7 mai 2012 1 07 /05 /mai /2012 15:54

 

 

Only when the last tree has died,
the last river has been poisoned

and the last fish has been caught,

will we realize that we can't eat money.
-- Cree Proverb

Daniel James Shellabarger est un Américain âgé de 51 ans qui vit dans une grotte de l'Utah depuis l'an 2000, date à laquelle il a cessé définitivement d'utiliser de l'argent. Rien, nada, des clous, pas un penny.

 

Daniel n'a ni travail ni compte en banque et refuse même toute subvention du gouvernement. Il a également fait une croix sur tout ce qui le reliait à sa vie passée: sa maison, ses papiers d'identité, son permis de conduire et même son nom puisqu'il se fait désormais appeler "Suelo" ("sol" en espagnol).

Dans les canyons de l'Utah (ouest des Etats-Unis) où il vit, Daniel récolte des aliments sauvages, fait les poubelles, pêche où récupère les petits animaux victimes du trafic. Il accepte les dons de nourriture mais refuse toute forme de commerce, de même que le troc.

L'homme ne vit cependant pas reclus du monde. Il possède un site internet et un blog qu'il alimente depuis l'ordinateur d'une bibliothèque publique et sur lesquels il explique sa démarche: "Ma philosophie consiste à n'utiliser que ce qui est donné gratuitement ou mis au rebut. (...) J'ai simplement eu marre de considérer comme réelle cette croyance la plus courante dans le monde entier que l'on appelle argent! J'en ai eu marre d'être irréel. (...)", écrit-il.

Mark Sundeen, auteur d'un livre sur Daniel Suelo (The Man Who Quit Money), dit de lui qu'il ne s'attend pas à ce que tout le monde l'imite mais nourrit l'espoir qu'un jour, l'argent n'ait plus cours.

S'il semble difficile -voire impossible- d'imiter le mode de vie de Daniel Suelo, au moins peut-on s'en inspirer en réfléchissant quelques minutes sur les rapports que l'on entretient avec le matériel et l'argent...

 

 

 

source

Via Il vit dans une grotte sans argent depuis 12 ans - Le blog d'Eva Anárion

Partager cet article
Repost0
6 mai 2012 7 06 /05 /mai /2012 16:21

 

 

Quelques affiches d'ici et d'ailleurs, trouvées à Paris...


Nous sommes contre la prison...

Nous sommes contre la prison parce qu'elle est née et s'est développée pour défendre les privilèges des riches et le pouvoir.

Nous sommes contre la prison parce qu'elle ne sert qu'à enfermer les pauvres et gérer la misère.

Nous sommes contre la prison parce que le bruit de la clé dans la serrure d'une cellule est une torture quotidienne, l'isolement une abomination, la fin du parloir une souffrance, et le temps enfermé un sablier qui tue à petit feu.

Nous sommes contre la prison parce que nous n'avons pas oublié la grisaille pénitentiaire des couloirs de l'école et que les sonneries résonneront toujours en nous comme la cadence du dressage.

Nous sommes contre la prison parce qu'il y aura toujours des maton-nes pour étouffer nos révoltes.

Nous sommes contre la prison parce que nous voulons changer radicalement cette société, pas nous intégrer pacifiquement dans ses villes, dans ses usines, dans ses casernes dans ses supermarchés.

...Parce que ce monde n'en a que trop besoin

-------------------------------------------------------------------------------------------------

Avis de tempête


La vie n'est pas une croisière où tout le monde s'amuse :
un emploi perdu, une allocation menacée par les mesures d'austérité, une centrale nucléaire qui pète, un-e proche arrêté-e par les flics, une survie toujours plus difficile. Et dans ce monde en perpétuelle transformation, on s'attend à une prochaine tempête.

Beaucoup s'en remettent à la démocratie et font confiance à ses institutions, que ce soit les élections comme les syndicats, la police comme la justice, assurant au pouvoir la perpétuation dont il a besoin. Les sangsues nationalistes, religieuses et communautaires s'agitent, sentant que la situation peut leur être propice.

De sont coté l'Etat se prémunit, resserre son contrôle et construit de nouvelles prisons pour enfermer les indésirables, les récalcitrant-e-s, celles et ceux qui se révoltent, celles et ceux qui préfèrent voler dans les magasins et arnaquer les allocs plutôt que de crever la dalle.

Mais le vent pourrait tourner.
En Angleterre, des milliers de gens ont brisé les règles du jeu le temps de quelques nuits d'août enflammées. De Lampedusa à Christmas Island, des prisons pour étranger-e-s sont incendiées par les sans-papiers qui y sont enfermés.
En Tunisie comme en Egypte, des révolté-e-s s'attaquent au pouvoir en place. Tout cela nous porte à croire que l'on peut changer radicalement l'Existant.

Nous ne voulons pas de leur religion, de leurs prisons, ni de leur nation et de leurs frontières.
Parce que le pouvoir perpétuera toujours la domination et l'oppression, il n'y a rien à faire de leur démocratie, qu'elle soit de gauche ou de droite, représentative ou réelle.

-------------------------------------------------------------------------------------------------


Ils font ce qu'ils peuvent pour nous enterrer mais ils ont oublié que nous sommes de la mauvaise graine...

Nous occupons les bâtiments vides. Nous basons nos vies sur l'égalité et la solidarité. Les principes de l'auto-organisation s'enracinent et ainsi s'enracinent aussi nos projectualités révolutionnaires, jusqu'à ébranler les fondations de toutes les formes de domination.

Contre la réalité de la marchandisation, de l'aliénation et des médiations, nous répondons avec notre passion inébranlable pour la liberté.

Nous squattons parce que nous ne voulons pas vivre à la solde d'un propriétaire qui nous prive des 2/3 de nos revenus. L'immense majorité des appartements ou des immeubles loués sont construits par des salarié-e-s et non par ceux qui les possèdent. Les propriétaires tirent toute la valeur de leurs "biens" de la rente qu'ils extorquent à leurs locataires avec leurs agences immobilières, bailleurs, et autres gestionnaires de misère sous la menace des huissiers et des flics. Nous refusons la logique d'une société qui nous pousse à nous faire exploiter dans des boulots de merde payés des miettes pour faire tourner le marché de l'immobilier, engraisser des capitalistes et des propriétaires...

A travers les espaces libérés
nous ouvrons des chemins
pour une société sans hiérarchies,
sans Etat, et sans classes.

Contre toutes les expulsions :
Organisons l'autodéfense ! Grève des loyers !

Abolition de la
propriété privée !

-------------------------------------------------------------------------------------------------


Spéculation immobilière
Rénovation urbaine
Gentrification
Expulsion

Squat
Réappropriation
Grève des loyers


NE LAISSONS PAS
LE QUARTIER
AUX RICHES



-------------------------------------------------------------------------------------------------


Aujourd'hui comme hier,
Il y a milles raisons de se révolter !

Le 14 septembre 2011, le nouveau mandat d'arrêt européen a permis à la France d'extrader Sonja et Christian vers l'Allemagne. Soupçonnés d'avoir participé il y a plus de trente ans à des actions contre le nucléaire et la gentrification, et d'avoir appartenu aux Cellules Révolutionnaires, ils y ont été emprisonnés dans l'attente d'un procès. Christian, gravement malade a été mis en liberté provisoire tandis que Sonja est toujours emprisonnée à Francfort.
Ses 79 ans ne la mettent pas à l'abri de la vengeance d'Etat.

Ils sont l'objet d'un acharnement judiciaire lourd de sens : on voudrait nous faire croire que seule la résignation est possible et qu'on ne que marcher au pas. France et Allemagne travaillent main dans la main lorsqu'il s'agit de nous enfermer, comme lorsqu'il s'agit de gérer notre exploitation et de nous soumettre à une économie mortifère.

Sonja et Christian se sont acharnés toute leur vie à rester libres. Aujourd'hui, encore et toujours, ils se battent pour ne pas être séparés et enfermés, tandis que partout, encore et toujours, il faut se battre avec la détermination des rhinocéros pour ne pas se laisser anéantir.


Leur combat est le nôtre.
Notre solidarité est leur force.

Solidarité avec Sonja et Christian !

 

Source : Le Cri Du Dodo: "Le mur est une tristesse élevée entre deux jardins"

Partager cet article
Repost0
5 mai 2012 6 05 /05 /mai /2012 23:20

 

, par John Holloway

Intervention de John Holloway au Left Forum
à New York le 18 mars 2012.

Si vous voulez savoir à quoi ressemble la prorogation de l’échec du capital, sans aucun espoir de changement radical, regardez au-delà de la frontière de votre pays, la tragédie au Mexique, ou plus près, regardez, regardez vos centres-villes… L’autre option, celle qui consiste à dire non au capital et établir une relation sociale différente, c’est ce que beaucoup de Grecs essaient maintenant, par choix ou par nécessité. Si le capital ne peut pas fournir la base matérielle de la vie, alors nous devons la créer d’une autre manière, en créant des réseaux de solidarité, en proclamant « aucune maison sans électricité » et en formant des équipes d’électriciens pour reconnecter le courant aussitôt qu’il a été coupé, à travers le mouvement « Je ne paie pas » les hausses d’impôts ou les péages, à travers le « mouvement des patates », par lequel les agriculteurs distribuent directement leurs pommes de terre et légumes en ville à des prix très bas, à travers des marchés d’échanges, par la création de jardins communautaires et le retour à la campagne. Et en outre, par la récupération des entreprises, d’un hôpital et d’un journal...

C’est pour moi une vraie joie d’être ici, mais cela me fait peur, parce que, en réalité, c’est la première fois que je prends la parole dans le cœur de l’Empire du mal. Je tiens également à remercier expressément les gardes de l’aéroport pour m’avoir laissé entrer dans le pays et vous rendre visite, dans cette terre de la « liberté », pour m’avoir permis de venir vous voir, ici, dans votre prison. Peut-être qu’ils m’ont laissé entrer parce qu’ils n’ont pas réalisé l’existence d’une mutinerie dans la prison, une rébellion dans le cœur de l’Empire.

Nous sommes ici pour célébrer 2011, qui inonde la nouvelle année, 2012. Une année pleine de révoltes glorieuses dans le monde entier, parce que grâce à notre désobéissance, il est clair que nous sommes, nous, la crise du capital. Nous sommes la crise du capital et nous en sommes fiers. Assez, assez de dire que ce sont les capitalistes les coupables et la faute des banquiers. Le sens même de ces mots est non seulement absurde mais aussi dangereux, car elle nous constitue en victimes. Le capital est une relation de domination. La crise du capital est une crise de la domination : les dominants ne sont plus en mesure de nous dominer de manière efficace. Alors, nous sommes allés dans les rues pour manifester en déclarant que c’était de leur faute. Mais que disons-nous exactement ? Qu’ils devraient nous dominer de manière plus efficace ? Il est préférable de prendre l’explication la plus simple et dire ceci : si la relation de domination est en crise c’est parce que les dominés ne sont pas assez dociles, parce qu’ils ne se prosternent pas suffisamment. L’insuffisance de notre soumission est la cause de la crise.

Le capital n’est pas seulement un système d’injustice, c’est un système qui accélère l’exploitation, qui intensifie la destruction. Cela peut être théorisé de multiples manières, à travers la loi de la valeur, la formation de la valeur et son temps nécessaire, selon les sociétés, ou les théories de la baisse tendancielle des profits. Cependant, ce qui importe c’est que le capital est dans une dynamique d’attaque. Il y a un mouvement sans fin d’accélération, une éternelle transformation de ce qu’est le travail capitaliste. Cela ne signifie pas seulement une intensification du travail dans les usines, mais aussi une soumission croissante, tous les jours, de tous les aspects de la vie à la logique du capital.

L’existence même du capital consiste à serrer constamment la vis et la crise est tout simplement la manifestation de ce que la vis n’est pas serrée aussi vite qu’elle le devrait, qu’il y a une résistance quelque part. Résistance à travers les rues et les places, peut-être, résistance organisée, bien sûr, mais aussi peut-être la résistance des parents qui veulent jouer avec leurs enfants, des amoureux qui veulent rester une heure supplémentaire dans leur lit, des étudiants qui pensent qu’ils ont besoin de plus de temps pour la réflexion critique, des humains qui rêvent encore d’être humains. Nous sommes la crise du capital, nous qui ne nous soumettons pas assez, nous qui ne courons pas assez vite.

