4 décembre 2019 3 04 /12 /décembre /2019 19:57

 

 

Quelques nouvelles de Bolivie, en vrac, parce que les nouvelles sont rares et arrivent dispersées depuis que la dictature au pouvoir a expulsé la presse internationale et muselé ceux qui sont sur place. Terrorisme et sédition sont les accusations lancées contre tout qui proteste contre le coup d’état, ses auteurs et leurs pratiques. Ce groupe extrêmement minoritaire utilise également ces mêmes arguments « flous » pour démanteler les forces de résistance à ce projet de dictature fasciste, raciste.

Marches d'opposition qui seront récupérées par le coup d'état fasciste

Marches d'opposition qui seront récupérées par le coup d'état fasciste

Après que Evo Morales ait renoncé à son mandat présidentiel, qui ne devait prendre fin qu’un janvier 2020, le rapport de force a changé en Bolivie. Beaucoup de ceux qui ont manifesté pour le départ d’Evo, en pensant que cela permettrait d’opérer « un retour à la démocratie » ont compris qu’ils avaient été abusés, manipulés, utilisés pour favoriser un coup d’état de l’extrême-droite dont les premières expressions de victoires furent des explosions d’un racisme longtemps refréné : Whipalas brûlées et piétinées, femmes indigènes agressées et humiliées, satanisation des croyances des peuples originaires avec exorcismes à la clé…. Et la violence brutale de l’agression de ce pouvoir qui – à cause de son absolu manque de représentativité – ne peut se maintenir que par un usage démesuré de la force brutale de l’armée et la police d’une part, et d’autres part de groupes qualifiés de « société civile » qui sont composés en grande partie de délinquants payés pour semer la terreur.

Ce sont ces groupes violents qui ont agressé les législateurs ou leur famille quand il ne pouvait les atteindre directement, forçant ainsi à démissionner : Morales, le vice-président Linera, Salvatierra la présidente du Sénat, etc... afin de créer le vide politique qui permettrait à Añez de s’autoproclamer présidente avec une fiction de légalité. Ensuite on le sait, la plus brutale et cruelle répression s’est déchaînée contre la population indigène en générale, en résistance contre le coup d’état en particulier, facilité par le décret 4708 de la présidente : les forces de l’ordre seront exemptées de responsabilité pénale pour les exactions de la répression. Tirer dur le peuple était comme une sorte divertissement pour les militaires de Santa Cruz (fief des fascistes) venu réprimer la résistance de l’Alto. Beaucoup tirent aux jambes (témoignage du journaliste argentin Fernando OZ) + vidéo de témoignage d’un de ceux qui a eu la jambe brisée par les balles des militaires.

Des jeunes fascistes et des délinquants incarnent la "société civile"

Des jeunes fascistes et des délinquants incarnent la "société civile"

En même temps que les élections présidentielles d’octobre controversées, un sujet pour lequel aucun rapport concluant n’a été produit jusqu’ici, ont eu lieu des élections législatives, le MAS a reculé mais dispose toujours de la majorité des sièges des assemblées. Pour le mandat en cours lui aussi jusqu’au 20 janvier 2020 ; le MAS dispose au Congrès de presque 2/3 des représentants,

Et donc le MAS et autres organisations sociales, syndicales, paysannes ont adopté, à contrecœur, une position conciliatrice pour tenter de replacer la lutte sur le terrain politique qu’ils dominent et mettre un terme à la violence dévastatrice de l’affrontement entre force de l’ordre puissamment armées qui massacrent un peuple dont les luttes sont majoritairement pacifiques, alors que les mieux « armés » n’ont que des pierres à opposer aux fusils. Un rapport de force totalement défavorable.

