15 avril 2012 7 15 /04 /avril /2012 12:54

 

Après les fungi qui absorbent et concentrent la radioactivité, après les algues qui dépolluent les estuaires, après les bactéries qui assimilent et décomposent certains polluants chimiques voici les champignons mangeurs de plastique.

Il est tout de même intéressant de constater que c'est la nature qui invente des solutions aux pollutions créées par l'homme et qu'il est incapable lui de nettoyer lui-même. Bref l'humanité à  cause de sa propre stupidité, disparaîtra peut-être, c'est même de plus en plus probable mais d'autres espèces répareront les dégâts commis par l'homme. Voilà qui est rassurant !

Bon, la formulation de l'article est un peu débile,  "le fidèle ouvrier"...  mais l'information est intéressante.

 

 

Un champignon mange du plastique !

Découvert en Amazonie, un petit champignon a une habitude étrange mais prometteuse : il dégrade, pour les manger, des résidus de plastique. Pestalotiopsis microspora deviendra-t-il un fidèle ouvrier de nos stations d’épuration ?

A lire ici : Actualité > Un champignon mange du plastique !

 

via : Les Dernières Nouvelles du Monde | Scoop.it

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15 avril 2012 7 15 /04 /avril /2012 08:27

 

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L’Indépendante en fête le 21 avril dans le 18ème arrondissement

samedi 21 avril à partir de 12h30, la coopérative alimentaire autogérée L’Indépendante organise une nouvelle fête autour de ses activités à la Maison verte, 127 rue Marcadet dans le 18ème. Au programme : repas, débats, musique, concert,  une recette bien rodée qui fait le succès des journées festives de la coopérative dont la création remonte à octobre dernier dans le 18ème.  

Pour rappel, L’Indépendante propose à prix coûtant des aliments secs (facilement stockables) produits localement  ou issus du commerce équitable , ce qui permet d’éviter la multiplication des transports  et constitue une alternative à la grande distribution. L’idée est de promouvoir les circuits courts et d’être une véritable   “épicerie”  alternative reposant entièrement sur l’autogestion : l’Indépendante appartient à ses adhérents qui choisissent les produits, organisent son activité et la font fonctionner.

 

Quatre exemples d’agriculture périurbaine en Ile-de-France

Alors que le bétonnage des terres agricoles se poursuit en Ile-de-France, à l’image du projet du Triangle de Gonesse, les initiatives pour un retour de l’agriculture périurbaine dans les départements franciliens se multiplient.

Une bergerie à Bagnolet !

Ainsi, dans l’Essonne, la ville de Morangis vient de remettre dans le cadre de sa politique en faveur de la protection des espaces dédiés à l’agriculture, 16 ha de terres agricoles en non-constructibles dans son document d’urbanisme. L’idée de la municipalité est ainsi de préparer la succession des agriculteurs encore en activité et de développer le maraîchage en favorisant au passage la création d’une AMAP, l’installation de jardins familiaux…pour permettre à ces terrains de conserver leur finalité première. Samedi 7 avril à partir de 10h à la salle des fête communale, une présentation de ce projet sera faite à la population avec comme entrée en matière, l’excellent film d’Agnès Fouilleux (projeté l’an passé à Ecobox dans le cadre des journées autour de l’alimentation et de l’agriculture), “Small is beautiful”

Autre initiative : la création à Flins dans les Yvelines, de la première légumerie biologique en Ile-de-France. Ce lieu est particulièrement symbolique puisque ayant été le théâtre d’une lutte gagnée après de longs mois de manifestation entre 2008 et 2010 par les opposants à la construction d’un circuit de formule 1. Les légumes transformés fourniront les cantines franciliennes où le bio et le local sont peu présents malgré la demande croissante. Contraintes d’utiliser des légumes déjà nettoyés et épluchés, pour des raisons économique et hygiénique, les cuisines centrales franciliennes ont du mal à se fournir en bio local. Ce sera donc désormais possible à Flins, qui pourra produire 200 tonnes de légumes par an. L’installation de producteurs bio et l’installation de la légumerie ont été encouragés après le rachat des terrains, par l’agence des espaces verts. 

A Chennevières sur Marne, dans le Val de Marne, c’est l’association Relocalisons ! qui le 5 mai prochain organise un stage de formation à la “traction animale” sur la Plaine des Bordes sur le thème du maraîchage, avec également  les associations de l’Abeille des Bordes et l’asinerie Francilianes. Objectif de ce stage : acquérir des compétences sur l’âne (âge, taille, musculation, entraînement, comportement, besoins alimentaires…) et sur l’utilisation de l’animal pour le travail de la terre en maraîchage, débardage, transport, attelage…
Cette formation sera assurée par Jacky Davézé, éleveur de la Sarthe, spécialiste et passionné d’ânes depuis plus de 40 ans. Relocalisons ! a notamment pour projet  la création, la préservation et l’extension des ceintures vivrières autours des agglomérations.

Enfin à Bagnolet, l’association “Sors de terre” qui s’est donnée pour objectif d’œuvrer pour l’éducation à l’environnement et à l’agriculture, en milieu urbain, grâce à la création de jardins pédagogiques où se déroulent des ateliers de découverte du jardinage biologique, a eu l’idée d’installer une bergerie au pied des immeubles du quartier des Malassis. Une expérience étonnante qui devrait prendre de l’ampleur et sur laquelle Quartiers en Transition reviendra très prochainement.

 

Source : Quartiers en transition

 


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15 avril 2012 7 15 /04 /avril /2012 07:18

 

Il vient de sortir : LE GUIDE LOCAL des pratiques décroissantes

Publié le13 avril 2012

 

 

Les Jardins de Sillac, le Courant Alternatif et les Faire Ailleurs se
sont associés pour proposer un petit guide bien concret ! Nous avons
souhaité faire connaître quelques initiatives spécifiques à notre
canton (Val de l’Eyre – Gironde 33) ;
Dans quel domaine ? Consommer moins mais mieux, cultiver le lien
social local et privilégier l’être, plus que l’avoir !

Voici donc un petit travail collectif qui pourra en inspirer bien
d’autres au niveau local… des guides altern’actifs de ce style
existent déjà dans de nombreuses villes, mais offrir ce genre de
support est véritablement intéressant pour tous ceux qui sont en
transition vers une vie plus respectueuse de l’humain et de la
planète… Voici donc notre petite contribution à faire évoluer au fur
et à mesure des initiatives !

Pour en savoir plus
:http://www.courant-alternatif.fr/index.php/actualites/389-viens-de-sortir-guide-des-pratiques-decroissantes

 

Via : Les Dernières Nouvelles du Monde | Scoop.it

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14 avril 2012 6 14 /04 /avril /2012 22:24

 

Par Benjamin Lesage (30 mars 2012)

Voici le deuxième volet du témoignage des trois jeunes Européens partis pour un tour du monde sans argent. Après se déplacer sans un sou, comment se loger gratuitement, grâce notamment aux occupations et aux squats qui se multiplient dans le monde entier. Ou quand une culture du partage émerge sur les ruines de la crise immobilière.


Durant notre voyage, nous avons vu un grand nombre de gens à la rue. À Recife, au Brésil, le centre-ville a été peu a peu délaissé par les investisseurs. Des centaines d’anciennes maisons coloniales sont abandonnées. Sur les trottoirs, des dizaines et des dizaines de sans-abri. Le contraste est choquant. La situation est pourtant similaire dans de nombreux pays.

Nous avons aussi visité de nombreux squats, des maisons ou des immeubles occupés temporairement par des habitants en quête d’alternative. Plus particulièrement en Espagne, où la crise immobilière de 2008 a mis des milliers de gens dans les rues et des dizaines d’entreprises immobilières en faillite. Le squat se pratique depuis longtemps à Barcelone. Beaucoup d’immigrés d’Afrique du Nord ou d’Amérique latine occupent par nécessité. Nous avons aussi rencontré toute une génération de jeunes alternatifs qui refusent le droit de propriété et revendiquent l’occupation de maisons vides comme un droit citoyen.

Beaucoup de squats sont tolérés par les autorités car les habitants y organisent ateliers et activités pour animer le quartier et la communauté. À Tarragona, à quelques kilomètres au sud de Barcelone, nous rencontrons trois jeunes musiciens qui occupent une grande maison d’au moins 10 chambres, abandonnée depuis plusieurs années. Ils ont été contactés par le propriétaire. Il a accepté de les laisser habiter la demeure s’ils promettaient de la nettoyer et de la maintenir en état. Ils y organisent des ateliers de yoga, de danse et de musique.

Culture du partage

Dans les îles Canaries, nous sommes restés un mois dans la « Tomatera », un squat où vivait une dizaine de personnes. Une entreprise immobilière a fait faillite et tout un pâté de maisons s’est retrouvé sans propriétaire. Ils en ont donc profité pour s’y installer. Ils payent leur électricité et leur eau, et organisent des soirées cinéma.

Dans la ville de Mexico, Chanti Ollin est un squat qui a résisté aux expulsions pendant plus de huit ans : un immeuble entier avec plus de 20 chambres. Le propriétaire n’a pas de permis de construire, il ne peut donc rien faire sur ce terrain… et se retrouve obligé de tolérer les occupants. Il leur paye même l’électricité ! Ils ont un studio d’enregistrement, un four a bois, des toilettes sèches, un compost et un potager sur le toit, plusieurs ateliers de danse, de tissage traditionnel, et même de construction de « bicymachines » : des appareils électroménagers fonctionnant avec des bicyclettes. José, l’un des occupants, insiste pour préciser que ce lieu est avant tout un centre culturel, un lieu pour créer une nouvelle culture fondée sur le partage et l’équité pour tous.