En réalité, la crise a deux issues. La première consiste à nous excuser, à demander pardon pour notre manque de soumission, et ensuite à demander plus de travail. « S’il vous plaît, exploitez-nous plus et nous travaillerons plus dur et plus rapidement, nous allons soumettre tous les aspects de nos vies au capital, nous allons oublier toutes les bêtises infantiles du jeu, de l’amour et de la pensée. » C’est là la logique du travail aliéné, la logique inefficace de la lutte à travers le travail, ce qui se conçoit comme la lutte du travail aliéné contre le capital. Le problème de cette issue est que non seulement nous perdons notre humanité, mais aussi nous reproduisons le système qui nous détruit. Si, au final, nous parvenons, chose très improbable, à contribuer à surmonter la crise du capital, alors le capital continuera plus vite, plus vite, plus vite à soumettre chaque forme de vie. Et puis viendra une autre crise, et puis une autre, et encore une autre, et ainsi de suite, mais pas ainsi pour toujours, car il se peut que nous ne soyons pas loin de l’extinction de l’humanité.

L’alternative, parce que je pense que c’est la seule alternative, consiste à déclarer ouvertement que non, désolés, nous sommes la crise du capital et nous n’allons pas nous mettre à genoux, nous n’allons pas accepter ce que nous fait le capital, nous sommes fiers de notre manque d’obéissance et de notre refus de nous soumettre à la force désastreuse du capital. Nous sommes fiers d’être la crise du système qui nous détruit.

Regardez la Grèce, l’épicentre de la crise économique et du crédit aujourd’hui. Là-bas, la crise est tout à fait une crise de la désobéissance. Les capitalistes et les politiciens disent que les Grecs ne se soumettent pas beaucoup, qu’ils ne travaillent pas assez dur, qu’ils aiment bien faire la sieste et sortir le soir et qu’ils doivent maintenant apprendre ce que signifie d’être un vrai travailleur capitaliste. Et en donnant une leçon aux Grecs, ils ont aussi l’intention d’en donner une aux Portugais, aux Espagnols, aux Italiens, aux Irlandais et à tous les désobéissants du monde.

Et dans une telle situation, il y a deux options. La première, c’est de dire non, non, nous sommes des bons travailleurs, nous voulons juste plus d’emplois et nous allons prouver combien nous pouvons bien travailler, nous allons reconstruire le capitalisme en Grèce. Et l’autre consiste à dire, oui, vous avez raison, nous sommes paresseux et nous allons nous battre pour notre droit à la paresse. Nous allons nous battre pour pouvoir faire les choses à notre rythme, de la manière que nous pensons correcte, nous allons nous battre pour notre sieste, pour sortir le soir. Alors, nous disons non au capital et au travail capitaliste, parce que nous savons tous que le travail capitaliste a littéralement détruit la terre, qu’il détruira les conditions de l’existence humaine. Nous devons construire une nouvelle forme de vie sociale.

La première solution, dire que nous sommes de bons travailleurs, semble plus simple, plus évidente, mais peut-être ne sera-t-elle qu’une illusion, car la plupart des commentateurs disent que la récession en Grèce durera de nombreuses années, quel que soit le niveau de la conformité des Grecs.

Si vous voulez savoir à quoi ressemble la prorogation de l’échec du capital, sans aucun espoir de changement radical, regardez au-delà de la frontière de votre pays, la tragédie au Mexique, ou plus près, regardez, regardez vos centres-villes… L’autre option, celle qui consiste à dire non au capital et établir une relation sociale différente, c’est ce que beaucoup de Grecs essaient maintenant, par choix ou par nécessité. Si le capital ne peut pas fournir la base matérielle de la vie, alors nous devons la créer d’une autre manière, en créant des réseaux de solidarité, en proclamant « aucune maison sans électricité » et en formant des équipes d’électriciens pour reconnecter le courant aussitôt qu’il a été coupé, à travers le mouvement « Je ne paie pas » les hausses d’impôts ou les péages, à travers le « mouvement des patates », par lequel les agriculteurs distribuent directement leurs pommes de terre et légumes en ville à des prix très bas, à travers des marchés d’échanges, par la création de jardins communautaires et le retour à la campagne. Et en outre, par la récupération des entreprises, d’un hôpital et d’un journal. Il s’agit d’une manière complexe et très expérimentale d’aller de l’avant, où il n’y a pas de ligne politique juste ni aucune pureté révolutionnaire. Très probablement, ces formes préfiguratives d’une nouvelle vie sociale ne sont pas encore assez fortes pour assurer notre survie et des engagements sont encore nécessaires. Mais c’est clairement la direction dans laquelle nous devons pousser — clairement la direction dans laquelle nous poussons et sommes poussés nous-mêmes.

Le monde que nous essayons de créer est un monde sans réponses, un monde où nous marchons en interrogeant, le monde d’une expérimentation. Mais nous sommes guidés par notre « non » à l’inhumanité, à l’obscénité et au caractère destructeur du système capitaliste. Guidés aussi par une étoile utopique distillée à partir des espoirs et des rêves de siècles de lutte.

La crise, donc, nous confronte à ces deux options. Soit nous prenons la grande route de la subordination à la logique du capital, avec la pleine connaissance que cela mène directement à l’auto-extinction de l’humanité. Soit nous empruntons les chemins hasardeux — de nombreux chemins — de l’invention de mondes différents ici et maintenant, à travers les fissures que nous créons dans la domination capitaliste. Et à mesure que nous inventons de nouveaux mondes, nous chantons haut et fort que nous sommes la crise du capital. Nous sommes la crise de la ruée vers la destruction de l’humanité… et nous en sommes fiers. Nous sommes le monde nouveau en train de surgir et qui dit : « Capital, dégage ! »

John Holloway
New York, 18 mars 2012.

Source : Left Forum.
Source de la traduction française : OCLibertaire.

Partager cet article
Repost0
5 mai 2012 6 05 /05 /mai /2012 21:36

 

 

 

 

 

2755772801_07fafef8f3.jpg

  Une reprise dans ce contexte où on nous bassine avec le travail quand ce n'est pas carrément avec l'emploi.  Le moment de remettre les vraies valeurs en exergue,celles qui fondent l'essence de la vie en opposition avec une société malade. L'auteur du   texte est andin mais la conception développée est commune à beaucoup de peuples et de tribus autochtones du Sud au Nord de ce continent devenu Amérique par la force, le meurtre et le pillage.

 

128810110_9079e33a99.jpg

 

 

« Chacun doit profiter de sa semence et faire qu’elle germe jusqu’à être élue, ce que l’on peut faire en suivant les préceptes de ces propres croyances.

 

111111.jpg


Pour nous qui venons des Andes, ces préceptes sont Ama quilla, Amas hua, Ama llula : refuser le mensonge, la malhonnêteté, la paresse. Ne jamais perdre son temps et rester actif en permanence. Personnellement je ne travaille pas, je déteste travailler, mais en même temps je suis toujours actif ; je ne perds pas un seul instant. Je m’adonne à telle ou telle activité et je prends du plaisir à m’y consacrer. Notre mission est d’aider tous ceux pour qui le travail est devenu un esclavage afin que chaque homme, chaque femme fasse ce qui l’attire le plus et y prenne du plaisir.

 

3531729387_01569dde58.jpg

 

Retourner la terre avec les mains est un plaisir. Mais le faire avec la houe et la pioche, c’est se réjouir de la sueur et de l’effort ; ce n’est plus un travail mais un bonheur merveilleux. Ainsi l’être humain doit profiter du moment présent et remercier le ciel d’être en vie, profiter de chaque instant pour être heureux et contribuer au bonheur. Profiter de chaque instant pour que la nature ne perde pas son harmonie, se réjouir en tout instant que l’eau ne soit pas contaminée, que la terre demeure fertile, que la couche d’ozone ne soit pas davantage endommgée, que les villes ne soient pas d’avantage polluée et ainsi de suite.

 

 

3531682285_5b25cb925a.jpg

 

En luttant de cette manière en restant actif, la semence que nous incarnons se fortifie et alors viendra le moment où la mère-nature décidera que cette semence est suffisamment mûre pour poursuivre son existence et assurer l’avenir »

ALBERTO TACO TAJCO (Equateur)

Dans : « Le retour de l’Homme Rouge »

 


 

512232085_5b44f84b51.jpg

 

 

Partager cet article
Repost0
5 mai 2012 6 05 /05 /mai /2012 13:40

 

 

Le Rocket Stove

Le poêle fusée (“Rocket Stove” ou “dragon de feu”)

rocket-stove

Les poêles de masse de type “Rocket” permettent une consommation de bois minimum pour une grande efficacité calorifère. La part des anges peut être réduite au minimum. Cette technique permet une combustion du bois à très haut rendement. Il est possible de récupérer plus de 80 % du pouvoir calorifique du bois, avec une post-combustion qui brûle les fumées en réduisant les émissions de monoxyde de carbone, les particules fines et autres polluants habituellement générés par la combustion au bois.
La particularité du système est de créer une aspiration des flammes dont la chaleur va ensuite être propulsée dans un circuit qui va chauffer un banc thermique.

Un rocket stove peut être auto construit facilement avec des éléments de récupération ou des briques réfractaires...
Dans sa version simple on l’utilise comme outil de cuisine pour assurer une chauffe rapide des plats.
La haute température et un apport d'air important sont primordiaux pour obtenir une combustion complète du bois et un bon fonctionnement du rocket stove car même les fumées sont brûlées.
Dans le cadre d’une réalisation intérieure, il est possible de concevoir un poêle fusée associé à une masse construite autour de la chaleur expulsée pour assurer un chauffage diffus et prolongé.

Dans une version plus élaborée il est possible de construire une batterie thermique associé à un chauffe eau.
L’alimentation peut être mise en place dans une pièce connexe (la buanderie) et la masse thermique dans le séjour. Dans ces conditions, la pièce à vivre principale n’aura ni poussière, ni fumée, ni salissure de bois.

Installation complète 
schema-rocket-stove

Les différentes parties du Rocket Stove :
-1 La chambre de combustion ou tunnel d’alimentation (bidon ou bouteille de gaz)
-2 Le tunnel de combustion (en briques réfractaires ou bouteille d’oxygène)
-3 La colonne, corps de chauffe ou cheminée interne (20 cm de diamètre idéalement en acier)
-4 L’enveloppe de la colonne ou conteneur (corps de chauffe eau)
-5 Les cendriers
-6 La trappe d’accès au cendrier.
-7 Le banc de masse avec la tubulure à l’intérieur avec une légère pente.
-8 La bauge, (terre crue mélangée avec de la paille.)
-9 La trappe des condensats en “T” au bout du conduit d’évacuation.
-10 Clé de tirage pour jouer sur la sortie d’air et fermer en fin de combustion.


Quelques conseils préliminaires :

  • Pour limiter les frais et utiliser des matériaux solides, vous pouvez récupérer et recycler une bouteille de gaz (1), un extincteur hors d’usage, des bouteilles d’air comprimé (2), des veilles chasse d’eau colonne en acier (3), la cuve d’un chauffe eau (4), des tuyaux d’irrigation en aluminium pour l’évacuation de l’air (7) etc... Les chaudronniers ou les ferrailleurs peuvent vous apporter des solutions équivalentes à ce qui précède.
  • Comptez entre 70 et 130 cm pour la hauteur de la cheminée interne (colonne de chauffe).
  • Si vous utilisez un bidon d’huile, décapez la peinture en la brûlant à l’extérieur pour éviter les émanations à l’occasion des chauffes à venir.
  • Avant de vous lancer dans une opération maçonnée il est préférable de tester la mise en forme et les tubulures en réalisant un montage temporaire dans le jardin pour tester la combustion, l’alimentation et la ventilation. L’efficacité de l’ensemble dépend à la fois du diamètre des canalisations, de leur longueur et de leur hauteur. L’installation provisoire ne sera pas aussi efficace que l’installation définitive avec ses liants et ses joints colmatés, mais elle permettra d’avoir une idée du résultat potentiel.
  • Posez l’ensemble de l'installation sur des plaques de béton cellulaire ou sur un lit de briques réfractaires pour isoler l’installation.
  • Vous pouvez coller les briques et assurer les joints entre les tubulures avec de l’argile ou du ciment réfractaire.
  • Pour assurer l’isolation entre la colonne et son enveloppe, vous pouvez utiliser de la perlite, de la vermiculite ou du pouzzolane. A défaut, utilisez de la cendre ou de la terre.
  • Attention à ne pas utiliser de galvanisé pour la tuyauterie de votre poêle. Les vapeurs dégagées par ces matériaux sont très très nocives.
  • L’essentiel est d’assurer l’étanchéité des fumées à l’intérieur du circuit pour éviter tout risque de diffusion de monoxyde de carbone. Vous pouvez assurer ce calfeutrage avec un mélange de terre argileuse et de paille. A défaut pour remplacer la paille vous pouvez utiliser des aiguilles de pin.
  • Les tuyaux utilisés pour le banc thermique doivent être en légère pente pour assurer l’évacuation des condensats.
  • La masse autour des tuyaux d’évacuation est réalisée avec de la terre argileuse mélangée avec de la paille et des pierres.
  • Prévoyez un regard à la sortie du baril d’échange thermique pour pouvoir récupérer les cendres.
  • Prévoyez un autre regard à l’extrémité du conduit d’évacuation pour pouvoir intervenir dans le circuit et le nettoyer si nécessaire.
  • La chaleur pouvant atteindre les 1000° dans le tunel de combustion, évitez de poser les tubulures ou les briques réfractaires directement sur le sol.
  • Pensez à bien dimensionner votre masse d'accumulation, comptez environ 1mètre linéaire pour 6 à 8m2 habitables.
  • L’approvisionnement du tunnel d’alimentation doit être réalisée avec des petites bûchettes. Vous pourrez utiliser avec profit le BRF (bois raméal fragmenté) que vous aurez coupé et utilisé pour vos plants au printemps et qui aura séché entre temps. Une fois que le poêle est bien lancé vous pourrez mettre des branches plus longues (1 mètre ou plus). Au fur et à mesure de leur combustion les branchages descendrons petit à petit au fond du tunnel d’alimentation.
  • Lorsque la combustion est terminée et que vous avez décidé de ne plus alimenter votre poêle, vous pouvez fermer le tunnel d’alimentation et la cheminée avec la clé de tirage pour garder la chaleur dans le circuit le plus longtemps possible.
  • Dans l’idéal et suivant les besoins, les fumées résiduelles chaudes peuvent être utilisées pour chauffer une serre ou pour réchauffer un digesteur de production de méthane. (+Pxxx). Si nécessaire et si la poussée n’est pas suffisante, vous pouvez installer un extracteur d’air chaud en bout de circuit.
  • Pour cuisiner et suivant les températures souhaitée vous pouvez poser sur la surface de cuisson une plancha ou une cloche métal ou à défaut un faitout retourné pour faire office de mini four pour faire cuire le pain ou autre...