La clé de voûte et la cheville ouvrière de cette réactivation politique, c’est la nouvelle présidente du Sénat, Eva Copa, une jeune femme de 32 ans qui a déjà derrière elle une longue carrière politique puis qu’elle a commencé à militer dès l’adolescence. Une jeune femme simple, sensible et forte, intelligente et courageuse, qui a assumé sans faiblir les responsabilités que lui a donné un improbable destin. La journaliste Maria Galinda  a réalisé une longue interview radiophonique   (esp), de la nouvelle présidente du sénat, elle dira « Depuis 13 ans que je fais ce métier, j’ai interviewé des tas de gens, personne jusqu’ici ne m’avait inspiré un aussi grand respect qu’Eva ». Je cite parce que je partage ce point de vue. Jusque-là Eva était une sénatrice de profil bas, plus intéressée par le travail à la base que par la fréquentation des sommets. Evo Morales, elle ne l’a rencontré que quelques fois lors de la campagne présidentielle, sans avoir avec lui aucun contact particulier. Il faut dire les hautes sphères du Mouvement vers le Socialisme étaient toujours plus coupés de la base, y compris ses législateurs qui sont en majorité des gens simples, des gens du peuple ayant une pratique de luttes sociales et populaires locales et régionales.

Présidente du Sénat, c’est le deuxième échelon au haut de la hiérarchie politique, juste après la présidente. On a pu lire et entendre un peu partout dans les médias que la présidente avait promulgué une Loi Électorale. Impasse sur le fait que cette loi est avant tout l’œuvre des législateurs du MAS et des mouvements sociaux, qui se sont assis à la table de négociation avec les tortionnaires du peuple, en présence des médiateurs de l’église catholique, de l’ONU et de l’UE, sous la direction d’Eva Copa, qui a rappelé ces jours-ci que les putschistes faisaient tout pour déstabiliser ce pouvoir législatif en reconstruction : menaces contre eux et leurs familles, arrestations arbitraires et disparitions forcées… + vidéo (esp) témoignage des tortures subies par le frère de l’ex-président de la Chambre des Députés, en guise de pression pour le forcer à renoncer à ses fonctions.

Eva et la présidente de fait signant la loi électorale

Eva et la présidente de fait signant la loi électorale

Je l’ai dit je ne prendrai pas position concernant ce qu’a fait ou non Evo Morales pendant ses mandats successifs. Il y a trop de désinformation en circulation, et en plus c’est aux boliviens de juger de cela. Ce que j’ai pu entendre en échos d’une manière générale, c’est que pendant ces deux premiers mandats, il avait fait un travail formidable et s’il avait quitté la présidence après ces mandats, il serait resté dans la mémoire collective, le meilleur président qu’ait jamais eu la Bolivie. Cela se traduit par les 64 % qu’il a obtenu au premier tour lors de sa troisième élection. Mais depuis, il a perdu une grande partie de la confiance dont il jouissait jusque-là, et pas seulement parce que Washington menait une rude guerre psychologique contre son gouvernement. Penser cela serait un grand mépris du peuple et de son intelligence. Ce qui me dérange profondément, c’est que depuis qu’il est au Mexique, Evo la ramène (entre autres) avec cette dernière « victoire » obtenue avec 47 % de voix (une chute de 17 % par rapport aux précédentes élections). Je n’entre pas non plus dans la question de savoir s’il y a eu ou non fraude, ce qui m’importe ici, c’est que je n’ai pas entendu de questionnement de sa part sur cette chute drastique de la confiance que lui accordait le peuple, pas l’ombre d’une autocritique ni d’une volonté de redéfinir son projet de pays en consultant les bases qui ne le soutiennent plus. Je l’ai dit, on ne peut opérer la transformation radicale d’un pays avec le soutien d’une minorité d’électeurs.