Enfin, nous avons visité un squat dans la région d’Oakland aux États-Unis, une ville rendue célèbre par des émeutes et le mouvement « Occupy Wall Street West ». Là encore, beaucoup de maisons abandonnées. Neuf personnes vivent dans ce squat depuis un an. Ils ont trouvé un panneau solaire pour avoir un peu d’électricité et publient des pamphlets sur l’anarchisme et l’occupation de maisons. La clé, c’est « d’avoir de bonnes relations avec les voisins. Avant, il n’y avait que des drogués qui venaient ici, maintenant, l’endroit est propre, et les voisins apprécient ça », expliquent-ils.

Squatter un canapé

Se loger gratuitement, dans le cadre de notre voyage sans argent, est plus facile que de se déplacer. S’habituer à dormir sur le sol et sous une tente suffisent. Il y a aussi le site Internet Couchsurfing, une initiative gratuite qui permet aux gens du monde entier de se contacter pour offrir un canapé ou une chambre d’amis pour le pur plaisir de recevoir un inconnu. L’idée peut faire peur mais le site est organisé de façon à ce que chaque personne ait un profil avec les commentaires des gens qui l’ont rencontrée pour s’assurer que cette personne est de bonne foi. Cette expérience permet de connaître les gens du coin, de faire de belles rencontres et de partager ses expériences.

Un échange est aussi souvent possible avec les habitants : trouver quelqu’un qui a une chambre de libre et lui rendre un service en échange. Par exemple, Raphael est maintenant à Berlin avec sa copine Nieves et leur nouveau-né, Alma Lucia, ils s’occupent de nettoyer le jardin. Ils peuvent ainsi rester dans une petite maison qui est inoccupée. L’électricité, l’eau et le gaz sont à la charge du propriétaire en échange du travail fourni.

Bien entendu, la solution la plus cohérente serait de s’isoler dans la nature et de construire sa propre maison, son tipi ou une yourte… Ce sera pour plus tard. Nous sommes à la recherche d’un terrain que quelqu’un voudrait bien nous céder. Il y a aussi les villages abandonnés. En raison de l’exode continu vers les villes, des villages entiers se vident.

Benjamin Lesage

Photo : Sterneck

Lire le volet #1 : Voyager sans un sou en poche, c’est possible

Source ; Comment se loger sans argent tout en voyageant - Hospitalité - Basta !

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14 avril 2012 6 14 /04 /avril /2012 22:19

 

Par Benjamin Lesage (13 avril 2012)

Comment faire pour manger quand on a décidé de se passer d’argent ? Rien de bien compliqué, semble-t-il, pour Benjamin et ses acolytes. Les trois jeunes Européens, sur les routes du monde depuis plus d’un an, trouvent tous les jours de quoi s’alimenter, principalement en glanant parmi les tonnes de nourriture gaspillée chaque jour. Ils comptent aussi sur la générosité des habitants croisés en route.

Se nourrir sans utiliser d’argent peut paraître impossible. Au cours de notre voyage, dans les pays économiquement développés, nous nous sommes pourtant débrouillés en « recyclant » la nourriture dans les poubelles des supermarchés et des boulangeries, ou en demandant directement si nous pouvions « sauver » la nourriture destinée à la poubelle. Bien souvent, les directeurs des magasins acceptent. Parfois certains refusent, allant même jusqu’à jeter de l’eau de javel sur les poubelles pour être sûrs que personne n’ira fouiller dedans !

En général, nous mangeons très bien. Même s’il nous arrive de ne manger que du pain, ou des fruits. Nous sommes tellement habitués, avec l’argent, à avoir tout tout de suite que nous perdons la valeur des aliments. Nous oublions le plaisir de manger, d’apprécier un fruit, un plat bien cuisiné. Au Maroc, les gens nous ont souvent invités pour un thé ou un couscous. C’est là, au cours de notre voyage, que nous avons rencontrés les gens les plus chaleureux et les plus généreux, toujours prêts à partager. Il y a au Maroc beaucoup moins de gaspillage qu’en France, sauf dans les lieux touristiques, qui regorgent de restaurants étrangers, et dans lesquels nous pouvions recycler pas mal de nourriture.

En Amérique latine, les gens nous ont beaucoup offert à manger. Nous recyclions dans les lieux touristiques et bénéficions de la générosité des gens dans les petits villages. Même dans les lieux les plus pauvres, les gens jettent de la nourriture, comme dans les marchés, où l’on trouve toujours quelques fruits ou légumes abîmés. Au Mexique, par exemple, les fruits et les légumes sont abondants, et nous récupérons des kilos de nourriture que nous cuisinons et partageons.

Poubelles cadenassées

Notre récent voyage aux États-Unis fut un grand choc. Nous avons mangé comme des rois, de la nourriture bio et végétarienne, qui termine dans les poubelles des grands supermarchés. Des tonnes et des tonnes de nourriture qui se perdent chaque jour, parfois sous le nez des pauvres de ce pays. La plupart des gérants ferment les poubelles avec des cadenas.

Lorsque nous trouverons un terrain, nous voulons pouvoir semer nos propres graines et produire notre propre nourriture, pour ne plus dépendre des restes du système. Mais d’ici là, voyant toute cette nourriture gâchée, nous nous faisons presque un devoir de la recycler. D’après l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation (FAO), plus d’un milliard d’êtres humains souffrent de malnutrition et plus d’un milliard souffrent d’obésité. Nous produisons dans le monde suffisamment de nourriture pour 12 milliards d’êtres humains, estime la FAO. Mais plus d’un tiers de la nourriture produite termine à la poubelle. Un taux de gaspillage qui s’élève à 50 % dans certains pays comme les États-Unis !

Une injustice liée à l’idée de l’abondance, véhiculée par le système capitaliste : des supermarchés pleins de nourriture, de tout à chaque instant, des produits qui périment trop vite, qui viennent de trop loin. Très peu de restaurants, de boulangeries ou de supermarchés ne jettent pas de nourriture. Beaucoup nous critiquent en disant que nous profitons du système, que manger les restes, ce n’est pas l’auto-suffisance. Ils ont raison : nous ne prétendons pas vivre en dehors du système. Au contraire, nous voulons y rester pour participer au changement.

Benjamin Lesage

Forward the revolution

Photo : Best Planet

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11 avril 2012 3 11 /04 /avril /2012 21:54

 

 

 par Agnès Sinaï

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Tan­dis que l’ère du pét­role entre dans sa deux­ième moitié et que la société indus­trielle aborde la route insta­ble d’un col­lapse catabolique, nous avons à nous pré­parer à voir se dérouler une autre révo­lu­tion de l’emploi et du tra­vail. Les change­ments qui s’annoncent risquent d’être tout aussi trau­ma­ti­sants que ceux qu’a entraîné la révo­lu­tion indus­trielle. Reste à savoir quels seront les emplois de demain, com­ment pourrons-nous nous reconvertir ?

Les change­ments dans la nature des emplois ne sont pas nou­veaux. Depuis le début de l’industrialisation, des tech­niques nou­velles et des fac­teurs économiques ont vu la créa­tion de beau­coup de nou­veaux types d’emplois, en même temps que d’autres sont devenus moins com­muns ou ont disparu.

His­torique­ment, tan­dis que les civil­i­sa­tions ont gagné en com­plex­ité, il y a eu une ten­dance vers une spé­cial­i­sa­tion économique crois­sante. La base de cette hausse de la spé­cial­i­sa­tion a été le sur­plus agri­cole. Un sur­plus agri­cole per­met à la société de libérer une par­tie de ses forces de tra­vail de la pro­duc­tion ali­men­taire au profit d’autres rôles, tels que sol­dats, arti­sans, bureau­crates. La four­ni­ture illim­itée d’énergies fos­siles durant ces deux derniers siè­cles a ren­forcé cette ten­dance à la spé­cial­i­sa­tion des rôles – de l’accompagnateur de chiens au neu­rochirurgien, du trader  au pilote de ligne… au point que moins de 4% de la pop­u­la­tion française est employée dans l’agriculture.

Le col­lapse des sys­tèmes socio-historiques résulte his­torique­ment d’une réduc­tion du niveau de com­plex­ité d’une civil­i­sa­tion et d’une réduc­tion cor­re­spon­dante de la spé­cial­i­sa­tion économique.

Pour les chômeurs, il peut être intéres­sant de com­pren­dre les impli­ca­tions de la muta­tion en cours de manière à se recon­ver­tir vers les emplois du futur.

Mais avant de pour­suivre, exam­inons de quoi va être fait ce col­lapse catabolique.

Col­lapse catabolique (= dégra­da­tion molécu­laire d’un organisme)

Qua­tre fac­teurs sont en train d’œuvrer à ce col­lapse économique : le pic pétrolier, le change­ment cli­ma­tique, la déplé­tion des ressources naturelles et l’instabilité financière.

Si la civil­i­sa­tion indus­trielle con­tinue sur son chemin actuel, nous allons être confrontés à :

-       Une énergie moins abon­dante, une énergie plus chère en rai­son à la fois du pic pétrolier et du déclin du retour d’énergie sur l’énergie investie (EROEI) pour exploiter les sources d’énergie et extraire les fossiles ;

-       Une nour­ri­t­ure moins abon­dante et plus chère à mesure que les effets du change­ment cli­ma­tique vont dégrader les récoltes et que les intrants à base de phos­phore et de pét­role + l’eau et les ter­res cul­tivables vont se raréfier ;

-       De moins en moins de richesse à mesure que l’énorme expan­sion du crédit au cours de la sec­onde moitié du 20ème siè­cle va se con­tracter en rai­son des deux points précédents.

-       Au bout du compte, les fac­teurs sus-mentionnés vont con­duire à moins de tech­nolo­gie tan­dis que la fia­bil­ité et la disponi­bil­ité des hautes tech­nolo­gies va décroître en rai­son d’une com­bi­nai­son de fac­teurs tels que la disponi­bil­ité des four­ni­tures, l’interruption de la chaîne mon­di­ale des marchan­dises et une base de con­som­ma­tion rétré­cie suite au déclin du pou­voir d’achat.

