9 mai 2009 6 09 /05 /mai /2009 07:59



Chaque jour, un autre monde devient un petit peu plus impossible. Chaque jour le prix du sang et des larmes augmente. Prix déjà payé. Sang et larmes à venir. Prix de notre inertie, prix de notre lâcheté, prix de notre paresse, de notre mollesse. Nous avons laissé faire, et tous les prétextes sont bons – impuissance, seul on ne peut rien, « ils » ont déjà gagné – pour laisser la situation se dégrader d’avantage.

 


Il y a des exceptions, des poseurs des premières pierres d’un monde nouveau, d’un monde débarrassé des illusions des siècles précédents quand à la capacité innée qu’aurait le développement technologique et l’économie de marché à faire le bonheur de l’humanité. Et pourtant il ne s’agit pas de « retourner en arrière ». il est trop tard pour quelque retour en arrière que ce soit, trop de dégâts irréversibles ont été commis.



C’est d’une grande marche en avant dont il est question ici. Ce que j’appelle « croissance qualitative ». N’en déplaise aux adeptes de la décroissance que je soutiens dans leur démarche mais à qui je reproche de ne pas mettre assez l’accent sur ce qu’il faudra d’intelligence créatrice –intelligence du cœur et intelligence technique, inventivité- pour que se réalise l’utopie d’un monde fondé sur le respect et la dignité de la personne, de toutes les personnes, de tous les habitants de la planète.


 


Il m’arrive d’avoir des frissons dans le dos, quand on évoque les camps de la FEMA, la loi martiale, toutes les formes de restrictions aux libertés, libertés d’expression par la parole, liberté de vivre d’une manière qui fait apparaître le consumérisme forcené pour ce qu’il est : une sorte de cancer à l’échelle planétaire. Les plus nombreux sont ceux qui ne veulent pas vivre comme ça, ne perdons jamais cela de vue. Le mythe de peuples « sous-développés » aspirant à adopter le modèle universaliste occidental, sans esprit critique ni aménagement radicaux qui en font de ce modèle « autre chose », est une grande illusion entretenue dans nos (in)conscience par ce phénomène dévastateur : acculturation.



L’acculturation est un de ces processus irréversible que j’évoquais plus haut. L’acculturation, ce fut et c’est toujours la destruction systématique de toutes les cultures non-occidentales de telles manières que les peuples en lutte contre l’oppression n’aient plus de racines, plus de sources traditionnelles dans lesquelles ancrer leur combat. L’acculturation, c’est la destruction et le pillage systématique de tous les musées d’Irak –patrimoine de l’humanité- pour les remplacer par…Disneyland à Bagdad.



L’acculturation ce fut cinq siècles d’Inquisition pour éradiquer la mémoire des peuples et dont on oublie trop souvent que les Européens furent les premières victimes. C’est encore l’esprit d’Inquisition qui sévit aujourd’hui et qui s’exprime chaque fois qu’inconsciemment nous faisons référence à la conformité et à la normalité comme valeur absolue de ce qui doit être, de ce qui est « Bien » sans nous interroger sur la nature de ces normes et les valeurs véhiculées par le conformisme dans le monde de la pensée unique.


 



Rien n’est plus fluctuant que la notion de bien, en différents lieux et en différentes époques. Puisant aux sources de la philosophie, je me suis forgé une petite maxime personnelle qui - quand je n’oublie pas de la mettre en pratique comme je l’ai fait ces dernières années - conduit à des relations pacifiques et tolérantes : « Fais à l’autre son bien et si ce bien n’est pas en accord avec ta conscience, alors abstiens-toi » et en complément « Nul n’a le droit de juger l’autre en tant que personne, le seul jugement que nous pouvons porter est que telle personne ne nous faisant pas de bien, notre bien, nous ne voulons pas la voir interférer avec notre existence », encore et toujours la notion de compossibilité qui est à l’honneur ici. Qui peut prétendre juger une personne, être complexe, la conjugaison d’un potentiel innée et d’une histoire, d’un ensemble d’évènements qui ont déterminé la manière dont s’est exprimé ce potentiel.