Et malheureusement, la campagne électorale a commencé en Bolivie, et à droite comme à gauche, règne la division. Les manifestations post coup d’état réunissaient dans un immense mouvement populaire des pour et contre Evo, ensemble, unis dans la même volonté de renverser le pouvoir usurpateur confisqué par la plus radicale extrême-droite. Une magnifique occasion de repartir sur de nouvelles bases, avec un MAS prêt à pratiquer une radicale autocritique afin de redéfinir un projet qui réponde majoritairement aux aspiration de la population. Mais ses différents candidats potentiels font campagne avec encore et toujours ce triomphalisme qui n’est pas de mise.

Eva Copa, elle à d’ores et déjà annoncé qu’à la fin de son mandat actuel, prévu pour janvier, (mais il est question de prolonger cette législature jusqu’à la tenue de nouvelles élections), elle ferait une pose dans sa carrière politique pour se consacrer à sa famille, à ses enfant une petite fille de quelques mois, un petit garçon de 4 ans confiés actuellement à sa maman, pour des raisons de sécurité, mais aussi parce que son travail actuel ne lui permet pas de s’éloigner de La Paz, les législateurs travaillent presque 24/24. Elle voudrait aussi pouvoir se consacrer au travail social pour lequel elle a été formée à l’Université Publique del Alto, la ville dont elle est originaire. Je sais qu’elle est sincère, et j’espère qu’elle pourra faire cette pose, à 32 ans elle a encore une longue carrière politique devant elle, et prendre de la distance est souvent salutaire.

Adriana et Andronico canditats potentiels du MAS aux élections 2020
Adriana et Andronico canditats potentiels du MAS aux élections 2020

Adriana et Andronico canditats potentiels du MAS aux élections 2020

Je l’ai dit je ne prendrai pas position concernant ce qu’a fait ou non Evo Morales pendant ses mandats successifs. Il y a trop de désinformation en circulation, et en plus c’est aux boliviens de juger de cela. Ce que j’ai pu entendre en échos d’une manière générale, c’est que pendant ces deux premiers mandats, il avait fait un travail formidable et s’il avait quitté la présidence après ces mandats, il serait resté dans la mémoire collective, le meilleur président qu’ait jamais eu la Bolivie. Cela se traduit par les 64 % qu’il a obtenu au premier tour lors de sa troisième élection. Mais depuis, il a perdu une grande partie de la confiance dont il jouissait jusque-là, et pas seulement parce que Washington menait une rude guerre psychologique contre son gouvernement. Penser cela serait un grand mépris du peuple et de son intelligence. Ce qui me dérange profondément, c’est que depuis qu’il est au Mexique, Evo la ramène (entre autres) avec cette dernière « victoire » obtenue avec 47 % de voix (une chute de 17 % par rapport aux précédentes élections). Je n’entre pas non plus dans la question de savoir s’il y a eu ou non fraude, ce qui m’importe ici, c’est que je n’ai pas entendu de questionnement de sa part sur cette chute drastique de la confiance que lui accordait le peuple, pas l’ombre d’une autocritique ni d’une volonté de redéfinir son projet de pays en consultant les bases qui ne le soutiennent plus. Je l’ai dit, on ne peut opérer la transformation radicale d’un pays avec le soutien d’une minorité d’électeurs.

Et malheureusement, la campagne électorale a commencé en Bolivie, et à droite comme à gauche, règne la division. Les manifestations post coup d’état réunissaient dans un immense mouvement populaire des pour et contre Evo, ensemble, unis dans la même volonté de renverser le pouvoir usurpateur confisqué par la plus radicale extrême-droite. Une magnifique occasion de repartir sur de nouvelles bases, avec un MAS prêt à pratiquer une radicale autocritique afin de redéfinir un projet qui réponde majoritairement aux aspiration de la population. Mais ses différents candidats potentiels font campagne avec encore et toujours ce triomphalisme qui n’est pas de mise.

