouveau, ni aucun débat sur la socialisation de la propriété, tandis que l’ordre social établi au cours des deux dernières décennies de régime post-soviétique n’était même pas remis en question. Mais le contenu politique d’une révolution peut ne pas correspondre tout à fait à sa dynamique : l’expérience réelle des masses, leur détermination et leur capacité à s’organiser elles-mêmes peuvent être en avance sur leur « imagination politique ». Et si une révolution échoue simplement du fait de l’absence de projets politiques indépendants, elle ne cesse pas pour autant d’être une révolution.

Indubitablement, ce qui définit une révolution c’est l’apparition des masses insurgées — la force motrice de cette histoire. Ceux qui continuent à caractériser les événements en Ukraine comme un « conflit des élites » ou un« affrontement entre les clans bourgeois » oublient ce qui est le plus important : le collectif du Maidan (qui inclut des militants qui contestent l’administration dans la moitié des régions de l’Ukraine) est devenu un facteur politique indépendant, que ni les autorités ni les chefs de l’opposition parlementaire ne pouvaient manipuler aisément. Sans leur persévérance et leurs sacrifices au cours des mois passés, il y aurait probablement eu des douzaines de scénarios « d’apaisement », depuis celui de la dictature policière jusqu’à une sorte d’accord au détriment des manifestants entre les ennemis de Ianoukovytch — l’un ou l’autre satisfaisant l’aspiration de faire tomber Ianoukovytch de la présidence de la République et de le priver de la mainmise sur les fonds monétaires des élites politiques et financières ukrainiennes.

La proposition de prendre la tête du gouvernement, faite le 25 janvier à Arseni Iatseniuk, a été immédiatement suivie par la démission du Premier ministre Mykola Azarov et par l’annulation des scandaleuses « lois du 16 janvier » (1) ainsi que, finalement, par l’aide sincère des partis de l’opposition pour la reprise du contrôle des bâtiments administratifs occupés par les protestataires — autant de signes d’un consensus entre les deux camps. Ianoukovytch, l’opposition, l’Union européenne et Poutine se sont tous unis pour « normaliser » l’Ukraine. Le seul problème, imprévisible et incompréhensible, qui a gêné la négociation d’un accord mutuellement salutaire, c’est que des milliers de protestataires déterminés ont refusé de quitter Maidan. Leur détermination relève sans aucun doute de quelque chose de plus que d’un instinct démocratique : les citoyens restent des citoyens tant qu’ils sont ensemble et qu’ils peuvent répondre avec violence à quiconque qui tente de briser leur unité armée.

Cette démocratie directe, née d’une expérience directe, n’a aucune suite politique. De plus, ses troupes de choc organisées — qui ont aidé la majorité des protestataires de tenir à distance l’État et la police — sont devenues une force fondamentalement antidémocratique. Paradoxalement, sans les militants d’extrême droite favorables à une « dictature nationale », il n’y aurait jamais eu ne serait-ce qu’une seule barricade sur le boulevard Khrouchtchev, pas plus que de ministères occupés et transformés en « quartier général de la révolution ». Tout simplement, ces événements — qui ont empêché la consolidation d’un « parti de l’ordre » et l’établissement d’un « état d’urgence » par en haut — n’auraient pas eu lieu. On ne peut qu’être terrifié en réalisant ce simple fait : non seulement le mécontentement des masses envers le gouvernement en place, mais encore la volonté de l’extrême droite de renverser ce gouvernement pour établir le sien, monopolisant rapidement l’espace politique et le transformant en une réaction extrême.

Les premiers moments de Maidan font penser à une sorte du monde merveilleux de la politique : il y a les combattants des rues qui affrontent la police, des campings autogérés, des centres d’information, des points d’entraide, des « services d’urgence » auto-organisés, et des repas chauds. C’est l’exemple même d’un soulèvement urbain, dont chaque élément respire la conscience révolutionnaire authentique, mais peinte dans des couleurs étranges, inhabituelles : un kaléidoscope de propagande de tous les partis et sectes possibles de la droite la plus extrême, avec d’innombrables symboles « celtiques » et des signes runiques sur les murs. Cette dissonance incroyablement nauséabonde, entre le contenu révolutionnaire du processus et sa forme réactionnaire, c’est une situation qui exige l’action en vue de modifier cette équation terrible, non une évaluation éthique, marquée par le dégoût.