Parce qu'une image vaut mille mots :

Une simple Rocket Stove en vidéo :

http://www.youtube.com/watch?v=aLh7FVla6RU

Un Rocket Stove avec banc de chaleur en vidéo accélérée : http://vimeo.com/15737508
Le même en photo détaillées : http://www.ecologie-pratique.org/mediagallery/album.php?aid=1621


Exemples de réalisations en photos : 

1 - http://www.ecologie-pratique.org/mediagallery/album.php?aid=1357&page=1

2- https://picasaweb.google.com/105624685754634260213/RocketStove#5518628607908638594

3- https://picasaweb.google.com/115138364372768055787/PoeleDeMasseRocketStove

4- http://blog.tricofolk.info/2010/12/13/rocket-stove-et-chauffage-ecologique/

5- http://www.ecologie-pratique.org/mediagallery/album.php?aid=1269&sort=0

 

Pour aller plus loin, un site spécilisé avec photos et vidéos ainis qu'un livre sont à votre disposition sur le lien suivant : 
http://www.ecologie-pratique.org/article.php/Construire-son-poele-de-masse

 

Source : Autarcies - Autarcies

Partager cet article
Repost0
5 mai 2012 6 05 /05 /mai /2012 12:11

 

 

Le mouvement « Occupy » aux Etats-Unis : Alors, quelles sont les revendications ? Et où allons-nous à partir d’ici ?

 

Nous vous proposons ici la traduction en français d’un article éclairant sur la stratégie et l’importance des mouvements Occupy, écrit par la philosophe et féministe Judith Butler.

Rédaction de la Gauche anticapitaliste (Suisse)

Depuis que le mouvement Occupy a fait son apparition dans le paysage politique, critiques et sceptiques se sont tous empressés de poser la question : « et alors, quelles sont ses revendications ? » Au cours des derniers mois, les sceptiques ont en plus demandé si le mouvement avait perdu de son ampleur depuis que de nombreux sites occupés ont été dispersés par la police sur ordres de l’Etat. Examinons d’abord la question des revendications, et tournons-nous ensuite vers la question de l’endroit où Occupy se passe aujourd’hui.

Si nous pensons à la première question, nous pouvons voir à quel point l’idée est bien ancrée que les mouvements politiques qui veulent se qualifier de « politiques » doivent (a) être organisés autour d’un liste concrète et spécifique de revendications, et (b) chercher à satisfaire ces revendications. Pour le moment, réfléchissons au genre de politique qui est caractérisé par de telles hypothèses. En d’autres termes, bien que nous prenions comme acquis que la politique doive fournir un catalogue de revendications qui peuvent être satisfaites, il ne s’ensuit pas que nous ayons raison de prendre cette définition de la politique pour acquise comme le font certain-e-s d’entre nous. Réfléchissons donc à l’argument des sceptiques et à la nature de la politique présumée et promue par leur première question. Par ailleurs, examinons aussi si la politique poursuive par Occupy échoue à – ou refuse de – se conformer à cette idée de la politique, et si elle cherche activement à en établir une autre. Commençons donc par ces deux fondements de la position sceptique : (1) les demandes apparaissant sous la forme d’un catalogue, (2) les demandes pouvant être satisfaites.

1. Les revendications devraient prendre la forme d’un catalogue.

Imaginons qu’Occupy ait été organisé autour de trois exigences : (a) la fin des saisies immobilières, (b) l’annulation de la dette des étudiantes et étudiants, (c) une baisse du chômage. Dans une certaine manière, chacune de ces revendications résonne avec les buts d’Occupy, et les gens qui sont concernés par toutes ces questions ont clairement rejoint le mouvement, ont rejoint les manifestations avec des pancartes qui s’opposent aux saisies immobilières, qui dénoncent le niveau insurmontable de l’endettement des étudiants et le taux de chômage élevé. Donc, la liste des demandes est explicitement liée à Occupy, et pourtant, ce serait une erreur de dire que la signification politique ou l’effet du mouvement peuvent être appréhendés au travers de ces demandes ou même d’une liste beaucoup plus longue de demandes. La première raison est qu’une « liste » est une suite de revendications. Mais une liste n’explique pas comment ces revendications sont liées les unes aux autres. Si l’un des principaux points politiques du mouvement est d’attirer l’attention sur les inégalités économiques croissantes, et d’y opposer une résistance, ces dernières correspondent à une réalité sociale et économique qui traverse chacune des demandes spécifiques qu’un tel catalogue pourrait comprendre. Mais ce n’est pas vraiment à considérer comme une demande parmi d’autres. En d’autres termes, à l’aide de quel langage et de quelles actions pouvons-nous désigner cette inégalité croissante de la distribution de la richesse, où les riches monopolisent des quantités de plus en plus importantes de la richesse alors que la population comprend en même temps de plus en plus de pauvres ?

Ce problème est mis en évidence par chaque question de la liste, qui pourrait aussi englober les coupes réalisées dans les services sociaux, y compris dans la santé publique et dans les retraites, l’augmentation du travail « flexible » qui transforme les travailleurs en une population jetable, la destruction du caractère public et abordable de l’enseignement supérieur, les classes surchargées dans les écoles publiques primaires et secondaires, les réductions d’impôts pour les riches, la baisse des salaires et le soutien croissant du gouvernement à l’égard de l’industrie carcérale. Nous pouvons faire une telle liste, ajouter d’autres aspects, devenir même plus précis-e-s encore, mais aucun point pris isolément ne peut nous aider à expliquer ce qui rassemble tous les éléments de cet inventaire. Si nous soutenons, cependant, que les écarts de richesse et les inégalités qui émergent directement des formes contemporaines du capitalisme sont illustrés par chacune de ces questions ; si nous soutenons qu’ensemble, ils prouvent la justesse de l’affirmation selon laquelle le capitalisme se base sur, et reproduit, les inégalités sociales et économiques de ce genre, alors nous faisons une assertion au sujet du fonctionnement d’un système. Plus particulièrement, nous décrivons comment le système capitaliste fonctionne aujourd’hui : les inégalités deviennent de plus en plus grandes et assument de nouvelles formes dévastatrices, et ce processus accéléré du creusement des inégalités reste incontrôlé par les autorités nationales et internationales existantes, qui ont un intérêt direct à faire fonctionner le capitalisme.

Le sceptique pourrait encore répondre la chose suivante : « mais ne devrions-nous pas travailler sur chacune de ces questions séparément pour qu’il y ait un vrai changement dans la vie des gens ? Si tout le monde s’attaquait à un problème, nous pourrions les résoudre tous et trouver des solutions pratiques pour chaque élément sur la liste. » Adopter ce point de vue, cependant, revient à affirmer que les choses peuvent être séparées les unes des autres. Mais si nous avons besoin de savoir ce qui relie les choses entre elles afin de fournir une solution à ce problème, notre politique dépend alors de notre questionnement concernant le caractère systémique et historique du système économique lui-même.

En effet, si nous comprenons de quelle manière l’augmentation des écarts de richesse (et l’accumulation de plus en plus de richesse par de moins en moins de gens, et l’extension de la pauvreté et de la « jetabilité » à un nombre de personne plus en plus élevé) découle d’une organisation économique particulière de la société, une organisation qui vise à accroître de plus en plus cette inégalité, alors, afin de répondre à n’importe quel problème sur la liste, nous devons comprendre la structure plus large des inégalités que chaque élément pointe. Nous devons réfléchir aux moyens de nous opposer à ce régime économique, plutôt que de chercher à faire des petits ajustements à son fonctionnement. En effet, si nous « réparons » un problème sur la liste sans tenir compte de la reproduction des inégalités, et si ces inégalités sont reproduites de façon encore plus aiguë, la liste devient simplement plus longue, alors même que nous cherchons à supprimer un de ses éléments.

Nous ne pouvons pas agir contre une des formes de l’inégalité sans comprendre les tendances plus globales du phénomène que nous cherchons à surmonter. En pensant que tous les éléments mentionnés doivent considérés de manière éclatée, nous manquons notre objectif et nous limitons notre vision au détriment de la justice à la fois sociale et économique. Bien sûr, on peut travailler sur n’importe lequel de ces aspects en même temps qu’on lutte pour la mettre fin à la reproduction de l’inégalité structurelle. Mais cela signifie qu’une certaine articulation politique doit maintenir l’attention sur le problème de l’inégalité structurelle. Si nous pensons qu’il y a des ressources suffisantes au sein du régime économique actuel pour régler ces problèmes, nous faisons une hypothèse étrange. Nous présumons que le système qui a produit l’inégalité caractérisant tous les éléments de la liste peut servir de destinataire à nos revendications. Cela m’amène donc au second présupposé contenu dans la question du sceptique.

2. Les revendications doivent être susceptibles d’être satisfaites.

Cela semble certainement un point de vue raisonnable. Mais toute personne qui fait valoir que les revendications doivent être satisfaites suppose qu’il existe une personne ou un pouvoir institutionnel à qui on peut faire appel pour la satisfaction de ces demandes. Les négociations syndicales, avec les menaces de grèves qui les accompagnent, comportent habituellement une liste de revendications qui, si elle est satisfaite, permet d’éviter la grève et, sinon, a pour effet de faire débuter ou reconduire la grève. Mais quand une entreprise, une multinationale ou l’Etat ne sont pas considérés comme des partenaires légitimes de négociation, il ne mène à rien de faire appel à une telle autorité en vue d’un accord négocié. En fait, y faire appel pour obtenir la satisfaction de la revendication serait une manière d’attribuer une légitimité à cette même autorité. Donc, l’articulation des demandes satisfaisables dépend fondamentalement de l’attribution de la légitimité à ceux qui ont le pouvoir de satisfaire les demandes. Et quand on cesse d’adresser les demandes à ces autorités, comme c’est le cas lors d’une grève générale, alors on met en lumière leur illégitimité. Il s’agit ici d’une conséquence importante de la contribution de Gayatri Chakravorty Spivak à la théorie d’Occupy.

Mais si les institutions existantes sont complices du régime économique qui dépend de la reproduction des inégalités et la favorise, alors on ne peut pas faire appel à ces institutions pour mettre un terme aux conditions d’inégalité. Un tel appel s’annulerait lui-même au moment même il est lancé. Autrement dit, l’appel ou la demande sur lesquels on cherche à obtenir satisfaction de la part de l’Etat, des institutions monétaires internationales ou des entreprises nationales et multinationales donneraient davantage de pouvoir aux sources mêmes des inégalités, et de cette façon aiderait et soutiendrait sa reproduction. Par conséquence, un autre ensemble de stratégies est nécessaire. Ce que nous sommes en train de voir émerger avec le mouvement Occupy est précisément le développement d’un ensemble de stratégies qui attirent l’attention sur la reproduction des inégalités et qui s’y opposent.