Eva Copa, elle à d’ores et déjà annoncé qu’à la fin de son mandat actuel, prévu pour janvier, (mais il est question de prolonger cette législature jusqu’à la tenue de nouvelles élections), elle ferait une pose dans sa carrière politique pour se consacrer à sa famille, à ses enfant une petite fille de quelques mois, un petit garçon de 4 ans confiés actuellement à sa maman, pour des raisons de sécurité, mais aussi parce que son travail actuel ne lui permet pas de s’éloigner de La Paz, les législateurs travaillent presque 24/24. Elle voudrait aussi pouvoir se consacrer au travail social pour lequel elle a été formée à l’Université Publique del Alto, la ville dont elle est originaire. Je sais qu’elle est sincère, et j’espère qu’elle pourra faire cette pose, à 32 ans elle a encore une longue carrière politique devant elle, et prendre de la distance est souvent salutaire.

Les candidats potentiel du MAS qui se distinguent aujourd’hui sont l’ex-présidente du Sénat Adriana Salvatierra, et Andrónico Rodríguez Ledezma, vice président des fédérations de cocaleros de Cochabamba. Un fait remarquable : à deux ils totalisent tout juste 60 ans. Ils sont en quelque sorte des prolongations désignées par Evo pour lui succéder, il n’y a pas non plus – que je sache – de remise en question de leur part, d’interrogation sur la perte de confiance des anciens électeurs du MAS, ce qui a pour déplorable résultat que d’autres mouvements populaires ont décidé de présenter leur propre candidat, et que la division règne, là où l’unité permettrait un raz-de-marée populaire aux prochaines élections. Je les ai écouté tous les deux, avec le peu d’infos qui nous parviennent et donc je peux me tromper… je l’espère.

La droite aussi se chamaille. Le leader de l’extrême-droite et agent de Washington Camacho a décidé de se présenter, il se dispute déjà avec son complice et binôme Pumari chacun veut occuper la première place : Président de Bolivie. Mesa, le candidat de droite second derrière Evo aux élections d’octobre a annoncé qu’il serait candidat au prochain scrutin. Et donc la division règne à droite comme à gauche.

D’autre part le gouvernement de transition qui devrait se borner à la gestion courante et l’organisation des nouvelles élections s’est lancé à fond dans un programme néolibéral de privatisation, d’explosion des tarifs de l’énergie, le prix de l’électricité a augmenté de près de 500 %, la nourriture est exportée plutôt que de contribuer à la souveraineté alimentaire du pays.

Après que sous la pression des organisations internationales de Droits humains constatant les crimes de lèse-humanité et autres massacres commis par les forces de répression dans le pays après la publication du décret 4708, la présidente ait été contrainte à l’abroger jeudi dernier, de nouvelles inquiétudes se dessinent. Hier a été crée le GAT, un groupe de « répression antiterroriste » de choc intégré par 70 effectifs, il sera équipé d’armes semi-automatique et de longue portée et a officiellement pour mission de « démanteler les cellules terroristes » qui génèrent l’insécurité dans le pays. Tout un programme qui plane comme la menace de nouveaux massacres, tortures, exécutions extra-judiciaires, viols et autres disparitions forcées. Et qui éveille, une fois de plus le douloureux souvenir des escadrons de la mort de « l’époque des dictatures » réactivés déjà au Honduras depuis le coup d’état militaire de juin 2009.

Le plus horrible, c’est de savoir que seront qualifiés de terroriste et séditieux tout qui s’opposent à ses sadiques, alors que les « forces civiles » que ces fascistes utilisent pour imposer leur pouvoir, tuent, torturent, violent les résistants, détruisent et brûlent leurs biens personnels ou collectifs, impunément, avec la très chrétienne bénédiction du pouvoir aux yeux duquel ils sont « les bons » les défenseurs de « la démocratie et la liberté ».

Voilà, un peu en désordre, un peu comme cela me parvient un bilan partiel de la situation en Bolivie ce mercredi 4 décembre.

 

Anne W

Les GAT, nouveaux agents de la répression du peuple en résistance en Bolivie

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Gilles Deleuze, février 1977.

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