Bien sûr, dans cette révolution, personne n’a réservé une place pour les militants de gauche, les seuls qui auraient réellement pu proposer une alternative à l’ordre établi. À cet ordre qui a donné naissance à la pauvreté, à la corruption, l’absence de transparence et à la brutalité de l’État. Cet ordre qui a produit les facteurs, sans exception, qui ont conduit les gens à prendre les rues et à commencer la résistance. La crise actuelle en Ukraine est réellement une crise de cette société que nous voulons changer. Une société dégradée, aigrie, qui se désintègre. Une société qui n’éprouve que peu d’optimisme sur son avenir, et encore si rarement. Les événements révolutionnaires actuels sont le produit de cette société et de son si rare — donc crucial — optimisme. Le nationalisme (qui est encore, à ce moment, plus civique qu’ethnique), une étrange croyance dans la puissance de « l’intégration européenne », l’idéalisation des institutions parlementaires, le manque de résistance face au chauvinisme, ainsi qu’un désir de découvrir et de neutraliser les virus dans le corps « national » sain : tout cela reflète la conscience actuelle de la société ukrainienne, qui de toute manière n’est pas statique, ni incapable de changer. Malgré le fait que les conditions initiales étaient beaucoup plus favorables à l’expansion de l’extrême droite, le résultat de cette bataille pour la conscience et pour un programme révolutionnaire n’était pas prédéterminé — et même encore aujourd’hui il n’est pas définitif.

Je comprends parfaitement à quel point mon raisonnement sera jugé vulnérable. Mais je pense toujours que ce débat — sur la nécessité et la possibilité d’une « aile gauche » en lutte pour l’hégémonie dans le mouvement — est important non seulement dans le contexte ukrainien contemporain, mais aussi pour l’avenir… Car nous devrons faire face à des circonstances similaires (voire pires) à chaque fois.

Je me souviens très bien, juste après le premier rassemblement, le 5 décembre 2011 sur le boulevard Chistoproudny à Moscou, d’une réunion des représentants de tous les groupes existants de gauche. Après un débat houleux et malgré les différences des traditions politiques et des approches idéologique, la majorité des participants se sont mis d’accord sur les points suivants :

1. Ce début de la protestation était le nôtre et nous y participions ;

2. Nous comprenions parfaitement son hétérogénéité politique et sociale, donc nous devions nous battre pour y avoir notre place.

C’était là le minimum indispensable de l’unité politique, dont le résultat fut la présence systématique de la gauche radicale dans le mouvement de protestation. Et, surtout, ce mouvement percevait que les militants de gauche constituaient une de ses parties organiques. Un « pôle rouge » a émergé dans le mouvement, clairement en contraste avec l’approche conservatrice du Parti communiste russe, qui travaillait pour restaurer la stabilité de la machine politique de la « démocratie dirigée ».

Pour autant que je sache, rien de ce genre n’a eu lieu en décembre 2013 à Kiev. La gauche radicale de l’Ukraine a regardé les protestations naissantes avec scepticisme, se résignant à un rôle passif ou marginal. Ceux de ses militant-e-s, qui ont décidé de soutenir le mouvement et d’y participer, l’ont fait de manière individuelle, sans se coordonner. Les groupes d’extrême droite peuvent revendiquer d’avoir su mieux profiter de leur potentiel militant — mieux même que ne l’ont fait leurs collègues russes — et donc de toutes les opportunités politiques, dès le début du mouvement. Ils ont expulsé des rassemblements, de manière systématique, les petits groupes de gauche. Que serait-il arrivé si, dès le début, en rassemblant toutes ses forces disponibles (je pense qu’il pouvait s’agir de plusieurs centaines de personnes), la gauche radicale avait affirmé son droit d’être à Maidan et de promouvoir ouvertement sa position ? Il est probable que, face à une telle présence massive de la gauche organisée, la droite se serait abstenue d’un conflit ouvert, craignant un impact négatif sur son image auprès de la grande majorité des protestataires non organisés.