Pour le sceptique, l’idée d’énoncer des « revendications impossibles » revient peut-être à l’annulation du politique lui-même. Mais cette position devrait attirer notre attention sur la façon dont le champ du politique a été constitué pour faire en sorte que les demandes pouvant être satisfaites deviennent la marque de son intelligibilité. En d’autres termes, comment se fait-il que nous acceptions aujourd’hui que la seule politique qui ait du sens soit celle où un ensemble de demandes est adressées aux autorités existantes, et où ces demandes considèrent isolément les cas d’inégalité et d’injustice, sans voir ou sans tirer les liens entre eux ? On peut voir que la réduction de la politique à un catalogue de revendications pouvant être satisfaites restreint ainsi le domaine du politique aux systèmes électoraux contemporains, qui fonctionnent en supposant que tout changement radical au sein du régime économique est non-négociable. Donc, tout ce qui est obtenu, quelle que soit la demande qui est satisfaite, ne touchera pas à ce qui est non-négociable, à savoir, la reproduction d’un régime économique qui génère les inégalités à un rythme alarmant. Nous pourrions dire que cette politique qui définit la production et la satisfaction d’une telle liste de demandes individuelles comme politique pragmatique et compréhensible s’engage dès le départ à légitimer les structures économiques et politiques, et à refuser le caractère systématique des inégalités.

Comme on peut le voir, l’un des principaux moyens des régimes existants pour pouvoir maintenir leur légitimité est de démystifier et de nier toutes les formes de résistance politique populaire qui remettent leur propre légitimité en question. Ils ont de fortes raisons et un grand intérêt pour rejeter le mouvement Occupy comme « apolitique ». Aujourd’hui, ils sont en train d’essayer de maintenir un monopole sur le discours politique, en tentant, en d’autres termes, de définir et de contrôler le discours qui établira ce qui fait sens, ce que sont des actions véritablement politiques, et ce qui est « au-delà de l’acceptable », qui est « désorienté » et « impraticable ».

Le soulèvement qui remet en question ces stratégies d’autolégitimation nous rappelle qu’une forme de gouvernement ou de pouvoir qui est démocratique dépend de la volonté populaire du demos, du peuple. Quels sont les possibilités des gens quand les institutions qui sont censées les représenter politiquement, censées fournir des conditions de travail durables, des services fondamentaux de santé et d’éducation et respecter les droits fondamentaux à l’égalité, finissent par distribuer toutes ces ressources et ces droits fondamentaux de façon différente et illégitime ? A un tel moment, il existe d’autres façons de revendiquer l’égalité, en se montrant tous ensemble dans la rue ou sur Internet, en produisant des alliances qui témoignent de la résonance, des chevauchements et des liens plus larges parmi tous les éléments réunis dans le catalogue de l’injustice contemporaine.

Aucun régime politique ou économique ne peut prétendre être légitimement démocratique quand il ne parvient pas à représenter les gens de façon égale. Et quand les inégalités deviennent omniprésentes et qu’elles sont traitées comme un fait irréversible de la vie économique, il faut que les gens qui en souffrent agissent ensemble, en mettant en œuvre et en revendiquant l’égalité recherchée. Certains pourraient objecter que l’égalité radicale est impossible. Même si tel était le cas – et il n’y a aucune raison de prendre affirmation pour argent comptant – il ne serait pas possible de penser la démocratie sans un idéal d’égalité radicale. L’égalité radicale est donc une demande, mais qui ne s’adresse pas aux institutions qui reproduisent les inégalités. Elle est destinée aux gens-mêmes dont la tâche historique est la fabrication de nouvelles institutions. L’appel s’adresse à nous-mêmes, et c’est ce nouveau « nous » qui est formé, épisodiquement et internationalement, à travers toutes les actions et manifestations. De telles actions ne sont en aucun sens « apolitiques ». Elles s’attaquent à une politique qui offre des solutions pratiques au lieu de s’attaquer aux inégalités structurelles. Et elles nous rappellent que toute forme de politique obtient ou perd sa légitimité selon qu’elle accorde l’égalité aux gens qu’elle est censée représenter. Sinon, elle échoue à représenter, et détruit ainsi sa propre légitimité aux yeux des gens. En manifestant, en agissant, les gens commencent à se représenter eux-mêmes, et à incarner et à ranimer les principes d’égalité qui ont été décimés. Abandonnés par les institutions existantes, ils se rassemblent au nom d’une égalité sociale et politique, donnant voix, corps, mouvement, et visibilité à une idée du « peuple » régulièrement divisé et effacé par les pouvoirs existants.

Donc, où va Occupy maintenant ? Pour répondre à cette question nous devons d’abord demander qui pose cette question. Et nous devons demander sous quelle forme cette question apparaît. Une chose est claire dès le début : ce n’est pas la tâche des intellectuels de poser cette question ni d’y répondre. Une des raisons est que les intellectuels ne disposent pas de pouvoirs prémonitoires et que la théorie ne peut pas avoir comme devoir de s’imposer à ceux qui se consacrent principalement au militantisme. En effet, défaisons-nous de cette distinction, puisque les militants sont très souvent des théoriciens et les théoriciens sont parfois également engagés dans des formes de militantisme qui ne sont pas directement concernées par la théorie. Le mieux que chacun d’entre nous peut faire est de suivre ce qui se passe actuellement, comment cela touche les gens, et quels effets cela a. Et ce que nous voyons en ce moment, je crois, est que le mouvement Occupy a plusieurs centres, que ses actions publiques sont épisodiques, et que de nouvelles formes d’efficacité sont de plus en plus évidentes. Par « efficacité » je ne veux pas dire que les revendications sont formulées, puis satisfaites, mais que les mobilisations se multiplient en taille et qu’ils apparaissant à des nouveaux endroits géopolitiques. Maintenant que les élections américaines dominent les médias, il est clair qu’une grande partie de la population comprend que ses préoccupations ne sont pas abordées par la politique électorale. Occupy continue donc à esquisser un chemin pour la population qui veut un mouvement politique dépassant celui de la politique électorale. Ainsi, l’exigence de la « représentation » de la politique électorale est elle-même encore plus gravement mis en crise. Peu de réussites pourraient être plus importantes que de montrer que la politique électorale telle qu’elle est actuellement organisée ne représente pas la volonté populaire – et que sa légitimité même est mise en crise par cette divergence entre la volonté démocratique et les institutions électorales.

Peut-être le plus important, cependant, est qu’Occupy interroge l’inégalité structurelle, le capitalisme et les lieux et pratiques spécifiques qui incarnent la relation entre le capitalisme et les inégalités structurelles. Si Occupy a attiré l’attention sur des formes d’inégalité structurelle qui définissent les sociétés multinationales et les institutions étatiques et qui ont des conséquences négatives sur la population qui cherche à satisfaire ses besoins vitaux basiques (logement, nourriture, soins de santé, emploi), alors il a attiré l’attention sur le système économique dans son ensemble qui repose sur, et reproduit ces inégalités avec une intensité croissante.

Nous pouvons discuter si le capitalisme est un système, une formation historique, si ses versions néolibérales sont sensiblement différentes de celle du capitalisme critiqué par Marx au XIXe siècle. Ce sont des débats importants, et les universitaires devraient envisager de se concentrer sur ces enjeux. Mais il reste la question du présent historique du capitalisme, et Marx lui-même nous dit que nous devons prendre comme point de départ le présent historique. Quels sont les institutions et services publics particuliers qui plongent toujours de plus en plus de personnes dans des conditions de précarité, quelles sont les multinationales dont les pratiques d’exploitation ont détruit les vies ouvrières, les conglomérats des services de santé qui profitent de la maladie et qui refusent d’offrir des services de santé adéquats, les institutions publiques qui sont soit détruites soit subordonnées à des logiques d’entreprise et au calcul du profit ? Paradoxalement mais de toute urgence, Occupy doit agir épisodiquement pour cibler et mettre en lumière ces sites de l’inégalité, il doit rechercher leur visage et leurs instances publics, et saisir ou interrompre ces processus par lesquels l’inégalité et la précarité accrue sont reproduites.

Donc, je ne pense pas que nous devons seulement faire le deuil de la perte de Zuccotti Park et des autres espaces publics où Occupy avait planté ses tentes. Peut-être la tâche est-elle désormais de voir le « squating » comme une forme de protestation publique, même si ces actions sont seulement épisodiques et ciblées. Paradoxalement, on ne peut seulement attirer l’attention sur l’inégalité radicale en montrant les lieux où elle se reproduit. Cela doit se faire par rapport aux centres de pouvoir privés et étatiques, mais aussi précisément sur les lieux de la « livraison de service » – les multinationales des services de santé qui ne fournissent plus de services, les banques qui exploitent ceux qui y gardent leur argent, les universités qui deviennent des instruments pour générer du profit pour les multinationales. Ce ne sont que quelques-uns. Mais si Occupy est épisodique, son objectif n’est alors pas connu à l’avance. Et si le mouvement cible le chômage en un endroit, la crise de logement à un autre, et la perte des services publics à un troisième, il construit au fil du temps un sens de la façon dont le capitalisme s’ancre dans des institutions et des lieux concrets. Autant que nous critiquons les inégalités structurelles et un « système » qui bénéficie de sa reproduction, autant nous devons nous concentrer sur les cas concrets où l’inégalité a lieu. Donc, si nous ne restons pas à un seul endroit, ça ne doit pas être déploré. Si nous sommes sur la route, alors nous suivons, dans des formes collectives, les sites de l’injustice et de l’inégalité, et notre sentier devient la nouvelle carte d’un changement radical.

Judith Butler


BUTLER Judith

* L’article est paru dans le journal tidal. Occupy Theory, Occupy Strategy (http://occupytheory.org/), numéro 2, mars 2012, p. 8-11. Mise en ligne en français sur le site de la Gauche anticapitaliste (Suisse) : http://www.gauche-anticapitaliste.c...

Le mouvement « Occupy » aux Etats-Unis : Alors, quelles sont les revendications ? Et où allons-nous à partir d’ici ? - Presse-toi à gauche !


Partager cet article
Repost0
22 avril 2012 7 22 /04 /avril /2012 07:18

 

520025940_47fc92bd9d.jpg

 

La lutte contre l’accaparement des terres est un combat contre le capitalisme, le néolibéralisme et contre un modèle économique prédateur.

 

 

1380155448_10fb9576dc.jpg

Les paysans du Mali dans l'insécurité


Le Mali fait parler de lui, ou plutôt ses militaires. Pendant que ces hommes jouent à la guerre et remettent l'instabilité et l'insécurité à l'ordre du jour, qu'en est-il de la situation des paysans, population  majoritaire ?
Afrique Verte (http://www.afriqueverte.org/), une ONG active sur le plan de la commercialisation des céréales dans plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest, décrivait la situation alimentaire du Mali à début mars 2012 : "La situation alimentaire est perturbée suite aux conséquences du conflit armé au nord Mali (exode des populations à l’intérieur du Mali et dans certains pays voisins). Les niveaux de prix sont assez élevés et les disponibilités céréalières sont moyennes à mauvaises sur les marchés en raison de des résultats moyens de la campagne agricole et de la dégradation continue de la situation sécuritaire, peu propice à la fructification des échanges et de ses impacts sur les conditions humanitaires.
La situation des populations civiles au Nord-Mali devient très préoccupante. Selon des chiffres provisoires (OCHA, mars 2012), plus de 170.000 personnes seraient déplacées : 82.000 vers le Mali sud, 35.000 personnes se seraient réfugiées côté mauritanien dans la région de Léré, 29.000 au Niger, 22.000 au Burkina et 5.000 auraient rejoint l'Algérie à partir de Kidal fuyant les combats entre le MNLA (groupe rebelle) et l'armée Malienne. Une partie des déplacés se réfugie dans des campements improvisés. Les populations sont confrontées à une double crise : l’insécurité alimentaire qui frappe l’ensemble de la région et les combats fragilisant encore davantage ces régions sahéliennes déjà durement frappées par l’insuffisance des pluies et par des crises alimentaires récurrentes. Ainsi, les humanitaires prévoient déjà de distribuer des vivres à plus de 240.000 personnes, d’acheter du bétail à un prix avantageux pour préserver les moyens d’existence de 120.000 nomades, et d’augmenter la capacité de production de 90.000 agriculteurs en leur distribuant des semences au Mali et au Niger".

Il faut dire que la politique locale n'encourageait pas la sécurité alimentaire comme le montre cette vidéo tournée par l'ONG SOS-FAIM :


Comme ailleurs, les autorités ont favorisé l'accaparement des terres par des pays tiers. Au Mali, c'est la Libye qui s'est vue attribuer des milliers d'hectares dans la zone rizicole la plus fertile. Combien de paysans sans terre seront rejetés dans les quartiers insalubres des grandes villes ?