Bien sûr, l’impact de cha­cun de ces fac­teurs sera très vari­able selon les régions et les pays, tant en ter­mes d’échelle que de rapid­ité. Quelques con­stantes se dessi­nent cepen­dant. Ces indus­tries qui dépen­dent de l’énergie bon marché, de niveaux élevés de revenus et de l’expansion du crédit risquent d’être les plus exposées à un rétré­cisse­ment de leurs activ­ités (down­siz­ing). Les indus­tries telles que l’aviation, le tourisme, les ser­vices financiers sont par­ti­c­ulière­ment vul­nérables. Même les gou­verne­ments et leurs bureau­craties, à l’exception de la police et de l’armée, vont rétré­cir dans le long terme à mesure que les ressources fis­cales vont dimin­uer. Les gou­verne­ments vont sans doute pour­suivre leurs choix indus­triels au lieu de procéder à des recon­ver­sions, jusqu’au stade où les indus­tries, comme le nucléaire, l’aviation, ne pour­ront  plus être financées. Mais que vont devenir les salariés employés dans ces indus­tries à risque ? La réduc­tion des activ­ités indus­trielles va met­tre sur la marché du tra­vail des tra­vailleurs qual­i­fiés, en plus grand nom­bre que le marché va pou­voir absorber.

Réduire la complexité

Joseph Tain­ter Archéo­logue améri­cain, né en 1949, a défini la com­plex­ité autour de trois paramètres :

- diver­si­fi­ca­tion des rôles soci­aux, économiques et politiques ;

- développe­ment des moyens de communication ;

- crois­sance de l’économie et des services.

Le tout soutenu par une forte con­som­ma­tion d’énergie. Les civil­i­sa­tions, quand elles sont con­fron­tées à de nou­veaux prob­lèmes, accrois­sent la com­plex­ité de leur fonc­tion­nement économique, social et politique.

Exem­ple : l’Empire romain tenta de résoudre ses prob­lèmes en élar­gis­sant son ter­ri­toire, ce qui la entraîné la hausse des coûts de main­te­nance. Il s’agit du phénomène de gain mar­ginal décrois­sant. Dans ce cas, l’effondrement résulte d’un proces­sus politique.

Idéale­ment, il faudrait se pré­parer main­tenant, compte tenu de la vitesse de la crise : nous devri­ons déjà être en train d’anticiper le col­lapse des sys­tèmes com­plexes dans lesquels nous vivons.

Les sys­tèmes com­plexes, comme l’ont démon­tré récem­ment la crise finan­cière mon­di­al­isée, la marée noire de la plate-forme Macondo de BP et l’accident de Fukushima, sont mis en échec mal­gré les ten­ta­tives des ingénieurs les plus qual­i­fiés. Aug­menter la com­plex­ité devrait réduire la fréquence de tels acci­dents, certes, mais au prix de plus lourds impacts quand ces sys­tèmes se dérèglent.

L’échec des sys­tèmes com­plexes va devenir de plus en plus fréquent dans les prochaines années tan­dis que la com­plex­ité de l’économie glob­ale va se contracter.

Là où tant d’emplois dépen­dent de sys­tèmes com­plexes et de notre inca­pac­ité à prédire quand et où aura lieu le prochain désas­tre écologique ou financier, la prochaine désta­bil­i­sa­tion poli­tique ou la prochaine crise d’approvisionnement, mieux vaut se tenir prêt : physique­ment, men­tale­ment (ce n’est pas le moment de faire un ner­vous break­down quand votre monde fam­i­lier s’éteint), et par une palette de savoir faire pro­posant une alter­na­tive par rap­port à l’emploi clas­sique, dans l’économie formelle ou informelle. Voilà qui sera un bon investisse­ment dans l’avenir incertain.

Pour les per­son­nes employées dans les secteurs indus­triels vul­nérables, ce serait une bonne idée qu’elles se pré­par­ent à l’éventualité d’un autre type d’existence à l’avenir.

Faut-il songer à revenir à une économie domes­tique de subsistance ?

Maraîchage, potager, fruitiers du jardin, poulaillers… Ex : 2ème Guerre mon­di­ale, le pro­gramme « Jardins de la Vic­toire » a per­mis de pro­duire 40% des légumes améri­cains dans les jardins des maisons…

Réduire notre dépen­dance à l’économie formelle revien­dra à réduire l’impact des chocs du chô­mage et les crises sys­témiques du futur.

De fait, à mesure que l’économie formelle va se con­tracter et que de moins en moins d’employés seront néces­saires, le nom­bre de per­son­nes employées dans la domes­tic­ité ou dans l’économie informelle va se développer.

L’agriculture va devenir un des prin­ci­paux secteurs d’emplois en croissance.

La baisse des intrants annonce un pays de fermiers.

Rai­son sim­ple : 1 baril de pét­role = 25 000 heures de tra­vail humain ou 12,5 années à 40 heures de tra­vail par semaine.

Impli­ca­tions de ces chiffres : à mesure que le pét­role va se raré­fier, le tra­vail basé sur une forte con­som­ma­tion de pét­role va devoir être remplacé.

Le tra­vail humain et ani­mal seront une par­tie de la solution.

On va assis­ter dans la tran­si­tion à venir à une hausse spec­tac­u­laire de recherche de per­son­nes entraînées et employées dans les domaines de la per­ma­cul­ture, du jar­di­nage bio, de la pro­duc­tion de fer­til­isants organiques, de l’entretien de la fer­til­ité des sols, de l’entretien des ani­maux, de la réha­bil­i­ta­tion des paysages, de la con­ser­va­tion des semences et leur diffusion.

La grande requalification

Avec la démon­di­al­i­sa­tion, les emplois délo­cal­isés dans l’industrie vont être relo­cal­isés car les objets tech­nologiques de basse tech­nolo­gie devront être pro­duits locale­ment, selon des opéra­tions plus nom­breuses et plus petites, une gamme plus lim­itée d’objets, une com­bi­nai­son de tra­vail éduqué et sim­ple plutôt que des lignes d’assemblages.

L’industrie arti­sanale va revenir au cours des prochaines décen­nies : vête­ments, savons, pro­duits médic­in­aux vont don­ner lieu à beau­coup de créa­tions d’emplois.

Exper­tise en sys­tèmes d’énergie renou­ve­lable, sys­tèmes à petites échelles seront très demandés, capac­ités de répa­ra­tions d’objets de toutes sortes, dont la plu­part sont aujourd’hui conçus pour être obsolètes, mais qu’on va vouloir faire durer, out­ils et appareils.

Cela donne à réfléchir sur les choix d’emplois aujourd’hui pour demain.

Le mes­sage martelé par les poli­tiques et les médias sur le retour à la crois­sance ne con­tribue pas à pré­parer la pop­u­la­tion, qui va être absol­u­ment prise au dépourvu par le séisme des change­ments industriels.

On aura donc avan­tage à se pré­parer à l’autonomie, la sub­sis­tance domes­tique et une palette de savoir faire.


écrit par:

Source : Vers la décomplexification des métiers « INSTITUT MOMENTUM

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11 avril 2012 3 11 /04 /avril /2012 21:18

 

Analyse intéressante même si elle a quelques carrrences se sitaunt dans le cadre de la physico-chimie et ne tenant pas compte de particularités spécifiques duvivant et des sociétéshumaines en général. Dans la "Nouvelle alliance" Prigogine et Stengers appellent à une prolongation des théories des structures dissipatives en sociologie. Ecrit à la même époque, "Condition de l'homme moderne" d'Hannah Arend est  en résonance sur bien des points etformeun excellent complément historique et sociologique, plilosophie DU politique qcomme ma,nière des humains de sorganiser entre eux. En tout cas voici une bonne approche qui montre que la coopération est la seule issue pour qu'advienne l'humanité. Deux livres que j'emmènerais sur mon ile déserte.

 

Le syndrome de la reine rouge
Séminaire du 6 avril 2012 par François Roddier

avril 2012 par François Roddier

ising

Après 60 ans de pro­grès sci­en­tifiques et tech­niques, sans précé­dent dans l’Histoire de l’humanité, un mil­liard d’individus souf­frent de la faim dans le monde; les ressources naturelles (pét­role, métaux) s’épuisent; la bio­di­ver­sité diminue; l’air, l’eau et la terre sont de plus en plus pol­lués; la couche d’ozone est en dan­ger, le cli­mat se réchauffe. Dans les pays dévelop­pés, les iné­gal­ités sociales aug­mentent, le chô­mage devient endémique, les gou­verne­ments s’endettent.

 

Est-ce là où mène le pro­grès? De nom­breux sci­en­tifiques de ma généra­tion, notam­ment dans le domaine des sci­ences de l’univers, s’interrogent[1],[2],[3].

Si, dans l’ensemble, l’humanité pro­gresse vers plus de con­fort et une longévité accrue, l’Histoire nous mon­tre que cette pro­gres­sion est loin d’être régulière. Depuis l’antiquité, des péri­odes de vaches mai­gres suc­cè­dent aux péri­odes de vaches grasses; des temps de guerre suc­cè­dent aux temps de paix; des civil­i­sa­tions dis­parais­sent, de nou­velles les rem­pla­cent. D’une manière générale, l’Histoire est parsemée de famines, de con­flits, d’épidémies et de ban­quer­outes. L’évolution de l’humanité serait-elle dic­tée par une loi fon­da­men­tale, un « principe de Lucifer »[4] qui con­damn­erait régulière­ment l’Homme à un des­tin mal­heureux auquel nul ne saurait échapper?

La ther­mo­dy­namique classique

Le physi­cien autrichien Lud­wig Boltz­mann sem­ble avoir été un des pre­miers à invo­quer les lois de la ther­mo­dy­namique. Cette phrase, extraite d’une tra­duc­tion anglaise de ses écrits pop­u­laires[5] pub­liés en 1905, est sou­vent citée: « [The] strug­gle for exis­tence is a strug­gle for free energy avail­able for doing work (La lutte pour la vie est une lutte pour dis­poser d’énergie libre afin de pro­duire du tra­vail mécanique) ». En ther­mo­dy­namique, l’expression « énergie libre » désigne toute forme d’énergie inté­grale­ment con­vert­ible en tra­vail mécanique, comme l’énergie élec­trique. N’étant que par­tielle­ment con­vert­ible, la chaleur n’est pas de l’énergie libre, mais une forme dégradée d’énergie.

