Les activistes de la place Maïdan rejoignent les rangs de la Garde nationale ukrainienne, créée sur décret du gouvernement provisoire début mars 2014. Une journaliste de la revue ukrainienne Reporter s’est rendue dans la garnison 3027, où s’entraînent les premiers 500 volontaires.
Bang !!! Le blindé tire si bruyamment qu’en se tenant même à dix mètres, la terre semble vous trembler sous les pieds. Un peu plus loin, sur le site militaire, on entend les tirs des lance-grenades. Plus loin encore, le fracas des fusils automatiques. Aujourd’hui, la garnison reçoit la visite du ministre de l’Intérieur Arsen Avakov, du secrétaire du Conseil de sécurité nationale et de défense Andreï Paroubi et du commandant en chef des Forces intérieures, le lieutenant-général Stepan Poltorak. Ils sont tous venus assister à l’entraînement des premières nouvelles recrues.
« La garde nationale doit être capable de protéger la frontière étatique de l’Ukraine, note Andreï Paroubi. Aujourd’hui, c’est précisément là que se concentre le principal danger pour notre pays. Tous les jours, on voit arriver sur place des troupes de la Fédération de Russie et voler des avions de combat. Là-bas, la garde nationale peut assurer un soutien à l’armée. En outre, en créant cette garde, nous voulons impliquer tous les gens qui sont prêts à défendre leur pays les armes à la main. Aujourd’hui, elle comprend déjà 500 premiers volontaires, mais dans les jours à venir, ils seront 20 000 de plus. Je tiens à souligner qu’en temps de paix, la garde nationale devra s’occuper de préserver l’ordre public et d’anéantir les terroristes et les groupuscules criminels. »
Selon Stepan Poltorak, la Rada suprême a confirmé, pour l’armement de la garde nationale, l’attribution de 2 milliards 180 millions de hryvnias sur les trois premiers mois. « C’est bien que cette décision ait été prise, se félicite le commandant en chef des forces intérieures. Vous voyez bien que dans leur état actuel, les forces armées ne sont pas en mesure de défendre le pays. »
Une des tâches de la garde nationale est d’intégrer dans ses rangs toutes les formations militarisées qui sont apparues pendant Maïdan, telles les patrouilles d’auto-défense et le Secteur droit, mais aussi tous ceux qui ont formé des bandes spontanées en s’abritant derrière les formations existantes.
« Je ne sais pas de quelles bandes vous parlez, réagit Stepan Poltorak, visiblement très mal à l’aise face à cette question. Ceux qui nous rejoignent sont des gens très conscients, qui veulent protéger les Ukrainiens, leur paix et leur tranquillité en toutes circonstances ! L’esprit patriotique se développe à grande vitesse, simplement ! Et tout le reste n’est que rumeurs. »
Pendant que nous parlons, les combattants s’entraînent. Ils font du combat au corps-à-corps, franchissent des rangées d’obstacles, travaillent avec un spécialiste de dressage canin. Pas loin, je remarque deux rangs de nouvelles recrues. L’un d’eux, Ivan Tkatch, est originaire de Pervomaïsk. « J’étais sur Maïdan depuis le 2 décembre, j’y suis allé dès qu’ils ont commencé de s’en prendre à des enfants, se souvient-il. J’ai survécu à deux assauts. Dieu merci, je suis toujours en vie. Mais tout ce temps, j’ai vécu là-bas juste comme ça ; j’ai rejoint les troupes d’autodéfense quand a surgi la menace venant de Russie. »
« Moi, je suis resté un peu plus d’un mois dans l’autodéfense, intervient Andreï Petritchenko, de Krementchoug. J’y suis entré vers le 20 février, après qu’ils ont tué la Centaine céleste [près de 100 manifestants ont trouvé la mort durant le mouvement de protestation à Kiev en trois mois, ndlr]. J’avais essayé de venir avant, mais les trains ne marchaient pas. Dès mon arrivée, j’ai rejoint les troupes d’autodéfense, parce que j’avais un objectif : maintenir l’ordre. Nous surveillions le métro et le périmètre de Мaïdan ; et quand tout s’est terminé sur Maïdan, nous avons attendu des autorités une décision quelconque, du type création de la garde nationale. Et dès qu’est apparue la proposition de la rejoindre, nous nous sommes rassemblés et nous sommes venus ici. »
« En ce moment, nous avons une très grosse charge, poursuit Andreï. Nous faisons beaucoup de sport et nous apprenons à tirer depuis divers types d’armes. Il y a beaucoup d’informations, ça tourne la tête, mais nous faisons tout notre possible. »
Les combattants s’efforcent de ressembler à des héros. Et les héros, ça ne se plaint pas. Même s’il faut se tenir face à l’ennemi d’hier – la police. Aujourd’hui, ce sont justement des instructeurs professionnels des forces intérieures qui entraînent les gardes. [En février 2014, plusieurs affrontements sanglants avaient opposé la police et les activistes de Maïdan, ndlr].
« Il faudra du temps pour que leurs cœurs guérissent, commente Paroubi, le chef de l’autodéfense de Maïdan. Pendant plusieurs mois, nous nous sommes tenus sur les côtés opposés des barricades. Mais je tiens à rappeler que dès les premiers jours de la liberté, l’autodéfense de Maïdan et les forces intérieures ont commencé de patrouiller ensemble dans les rues de Kiev. »
« Oui, c’est la police qui nous entraîne – et quoi ?, dit Andreï en haussant les épaules. Ce qui me plaît à moi, c’est que tous ceux qui nous entraînent sont des instructeurs de haut niveau. Nous les regardons, et nous nous disons : voilà à quoi nous devons ressembler ! »
Source : Aliona Medvedeva, Reporter via Les activistes de Maïdan apprennent le métier de garde-frontière — Le Courrier de Russie