Heureusement les paysans se sont organisés et sont très actifs pour défendre leurs intérêts au sein de la Coordination Nationale des Organisations Paysannes du Mali (CNOP) . En novembre 2011, ils organisaient, en partenariat avec Via Campesina, le grand réseau paysan international, une conférence internationale sur l'accaparement des terres, phénomène de plus en plus inquiétant à l'échelle de tous les pays du Sud.  Nous publions ci-dessous la déclaration de la conférence.

STOP A L’ACCAPAREMENT DE TERRES, MAINTENANT !

Nous, paysannes et paysans, pastoralistes, peuples autochtones ainsi que nos alliés, réunis pour la première fois à Nyéléni du 17 au 19 Novembre 2011, sommes venus des quatre coins du monde pour partager nos expériences et nos luttes contre l’accaparement des terres.
Il y a un an, nous avons soutenu l’appel de Kolongo lancé par des organisations paysannes au Mali, qui sont aux avant-postes de la résistance locale contre l’accaparement des terres agricoles et les aliénations de la terre des paysans en Afrique.
Nous nous sommes rassemblés à Nyéléni en réponse à l’Appel de Dakar, qui invite les peuples à former une alliance mondiale contre l’accaparement des terres. Car nous sommes déterminés à défendre la souveraineté alimentaire, les biens communs et les droits d’accès des petits producteurs d’aliments aux ressources naturelles.
Au Mali, le gouvernement, dans sa politique de promouvoir les investissements privés dans l’Agriculture, à céder près de 800 000 hectares de terres à des investisseurs privés. Ces terres appartiennent à des communautés qui y vivent depuis des générations, voire depuis des siècles, alors que l’Etat malien n’a été créé que dans les années 1960. Cette situation se retrouve dans de nombreux autres pays dans lesquels les droits coutumiers ne sont pas reconnus. Déposséder les communautés de leurs terres est une violation tant de leurs droits coutumiers que de leurs droits historiques.
Le fait de pouvoir bénéficier d’un accès sécurisé à la terre et d’avoir le contrôle du foncier et des ressources naturelles sont des droits liés de manière inextricable à ceux consacrés par la Déclaration universelle des droits de l’Homme ainsi que par de nombreuses autres conventions régionales et internationales sur les droits humains, comme par exemple le droit à l’autodétermination, le droit à un niveau de vie adéquat ou encore le droit au logement, à l’alimentation, à la nourriture, à la santé, à la culture, à la propriété et à la participation.
Nous constatons avec une grande inquiétude que les États ne respectent pas leurs obligations à cet égard et considèrent que les intérêts des milieux d’affaires sont plus importants que les droits des peuples.
L’accaparement des terres est un phénomène mondial, initié par les élites locales et transnationales, les gouvernements et les multinationales afin de contrôler les ressources les plus précieuses du monde. La crise mondiale dans les domaines de la finance, de l’alimentation et du climat a déclenché une ruée des investisseurs et des gouvernements des pays riches en vue d’acquérir et de s’emparer de terres agricoles et de ressources naturelles, étant donné que ces ressources sont les seules « valeurs refuges » qui peuvent encore garantir la sécurité des rendements financiers.
Des fonds de pensions et autres fonds d’investissement sont devenus de puissants acteurs dans l’accaparement des terres, tandis que les guerres continuent à être menées pour le contrôle des richesses naturelles.
La Banque mondiale et les banques régionales de développement favorisent encore l’accaparement des terres et la mainmise sur l’eau en poussant à la mise en œuvre de politiques favorables aux milieux d’affaires, facilitant les capitaux et les garanties pour les investisseurs industriels et, d’une manière générale, en faisant la promotion d’un modèle économique de développement prédateur et néfaste.
La Banque mondiale, le FIDA, la FAO et la CNUCED ont proposé sept principes qui légitiment l’accaparement des terres agricoles par des investisseurs privés et étatiques.
Menée par certaines des plus grandes multinationales au monde, l’Alliance pour une révolution verte en Afrique (AGRA) a pour objectif de convertir l’agriculture paysanne en une agriculture industrielle et d’intégrer les petits paysans aux chaînes mondiales de valeur, augmentant considérablement leur vulnérabilité face à la perte de leurs terres.
L’accaparement des terres dépasse le traditionnel clivage Nord-Sud qui caractérise les structures impérialistes ; les sociétés transnationales accaparatrices peuvent être basées aux Etats-Unis ou en Europe mais aussi au Chili, au Mexique, au Brésil, en Russie, en Inde, en Chine, en Afrique du Sud, en Thaïlande, en Malaisie ou en Corée du Sud, pour n’en citer que quelques unes.
C’est une crise qui affecte tout autant les zones rurales que urbaines. Les accaparements de terres se font en Asie, en Afrique, dans les Amériques et même en Europe dans le cadre de projets d’agriculture industrielle, d’exploitation minière, de construction d’infrastructures, de barrages, pour le tourisme, au nom de la création de parcs naturels, pour les besoins de l’industrie, pour permettre l’expansion urbaine ou encore à des fins militaires.
Les peuples autochtones et les minorités ethniques sont chassés de leurs territoires par la force armée, augmentant encore leur précarité voire, dans certains cas, les réduisant en esclavage.
Les fausses solutions au changement climatique, s’appuyant sur des mécanismes de marché, ne font que renforcer encore l’aliénation des communautés locales de leurs terres et des ressources naturelles.
Malgré le fait que les femmes sont les principales productrices d’aliments à travers le monde et qu’elles sont les premières responsables du bien-être de leurs famille et de leurs communautés, les structures patriarcales existantes continuent à spolier les femmes, en les dépossédant des terres qu’elles cultivent et en les privant de leur droit d’accès aux ressources naturelles. Etant donné que la plupart des femmes paysannes ne disposent pas d’un accès pérenne, légalement reconnu, au foncier, elles sont particulièrement vulnérables face aux expulsions et expropriations.
La lutte contre l’accaparement des terres est un combat contre le capitalisme, le néolibéralisme et contre un modèle économique prédateur.
A travers les témoignages de nos frères et sœurs du Brésil, du Burkina Faso, de Colombie, de la République démocratique du Congo, de France, du Ghana, du Guatemala, de la Guinée Bissau, du Honduras, d’Inde, d’Indonésie, du Mali, de Mauritanie, du Mozambique, du Népal, du Niger, du Sénégal, d’Afrique du Sud, de Thaïlande, d’Ouganda..., nous avons pu prendre conscience à quel point l’accaparement des terres menace la petite paysannerie et l’agriculture familiale ainsi que la nature, l’environnement et la souveraineté alimentaire.
L’accaparement des terres déplace et disloque les communautés, détruit les économies locales et les cultures ainsi que le tissu social. Elle met en péril l’identité des communautés, qu’il s’agisse de paysans, de pastoralistes, de pêcheurs, de travailleurs, de peuples autochtones ou de « sans-castes ».
Et ceux qui osent se lever pour défendre leurs droits légitimes et la survie de leurs familles et communautés sont frappés, emprisonnés et assassinés.
Il n’existe aucun moyen pour atténuer les impacts de ce modèle économique et des structures de pouvoir qui le défendent. Nos terres et nos identités ne sont ni à vendre, ni à louer.
Mais nous ne nous déclarons pas vaincus. En nous organisant, en nous mobilisant et en assurant la cohésion de nos communautés, nous avons été en mesure de faire échec à l’accaparement des terres en de nombreux endroits.
Par ailleurs, nos sociétés reconnaissent de plus en plus que l’agriculture paysanne et familiale ainsi que la production alimentaire à petite échelle représentent le modèle le plus durable, tant socialement, économiquement et écologiquement, pour l’utilisation des ressources et pour garantir le droit à l’alimentation pour tous.
Rappelant les termes de l’Appel de Dakar, nous réitérons notre engagement à résister et lutter contre l’accaparement des terres par tous les moyens possibles, d’apporter notre soutien à tous ceux qui luttent contre ces accaparements et spoliations et de faire pression sur nos gouvernements nationaux ainsi que sur les institutions internationales afin qu’elles s’acquittent de leurs obligations envers les droits des peuples.
Nous nous engageons tout particulièrement à :
• Organiser les communautés rurales et urbaines afin de lutter contre les accaparements de terres sous toutes leurs formes.
• Renforcer les capacités de nos communautés et de nos mouvements à revendiquer, récupérer et défendre nos droits, nos terres et notre accès aux ressources naturelles.
• Obtenir et pérenniser, au sein de nos communautés, les droits des femmes pour l’accès à la terre et aux ressources naturelles.
• Sensibiliser le public au fait que l’accaparement des terres est une source de crises qui affectent l’ensemble de la société.
• Construire des alliances entre les différents secteurs, les groupes de population, et les régions afin de mobiliser nos sociétés en vue de mettre fin à l’accaparement des terres
• Renforcer nos mouvements afin de mieux promouvoir et parvenir à la souveraineté alimentaire ainsi qu’à une véritable réforme agraire.
Afin d’atteindre les engagements ci-dessus, nous allons développer les actions suivantes :
Concernant le renforcement de nos capacités en vue d’organiser la résistance locale
• Rendre compte à nos communautés des délibérations et des engagements pris lors de cette conférence.
• Mettre en place nos propres bases de données d’informations sur la question de l’accaparement des terres, en documentant des cas, en rassemblant des informations pertinentes et des preuves chiffrées sur les processus, les acteurs et les impacts de l’accaparement des terres, etc.
• S’assurer que nos communautés disposent de l’information dont ils ont besoin concernant les lois, leurs droits, les investisseurs, les contrats, etc. afin qu’ils puissent résister de manière efficace aux manœuvres des investisseurs du secteur privé et à celles des gouvernements qui cherchent à s’emparer de nos terres et de nos ressources naturelles.
• Mettre en place des systèmes d’alerte précoce afin d’alerter les communautés sur les risques et les menaces.
• Renforcer nos communautés à travers des initiatives de formation politique et technique, restaurer notre fierté d’être des paysannes et des paysans, des producteurs et des productrices qui fournissent les aliments qui nourrissent la planète de manière saine et durable, et ceci particulièrement chez les jeunes.
• Garantir les droits fonciers et d’accès aux ressources pour les femmes à travers un travail de conscientisation de nos communautés et de nos mouvements relatif à l’importance de respecter et de protéger les droits fonciers des femmes, en particulier dans les systèmes coutumiers.
• Développer et utiliser les médias locaux afin d’organiser les membres de nos communautés ainsi que d’autres secteurs de la population et partager avec eux des informations sur l’accaparement des terres.
• Veiller à ce que nos dirigeants respectent les règles établies par nos communautés et les obliger à rendre des comptes à nous, à nos communautés et à nos organisations.
Concernant l’aide juridique pour notre défense
• Développer nos propres systèmes d’aide juridique et travailler en liaison avec des experts juridiques et des droits humains.
• Condamner toutes les formes de violence ainsi que la criminalisation de nos luttes et de nos mobilisations pour la défense de nos droits.
• Nous mobiliser pour obtenir la libération immédiate de toutes les personnes emprisonnées à cause de leur engagement dans les luttes pour leurs terres et territoires, et mettre sur pied en urgence des campagnes de solidarité avec tous ceux qui sont confrontés à ces types de conflits.
Concernant le plaidoyer et la mobilisation
• Institutionnaliser la journée du 17 avril comme étant le jour de mobilisation mondiale contre l’accaparement des terres, mais également identifier d’autres dates appropriées qui pourraient servir de point de ralliement pour des mobilisations en vue de défendre nos terres et nos biens communs.
• Développer nos argumentaires politiques afin de dénoncer et discréditer le modèle économique qui est à l’origine de l’accaparement des terres ainsi que les différents acteurs et initiatives visant à promouvoir et légitimer ces pratiques.
• Établir un Observatoire des peuples sur l’accaparement des terres afin de faciliter et de centraliser la collecte des données, les communications, les actions de planification, les initiatives de lobbying, de conscientisation, de recherche et d’analyse, etc.
• Promouvoir les droits fonciers des femmes à travers des initiatives de redistribution foncière ciblée pour les femmes, ainsi que d’autres actions ; pousser à la promulgation de lois et l’instauration de politiques répondant aux besoins particuliers des femmes.
• Porter nos messages et nos exigences devant les parlements, les gouvernements et les institutions internationales. Poursuivre notre engagement vis à vis du Comité pour la sécurité alimentaire mondiale et exiger que les processus tels que les Directives volontaires de la FAO sur la gouvernance responsable de la tenure des terres et des autres ressources naturelles contribuent véritablement à protéger et promouvoir les droits à la terre et l’accès aux ressources naturelles des petits paysans et producteurs alimentaires.
• Identifier et cibler les forums locaux et les espaces nationaux et internationaux où nous pouvons entreprendre des actions de mobilisation et de sensibilisation du public en vue de créer un large mouvement dans la société de résistance à l’accaparement des terres.
• Planifier des actions qui ciblent les entreprises privées, (y compris les sociétés financières), la Banque mondiale et autres banques multilatérales de développement qui font la promotion, encouragent et tirent profit des projets d’accaparement des terres et des ressources naturelles.
• Poursuivre notre opposition aux régimes industriels d’autorégulation comme les principes d’investissements agricoles responsables (IAR).
• Développer et renforcer nos actions en vue de parvenir à la souveraineté alimentaire et à la réforme agraire, afin de promouvoir la reconnaissance des systèmes coutumiers, tout en garantissant les droits d’accès à la terre et aux ressources naturelles pour les femmes et les jeunes.
• Soutenir le droit des peuples à jouir de leurs ressources à travers des occupations de terres, les occupations des bureaux des investisseurs privés, les manifestations et autres actions en vue récupérer leurs biens communs.
• Exiger que nos gouvernements remplissent leurs obligations en matière de droits humains, qu’ils cessent immédiatement les transferts de terres et de ressources naturelles aux investisseurs privés, qu’ils annulent les contrats déjà signés et qu’ils restituent les terres ainsi accaparées et qu’ils protègent les communautés rurales et urbaines des opérations d’accaparement en cours et à venir.
Concernant le renforcement des alliances
• Construire de solides réseaux d’organisations et d’alliances à différent niveau - local, régional et international - en s’appuyant sur l’Appel de Dakar et placer les petits paysans et producteurs d’aliments artisanaux au cœur de ces alliances.
• Forger des alliances avec des membres et actionnaires de fonds de pensions afin d’empêcher les gestionnaires de ces fonds d’investir dans des projets qui ont pour conséquence l’accaparement des terres.
• Construire des alliances stratégiques avec la presse et des médias, afin qu’ils rendent compte fidèlement de nos messages et de nos réalités ; lutter contre les préjugés répandus par les médias dominants en ce qui concerne les luttes pour la terre et la réforme agraire au Zimbabwe.
Nous appelons toutes les organisations qui partagent ces principes et soutiennent ces actions à rejoindre notre Alliance internationale contre l’accaparement des terres, une alliance que nous créons ce jour, solennellement, ici à Nyéléni.
Globalisons la lutte ! Globalisons l’espoir !
Signé à Nyéléni, le 19 novembre 2011