En 1922, le sta­tis­ti­cien améri­cain Alfred Lotka mon­tre que la sélec­tion naturelle tend à max­imiser le flux d’énergie qui tra­verse une struc­ture organique[6]. Pour Lotka, la sélec­tion naturelle fonc­tionne comme une troisième loi (encore incon­nue) de la ther­mo­dy­namique[7]. Rap­pelons que la pre­mière loi de la ther­mo­dy­namique stip­ule la con­ser­va­tion de l’énergie, tan­dis que la deux­ième stip­ule qu’elle se dégrade sous forme de chaleur, ce qu’on exprime en dis­ant qu’elle se dis­sipe. Nous revien­drons plus loin sur la troisième loi de Lotka.

En 1926, le physico-chimiste anglais Fred­er­ick Soddy, prix Nobel de chimie (1921) pour sa décou­verte des iso­topes, écrit un livre d’économie inti­t­ulé « Wealth, Vir­tual Wealth and Debt » (Richesse, richesse virtuelle et dette), dans lequel il prévoit la crise de 1929. Selon lui, les écon­o­mistes con­fondent les deux sens du mot anglais « wealth », à savoir d’une part le bien-être « being well », d’autre part la richesse moné­taire « being rich » qu’il qual­i­fie de richesse virtuelle. Pour Soddy, le bien-être se mesure en ter­mes du flux d’énergie libre dont nous pou­vons con­trôler à notre avan­tage la dis­si­pa­tion sous forme de chaleur.

Vers le milieu du XXe siè­cle il deve­nait clair que, d’un point de vue physique, la vie était un proces­sus irréversible de dis­si­pa­tion d’énergie. Mais, étant indépen­dantes du sens du temps, les lois fon­da­men­tales de la physique ne per­me­t­taient pas d’expliquer un tel proces­sus. On se con­tentait d’appliquer les lois de la ther­mo­dy­namique à des trans­for­ma­tions réversibles au voisi­nage d’états d’équilibre. Or les sys­tèmes à l’équilibre n’évoluent pas. Pour com­pren­dre l’évolution, en par­ti­c­ulier celle de l’humanité, il fal­lait com­pren­dre les proces­sus hors équilibre.

La ther­mo­dy­namique hors équilibre

Peu après la dernière guerre mon­di­ale, le physico-chimiste Ilya Pri­gogine pro­posa de décom­poser les sys­tèmes ther­mo­dy­namiques non plus en éléments proches de l’équilibre, mais en éléments dans un état sta­tion­naire[8], aux­quels il donna le nom de « struc­tures dissipatives ».

La deux­ième loi de la ther­mo­dy­namique (appelée aussi sec­ond principe) implique que tout sys­tème fermé, c’est-à-dire isolé du reste de l’univers, tend vers l’équilibre. Cela entraîne que tout mou­ve­ment cesse; toute dif­férence s’estompe; toute struc­ture, donc toute infor­ma­tion dis­paraît. Si, par con­tre, on ouvre le sys­tème de sorte qu’un flux d’énergie le tra­verse, alors des struc­tures peu­vent spon­tané­ment appa­raître et se met­tre en mou­ve­ment. Un exem­ple fam­i­lier est le mou­ve­ment de l’eau à l’intérieur d’une casse­role posée sur le feu.

Les struc­tures dis­si­pa­tives de Pri­gogine sont des sys­tèmes ouverts tra­ver­sés par un flux con­stant d’énergie. Elles ne sub­sis­tent que grâce à ce flux d’énergie. Claire­ment, aussi bien un être vivant comme l’Homme qu’un ensem­ble d’êtres vivants comme l’humanité, sont des struc­tures dis­si­pa­tives. Celles-ci ont la pro­priété de s’auto-organiser par elles-mêmes. Il restait à com­pren­dre pourquoi et com­ment elles s’auto-organisent. Ces dernières décen­nies ont per­mis d’apporter des réponses sci­en­tifiques à ces deux ques­tions. Ces réponses sont d’importance pri­mor­diale pour com­pren­dre dans quel but et de quelle manière les sociétés humaines s’auto-organisent. Elles sont la clé de leur évolution.

La troisième loi

Les météoro­logues ont été les pre­miers à com­pren­dre pourquoi les struc­tures dis­si­pa­tives s’auto-organisent. De même que les mou­ve­ments de l’eau dans une casse­role sont dus à la dif­férence de tem­péra­ture entre le haut et le bas de la casse­role, de même les mou­ve­ments de l’atmosphère sont dus à la dif­férence de tem­péra­ture entre les pôles et l’équateur. Les météoro­logues ont décou­vert que l’atmosphère ter­restre est dans un état de dis­si­pa­tion max­i­male d’énergie. Dans leur lan­gage, les physi­ciens dis­ent qu’elle est dans un état de pro­duc­tion max­i­male d’entropie (en anglais: Max­i­mum Entropy Pro­duc­tion, MEP, ou MaxEP). Les astronomes ont mon­tré qu’il en était de même de l’atmosphère de Mars et celle de Titan. Il sem­ble donc que cela soit un phénomène général[9].

Indépen­dam­ment, les physi­ciens s’intéressant aux écosys­tèmes, ont mon­tré que eux aussi s’auto-organisaient de façon à max­imiser leur dis­si­pa­tion d’énergie, con­for­mé­ment aux idées de Lotka sur la sélec­tion naturelle. Il sem­ble donc que, d’une façon très générale, les struc­tures dis­si­pa­tives s’auto-organisent pour max­imiser leur taux de pro­duc­tion d’entropie, c’est-à-dire la vitesse avec laque­lle ils dis­sipent l’énergie. Un nom­bre crois­sant de physi­ciens ten­dent aujourd’hui à con­sid­érer cette pro­priété, bap­tisée MEP ou MaxEP, comme une troisième loi de la thermodynamique.

On sait que la mécanique sta­tis­tique per­met de démon­trer la deux­ième loi de la thermo-dynamique à par­tir des lois fon­da­men­tales de la physique. On doit cette démon­stra­tion à Boltz­mann. Il était donc naturel de chercher une démon­stra­tion sim­i­laire pour cette nou­velle loi. En jan­vier 2003, un physi­cien des écosys­tèmes, Rod­er­ick Dewar, a pro­posé une telle démon­stra­tion[10]. Une erreur a toute­fois été relevée dans son raison­nement en 2007[11]. Cette loi appa­raît cepen­dant comme un principe général véri­fié jusqu’ici dans toutes ses conséquences.

En sci­ences humaines, ce principe implique que l’humanité cherche sans cesse à aug­menter son taux de dis­si­pa­tion d’énergie, ce qui est tout à fait con­forme aux obser­va­tions. Si, comme l’a pro­posé Soddy, on mesure le bien-être indi­viduel en ter­mes du flux d’énergie libre que cha­cun dis­sipe, alors il parait naturel qu’un ensem­ble d’individus cher­chant à max­imiser leur bien-être, max­imisent la vitesse à laque­lle cet ensem­ble dis­sipe l’énergie.

Ces con­sid­éra­tions impliquent qu’en évolu­ant l’Homme améliore effec­tive­ment son bien-être, mais elles ne per­me­t­tent pas de com­pren­dre pourquoi cette évolu­tion est parsemée de cat­a­stro­phes. La réponse à la deux­ième ques­tion nous éclaire sur ce sujet.

Le proces­sus d’auto-organisation

Les pro­grès en dynamique non-linéaire, dus pour l’essentiel à l’utilisation des ordi­na­teurs, ont per­mis de com­pren­dre com­ment les struc­tures dis­si­pa­tives s’auto-organisent[12]. Celles-ci oscil­lent con­stam­ment entre l’ordre et le chaos[13], un proces­sus bap­tisé crit­i­cal­ité auto-organisée[14]. On observe ce proces­sus aussi bien en géo­physique avec la for­ma­tion des courants atmo­sphériques qu’en biolo­gie, à tra­vers l’évolution des espèces, ou en sci­ences humaines, avec l’auto-organisation des sociétés. Nous nous con­tenterons ici de décrire ce proces­sus dans le cas le plus com­plexe, celui des sociétés humaines.

Une struc­ture dis­si­pa­tive s’auto-organise par échange d’information entre ses éléments. En dynamique des flu­ides cet échange d’information se fait par l’intermédiaire des col­li­sions entre les molécules. En biolo­gie, il se fait par l’intermédiaire de sub­stances chim­iques. Chez l’Homme, il se fait grâce au langage.

Le proces­sus fon­da­men­tal est une répli­ca­tion de l’information dans le temps et dans l’espace. En biolo­gie, les organ­ismes qui pos­sè­dent les mêmes gènes for­ment une même espèce. Chez l’Homme la cul­ture a pris le rôle des gènes. Les indi­vidus qui pos­sè­dent une même cul­ture for­ment une société. La biolo­gie nous enseigne que les êtres vivants qui pos­sè­dent les mêmes gènes ten­dent à coopérer. C’est le phénomène de sélec­tion de par­en­tèle. Chez l’Homme, les indi­vidus qui pos­sè­dent une même cul­ture coopèrent à l’intérieur de la société.

Comme toute struc­ture dis­si­pa­tive, une société mémorise de l’information sur son envi­ron­nement. Plus elle mémorise d’information, plus elle dis­sipe d’énergie. Chez l’homme, l’information est majori­taire­ment mémorisée dans son cerveau. Les sociétés humaines ont pu se dévelop­per grâce à une nou­velle forme de mémoire, l’écriture, dont la mon­naie est un aspect par­ti­c­ulier. Aujourd’hui cette mémori­sa­tion se fait mas­sive­ment dans les ordinateurs.