Imposer un espace pour l’aile gauche aurait été crucial non seulement pour la situation actuelle, en rassemblant un courant parmi les centaines de milliers de manifestants. Cela aurait aussi permis de construire des forces de la gauche radicale dans la situation qui suit la révolution — probablement dans le futur proche — lorsque, enfin, le Parti communiste d’Ukraine mettra fin à son existence honteuse. Les protestataires exigent de plus en plus fortement la dissolution du PCU (ainsi que de celle du Parti des régions, russophone). C’est non seulement le produit de la tradition anti-communiste, mais tout autant du programme politique de ce parti, qui a lié inextricablement son destin aux clans oligarchiques et au lobby pro-russe réactionnaire. Dès le début de la crise, le PCU s’est catégoriquement opposé au mouvement de protestation, demandant la répression policière et soutenant de manière inconditionnelle les « lois du 16 janvier ». Une aile gauche, qui aurait été présente dès le départ dans le mouvement de protestation, aurait la légitimité pour contester la confusion, qui domine maintenant, entre les alternatives socialistes et le bâtard parti communiste de Petr Simonenko. Une telle aile gauche aurait non seulement pu renforcer le mouvement de l’intérieur, mais aussi lui offrir une orientation en développant son vecteur démocratique radical et en soutenant, en lui donnant une dimension politique consciente, la création des « conseils populaires » dans les administrations régionales occupées.

Hélas, aujourd’hui cela a déjà été perdu.

Les forces de la stabilité l’emportent de toute évidence. L’Ukraine revient vers le fragile modèle de consensus oligarchique entre les clans concurrents et les partis électoralistes. En même temps, rien ne sera plus comme avant : la peur devant les forces du gouvernement a été détruite et le goût de la résistance va marquer une génération politiquement active, qui a expérimenté la construction des barricades sur le Maidan. Et cela signifie que, très probablement, l’histoire offrira un peu plus de chances pour que la gauche radicale puisse apprendre de ses erreurs.

Notes

1. Le 16 janvier 2014 le Parlement ukrainien a adopté, en violant les procédures parlementaires, dix lois qui restreignent le droit d’expression et le droit de réunion. Les députés du Parti des régions, du Parti communiste d’Ukraine et quelques députés indépendants ont voté en faveur de ces lois, qualifiées de « dictatoriales » par la population. Neuf de ces lois ont été abrogées le 28 janvier 2014.

Ilya Budraitskis, journaliste et chercheur russe, article consulté sur inprecor.fr

Euromaidan et le programme de la gauche

Il n’est pas vrai que les Ukrainiens trouvent la question du libre-échange avec l’Union européenne significative au point de prendre le risque de passer des nuits blanches sur la place. La popularité de l’Euromaidan n’a rien à voir avec ça. Ce sont les problèmes socio-économiques du pays, beaucoup plus graves que ceux de ses voisins de l’Est et de l’Ouest, qui nourrissent les protestations.

Le salaire moyen en Ukraine est de 2 à 2,5 fois inférieur à celui de Russie et de la Biélorussie et encore beaucoup plus faible que dans l’Union européenne. La crise économique mondiale a affecté l’Ukraine bien plus radicalement que toute autre économie européenne, de l’Atlantique à l’Oural. La croissance économique reste congelée et la production industrielle continuera sans doute à diminuer en 2013. De plus, le système économique ukrainien exempte pratiquement les oligarques du paiement des impôts. Il est possible, tout à fait légalement, d’exporter des minéraux, des métaux, de l’ammoniac, du blé et des tournesols pour des dizaines de milliards de dollars et de déclarer zéro bénéfice. Tous ces revenus finissent dans les paradis fiscaux où sont établis presque toutes les entreprises fonctionnant en Ukraine. De plus, tous les bénéfices réalisés par une entreprise dans le pays peuvent être légalement et aisément exportés vers les paradis fiscaux — il suffit de les « recadrer », par exemple en tant que prêt (fictif).