Partager cet article
Repost0
22 avril 2012 7 22 /04 /avril /2012 06:27

 

 

En Andalousie, des paysans occupent des terres pour « survivre »
Par cmmphotos dans actu :internationale

 

Anaelle Verzaux | Journaliste

Il y a dans l’orange, comme un arôme d’enfance, un arrière goût d’avant. Sur la route d’une quinzaine de kilomètres, qui part de Palma del Rio, une ville de la province de Cordoue, pour rejoindre la Finca (la ferme) Somonte, il y a des oranges partout, rondes, girondes, juteuses, bien mûres. Mais au sol, elles pourrissent, sans que personne ne les ramasse.

Pourtant, en Andalousie (communauté autonome au sud de l’Espagne, 8 millions d’habitants), 30% de la population active est au chômage, et survit de bouts de rien, depuis le début de la crise, en 2008. A cause de l’économie de marché, c’est plus cher de les ramasser que de les laisser, apprend-on dans le journal local (El dia de Cordoba) du 1er avril, qui rappelle aussi qu’un huitième des orangers de la région a brûlé, à cause du froid cet hiver.

On pense aux milliers de jus frais perdus, aux morts de faim, aux bienfaits de l’agriculture traditionnelle, et avec une tendresse nostalgique, au parfum d’une mère qui jadis, déposait trois gouttes d’eau de fleur d’oranger sur un oreiller, pour nous endormir.

« Cette terre est ta terre »

La voiture ralentit soudain. Au bord de la route, un drapeau andalous flotte au vent. On entend de la musique, un flamenco dont les paroles appellent les paysans à reprendre une terre dépossédée. « Esta tierra es tu tierra » (cette terre est ta terre). Puis un bâtiment de ferme, tout en longueur. Champs, potager, chiens, chevrette, poules, des enfants, un vieillard, Lola, Juan, Rafael, Marco et trente autres personnes s’empressent de nous embrasser.


Transito, 86 ans, et son fils Juan (Anaëlle Verzaux)

Lola a la quarantaine, la peau mate, les cheveux longs et noirs. Sa beauté semble incarner la dignité de sa lutte. Comme la plupart des autres occupants, elle fait partie du Syndicat andalou d’ouvriers agricoles (Sindicato de Obreros del Campo, SOC), qui mène, avec le mouvement de la Gauche unie (Izquierda Unida), l’occupation de Somonte, depuis le 4 mars.

D’un geste, Lola nous invite à la suivre dans la cuisine, prendre un café. Elle s’assoit, boit une gorgée, dit :

« Notre occupation est directement liée à la crise. On n’a plus de travail, on est dans une situation de survie ici. »

En 2012, le SOC, créé en 1976, renoue avec la vieille tradition des occupations massives de terres ! Jusqu’à la Seconde République espagnole (1931-1939), en Andalousie et dans tout le sud de l’Espagne, les terres agricoles (les latifundios) appartenaient à une aristocratie de propriétaires fonciers. Face aux mauvaises conditions de travail, régulièrement, les paysans ont occupé ces terres, en signe de protestation.


Un paysan-occupant à la ferme Samonte, Andalousie (Espagne), avril 2012 (Anaëlle Verzaux)

Parfois, les occupations ont débouché sur de grands mouvements de révolte, à l’image de ce qui se passe, toujours aujourd’hui, dans de nombreux pays d’Amérique Latine (le plus important est le mouvement des Sans-Terre, au Brésil.). A l’image aussi des luttes des années 70 menées à Marinaleda, une petite ville communiste depuis 1979, dirigée par le Collectif unitaire des travailleurs (Colectivo de unidad de los trabajadores, CUT), et située à une cinquantaine de kilomètres de Somonte.

Ici, Marinaleda, qui ne connaît pas le chômage, est un modèle. Et son maire, Juan Manuel Sanchez Gordillo, un nouveau Che. Lola repose sa tasse de café.

« Aujourd’hui, en Andalousie, 2% des propriétaires possèdent 50% des terres. »

« Ils achètent pour spéculer ! »

Le domaine occupé, 400 hectares, dont 40 à l’arrosage, fait partie des 20 000 hectares que le gouvernement andalou (la junta) a décidé de vendre aux enchères. « Or, poursuit-elle, seules les grandes entreprises espagnoles ou étrangères et la duchesse d’Albe, ont les moyens de les acheter ».

La duchesse d’Albe, c’est un peu notre Liliane Bettencourt, en plus excentrique. Elle est l’aristocrate la plus titrée au monde (une cinquantaine de titres), possède 30 000 hectares de terres, et des biens estimés entre 600 millions et 3,5 milliards d’euros. Un bel héritage en perspective, qui a failli briser sa famille, quand le 5 octobre 2011, à 85 ans, la duchesse s’est mariée avec un employé de la sécurité sociale, de 24 ans son cadet...


Lola lors d’une assemblée générale (Anaëlle Verzaux)

Sur les 20 000 hectares mis aux enchères par la junta, la moitié a récemment été vendue à des propriétaires discrets. Dans la région, le nom des acquéreurs n’est pas connu... d’autant moins que, selon les occupants, ils n’auraient encore embauché personne. Pour Lola, c’est évident, « ils achètent pour spéculer ! ».

Mais 8 000 hectares pourraient être occupés. La question a d’ailleurs été longuement évoquée, pendant l’assemblée générale quotidienne, de fin de matinée. Mais pour le moment, les journaliers préfèrent se concentrer sur Somonte. C’est déjà beaucoup d’organisation.

« Une plainte contre sept d’entre nous »

Rafael, un homme solide et volubile, était à Somonte, le premier jour de l’occupation. Il raconte :

« Le 4 mars, on était 500 journaliers agricoles à occuper le domaine. La nuit du 4 au 5 mars, des policiers de la garde civile sont venus nous rendre visite, il n’y a pas eu de violence, les policiers ont seulement donné des coups dans la porte, qu’on avait blindée. Mais le gouvernement andalou a déposé une plainte contre sept d’entre nous. »

Comme la plupart des occupants, Rafael, issu d’une famille de paysans, a d’abord travaillé dans les champs, qu’il a quittés pour le bâtiment en 2000, en plein boom immobilier.

« J’ai même travaillé en France, dans la construction d’un tunnel. Mais une fois les travaux terminés, l’entreprise nous a tous licenciés. Depuis, je suis au chômage, comme ma femme et ma fille de 22 ans, qui a pourtant fait cinq années d’études de droit . »


La chevrette (Anaëlle Verzaux)

Et maintenant, comment vivre à Somonte ? Lola ramasse une chevrette blessée.

« Nous ne voulons surtout pas demander de subventions ou spéculer, ni même créer une coopérative de salariés. Ce que nous voulons, c’est créer une coopérative de résistance. L’objectif, c’est de faire travailler et vivre ici quarante familles. Dès que nous aurons réglé le problème de l’irrigation, ce sera possible. »

Elle presse la chevrette contre sa poitrine.

« D’ici là, il faut tenir. Le plus dur, c’est de dormir tous ensemble, dans seulement deux pièces. Mais on n’a pas le choix. Et encore, on a la chance d’avoir des soutiens financiers des habitants de Palma del Rio. »

Du temps et de l’argent


Des travailleurs dans le potager (Anaëlle Verzaux)

Devant nous, un gigantesque « arroz caldoso con pollo » (riz dans son jus, au poulet) mijote dans sa poêle profonde, installée en extérieur. Marco interrompt brièvement la cuisson pour nous faire visiter le poulailler, puis le potager, où quelques hommes travaillent. Tomates, laitues, poivrons, encore des tomates... et bientôt des asperges :

« La terre est bonne ici, pour les asperges, et l’avantage, c’est qu’on peut les vendre assez cher. »

Le maire de Marinaleda, Juan Manuel, nous rejoint :

« Ensuite, on pourra importer les produits de Somonte, pour qu’ils soient transformés à Marinaleda, où nous avons tous les outils nécessaires. »


Rafael servant l’« arroz caldoso » au maire de Marinaleda (Anaëlle Verzaux)


Des enfants jouent (Anaëlle Verzaux)

Autour, les enfants jouent, la chèvre boitille, Lola clôt les débats, Rafael chante le Flamenco (« Yo soy del pueblo ! », je suis du peuple !), tout en appelant ses amis à venir se servir en riz. Jusque-là, ni la junta andalouse, ni Mariano Rajoy, le premier ministre espagnol, du Parti populaire (Partido popular, PP, droite), n’ont sévèrement menacé les journaliers.

Mais les occupants demandent de l’argent et du temps, pour vivre et montrer, comme à Marinaleda, qu’au moins à petite échelle, l’utopie n’est pas seulement un rêve.

Source : En Andalousie, des paysans occupent des terres pour « survivre » - Médias - presses

Via paroles de paysans | Scoop.it

Partager cet article
Repost0
19 avril 2012 4 19 /04 /avril /2012 08:30

 

Par Agnès Rousseaux (17 avril 2012)

La gauche militante serait-elle encore trop austère, le socialisme trop grisâtre et l’écologie trop culpabilisante ? Pour contrecarrer la « mauvaise jouissance » et l’assouvissement immédiat du désir consumériste que véhicule le capitalisme, le politologue Paul Ariès prône un « socialisme gourmand ». Ou comment articuler plaisirs et revendications dans le cadre d’expérimentations alternatives, premières étapes vers une rupture avec le système prédateur actuel.

 

Basta ! : Pourquoi « faire sécession » du capitalisme ? Les analyses de la gauche sur le capitalisme aujourd’hui sont-elles pertinentes ?