Cher­chant à max­imiser son taux de dis­si­pa­tion d’énergie, une struc­ture dis­si­pa­tive tend à s’étendre de façon à mémoriser tou­jours plus d’information. C’est ce que font les espèces ani­males et végé­tales. C’est ce que font aussi les sociétés humaines. Prim­i­tive­ment organ­isé en tribus, l’Homme a suc­ces­sive­ment créé des villes-états, des états-nations, puis des unions d’états comme les États-Unis ou l’Europe. Il en est de même aujourd’hui des sociétés de pro­duc­tion avec la créa­tion d’entreprises de plus en plus grosses dépas­sant le cadre des nations pour devenir des multi­na­tionales. En sci­ences économiques, le gain obtenu porte le nom d’économie d’échelle.

Mal­heureuse­ment, en dis­si­pant de l’énergie, une struc­ture dis­si­pa­tive tend à mod­i­fier son envi­ron­nement. Comme les espèces ani­males, les sociétés humaines ten­dent à épuiser leurs ressources naturelles. His­torique­ment, l’épuisement des sols et la déforesta­tion a con­duit bien des civil­i­sa­tions à leur perte. Une société qui s’étend crée une men­ace pour les sociétés voisines et peut engen­drer des con­flits. Le même phénomène se pro­duit pour les entre­prises. Au fur et à mesure qu’elles grossis­sent, elles doivent rechercher de nou­velles sources de matières pre­mières et ten­dent à sat­urer le marché. Face à la con­cur­rence, elles doivent sans cesse dévelop­per de nou­veaux pro­duits ou de nou­velles méth­odes de production.

Plus vite une struc­ture dis­si­pa­tive s’adapte à son nou­vel envi­ron­nement, plus vite cet envi­ron­nement va évoluer. Les physi­ciens appel­lent cela un effet de rétroac­tion pos­i­tive. Il a pour résul­tat une accéléra­tion con­tinue de l’évolution. Ce phénomène est régulière­ment observé en biolo­gie dans la course aux « arme­ments » entre une proie et un pré­da­teur. Le temps d’adaptation des gènes étant fini, il arrive un moment où une espèce n’a plus le temps de s’adapter et s’éteint. C’est le phénomène d’extinction des espèces. Le biol­o­giste Leigh van Valen a bap­tisé ce proces­sus « effet de la reine rouge » en référence à l’œuvre de Lewis Car­roll[15] dans laque­lle la reine rouge dit: « ici, il faut courir le plus vite pos­si­ble pour rester sur place ».

L’effet de la reine rouge

De toute évidence, l’effet de la reine rouge s’applique aux sociétés humaines. Dans ce cas, le temps d’adaptation n’est plus celui des gènes, mais celui de la cul­ture. Il est beau­coup plus court, typ­ique­ment de l’ordre d’une généra­tion, c’est-à-dire une trentaine d’années. On peut com­parer ce temps à celui du dou­ble­ment de la dis­si­pa­tion d’énergie. En Afrique, la dis­si­pa­tion d’énergie se mesure encore en ter­mes de démo­gra­phie. Cer­taines régions comme le Rwanda ou le Dar­four ont vu leur pop­u­la­tion dou­bler en moins de trente ans. Il en ait résulté des con­flits majeurs.

Dans les pays dévelop­pés, la dis­si­pa­tion d’énergie est prin­ci­pale­ment de nature exo­so­ma­tique. On la mesure en kW par indi­vidu. Celle-ci a dou­blé entre 1950 et 1980, alors que la crois­sance démo­graphique ralen­tis­sait. À la dif­férence des pays africains ou des pays européens aux époques précé­dentes, cette crois­sance très rapide n’a pas engen­dré de con­flits majeurs. Elle a cepen­dant durable­ment affecté la société. Con­sid­érable­ment accrues, les iné­gal­ités sociales con­tin­u­ent d’augmenter; le chô­mage est devenu per­ma­nent; la crois­sance économique stagne; la dette publique s’aggrave.

Les pays dévelop­pés offrent un par­fait exem­ple de société soumise à l’effet de la reine rouge. Une telle société cherche con­stam­ment à s’adapter à un envi­ron­nement qui évolue de plus en plus vite. Para­doxale­ment, alors que nous vivons en péri­ode d’abondance, le temps libre diminue. Ceux qui ont du tra­vail courent pour ne pas le per­dre et ceux qui n’en n’ont pas courent pour en trou­ver. Pour gag­ner du temps, on se con­tente de « fast food »; on prend sans cesse l’avion, le train à grande vitesse ou l’autoroute; notre moin­dre déplace­ment se fait en voiture.

On a vu que les espèces biologiques soumises à cet effet sont frag­iles et ten­dent à s’éteindre. Un nom­bre crois­sant d’individus pensent que nos sociétés mod­ernes vont s’effondrer. L’humanité s’inquiète de plus en plus de sa survie.

La sélec­tion r et K

L’alternance entre l’ordre et le chaos étudiée par les physi­ciens se traduit en biolo­gie par une alter­nance entre deux modes de sélec­tion naturelle bap­tisés r et K[16]. Les biol­o­gistes con­sta­tent que lorsque l’environnement est sta­ble, la nature favorise les organ­ismes de grande taille, à longue durée de vie et se repro­duisant lente­ment. Mais dès que l’environnement évolue, ceux-ci appa­rais­sent frag­iles et ten­dent à s’éteindre au profit de petits organ­ismes, à courte durée de vie et se repro­duisant rapi­de­ment. Les grands arbres sont rem­placés par la savane, les grands dinosaures par les petits mam­mifères. Plus adapt­a­bles, ces petits organ­ismes pro­lifèrent jusqu’à ce que cer­tains d’entre eux devi­en­nent gros à leur tour.

Ce qu’on observe en biolo­gie pour les gènes, se pro­duit en sci­ences humaines pour la cul­ture. Les indi­vidus partageant une même cul­ture ten­dent à coopérer entre eux. L’économie se développe et la société s’étend. Dans l’antiquité, c’est la for­ma­tion de l’empire romain; ces derniers siè­cles, c’est la for­ma­tion des empires colo­ni­aux puis de l’empire sovié­tique. Dis­si­pant de plus en plus d’énergie, ces sociétés font très vite évoluer leur envi­ron­nement. Plus elles essayent de main­tenir leur crois­sance économique, plus vite l’environnement évolue. La crois­sance stagne, l’individualisme l’emporte sur la sol­i­dar­ité, la ségré­ga­tion cul­turelle rem­place l’intégration cul­turelle. Ces grandes sociétés se divisent en sociétés plus petites et plus diverses, donc plus adapt­a­bles au change­ment. C’est l’effondrement de l’empire romain, des empires colo­ni­aux et du bloc sovié­tique. Fon­da­men­tale­ment, le proces­sus est de même nature que celui de l’extinction des espèces en biolo­gie. Il est donc impor­tant d’en étudier le mécan­isme plus en détails.

Biolo­gie et économie

Con­traire­ment aux sci­ences « dures » que sont la physique et la chimie, les théories économiques sont loin de faire l’unanimité. Une majorité d’économistes se sont cepen­dant ral­liés à un cer­tain nom­bre de pos­tu­lats for­mant la base d’une théorie dite néo­clas­sique, enseignée aujourd’hui dans les uni­ver­sités. Pour eux, le but de l’économie est d’optimiser le fonc­tion­nement de la société en max­imisant le profit pour le pro­duc­teur et le bien-être pour le con­som­ma­teur, ce qui con­duit tout naturelle­ment à max­imiser la pro­duc­tion, c’est-à-dire au « culte » de la croissance.

Les lois que nous avons décrites plus haut éclairent l’économie sous un nou­veau jour. Si, comme le fait Soddy, on iden­ti­fie le bien-être à la pro­duc­tion d’énergie libre, alors max­imiser le bien-être revient à max­imiser la dis­si­pa­tion d’énergie ce qui, nous l’avons vu, con­duit tôt ou tard à l’effondrement des sociétés. Les écon­o­mistes recon­nais­sent l’existence de crises récur­rentes, mais espèrent tou­jours les con­jurer en jouant sur la mon­naie. Les faits leur don­nent sys­té­ma­tique­ment tort au point qu’un écon­o­miste de renom, Joseph Stiglitz, con­cède aujourd’hui que les écon­o­mistes doivent changer leur croy­ance. Dans un inter­view[17] il déclare: « La théorie économique est dev­enue un monde auto­suff­isant, une fausse représen­ta­tion de la réalité ».

Dès 1971, le physi­cien et écon­o­miste Georgescu-Roegen avait reconnu l’importance de rat­tacher l’économie aux sci­ences dures. Dans son livre inti­t­ulé « La décrois­sance », il affirme: « La Ther­mo­dy­namique et la biolo­gie sont les flam­beaux indis­pens­ables pour éclairer le proces­sus économique ». Mal­heureuse­ment à cette époque les pro­grès en ther­mo­dy­namique hors équili­bre étaient encore insuff­isants. Aujourd’hui, ils per­me­t­tent de bâtir une véri­ta­ble sci­ence économique.

On sait aujourd’hui que dans les proces­sus d’auto-organisation la réduc­tion d’entropie se fait par répli­ca­tion de l’information[18]. Claire­ment la mon­naie est une infor­ma­tion, mais elle n’est pas la seule. Un nom­bre crois­sant d’économistes pren­nent con­science du rôle fon­da­men­tal de l’information en économie[19], mais se can­ton­nent dans leur dis­ci­pline. Le tableau ci-dessous mon­tre qu’on peut établir un par­al­lélisme entre les dif­férents rôles de l’information en biolo­gie et en sociologie:

 

Ce par­al­lélisme est établi en con­sid­érant un organ­isme vivant comme une société organ­isée de cel­lules. On voit que dans nos sociétés la mon­naie joue le rôle biologique des enzymes, c’est-à-dire celui d’un catal­y­seur. On sait que dans un cycle de réac­tions chim­iques, le catal­y­seur est régénéré à la fin du cycle. De même, à la fin d’un cycle de pro­duc­tion, l’argent emprunté à une banque est régénéré et rendu à la banque.