Est-il alors surprenant que le gouvernement ukrainien ait systématiquement du mal à boucler le budget ? A la fin de l’année dernière l’Ukraine était dans une phase de pré-faillite. Les salaires impayés aux employés de l’État sont devenus une pratique courante et le budget a pratiquement cessé d’attribuer des fonds aux programmes sociaux. La situation a empiré du fait de la guerre commerciale avec la Russie, lorsque Gazprom a augmenté le prix du gaz fourni à l’Ukraine à un niveau record en Europe de l’Est. Les oligarques ont conduit le pays dans un gouffre. Même après des débats sans fin, ils n’ont pas été capables de formuler une stratégie cohérente de développement en évitant tout financement de l’État, dont ils ont systématiquement vidé les caisses. Toute stratégie de développement impose de contrôler leurs appétits – il faut au moins partiellement interdire le recours aux paradis fiscaux et garantir le paiement d’un minimum d’impôts. Mais c’est justement ce que les oligarques ne peuvent accepter, même s’ils comprennent que s’ils ne changent pas les règles de jeu actuelles ils conduiront l’État à la catastrophe socio-économique, coupant ainsi la branche sur laquelle ils sont assis.

Lorsque l’on parle de problèmes économiques, l’opposition de droite se focalise presque uniquement sur les thèmes de corruption et de l’inefficacité des autorités. Et si la discussion dérive vers le pillage de l’État par les oligarques, ils se limitent à ne parler que des hommes d’affaires proches du Parti des régions et, le plus souvent, sont incapables d’aller au-delà des affaires appartenant aux fils de Ianoukovytch. Du point de vue de la droite, les autres oligarques ne posent pas de problèmes, car ils ont « une conscience nationale ». En suivant cette logique, lorsque l’Ukraine est pillée par un Ukrainien « authentique », c’est toujours bon pour la cause nationale.

C’est une situation paradoxale. Tous les économistes consciencieux (même les plus néolibéraux, tel Viktor Pinzenik) sont d’accord pour admettre que le système fiscal et la légalité du pays ont été construits de manière à ce que les oligarques soient exemptés du payement des impôts. Tout le monde sait qu’un tel système ne peut pas durer longtemps. Mais aucun politicien parlementaire n’a osé proposer une alternative, pourtant évidente et réaliste. Quasiment personne n’est prêt à admettre publiquement que la question la plus urgente à laquelle l’Ukraine doit faire face, ce n’est ni l’Union européenne, ni les syndicats, mais le simple fait que les oligarques doivent payer l’impôt. L’appareil d’État serait parfaitement capable de l’imposer, car tous les actifs des oligarques sont situés en Ukraine. Cependant, comme Andrei Hunko l’a souligné récemment, « l’oligarquisation » de la politique ukrainienne a atteint de tels sommets, qu’aucun des partis parlementaires existants n’ose même en parler.

C’est désespérant, mais seules les voix de la gauche radicale expriment cette exigence minimale et évidente. Je tiens à souligner que les « 10 Thèses » (1) ne sont pas le programme de l’Opposition de gauche, mais seulement un premier pas vers l’élaboration d’une orientation politique qui pourrait rassembler toutes les forces contre les oligarques, tous ceux qui ne considèrent pas que la dictature fasciste d’extrême droite pourrait être une solution – une sorte de dictature vers laquelle l’Union pan-ukrainienne Svoboda nous pousse de manière insistante alors que les dirigeants de l’opposition officielle la regardent passer.

L’absence d’un quelconque plan d’action cohérent pour aider à sortir l’Ukraine de la crise est devenue si criante que même des publications assez libérales, qu’on pourrait même qualifier de « droite libérale » — par exemple, zaxid.netde Lvov — ont commencé à discuter nos « 10 Thèses ».

Notes

1. Voir dans ce numéro. Le Collectif de l’Opposition de gauche est un des rares groupes de la gauche radicale ukrainienne qui a tenté d’être présent dans le mouvement de protestation.