J’ai déjà remis en question les notions de liberté et de démocratie, en tant que concepts à géométrie un peu trop variables pour servir de fondation à la genèse d’une humanité harmonieuse. Je vais à présent m’en prendre à la notion d’égalité. Il est ridicule de postuler l’égalité de l’homme et de la femme. C’est la source de bien des dérives, bien des combats inutiles. Je n’aime pas du tout le féminisme revendicatif, peut-être parce qu’une partie de mon éducation a été faite par les premières femmes juges, avocats, sénateurs, médecins de Belgique. Aucune de ses femmes n’a jamais rien revendiqué.

 


Elles ont pris place, et comme elles n’avaient pas le choix, elles étaient les meilleures. La liberté ne se revendique pas, elle se pose. Ce qu’ont fait ces femmes, c’est dire « Nous sommes là et il va falloir faire avec nous, les petits gars. Point » Jamais je n’ai vu aucune de ces femmes considérer l’homme comme un ennemi à abattre, ainsi que je le vois faire par certaines féministes revendicatrices qui passent leur temps en jérémiades et ressentiments, perdant un temps précieux qui pourrait être consacré à des actions positives.

 


Je réfute donc la notion de l’égalité au profit de celle de respect de la différence et de complémentarité non hiérarchisés. L’homme et la femme ne sont pas des ennemis, ils sont des partenaires. Et l’amputation des histoires mosaïques de l’humanité qui voudrait nous faire croire que la libération de la femme est une innovation progressiste du 20ème siècle occidental est une négation elle aussi une amputation des mémoires et une utilisation de la stratégie du « diviser pour régner » qui attise le feu d’une guerre qui n’a pas de raison d’être.  

 

 



Il n’y a pas une histoire, lisse et linéaire, eschatologique et conduisant forcément au monde la pensée unique,  qui se prétend fin de l’histoire et de toute idéologie. Il y a des histoires, des avancées, des reculs, des réenchaînements, des innovations bouleversantes, points de bifurcation qui coudent les destins des peuples, au-delà de toute interprétation linéaire possible.



Le « Nouvel Ordre Mondial » des Profiteurs est un réductionnisme absolu,  par la nécessité dans laquelle il se trouve de ne pouvoir fonctionner que face à une nature appauvrie par la médiation mécaniste (le monde comme un grand laboratoire avec ses très strictes conditions aux limites indispensables pour produire les processus reproductibles qui sont des exceptions dans le monde de la vie et de l’évolution en constante innovation) et des humains esclaves ne songeant pas à remettre en cause les lois de l’ordre qui ne sont pas les lois de la nature, mais celle d’une pensée mécaniste sécuritaire et apeurée incapable d’appréhender la nature dans sa complexité et d’accueillir la différence et l’innovation, l’imprévu comme possible enrichissement et non comme une menace.

 


C’est une pensée statique qui exige un monde figé, sous contrôle absolu, c’est la pensée de la paranoïa absolue de ceux qui craignent tellement de se faire déposséder de leur richesse matérielle qu’ils se voient condamnés à vivre dans les espaces carcéraux que protègent leurs barricades et gardes du corps. C’est la peur de ceux qui accaparant les richesses matérielles du monde redoute la rébellion de ceux qu’ils ont spoliés, les privant de la matière mais ne pouvant leur confisquer ni l’intelligence, ni la faculté de rêver, ni aucune des facultés imaginatives de l’esprit humain.



Malgré le démantèlement de l’éducation et la volonté d’acculturation partout rejaillissent les foyers d’intelligence, de lucidité et d’une culture nouvelle qui – je l’espère - fera leur perte  pour plus grand bien de l’immense majorité des habitants de la planète. Mais c’est une course contre la montre que nous livrons là dans une urgence chaque jour accrue. A terme le Nouvel Ordre Mondial ne peut pas triompher car son application entraînera la disparition de l’humain de la surface de la planète. Mais tout de même, ce serait bien triste sachant que l’autre branche de l’alternative est un monde de paix, d’harmonie, de créativité, un monde sans gaspillage de matière où pourraient proliférer les inépuisables et infinies richesses de l’esprit, de l’amour, de la créativité.