La vie est née avec l’apparition de cycles auto­cat­aly­tiques. Ceux-ci génèrent plus de catal­y­seurs qu’ils n’en con­som­ment entraî­nant le phénomène de repro­duc­tion des cycles. De même, lorsqu’un investisse­ment est bien adapté à la con­som­ma­tion, un cycle de pro­duc­tion peut créer plus d’argent qu’il n’en a été emprunté, ce qui per­met d’accroître la pro­duc­tion et de générer une avalanche de biens matériels, ainsi qu’une avalanche de prof­its. En physique, ce phénomène d’avalanches est car­ac­téris­tique du proces­sus de crit­i­cal­ité auto-organisée. Les physi­ciens ont mon­tré que l’amplitude des avalanches est aléa­toire et inverse­ment pro­por­tion­nelle à leur fréquence.

Dès 1959, le math­é­mati­cien Benoît Man­del­brot, connu pour sa décou­verte des frac­tals, a mon­tré que les fluc­tu­a­tions du marché sont inverse­ment pro­por­tion­nelles à leur fréquence, entraî­nant la pos­si­bil­ité de graves crises finan­cières[20]. Plus récem­ment, Per Bak[21] et ses col­lab­o­ra­teurs ont mon­tré qu’une économie de marché est effec­tive­ment un proces­sus de crit­i­cal­ité auto-organisée.

En biolo­gie, lorsque l’environnement change, cer­tains enzymes ne sont plus adap­tés, par exem­ple à la diges­tion d’une nou­velle nour­ri­t­ure. La sélec­tion naturelle favorise alors les organ­ismes dont les enzymes sont les mieux adap­tés. Lorsqu’aucun d’entre eux n’a suff­isam­ment d’enzymes adap­tés, l’espèce s’éteint. De même en économie, lorsque l’environnement change, cer­tains investisse­ments moné­taires devi­en­nent inadap­tés, entraî­nant des fail­lites plus ou moins impor­tantes. Ce sont les crises finan­cières. Les néces­sités de la crois­sance économique vont alors favoriser les investisse­ments les mieux adap­tés. Lorsqu’aucun d’entre eux n’est suff­isam­ment adapté, c’est la crise économique.

Les iné­gal­ités sociales

Les avalanches de prof­its décrites plus haut ont pour effet de générer d’importantes fluc­tu­a­tions dans la dis­tri­b­u­tion spa­tiale des richesses. Math­é­ma­tique­ment, le proces­sus est sim­i­laire à celui des fluc­tu­a­tions de den­sité dans le phénomène physique de tran­si­tion liquide-vapeur au point cri­tique (d’où le nom de crit­i­cal­ité auto-organisée). On observe la for­ma­tion d’un brouil­lard qui porte le nom d’opalescence cri­tique. Une pro­priété de ce brouil­lard est que, au point cri­tique, les fluc­tu­a­tions spa­tiales de den­sité y sont invari­antes par change­ment d’échelle. Cela sig­ni­fie que l’opalescence cri­tique a le même aspect vu à l’œil nu, à la loupe, ou au micro­scope. Math­é­ma­tique­ment, cela implique que la dis­tri­b­u­tion spa­tiale de den­sité y est décrite par une loi de puissance.

En ce qui nous con­cerne, on doit donc s’attendre à ce que, au point cri­tique, c’est-à-dire lorsque la crois­sance économique est opti­male, la dis­tri­b­u­tion spa­tiale des richesses soit décrite par une loi de puis­sance. C’est effec­tive­ment ce qu’on observe. En économie, cette loi est con­nue sous le nom de loi de Pareto. Elle implique qu’environ 80% des richesses sont détenues par 20% de la population.

En physique, en dessous de la tem­péra­ture cri­tique, le brouil­lard se con­dense en deux phases l’une liq­uide l’autre vapeur. En économie, un phénomène de con­den­sa­tion sim­i­laire se pro­duit avec l’effondrement de la classe moyenne et la con­den­sa­tion de la pop­u­la­tion en deux classes, les riches et les pau­vres. Comme les molécules d’un gaz, les riches dis­posent d’énergie et sont libres de se mou­voir tan­dis que, sem­blables aux molécules empris­on­nées dans une phase liq­uide, les pau­vres ont perdu toute lib­erté d’action. Lorsque cela se pro­duit, c’est la crise sociale.

La crise de la culture

En biolo­gie, les enzymes sont pro­duits par trans­fert d’information con­tenue dans l’ADN, c’est-à-dire à par­tir des gènes. Ce trans­fert d’information est assuré par diverses molécules d’ARN. Assez sou­vent ce trans­fert d’information n’est pas effec­tué. On dit que les gènes cor­re­spon­dants ne sont pas « exprimés ». Lorsque l’environnement change, cer­tains enzymes man­quants peu­vent devenir néces­saires à la survie. Les espèces chez lesquelles les gènes cor­re­spon­dants sont exprimés pren­dront alors le relais.

Le tableau de cor­re­spon­dance inséré plus haut mon­tre que, dans nos sociétés, un trans­fert sim­i­laire d’information est assuré par l’éducation. Lorsque l’environnement évolue rapi­de­ment, l’éducation doit évoluer en con­séquence, notam­ment l’enseignement tech­nique. De nos jours les ingénieurs doivent con­stam­ment se recy­cler. C’est la for­ma­tion per­ma­nente. En cas d’évolution encore plus rapide, l’enseignement général lui-même peut devenir inadapté. C’est la crise de l’éducation.

Lorsqu’un pays uni cul­turelle­ment comme la France doit affron­ter de tels change­ments, son éduca­tion nationale s’en trouve ébran­lée. C’est le pas­sage de l’ordre au chaos, c’est-à-dire de la sélec­tion K à la sélec­tion r. Une mul­ti­tude d’écoles de toutes con­fes­sions vien­nent peu à peu con­cur­rencer l’école publique. L’unité cul­turelle de la France se délite. Aux iné­gal­ités de richesses s’ajoute des iné­gal­ités cul­turelles[22].

Il arrive en biolo­gie que l’ADN lui-même devi­enne inadapté. Dans ce cas, non seule­ment un cer­tain nom­bre d’espèces s’éteignent, mais des gen­res peu­vent s’éteindre aussi. L’équivalent chez l’Homme est la remise en ques­tion de la cul­ture, en par­ti­c­ulier de l’idéologie dom­i­nante. Celle-ci est véhiculée prin­ci­pale­ment par les gens qui, grâce à elle, ont atteint une posi­tion dom­i­nante. Lorsque cette idéolo­gie devient inadap­tée, ils sont les derniers à en subir les con­séquences. Ils vont donc l’imposer à la société, menant celle-ci à sa perte. Ce proces­sus sem­ble être à l’origine de l’effondrement des civil­i­sa­tions passées[23].

C’est claire­ment le cas aujourd’hui de l’idéologie qual­i­fiée de néolibérale qui domine la plu­part des pays dévelop­pés. Reposant sur le culte de la crois­sance, cette idéolo­gie entraîne des mod­i­fi­ca­tions de l’environnement à l’échelle de la planète. Le développe­ment durable est sou­vent présenté comme une pour­suite de la crois­sance par d’autres moyens. Mal­heureuse­ment, nous avons vu que l’évolution de l’environnement est liée à la dis­si­pa­tion d’énergie. Plus celle-ci s’accroît, plus vite l’environnement évolue. Main­tenir à tout prix la crois­sance con­duit à l’effondrement des civilisations.

L’avenir de l’humanité

Voici donc le principe de Lucifer iden­ti­fié. Il porte le nom de troisième loi ou troisième principe de la ther­mo­dy­namique. La sélec­tion naturelle favorise les êtres vivants qui dis­sipent le plus d’énergie. Notre bien-être est lié à la dis­si­pa­tion d’énergie. Nous sommes tous en com­péti­tion pour accroître notre bien-être. Mais plus vite nous dis­sipons l’énergie, plus vite nous cour­rons à notre perte. Le prob­lème est sem­blable à celui de la course aux arme­ments entre la proie et le pré­da­teur. Il con­duit à la destruc­tion mutuelle assurée. Aucun d’entre nous ne peut s’en sor­tir indi­vidu­elle­ment. Aucune nation ne peut renon­cer à la crois­sance sans se faire dou­bler par les autres. La seule issue pos­si­ble est à l’échelle mon­di­ale. Saurons-nous un jour nous unir pour décider ensem­ble, d’un com­mun accord, de lim­iter notre taux de dis­si­pa­tion d’énergie?

La réponse à cette ques­tion dépend de la source d’énergie dont l’humanité dis­posera. Nos prob­lèmes actuels vien­nent de l’utilisation tem­po­raire d’une source d’énergie à débit poten­tielle­ment illim­ité comme le pét­role. Même si la quan­tité totale de pét­role est lim­itée, le nom­bre de puits de pét­role ne l’est pas. Il n’a pas cessé de croître. La vie est une forme de com­bus­tion. Plus on dis­pose de com­bustible, plus le feu s’étend. Le prob­lème risque de s’aggraver si l’on rem­place le pét­role par une source d’énergie à plus long terme comme les réac­teurs EPR. Si, par mal­heur, l’humanité parvient à utiliser la fusion nucléaire (pro­jet ITER), alors c’est l’incendie.

Con­sid­érons en effet un sys­tème fermé, isolé du reste du monde, con­tenant des êtres vivants capa­ble d’utiliser la fusion nucléaire. Le sec­onde loi de la ther­mo­dy­namique nous dit que tout sys­tème fermé tend vers l’équilibre ther­mo­dy­namique, c’est-à-dire la mort. La troisième loi nous apprend qu’il tend vers cet équili­bre le plus vite pos­si­ble. La biolo­gie nous mon­tre qu’en présence d’une source d’énergie à débit illim­ité, la com­péti­tion pour la dis­si­pa­tion d’énergie l’emporte sur la coopéra­tion. C’est donc l’explosion, démo­graphique ou exo­so­ma­tique. La durée de vie de l’humanité se réduit à celle d’un feu de paille.