Zahar Popovitch, militant du Collectif de l’Opposition de gauche, article consulté sur inprecor.fr le 21 février 2014

10 thèse de l’Opposition de gauche pour un mouvement social

Avant-propos du Collectif de l’Opposition de gauche

Nous soumettons à votre attention le document intitulé « Plan pour le changement social », qui décrit les moyens pour améliorer la prospérité des citoyens et d’assurer le progrès social. Il a été élaboré parce que la plupart des revendications socio-économiques des manifestants d’Euromaïdan ont été ignorées. Notre espoir est que ce document pourrait servir de plateforme pour unifier un large éventail d’initiatives sociales, syndicales et de gauche. Ce texte a été rédigé par les militants de l’Opposition de gauche, une organisation socialiste ukrainienne qui voudrait unifier tous ceux qui appartiennent à la communauté nommée provisoirement #leftmaidan.

Il va sans dire que les partis politiques transforment le mouvement de protestation pour le mener vers la politique électorale ; ils ne cherchent que des suffrages et ne veulent pas changer le système. Nous ne soutenons pas les idées libérales de la propagande du marché libre, ni les nationalistes radicaux qui aspirent à des politiques discriminatoires.

Notre espoir c’est que le mouvement de protestation, poussé à agir par l’injustice sociale, pourra finalement éradiquer les causes profondes de cette injustice. Nous pensons que c’est l’oligarchie, qui est le résultat d’un capitalisme débridé et de la corruption, qui est la racine de la plupart des problèmes sociaux. Il faut donc limiter les intérêts égoïstes de nos oligarques au lieu d’attendre l’aide de la Russie ou du FMI, qui aurait pour conséquence la dépendance de la nation. Nous pensons qu’il est néfaste d’ajouter notre voix à la demande d’intégration dans l’Europe. Nous devons plutôt définir clairement les changements nécessaires pour défendre les intérêts des citoyens ordinaires, en particulier des travailleurs salariés. A plusieurs reprises, nous empruntons aux expériences progressistes des quelques États européens qui ont réalisé des mesures similaires.

Nos objectifs sont relativement modérés car nous voulons nous adresser au plus grand nombre possible d’organisations. Nous ne cachons pas que, pour nous, il s’agit moins d’une réaction à l’actualité que d’une étape vers la fondation d’une force politique de la gauche contemporaine — une force capable d’influencer ceux qui dirigent et d’offrir une alternative à l’ordre social existant. L’Opposition de gauche estime que le plan proposé est le minimum pour la construction du socialisme fondé sur les principes de l’autogestion : la socialisation de l’industrie, l’attribution des bénéfices aux besoins sociaux et la nomination des citoyens à des fonctions gouvernementales.

Nous vous invitons à nous rejoindre sur Facebook et VKontakte (ce qui signifie : en contact) pour y exprimer vos opinions ou à nous envoyer des courriels.

Remplacer une bande de politiciens et d’oligarques par une autre, sans réaliser des changements du système ne va pas améliorer nos vies. Au lieu de faire cela, notre groupe de militants sociaux et syndicaux propose ces dix thèses, qui sont des conditions basiques pour dépasser la crise économique et pour permettre à l’Ukraine de progresser.

1. Le peuple doit constituer le gouvernement, pas les oligarques

Il faut passer de la république présidentielle à une république parlementaire, dans laquelle le pouvoir présidentiel sera limité à des fonctions représentatives sur la scène internationale. L’autorité doit passer des mains des administrateurs de l’État à des comités régionaux élus (des conseils). Les délégués élus qui ne répondent pas aux attentes doivent pouvoir être révoqués. Les juges et les chefs de police doivent être élus et non nommés.

2. Nationalisation de la grande industrie

La métallurgie, les mines, l’industrie chimique de même que les entreprises de l’infrastructure (énergie, communication, transport) doivent servir le bien-être social.