Paul Ariès [1] : Il est de plus en plus difficile d’exister réellement dans cet univers voué à la marchandise et à l’accumulation sans fin. Nous peinons à donner un sens réel à nos existences et nous sommes devenus sourds aux appels à la vie. La gauche sous-estime la critique du capitalisme. Le capitalisme, c’est en effet trois choses. C’est un système d’exploitation du travail et de pillage de la nature. Cela, les gauches le critiquent assez bien. Le capitalisme, c’est aussi l’imposition de modes de vie particuliers et de produits qui lui sont spécifiques. Les gauches ont largement perdu la critique des styles de vie capitalistes. Le capitalisme, c’est enfin une réponse à nos angoisses existentielles, au sentiment de finitude, à la peur de mourir. La réponse capitaliste est le toujours plus, plus de richesses économiques et de pouvoir. Ne nous leurrons pas : le capitalisme nous donne à jouir. C’est certes une mauvaise jouissance, une jouissance d’emprise, une jouissance d’avoir. Nous ne pourrons cependant qu’être dans des combats défensifs tant que nous n’inventerons pas nos propres dissolvants d’angoisse existentiels. Je pense bien sûr à des aspects classiques comme l’invention de « communs » (services publics notamment), mais je songe aussi à la place de la fête et de la fantaisie, à l’amour et à l’amitié, à la question de la beauté…

Il faut « passer du désir de socialisme au socialisme de désir », affirmez-vous. Sans désir, pas de révolution possible ?

Le vrai dissensus est aujourd’hui de parler la langue du plaisir avant celle de la revendication. La gauche n’a pas compris que le peuple n’aurait pas de désir propre à opposer au capitalisme tant qu’il n’aurait pas de droit au plaisir. Seul le désir est révolutionnaire. Il ne s’agit plus de combler un manque mais de développer les liaisons sociales : « moins de biens, plus de liens ». Comme le proclamait Deleuze : « Le désir est révolutionnaire parce qu’il veut toujours plus de connexions et d’agencements. » La véritable particule élémentaire, ce n’est pas l’individu, c’est la liaison, le don, la gratuité. Mais en même temps, si le désir est ce qui autorise le plein déploiement de la vie, il est alors aussi ce qui permet que s’opère l’individuation de l’individu. On peut comprendre dès lors qu’il puisse y avoir de la joie dans les maquis ou durant des grèves dures, longues, à l’issue incertaine. Ce sont autant de moments où le combat exprime « la vérité même du mouvement de l’être », c’est-à-dire la « jouissance de l’être comme jouissance d’être » (Robert Misrahi).

Sans cette jouissance d’être, le socialisme ne peut qu’être un échec. Le mouvement pour la réduction du temps de travail (les 32 heures, tout de suite) ou le droit à un revenu garanti sont des instruments essentiels de libération. Mais ils ne pourront jamais à eux seuls nous sortir des années du « plus de jouir » capitaliste et nous libérer des réponses capitalistes face à nos angoisses existentielles. C’est pourquoi il nous faut construire dès maintenant des îlots de socialisme gourmand afin de casser l’imaginaire capitaliste et ce que l’imaginaire socialiste a de capitaliste.

Quel est ce « socialisme gourmand » que vous prônez ?

Parler de « socialisme », c’est continuer à dire que nous avons des ennemis à vaincre, autant le capitalisme que le fétichisme d’État. C’est rappeler que les socialismes n’ont été partisans de la croissance que de manière accidentelle et qu’il est donc possible de penser un socialisme sans croissance. Parler de « gourmandise » permet d’en finir avec l’idée d’un socialisme du nécessaire, d’un socialisme de la grisaille, avec ses générations sacrifiées, ses appareils de parti ou d’État gérant cette mal-jouissance.

C’est aussi mieux identifier le mal qui nous ronge, ce travail de mort qui caractérise le capitalisme. C’est se défaire des passions tristes, y compris dans nos formes d’engagement. C’est avoir foi dans les capacités de régénération des forces de vie. C’est choisir de développer des politiques qui éveillent la sensibilité, le sens moral, contre les critères de performance et d’efficacité qui sont ceux du capitalisme. Le pari est que l’accolement des termes « socialisme » et « gourmand » enfantera beaucoup plus que leur simple addition. Les mots sont des forces politiques, des puissances imaginaires qui peuvent faire bouger des montagnes si elles émanent des masses…

Prolétariat, révolution, lutte des classes... « Nos anciens mots émancipateurs nous emprisonnent », écrivez-vous. Faut-il de nouveaux concepts pour avancer ?

L’heure n’est pas au conflit sémantique mais au ratissage, au bouturage sémantique. Je suis à l’écoute des dizaines de nouveaux « gros mots » qui s’inventent à l’échelle mondiale pour ouvrir de nouveaux chemins d’émancipation, qui cherchent à ouvrir la même porte, qui tous témoignent de la volonté de rompre une sorte d’ensorcellement sémantique qui nous lie encore au système capitalo-productiviste : le « sumak kaway » des indigènes indiens, le « buen vivir » (bien vivre) des gouvernements équatorien et bolivien, les « nouveaux jours heureux » des collectifs des citoyens-résistants (clin d’œil au programme du Conseil national de la Résistance, dont le titre était « Les jours heureux »), la « vie pleine » de Rigoberta Menchu (prix Nobel de la Paix 1992), la « sobriété prospère », la « frugalité joyeuse » ou, encore, les « besoins de haute urgence » du mouvement social en Guadeloupe.


Vous appelez à réaliser ici et maintenant des « petits bouts de socialisme ». Comment ?

Nous devons multiplier les expérimentations, car seules les marges permettront de recréer une politique vivante. En « permaculture », les marges désignent ces lieux en bordure qui sont toujours les plus féconds, les plus vivants. C’est là qu’on rencontre le maximum de métissage, de biodiversité. Les marges ont vocation à devenir autant de lieux de vie, de laboratoires du futur. Nous [2] coorganisons cet été un grand forum mondial sur la pauvreté pour dire qu’il faut en finir avec le mensonge social d’une réinsertion dans la société des naufragés du système. Cette réinsertion n’est ni possible ni même souhaitable face à la barbarie qui vient. Nous devons au contraire arracher au pouvoir les moyens de multiplier les expérimentations. Nous espérons pouvoir le faire plus facilement sous un gouvernement de gauche. Je n’ignore pas la question du pouvoir central et la nécessité de s’y confronter. Je crois cependant que le XXe siècle nous a appris que le plus difficile n’est pas tant de prendre le pouvoir que de s’en défaire. Que prendre le pouvoir n’est pas non plus la condition ultime pour changer de société…

La question de la prise du pouvoir central est-elle devenue secondaire ? N’y a-t-il pas un rapport de force à créer, pour reprendre le contrôle sur ce système qui domine la planète et nos esprits ?

Je préfère appeler à multiplier les pas de côté, l’un après l’autre mais jusqu’à l’ivresse. Je fais le pari que nous pouvons construire un rapport de force sur ces expérimentations pratiques. C’est pourquoi je préfère parler d’insurrection des existences plutôt que d’insurrection des consciences. La désobéissance est aujourd’hui la meilleure façon de renouer avec une politique vivante. Ce socialisme pratique est nécessairement kaléidoscopique et tourbillonnant. Il n’y a nulle unification a priori, mais il n’y en a pas davantage a posteriori. L’écriture du socialisme gourmand se fait en spirale puisqu’il s’agit de penser des ruptures réelles qui ne sont plus des ruptures globales. Ce qui est contestable, ce n’est pas que les gauches aient voulu questionner la sexualité, l’alimentation, la pédagogie, les astres... Mais davoir cru au pouvoir, c’est-à-dire à la centralité de la révolution, à la possibilité de changer de vie en imposant des modèles qui écrasent la subjectivité individuelle et collective.

Le socialisme gourmand répond à cette nécessité d’une cure de dissidence. Nous devons accepter le fait que le combat révolutionnaire procède souvent par des détours : la grammaire avec Proudhon, la médecine avec Raspail, la sexualité avec Reich, l’astronomie avec Blanqui, la pédagogie avec Jacotot. Une chose cependant n’a pas changé depuis Marx et Engels, depuis Guesde et Lénine, depuis Paul Brousse ou Benoît Malon : les défaites successives s’expliquent par le refus d’une partie des forces socialistes de tenter de réaliser des « petits bouts » de socialisme.

Peut-on s’appuyer sur des expériences du passé pour construire aujourd’hui des « îlots de socialisme » ?

Je sais que je vais déplaire en rappelant que les gauches ont volontairement sacrifié le syndicalisme à bases multiples (section syndicale mais aussi coopérative, club de sport non compétitif, club espérantiste, bibliothèque), le socialisme et le communisme municipaux, le mouvement coopératif. Car ces petits bouts d’autre société étaient censés nous détourner du grand combat frontal, celui de la conquête du pouvoir d’État, celui aussi du parlementarisme [3]. Les gauches du XXe siècle n’ont pas su – ou voulu – développer des réalisations à la hauteur de leur projet. Elles ont abandonné l’idée de faire contre-société. Elles ont pensé que la meilleure façon d’avancer vers le socialisme était de camper dans l’enceinte du capitalisme pour y travailler ses contradictions de l’intérieur.

Résultat : le peuple n’existe plus – ou si peu. Il n’a jamais été autant intégré corporellement (de par ses modes de vie) et mentalement (de par ses valeurs) dans le capitalisme et le productivisme. Conséquence : les gauches ont fini par y perdre leur âme. Comment se plaindre qu’elles soient devenues gestionnaires alors qu’elles n’ont eu de cesse d’intégrer les milieux populaires à la nouvelle économie (psychique) capitaliste et au mode de vie qui lui correspond et l’entretient ?

Le capitalisme nous rendrait aveugles et impuissants politiquement, en nous obligeant à penser selon ses catégories et son agenda. Vous appelez à changer non pas de croyances mais de « voyance », pour nous « décontaminer » du capitalisme…

J’ai longtemps cru que la gauche pourrissait par la tête, comme les poissons. J’ai donc multiplié les mots obus (décroissance), les mots chantiers (gratuité, relocalisation, coopération) contre les mots poisons du capitalisme, tous ces « globalivernes » qui tuent l’esprit. Je suis convaincu aujourd’hui qu’avant d’être un problème de théorie, son impasse tient à sa sensibilité. Je crois donc qu’avant de devenir plus intelligents, nous devons redevenir des « voyants », selon le mot de Rimbaud. La gauche est devenue inauthentique à trop fréquenter le système. Mais une autre gauche n’a jamais cessé d’exister, une gauche maquisarde. Je fais appel pour mieux la cerner à une notion proposée par Jean-François Lyotard : une parole peut être dite « en souffrance » en raison de sa trop grande différence, lorsqu’elle échappe aux catégories de perception et de conceptualisation dominantes, lorsque le régime des phrases ou les genres établis sont tout simplement incapables de l’accueillir.

Les manifestations du socialisme gourmand échappent aux catégories du sentir et du dire qui sont devenues celles des gauches moribondes. Combien de temps a-t-il fallu batailler pour convaincre que refuser la malbouffe, combattre la « sportivation » de la vie, c’est aussi faire de la politique du point de vue des dominés ? Pourquoi a-t-il fallu batailler pour faire admettre que le Slow Food ou les villes lentes sont déjà des petits bouts de solution ? Comment la gauche peut-elle ignorer tous ces morceaux de gratuité qui se développent, ici celle de l’eau vitale, ailleurs celle des transports en commun, ailleurs encore celle des services funéraires.

Rendre le socialisme gourmand possible, c’est donc d’abord le rendre perceptible. La gauche n’a rien vu venir : ni le féminisme, ni l’écologie, ni le racisme de gauche, ni la haine de l’islam, ni le mouvement « queer » et la question des genres, ni l’antispécisme et la nécessité de penser d’autres rapports aux non-humains, ni la montée en puissance de l’individu et celle des communautés, ni la désobéissance, ni la nécessité d’inventer d’autres rapports à la nature. Le socialisme gourmand reste littéralement invisible car nos sens, comme nos idées, sont limités, claquemurés par le système. J’ai voulu rendre compte non pas d’une gauche inexistante mais d’un socialisme largement invisible bien qu’existant déjà partiellement. On ne peut qu’être sidéré, par exemple, devant la cécité face à ce que fut le mouvement coopératif.

Ces expérimentations à la marge peuvent-elles permettre de renouer avec les classes populaires ?

Songer aux mille façons de construire des « petits bouts de socialisme » demeure iconoclaste même si ce chemin est un des plus courts pour inventer des gauches buissonnières, des gauches maquisardes contre l’impuissance des gauches gestionnaires ou gesticulatoires. Le détour par les expériences historiques est d’autant plus important que la crise sociale et politique actuelle crée les conditions d’un retour au « socialisme municipal », au mouvement coopératif, à un syndicalisme de services, à l’économie sociale et solidaire. C’est enfin la condition pour que la gauche retrouve le peuple.

Les milieux populaires n’ont pas disparu, ni les gens modestes, ni la classe ouvrière, ni la paysannerie. Il est erroné de penser que les cultures populaires n’ont été que des sous-produits de la culture dominante, comme s’il pouvait n’exister, dans une société de classes, qu’une seule et unique façon de sentir, de penser, de rêver, d’être. Les milieux populaires ont toujours expérimenté des formes de vie « autres ». Comment faisait-on et comment fait-on pour vivre (et « vivre » malgré tout) et pas seulement survivre, sans beaucoup d’argent, sans épargne ? Quelles valeurs ont émergé de ces modes de vie ? Refuser la primauté des « couches moyennes », c’est refuser le fétichisme de l’économie, celui de l’État et la fausse solution de l’étatisation du capitalisme comme chemin de l’émancipation. La centralité des couches moyennes a été une façon de discipliner les milieux populaires.