Sup­posons main­tenant que l’humanité renonce à la fis­sion nucléaire, jugée trop pol­lu­ante et trop risquée. Peu à peu les éner­gies fos­siles s’épuisent. Dans une économie en déclin, les recherches sur la fusion nucléaire sont aban­don­nées parce que trop coû­teuses. Seule l’énergie solaire laisse espérer le main­tien d’un cer­tain niveau de vie[24]. Pour les pays avancés, c’est la pénurie d’énergie. L’énergie solaire est une source d’énergie à débit lim­ité. On ne peut que ten­ter de l’utiliser le plus effi­cace­ment pos­si­ble. La biolo­gie nous apprend qu’en cas de pénurie d’énergie, la coopéra­tion l’emporte sur la com­péti­tion. L’humanité s’organise pour faire face à la pénurie. Après avoir chuté, l’économie reprend pour attein­dre peu à peu un état sta­tion­naire adapté au débit de l’énergie reçue. Les iné­gal­ités sociales entre les indi­vidus comme entre les nations s’estompent. L’idéologie de la crois­sance n’est plus qu’un mau­vais sou­venir. On est passé du feu de paille à une com­bus­tion lente et contrôlée.

Durant la préhis­toire l’Homme a appris à allumer du feu. Au XVIIe siè­cle, avec Denis Papin, il en décou­vre la puis­sance motrice. Au XVI­IIe siè­cle, il apprend à con­stru­ire des machines à vapeur. Si, en pous­sant sur un pis­ton, la vapeur four­nit du tra­vail mécanique, elle ne peut le faire de manière con­tinue qu’en ramenant le pis­ton à sa posi­tion ini­tiale. Pour cela il faut ren­dre une par­tie de l’énergie reçue. Au XIXe siè­cle, Sadi Carnot énonce pour la pre­mière fois ce qui devien­dra le sec­ond principe de la ther­mo­dy­namique: « On ne peut durable­ment pro­duire du tra­vail mécanique que par des cycles fer­més de trans­for­ma­tions extrayant de la chaleur d’une source chaude pour en ren­dre une par­tie à une source froide ». Au XXe siè­cle, l’Homme fab­rique des moteurs ther­miques de plus en plus per­fec­tion­nés et dis­sipe de plus en plus d’énergie. Aujourd’hui, il décou­vre que le principe de Carnot s’applique à l’humanité toute entière. Pour vivre, l’humanité doit pro­duire du tra­vail mécanique. Pour cela, elle dis­pose[25] d’une source chaude à 6000°K, la sur­face du Soleil, et d’une source froide à 3°K, le ciel noc­turne. Mais elle ne peut le faire durable­ment que par des cycles fer­més de trans­for­ma­tions ramenant notre planète à son état ini­tial. L’humanité apprend à recycler.

De même que notre corps peut être con­sid­éré comme une société de cel­lules, de même une société d’individus peut être con­sid­érée comme un organ­isme vivant. L’humanité appa­raît alors comme un organ­isme vivant en ges­ta­tion. Nous en sommes les cel­lules. Sa crois­sance rapide est due au pét­role, sorte de lait mater­nel four­nit par une Terre nourri­cière. C’est bien­tôt le sevrage. L’humanité va devoir appren­dre à se nour­rir par elle-même. Un cerveau global[26] se développe. Pour la pre­mière fois, l’humanité prend con­science d’elle-même et s’inquiète de sa survie à long terme. Lorsqu’un être vivant arrive à matu­rité, sa crois­sance s’arrête. C’est la phase d’homéostasie. Son évolu­tion ne s’arrête pas là pour autant. Si sa dis­si­pa­tion d’énergie devient sta­tion­naire, l’information con­tinue à affluer. Avec le temps libéré, la société rede­vient plus con­viviale. L’éducation reprend un rôle majeur. Ces­sant d’être ori­en­tée vers le profit, une recherche plus fon­da­men­tale et plus mul­ti­dis­ci­plinaire s’instaure. Notre com­préhen­sion du monde pro­gresse. L’humanité évolue vers la matu­rité et la sagesse.

François Rod­dier

 

[1] Jacques Bla­m­ont, Intro­duc­tion au siè­cle des men­aces, Odile Jacob (2004).

[2] André Lebeau, L’engrenage de la tech­nique, Gal­li­mard (2005). L’enfermement plané­taire. Gal­li­mard (2008). Les hori­zons ter­restres, Gal­li­mard (2011).

[3] Roger-Maurice Bon­net, Lodewijk Wolt­jer, Sur­viv­ing 1,000 cen­turies can we do it ? Springer, Praxis (2008).

[4] Howard Bloom, Le principe de Lucifer, tome 1 et 2, Le jardin des livres (1997 et 2003).

[5] Lud­wig Boltz­mann, Pop­u­lare Schriften (Pop­u­lar Writings).

[6] Leipzig: J. A. Barth (1905).Alfred Lotka, Con­tri­bu­tion to the Ener­get­ics of Evo­lu­tion, PNAS, 8, p. 147 (1922).

[7] Alfred Lotka, Nat­ural Selec­tion as a Phys­i­cal Prin­ci­ple, PNAS, 8, p. 151 (1922).

[8] Par­fois qual­i­fié d’équilibre dynamique (avec mou­ve­ment) par oppo­si­tion aux états d’équilibres sta­tiques (sans mouvement).

[9] Voir : Axel Klei­don, Ralph D. Lorenz, edit., Non-equilibrium Ther­mo­dy­nam­ics and the Pro­duc­tion of Entropy, Springer (2005).

[10] Rod­er­ick Dewar, J. Phys. A: Math. Gen. 36, p. 631 (2003).

[11] G. Grin­stein and R. Linkster, J. Phys. A: Math. Theor. 40, p. 9717 (2007).

[12] Voir: John Grib­bin, Le chaos, la com­plex­ité et l’émergence de la vie, 2004, Flam­mar­ion, 2010. Plus récem­ment: Ricard V. Solé, Phase Tran­si­tions, Prince­ton, 2011.

[13] Il s’agit ici du chaos déter­min­iste au sens de la dynamique non linéaire.

[14] Per Bak, Quand la nature s’organise, 1996, Flam­mar­ion, 1999.

[15] Lewis Car­roll, Alice au pays des mer­veilles : de l’autre coté du miroir.

[16] Les let­tres r et K représen­tent les coef­fi­cients de l’équation logis­tique décrivant l’évolution d’une pop­u­la­tion en présence de ressources lim­itées: r est le taux de repro­duc­tion, K la pop­u­la­tion maximale.

[17] Alter­na­tives économiques, avril 2010.

[18] Entropie et infor­ma­tion sont des grandeurs de même nature mais de signe opposé.

[19] Robert U. Ayers, Infor­ma­tion, Entropy and Progress, AIP Press, 1994.

[20] Benoît Man­del­brot, Frac­tales, hasard et finance, Flam­mar­ion, 1959, 1997.

[21] Voir référence 14

[22] Chez les ani­maux évolués, la sélec­tion K favorise les espèces qui éduquent leurs enfants. La sélec­tion r favorise celles qui ne les éduquent pas.

[23] Franz Broswim­mer, Une brève his­toire de l’extinction en masse des espèces, Agone, 2010.

[24] Pour don­ner un ordre de grandeur, tapisser nos autoroutes de pan­neaux solaires per­me­t­trait actuelle­ment de sub­venir aux besoins de la France en énergie.

[25] En com­mun avec la biosphère. L’ensemble forme une struc­ture dis­si­pa­tive qu’avec Love­lock on appelle main­tenant Gaïa.

[26] Voir référence 4.

 

 


écrit par:

 

Source : Le syndrome de la reine rouge Séminaire du 6 avril 2012 par François Roddier « INSTITUT MOMENTUM

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11 avril 2012 3 11 /04 /avril /2012 18:33

 

 

Rien à foutre en attendant de se faire virer - Vidéo

Lu sur CIP-IDF : "Zygomatiques et lutte des classes : Juliette Guibaud a concocté Rien à foutre, un bref court métrage sur la précaritude de l’emploi dont il n’est pas certain qu’il amuse les employeurs. Présentation :

La précarité isole, comment rendre joyeuse une situation pesante ? Quoi de plus jouissif que de filmer sa chef à son insu ? De se permettre de lui dire non ? De refuser une surcharge de travail ? Le droit du travail est-il - pour quelques temps encore on l’espère - un rempart pour les salarié-e-s ?

En janvier 2010, Jeff, gérant d’une résidence étudiante privée toulousaine, aimait beaucoup son travail. Il avait 15 ans d’ancienneté, un salaire et des avantages en conséquence. Il était pourtant en dépression. Laure, la nouvelle chef du secteur, y voyait une perte de rentabilité de la résidence et cherchait à le faire démissionner pour le remplacer par une petite étudiante payée deux fois moins [1]. Jeff enchaînait les arrêts maladie et tentait de résister entre deux dépressions.

De mon côté je sortais des études [2] et ne trouvais que des contrats précaires comme beaucoup de mes camarades [3]. Même embryonnaire, le collectif [4] protège des abus ; avec un colocataire en formation d’inspection du travail, on s’amusait à relever les clauses illégales de mes contrats. Ça me permettait d’avoir des arguments face aux employeurs qui profitaient de l’état du marché de l’emploi pour bafouer le droit du travail.

C’est de la combinaison de ces deux histoires qu’est sorti ce court-métrage : Rien à Foutre

On pourra en écho à ce film écouter « Fier de ne rien faire », ici : L’idéologie est la première arme des exploiteurs et lire également Les désirs ne chôment pas - Choming-out.



