4 décembre 2019 3 04 /12 /décembre /2019 01:07
Echos de Bolivie : "Ils sous tirent dessus comme sur des animaux"

Echos de Bolivie : "Ils sous tirent dessus comme sur des animaux"

par Ollantay Itzamná , avocat et anthropologue quechua

Source en français alterinfo mis en ligne par Françoise Couëdel

 

Le déterminisme biologique néolibéral, après une décennie de pause protocolaire, renaît de façon triomphante en Bolivie (tel l’Oiseau Phénix), révélant les vilénies les plus misérables qui habitent la « bolivianité » de la classe moyenne et les « modèles » politiques et culturels auxquels elle obéit.

Le rejet des résultats électoraux récents orchestrés/ pollués par des « damoiseaux et damoiselles » de la classe urbaine, loin de manifester des velléités d’attitudes démocratiques, pour la « défense de la démocratie », révèle la manifestation publique du racisme suintant qu’ils diffusent dans leurs selfies. Assoiffés d’images de corps ensanglantés ou morts, pour « accuser l’indien qui gouverne », ils témoignent ainsi de l’hypocrisie raciste dont « par nature l’indien est coupable ».

Le rejet raciste de rue, dans le style mal imité des guarimbas vénézuéliennes, ne plaide pas en défense de la démocratie, ni de la seule défense de leurs privilèges culturels « supposés en déclin dans les 13 dernières années ». C’est avant tout la revendication publique de l’identité collective que partage une classe. Constater cette réalité est douloureux mais c’est ce que l’on voit et observe.

Elles/ils haïssent, rejettent le sang indien qui coule dans leurs veines et fantasment, s’imaginent en blanc « mythique » qu’ils ne parviendront jamais à être. Dans cette contradiction existentielle ils perdent leur humanité détériorée. C’est la schizophrénie congénitale culturelle/identitaire de la bolivianité républicaine.

Ces 13 années de démocratie libérale institutionnalisée n’ont pas été suffisantes pour soigner/guérir/ la schizophrénie culturelle/identitaire qui habite la bolivianité républicaine/ coloniale. Morales et son gouvernement, s’est égaré dans la « modernité matérialiste », et a négligé ou fait trop peu pour aider à guérir ce mal congénital qui habite la bolivianité « traditionnelle ».

Plus encore, cette bolivianité traditionnelle maladive, incarnée par Carlos Mesa et les « civiques », est l’archétype souhaité par la jeunesse et les nouveaux citoyens de la classe moyenne. Álvaro García Linera et les scribouillards du gouvernement, avec leurs académismes dépassés, éloignés de l’idée du Bien vivre, ont encouragé et encouragent cette fausse illusion. L’académie hégémonique occidentale est ontologiquement raciste et epistémicide.

Il est douloureux de l’affirmer, la Bolivie actuelle, malgré son « économie modèle », son réseau de routes, et de transport moderne, de sa « souveraineté satellitaire » …semble encore figée dans le dilemme du XVIe siècle : « Les aborigènes andins sont-ils ou ne sont-ils pas des humains ? ».

Mais cette interrogation est actuellement teintée de rancœur et de haine, car le sang aborigène circule même dans les veines de Carlos Mesa, de Albarracín, de Camacho…cela explique que la négation et la détestation de ce qui les trahit, qu’ils tentent de cacher (en portant barbe, et cravate et des noms métissés) deviennent viscérales.

C’est cette contradiction existentielle de classe qui anime et épuise les « racistocrates » boliviens, malgré la défense historique portée par Las Casas en faveur des aborigènes.

Même aux débuts de la République le débat ne portait plus sur la condition anthropologique de l’indien mais sur sa condition de citoyen. À cette époque les créoles libéraux soutenaient que les « aborigènes grâce à l’éducation, pourraient accéder à la citoyenneté bolivienne », tandis que les créoles conservateurs prétendaient que « les aborigènes, par nature, ne pourraient pas devenir des citoyens boliviens ». Finalement, depuis les premières décennies, en théorie, c’est l’argumentation des créoles libéraux qui s’est imposée.

Mais, en dépit de cette reconnaissance des libéraux (légalisée par le vote universel de 1952) [1] « les Boliviens traditionnalistes » refusent de reconnaître le vote des Indiens, et en conséquence de reconnaître l’Indien comme sujet politique. Et plus triste encore, ils avancent l’argument que c’est pour « la défense de la démocratie ».

Ces constatations, et bien d’autres encore, révèlent que pour cette triste classe moyenne bolivienne, il n’y a démocratie que quand les riches/blancs triomphent, y compris grâce aux votes des Indiens, mais que quand ce sont les Indiens qui gagnent (faisant de la majorité démographique une majorité politique) il y a eu fraude.

Face à cette conviction identitaire de classe il n’y a pas de principe, ni de règle, ni d’audit électoral qui vaillent. Et comme à l’atroce époque coloniale on agresse, on roue de coup (dans les rues, en place publique, face aux caméras) tout mortel qui s’oppose à leur « racistocratie ». Dans le seul but de faire prévaloir le supposé déterminisme biologique néolibéral.


Blog de l’auteur : https://ollantayitzamna.com/.

Traduction française : Françoise Couëdel.

Source (espagnol) : https://ollantayitzamna.com/2019/11/02/bolivia-no-es-la-democracia-es-la-racistocracia/.

 

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Le blog de Anne Wolff
  • : Comprendre la globalisation, apprendre à y résister
  • Contact

Profil

  • Anne Wolff
  • Amoureuse de la vie, d'une fleur, d'un papillon, d'un arbre, du sourire d'un enfant, je m'oppose à tout ce qui conduit à la destruction systématique de ce que la nature a créé, de la vie, de la beauté du monde, de la tendresse et de la dignité
  • Amoureuse de la vie, d'une fleur, d'un papillon, d'un arbre, du sourire d'un enfant, je m'oppose à tout ce qui conduit à la destruction systématique de ce que la nature a créé, de la vie, de la beauté du monde, de la tendresse et de la dignité

No Pub

Malgré les publicités imposées dans sa nouvelles versions qui apparaissent sur ce blog,celui-ci reste un acte gratuit.

Recherche

Nouvelles formes du fascisme

"Le vieux fascisme si actuel et puissant qu’il soit dans beaucoup de pays, n’est pas le nouveau problème actuel. On nous prépare d’autres fascismes. Tout un néo-fascisme s’installe par rapport auquel l’ancien fascisme fait figure de folklore […].

Au lieu d’être une politique et une économie de guerre, le néo-fascisme est une entente mondiale pour la sécurité, pour la gestion d’une « paix » non moins terrible, avec organisation concertée de toutes les petites peurs, de toutes les petites angoisses qui font de nous autant de microfascistes, chargés d’étouffer chaque chose, chaque visage, chaque parole un peu forte, dans sa rue, son quartier, sa salle de cinéma."

 

Gilles Deleuze, février 1977.

Toutes Dernières Archives