3. Les travailleurs doivent contrôler toutes les formes de propriété

En nous inspirant des exemples européens qui ont été des succès, nous devons construire un large réseau de syndicats indépendants, qui puissent contrôler la gestion et garantir les droits des travailleurs. Les travailleurs doivent avoir le droit de grève (refuser de travailler lorsqu’ils ne reçoivent pas le salaire). Les travailleurs devraient avoir le droit de contracter des emprunts à la charge de l’employeur lorsque le payement des salaires est différé (en suivant l’exemple du Portugal). Les données sur la production, la comptabilité et la gestion de toutes les entreprises qui emploient plus de 50 personnes ou dont le chiffre d’affaires dépasse un million de dollars doivent être publiées en ligne.

4. Une taxe sur les produits de luxe

Nous devons instaurer une taxe de 50 % sur les produits de luxe — les yachts, les voitures élitistes et les autres biens dont le coût dépasse 1 million de gryvna. Un impôt progressif sur le revenu doit être également introduit. Les individus dont le revenu annuel dépasse le million de gryvna doivent être taxés à 50 %, en suivant l’exemple du Danemark (dans un tel système, Renat Akhmetov (1) à lui seul paierait 1,2 milliard de gryvna au budget de l’État, alors qu’il ne paye actuellement que 400 millions, ses revenus officiels étant taxés à 17 %).

5. Interdiction des transferts des capitaux dans les paradis fiscaux

Les règlements qui exemptent les entreprises ukrainiennes de l’impôt dans de nombreux paradis fiscaux doivent être révoqués, afin de prévenir le transfert des capitaux. Les actifs des entreprises qui produisent en Ukraine et dont le siège social est dans les paradis fiscaux doivent être gelés et des administrateurs provisoires devraient y être nommés jusqu’à ce que la légalité de ces investissements soit prouvée.

6. Séparation entre monde des affaires et gouvernement

Les citoyens dont le revenu annuel dépasse un million de gryvna ne doivent pas avoir le droit d’occuper des fonctions gouvernementales ou des sièges dans les administrations locales. Une réélection à l’échelle nationale doit être organisée en conformité avec cette règle.

7. Réduction des dépenses de l’appareil bureaucratique

Les dépenses du gouvernement doivent être transparentes et contrôlées. Une réforme administrative est nécessaire pour réduire le nombre de chefs dans les administrations. Aujourd’hui des départements entiers pourraient être remplacés par des programmes informatiques. Mais au lieu de cela, au cours des 8 dernières années le nombre des bureaucrates du gouvernement a augmenté de 10 %, atteignant 372 000 personnes (en Ukraine il y a 8 bureaucrates pour 1 000 citoyens ; en France c’est 5 pour 1 000).

8. Dissolution des forces spéciales de répression (Berkut et autres)

A partir de 2014, il faut réduire les dépenses pour l’appareil de sécurité de l’État : le ministère de l’Intérieur, le service de Sécurité, le bureau du Procureur général et les forces spéciales de police. Il est inacceptable que 16,9 millions de gryvna aient été alloués en 2013 au ministère de l’Intérieur — c’est 6,9 millions de plus que toutes les dépenses de la santé publique !

9. Accès gratuit à l’éducation et aux soins de santé

Les fonds pour cette initiative devraient venir de la nationalisation des industries et de la réduction des dépenses consacrés à la sécurité et à l’appareil bureaucratique. Pour éliminer la corruption dans l’enseignement et la médecine, il faut augmenter les salaires des médecins et des enseignants et restaurer le prestige de ces domaines.

10. Retrait de l’Ukraine des institutions internationales financières oppressives

Nous soutenons la cessation de la coopération avec le Fonds monétaire international et avec les autres institutions financières internationales. Nous devons suivre l’exemple de l’Islande, qui a refusé de payer les dettes (garanties par le gouvernement), accumulées par les banquiers et les bureaucrates dans le but d’enrichissement personnel et de la « prospection sociale » plutôt que pour développer l’industrie.

Notes

1. Homme d’affaire ukrainien et député du Parti des régions qui fait partie de la liste des milliardaires du monde (fortune de 16 milliards). Il s’est enrichi dans le charbon et ma sidérurgie au moment de la transition du pays vers le capitalisme.

 

Source :
Dossier sur la situation en Ukraine et sur l’Opposition de gauche