Mis en ligne par endehors,

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6 avril 2012 5 06 /04 /avril /2012 23:32

 

 

 Trouvée sur Désobéissance Civile Belgique » No comment…   cette image réjouissante sans commentaire. Cela se passe à Bruxelles et des pompiers forcent un barrage de flics...

 

http://desobeissance-civile.be/wp-content/uploads/2012/02/428754_302460386476991_212020558854308_824237_1982799149_n.jpg

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6 avril 2012 5 06 /04 /avril /2012 08:39

 




Patrick Viveret prône une sobriété heureuse pour sortir de la démesure qui caractérise notre époque et mène à une crise économique, sociale, écologique, mais aussi politique.

Quelles réformes (y compris utopiques) faudrait-il mettre en œuvre pour que notre société soit plus durable, plus épanouissante pour chacun et moins inégalitaire ?

Lutter contre l'inégalité et l'injustice est en effet un objectif central. La permanence de ces phénomènes est en effet un des obstacles majeurs pour traiter les questions écologiques. Il nous faut donc instaurer non seulement un bouclier social mais aussi un bouclier vital, afin d'empêcher des personnes de plus en plus nombreuses de basculer, au-delà même de la pauvreté, dans la misère. Cela implique de créer un revenu social de base qui ne soit pas lié à des mesures répressives comme celles que l'on retrouve dans le dispositif du revenu de solidarité active (RSA). En effet, celui-ci prévoit notamment la radiation des personnes qui n'acceptent pas les emplois qu'on leur propose. Un revenu maximum permettant de limiter l'échelle des salaires à une grille allant de 1 à 10 ou de 1 à 20 serait également nécessaire. C'est une question de justice sociale.

Quant à la question de la durabilité de notre société et de l'épanouissement de chacun, il faudrait mettre en œuvre une vraie politique des temps de vie, depuis l'accompagnement de la naissance à celui de la mort. Cela suppose de donner les moyens à chacun de sortir d'une logique de survie, d'aider chaque être humain à trouver son projet de vie, en se posant la question « que dois-je faire "de" ma vie ? », au lieu de la question « que dois-je faire "dans" la vie ? » En clair, il convient que la société mette davantage l'accent sur les problématiques de métier (qui renvoie au projet de vie dans son sens historique et étymologique) plutôt que sur celles de job et d'emploi. Cela suppose que le système de formation sorte d'une vision réductrice et adaptative de l'éducation. Tout être humain, même en situation défavorisée, est porteur de savoirs. Il faudrait, pour en tenir compte, réinventer de véritables chambres des métiers qui seraient des espaces où, par exemple, on aiderait les jeunes à définir leur projet de vie, en les accompagnant pour cela vers une formation. Le Pôle emploi actuel deviendrait un Pôle métiers, articulé avec les chambres des métiers. Le système d'orientation, qui est trop souvent une pré-adaptation des jeunes à des filières qu'ils n'ont pas choisies, serait profondément transformé et doté de moyens nouveaux.

L'automatisation nous permet aujourd'hui de réduire la part des emplois pénibles et d'accroître celle des travaux qualifiants. Cette transition doit se poursuivre, sachant que nombre d'emplois considérés comme peu qualifiés, en particulier dans le domaine des services à la personne, doivent être sécurisés, mieux rémunérés, reconsidérés.

Vous proposez pour cela de mesurer autrement la contribution des différentes activités à la société ?

Il faut en effet requalifier les activités qui sont dans une logique contributive au bien-être, et au contraire limiter celles qui sont nuisibles, en particulier sur le plan écologique. Quantité d'emplois sont aujourd'hui dans des secteurs destructeurs, comme par exemple les fonctions de traders liées à la spéculation financière, alors que des temps sociaux, qui sont prétendument de l'ordre de l'inactivité, dans le travail domestique ou le bénévolat, ont une utilité immense. La moitié des responsables associatifs et le tiers des élus locaux sont à la retraite. Or leur contribution sociale est essentielle.

Comment la « sobriété heureuse » pourrait-elle y participer ? Par quelles réformes se traduit-elle concrètement ?

La crise systémique que nous traversons actuellement a été causée par la démesure. On constate par exemple, au travers des chiffres officiels fournis par l'Organisation des Nations unies (ONU), que les fortunes personnelles des 225 familles les plus riches du monde sont équivalentes aux revenus cumulés de plus de 2,5 milliards d'habitants. On pourrait aussi reprendre les propos d'Henri Ford. Bien qu'il ne soit pas précisément connu pour être un « alternatif », il considérait qu'à partir du moment où le revenu le plus haut dans une entreprise représentait plus de dix fois le plus bas salaire, l'entreprise était en danger. Rappelons que sous la présidence Eisenhower, plutôt conservatrice, le taux d'imposition des plus hauts revenus était de 91 %. On est loin, vous le voyez, du « bouclier fiscal » ! C'est dire à quel point les écarts colossaux aujourd'hui constatés - de 1 à 1 000, voire plus - entraînent des conditions de « vivre ensemble », que ce soit à l'intérieur d'une entreprise ou de tout autre système extérieur, qui ne peuvent pas résister durablement. Il y a aussi démesure dans le décalage abyssal entre l'économie réelle et l'économie spéculative et financière, dans les rapports à la nature, dans le rapport au pouvoir.

Or la sobriété heureuse consiste précisément à accepter que notre activité économique ait des limites. Tout d'abord des limites écologiques, en préservant les ressources naturelles, mais aussi des limites en termes d'abus de pouvoir. Comme l'explique Hervé Kempf, nous sommes face à des logiques oligarchiques contre lesquelles il faut lutter afin de reconstruire la démocratie. En France, il faut sortir du mécanisme de sélection en chambre de nos dirigeants. Les candidats aux élections présidentielles sont le plus souvent choisis parmi les 1 % à 10 % les plus riches de la population, voire les 0,1 % des hyperriches. Cette collusion s'exprime de façon dramatique en Italie avec l'oligarchie berlusconienne, qui concentre le pouvoir économique et médiatique. Il faut, face à cela, construire de vraies logiques de séparation des pouvoirs.

La sobriété heureuse est aussi un art de vivre, de bien vivre (buen vivir, dit-on en Amérique du Sud), et ce thème fut au cœur du Forum social mondial de Belém, en 2009. Une politique inspirée par ce principe peut s'appliquer aussi bien à la ville, qu'aux transports ou au travail. Ainsi, il faut mettre en place des politiques publiques sur la qualité du sommeil. L'être humain passe plus de temps à dormir qu'à travailler, et ce temps, les neurosciences nous l'ont montré, joue un rôle décisif dans la créativité et l'intelligence. Il faudrait donc travailler à limiter le bruit, la mauvaise alimentation, le stress qui gâchent la qualité du sommeil. Il faudrait aussi réorganiser la ville pour en finir avec les cadences infernales, comme le fait le mouvement des villes lentes. Enfin, les réponses à la souffrance au travail consistent à revaloriser les métiers, ne pas simplement traiter les symptômes, mais prévenir les phénomènes de stress, notamment celui lié à l'exigence de productivité. En effet, nous ne sommes pas seulement dans une économie des flux tendus, mais aussi une société des flux tendus. Et nous avons impérativement besoin de ralentir.

Selon vous, ces transformations sont déjà en marche ?

L'histoire nous le montre aussi, les fusils les plus puissants ne peuvent rien à la longue contre la force des idées. La puissance de l'opinion mondiale et locale a eu raison de l'apartheid en Afrique du Sud, de la colonisation anglaise en Inde et, plus récemment, les peuples tunisien et égyptien ont eu raison des dictateurs qui dirigeaient leurs pays. Alors, pourquoi ne pas avoir raison du mur de l'argent, des logiques de peur, de domination et de maltraitance, de la démesure et du mal-être, de la dégradation de la planète, de ce seuil symbolique, franchi en 2009, du milliard de gens qui ont faim ?

Cette immense transformation culturelle, sociale est déjà en marche, et nous n'avons pas d'yeux pour la voir. Songeons, par exemple, à la rapidité avec laquelle se développent dans nos sociétés (sans grande intervention des politiques, qui ne font que suivre le mouvement) des changements d'attitude qui pourtant paraissaient énormes comme le tri sélectif des déchets, la circulation en vélo dans les villes, l'interdiction de fumer dans les lieux publics, les limitations de vitesse sur la route, la consommation de nourriture biologique, et maintenant la réorientation de la consommation de masse vers des dépenses plus durables et plus nécessaires. Je définis souvent la philosophie comme « l'art de la dégustation de la vie ». Il nous faut non seulement croire à un avenir possible pour l'humanité, mais aussi imaginer un avenir désirable qui ne se limiterait pas à l'objectif minimaliste d'assurer la seule survie biologique de l'humanité. C'est la question de la vie intense qui se pose, aussi bien dans nos vies personnelles que dans la vie collective de la famille humaine. Pour repérer ces forces créatrices, il est important de voir ou de croire qu'a un autre monde est possible ».

Propos recueillis par N. N. pour Alternatives Economiques 


Reconsidérer la richesse

« Il est nécessaire de porter les questions d'une nouvelle approche de la richesse à la fois dans l'espace des institutions internationales, dans celui des entreprises, et bien sûr dans celui de la société civile mondiale. Ce qui était encore il y a huit ans une approche extrêmement marginale commence en effet à s'imposer dans le débat public international sous l'effet de la crise écologique, sociale et financière ».
Patrick Viveret

 

Patrick Viveret est philosophe, ancien conseiller à la cour des comptes et membre fondateur du Forum pour d'autres indicateurs de richesse (FAIR)
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"Le vieux fascisme si actuel et puissant qu’il soit dans beaucoup de pays, n’est pas le nouveau problème actuel. On nous prépare d’autres fascismes. Tout un néo-fascisme s’installe par rapport auquel l’ancien fascisme fait figure de folklore […].

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Gilles Deleuze, février 1977.

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