 


Anne

 


 

 

 

 

 

 

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commentaires

M
Notre conception de société s'arrête t'elle la où commence celle des autres ? Ces frontières religieuses qui nous séparent, doivent elle s'ouvrir vers plus de démocratie, là est le problème entre démocratie et fondamentalisme, pauvreté et richesse. Nous n'arrivons jamais à limiter nos idéaux.<br /> Philippe
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A
<br /> Pourquoi limiter les idéaux tant qu'on ne fait pas de prosélytisme? C'est la concrétisation de projets de monde qui rencontre les autres comme complément ou comme limite. Le religion peut très bien<br /> devenir ce qu'elle est etymologiquement: ce qui relie. Pas une somme de fondamentalismes jaloux de leur prérogatives, d'un soi-disant rapport privilégié avec Dieu, c'est cela qui est rétrograde. Si<br /> dieu existe alors il est forcément le Dieu de tous. Et les humains incapables de concevoir Dieu dans ses infinies dimensions projette dieu à leur image, et chacun de créer des rituels différents<br /> pour aller à la rencontre du divin. Pourquoi pas, tant que personne ne tente de se l'approprier. Pour comprendre un peuple regarde comment il invente dieu.  J'ai des croyances toutes<br /> personnelles, elles constituent mon approche du sacré, les arbres sont mes antennes de Dieu sur la terre, et dieu est esprit. Et si je défends la simplicité volontaire; c'est aussi parce que je<br /> suis persuadée que le problème fondamental est matériel : partage du territoire, création  entretien et partage des ressources, pour ce qui est de l'esprit vu de notre échelle, il est<br /> illimité.<br /> Anne<br /> <br /> <br />
M
Pour le terme action, je pense simplement que depuis longtemps, "les personnes bien pensantes" parlent pour l'Homme, décident pour l'Homme, qu'il n'y a plus aujourd'hui d'action citoyenne. pourquoi en est on arrivé là. Parce que nous nous sommes laissés bercer par les douces expressions politiciennes. Nul doute qu'il existe encore des femmes et des hommes qui souhaitent Agir. C'est en cela que je crois...
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A
<br /> Ceux qui pensent comme cela, dans ma conception morale ne sont pas des personne "bien" pensantes. J'ai une conception du monde, et elle évolue mais avec quelques principes moraux de base. Il y a<br /> cette petite maxime : "Fais à l'autre son bien et si ce bien n'est pas en accord avec ta conscience alors abstiens-toi". Et ce que je peux poser comme affirmation à l'échelle personnelle, devient<br /> proposition à l'échelle collective.L'isolement est une des causes de dérives de l'action collective. La télévision joue un sale rôle dans l'histoire, mais il n'y a pas que cela : il y a le<br /> détricotage du tissu social, usé jusqu'à la trame. Il faudrait tisser une autre toile, moi je veux bien me mettre à l'ouvrage en recréant un tissu de convivialité là où cela peut se faire, une<br /> histoire de rhizome. Il ne faut jamais laisser personne penser "pour" toi, penser avec...comme disait une mienne professeure: "Il y a des choses auxquelles je ne pense pas seule." J'en ai pris de<br /> la graine.Mais cela implique une toute autre organisation du monde pour être praticable à grande échelle: un monde à dimensions humaines et où personne ne se permet de penser pour d'autres.<br />  Sinon il y a aussi beaucoup de personnes qui ne souhaitent pas agir, qui le font.<br /> <br /> <br />
M
Il suffit peut être juste d'être acteur de sa vie, pour ne plus subir....
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A
<br /> J'aime beaucoup la philosophe Hannah Arendt. Dans son oeuvre principale, "Condition de l'homme moderne"l'action" a beaucoup d'importance. J'évoque cela dans "Devenons riches, croissons<br /> qualitativement." Ce sont des thèmes que j'aurai l'occasion d'approfondir.<br /> Etre acteur ? Oui mais, alors en étant coauteur de l'histoire, avec  la contingence comme partenaire.<br /> <br /> <br />
A
Merci Bridge, je venais justement de terminer un long commentaire sur le blog d'Eva SOS-crise : http://sos-crise.over-blog.com/article-31224898-6.html afin de faire la promotion de cette notion de "croissance qualitative". Ton commentaire est donc un encouragement qui tombe à point nommé.<br /> Merci Anne
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B
Bonjour Anne, très bel article et j'aime beaucoup l'expression "croissance qualitative", mettre des mots justes aide à l'avènement des choses, et la propagande de notre monde orwellien l'a bien compris dont le principal outil est de détourner le sens des mots pour nous empêcher de penser.<br /> Belle vision du féminisme aussi.<br /> Je continue la découverte de ton blog !<br /> Amicalement,<br /> Bridge
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Gilles Deleuze, février 1977.

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