Comment redonner la parole au peuple ?

Ce socialisme gourmand sera aussi nécessairement un socialisme de parole. Il ne peut pas y avoir en effet de socialisme gourmand sans appel à la subjectivité, or la subjectivation requiert le langage, mieux, la prise de parole. Les mouvements sociaux récents – les Indignés, les Anonymous... – éprouvent ce besoin de renouveler la langue. Le désintérêt des gauches pour le langage a accompagné l’effondrement des projets, la faiblesse des mobilisations, mais aussi la crise de la créativité langagière populaire, malgré l’argot des jeunes des banlieues. Il a accompagné la disparition d’une langue politique qui défie l’ordre. L’histoire des gauches se confond avec celle du pouvoir de la parole, en particulier celle des tribuns : Robespierre, Saint-Just… oserais-je dire Mélenchon. La gauche doit retrouver sa capacité de séduction, de mobilisation mais aussi de compréhension. Je suis heureux que l’on réapprenne à se nommer et à nommer l’ennemi : une des plus grandes victoires de la bourgeoisie est d’avoir rendu innommable sa propre classe.

« Le grand mal de la gauche, c’est l’anesthésie de la vie », écrivez-vous. Comment peut-on renouveler les partis politiques aujourd’hui, et plus largement les organisations militantes, pour qu’ils donnent envie d’y vivre ?

Les gens sont moins bêtes qu’angoissés, moins manipulés qu’insensibilisés. Nous devons réapprendre des mots et des gestes pour nous rendre disponibles aux sentiments. Il s’agit aussi d’apprendre déjà à se « réincarner » dans nos propres corps. Le capitalisme a pénétré en nous et nous a contaminés : notre corps est le premier territoire à libérer. Nous ne sommes pas sans bagages pour commencer ce voyage : je pourrai citer ce travail sur la sensibilité qu’est l’engagement militant, le fait que nos « moi » se frottent les uns aux autres dans une perspective qui n’est pas celle du profit ; je pourrai citer les mille façons de travailler autrement que développent le mouvement coopératif et l’économie sociale et solidaire, les mille façons de vivre autrement avec l’habitat autogéré, les Amap (associations pour le maintien de l’agriculture paysanne), les SEL (systèmes d’échanges locaux), les monnaies locales, le refus de la « sportivation de la vie » qui va bien au-delà de la nécessaire critique du sport.

Ce dont nous manquons pour nous insurger, comme le dit aussi Miguel Benasayag, ce n’est pas de motifs de mécontentement, c’est de la joie nécessaire pour pouvoir se rebeller. Ce qui nous rend impuissants, ce sont les passions tristes.

Recueilli par Agnès Rousseaux

Photo : source

Notes

[1] Le Socialisme gourmand, Le Bien-vivre : un nouveau projet politique, Éditions La Découverte, 15€. Paul Ariès est également directeur du Sarkophage.

[2] La Revue Le Sarkophage et la communauté Emmaüs de Lescar-Pau

[3] Lire également : Pourquoi l’oligarchie financière ne veut pas de l’économie sociale

 

Source : Un « socialisme gourmand » pour en finir avec la gauche triste - Alternative - Basta !

Partager cet article
Repost0
18 avril 2012 3 18 /04 /avril /2012 15:11

 

 

Internationalnews

16 avril 2012

Agoravox

14 avril 2012

713143icelandprotest.jpg

 

Nouvelle constitution en Islande : la conspiration du silence... 

L'Islande a terminé l’année 2011 avec une croissance économique de 2,1% et devrait, selon les prévisions de la Commission européenne, atteindre le taux de 2,7% en 2013 grâce principalement à la création de nouveaux emplois. 

L'Islande est le seul pays européen qui a rejeté par référendum le sauvetage des banques privées, laissant s’effondrer certaines d’entre elles et jugeant de nombreux banquiers pour leurs crimes financiers mais curieusement les médias français et européens n’en parlent pas ou très peu…

Il n’y a pas de censure officiellement dans les médias presse, radio ou télé mais les journalistes et experts de tous bords, si prompts à parler de ce qui se passe en Egypte, en Lybie ou en Syrie, ne disent absolument rien sur ce qui se passe en Islande. En a-t-on parlé dans les nombreux débats politiques en vue de l’élection présidentielle ? A-t-on vu des images à la TV ? Bien sûr que non car les citoyens européens pourraient avoir la mauvaise idée de s'en inspirer...

En Islande, le peuple a fait démissionner un gouvernement au grand complet. Les principales banques ont été nationalisées et il a été décidé de ne pas payer la dette qu’elles avaient contractée auprès de banques en Grande Bretagne et en Hollande, dette générée par leur mauvaise politique financière.

- 2008 : Les banques Glitnir, Landsbankinn et Kaupthing sont nationalisées pour éviter leur faillite plutôt que d’injecter inconditionnellement des capitaux publics, comme en Espagne ou dans les autres pays européens. L’ensemble des dettes de l’Islande égale alors 9 fois son PIB. La monnaie s’effondre et la bourse suspend ses activités après une baisse de 76%.

- 2009 : Le FMI, comme à son habitude, exige, en échange de mesures dites "d’ ajustement" des coupures dans les dépenses sociales qui provoquent la colère de la population, la chute du gouvernement et la convocation d’élections anticipées.

La gauche remporte la majorité absolue, provoquant l’effondrement du Parti de l’Indépendance, un parti conservateur qui était traditionnellement la force dominante dans le pays et qui ne conserve que 23,7% des voix. Johanna Siguroardottir est choisi pour diriger le gouvernement réunissant des sociaux-démocrates et les écologistes de gauche.

islande_3-copie-1.jpg

La situation économique désastreuse du pays persiste. Par le biais d’une loi, il est proposé à la Grande Bretagne et à la Hollande le remboursement de la dette et un paiement de 3.500 millions d’euros, montant devant être payé mensuellement par toutes les familles islandaises pendant 15 ans à un taux d’intérêt de 5%. Mais le peuple descend à nouveau dans la rue et demande que la loi soit soumise à référendum.

- Janvier 2010 : Le Président refuse de ratifier cette loi et annonce qu’il y aura une consultation populaire.

- Mars 2010 : Le référendum a lieu et le Non au paiement de la dette l’emporte par 93% des voix.

Pendant ce temps, le gouvernement essaie de régler juridiquement les responsabilités de la crise. Les détentions de plusieurs banquiers et cadres supérieurs commencent.

Interpol lance une enquête et tous les banquiers impliqués quittent le pays. Dans ce contexte de crise, une assemblée est élue pour rédiger une nouvelle Constitution en vue de se substituer à l’actuelle qui est une simple copie de la constitution danoise.

Pour ce faire, on a recours directement au peuple souverain qui élit 25 citoyens sans filiation politique parmi les 522 qui se présentent aux candidatures (condition : être majeur et avoir recueilli le soutien d’au moins 30 personnes).

- Septembre 2010 : L'ancien Premier ministre Geir Haarde est poursuivi pour négligence dans la gestion de la crise. Interpol émet également un mandat d’arrêt international contre l’ancien président de Sigurdur Einarsson.

- Février 2011 : L’assemblée constituante commence ses travaux afin de présenter, en partant des avis collectés dans les diverses assemblées qui ont eu lieu dans tout le pays, un projet de Grande Charte.

- Mars 2011 : Suite à quelques critiques concernant la faible participation (36%) pour nommer les membres de l’assemblée constituante, le Premier ministre, en accord avec les chefs des principaux partis représentés au Parlement, met sur pied un comité consultatif pour poursuivre la révision de la constitution. Ce dernier propose au Parlement de nommer un « Conseil constitutionnel » constitué des 25 membres de l’Assemblée constitutionnelle dissoute.

- Avril 2011 : Les citoyens disent de nouveau Non à un second référendum sur le paiement de la dette, après que le président islandais Olafur Ragnar Grimsson ait refusé de contre-signer la loi du 16 février 2011 (connue sous le nom de « troisième loi Icesave »). Le nouveau gouvernement de centre-gauche assurait en effet que le nouvel accord Icesave avait été mieux négocié que le précédent mais la population islandaise maintient son refus d'être mise à contribution pour la faillite de banques jugées irresponsables.

- Juillet 2011 : Sur la base des rapports du Comité constitutionnel et du Forum national (citoyens), le Conseil constitutionnel adopte à l’unanimité un projet de constitution qui est remis au Parlement le 27 juillet. Ce dernier, chargé d’amender le projet, s’est attelé à cette tâche à l’automne 2011 et les débats se poursuivent toujours.

Les principales propositions de la nouvelle Constitution

Sur un total de 114 articles et de 9 chapitres, on peut noter en particulier :

- Article 15  : Droit à l’information. Les informations et documents détenus par les autorités publiques devraient être disponibles sans exception et l’accès au public à tous ces documents devrait être garanti par la loi.

- Article 63 : Création d’un Comité de contrôle de la responsabilité du Gouvernement. Une enquête sur les mesures et décisions du Gouvernement peut être demandée par 1/3 des membres d’Althingi (parlement islandais).

- Article 65  : Droit à la consultation directe. 10% des votants peuvent demander un référendum national sur les lois votées par Althingi.

- Article 66 : Possibilité d’interpellation directe d’Althingi. 2% des électeurs peuvent soumettre une question au Parlement et un projet de loi peut y être déposé s’il est soutenu par 10% des électeurs.

- Article 90 : Formation du Cabinet. Le Premier ministre est nommé par le Parlement.

- Article 99  : Indépendance des tribunaux. L’indépendance des tribunaux doit être garantie par la loi.

- Article 105 : Autonomie des collectivités territoriales. Les sources de revenus des collectivités territoriales doivent être garanties par la loi, tout comme leur droit de déterminer l’utilisation de ces ressources.

La nouvelle constitution devrait être soumise à un référendum, avant le vote par le Parlement. Il devrait avoir lieu le 30 juin en même temps que l’élection présidentielle ou à l’automne.

L'Islande n’est certes qu’un petit pays de 320 000 habitants mais elle donne cependant une belle leçon de démocratie aux grands États de l’Europe et du monde. Songeons par exemple qu’en France, la réforme constitutionnelle de 2008 a été entièrement rédigée à l’Élysée et que les parlementaires ne l’ont adoptée qu’à deux voix près après avoir été soumis pendant des semaines à des pressions intolérables de la part du chef de l’État…    

Source: http://reformeraujourdhui.blogspot.fr

Photo: blog.islande-info.com 

Sur le même sujet:

ISLANDE : le peuple refuse de payer les dettes des banques ! PAR JEAN-CHARLES VAN BERVESSELES 

 

http://www.internationalnews.fr/article-nouvelle-constitution-en-islande-la-conspiration-du-silence-103516124.html

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Le blog de Anne Wolff
  • : Comprendre la globalisation, apprendre à y résister
  • Contact

Profil

  • Anne Wolff
  • Amoureuse de la vie, d'une fleur, d'un papillon, d'un arbre, du sourire d'un enfant, je m'oppose à tout ce qui conduit à la destruction systématique de ce que la nature a créé, de la vie, de la beauté du monde, de la tendresse et de la dignité
  • Amoureuse de la vie, d'une fleur, d'un papillon, d'un arbre, du sourire d'un enfant, je m'oppose à tout ce qui conduit à la destruction systématique de ce que la nature a créé, de la vie, de la beauté du monde, de la tendresse et de la dignité

No Pub

Malgré les publicités imposées dans sa nouvelles versions qui apparaissent sur ce blog,celui-ci reste un acte gratuit.

Recherche

Nouvelles formes du fascisme

"Le vieux fascisme si actuel et puissant qu’il soit dans beaucoup de pays, n’est pas le nouveau problème actuel. On nous prépare d’autres fascismes. Tout un néo-fascisme s’installe par rapport auquel l’ancien fascisme fait figure de folklore […].

Au lieu d’être une politique et une économie de guerre, le néo-fascisme est une entente mondiale pour la sécurité, pour la gestion d’une « paix » non moins terrible, avec organisation concertée de toutes les petites peurs, de toutes les petites angoisses qui font de nous autant de microfascistes, chargés d’étouffer chaque chose, chaque visage, chaque parole un peu forte, dans sa rue, son quartier, sa salle de cinéma."

 

Gilles Deleuze, février 1977.

Toutes Dernières Archives