Ben là… les bras m’en tombent ; j’ai d’abord cru à une rumeur, de celle que font circuler l’opposition pour discréditer un président socialiste d’Amérique Latine. Mais non, Rafael Correa est prêt à renoncer à sa charge de président de l’Equateur si l’Assemblée Nationale dépénalisait l’avortement au-delà du cas déjà admis d’une femme ne disposant pas de ces capacités mentales et qui serait enceinte suite à un viol.
Toutes les notes que j’ai lues à ce sujet reprennent les mêmes arguments du mandataire sans les développer. Il parle de trahison, de personnes qui s’étaient mises d’accord au sein d’un bloc de la majorité, qui disent une chose et en font une autre. « Qu’il fassent ce qu’ils veulent, je ne ratifierai pas la dépénalisation de l’avortement ». Il évoque la notion de respect intégral de la vie qui commence dès la conception. Et annonce sa démission si la dépénalisation était votée.
Correa avait, il y a peu suscité des polémiques en autorisant l’exploitation pétrolière au sein du parc protégé de la Yasuni, après avoir échoué à obtenir une aide financière de la communauté internationale pour compenser la non-exploitation de ce gisement. Il avait alors dit en substance, que les modèles éco-bobos de l’Occident ne devaient pas être un frein à ‘exploitation de ressources qui contribuent au bien-être de l’ensemble du peuple.
A priori, j’avais comme beaucoup été déçue par ce revirement, mais je sais qu’il y a divergences entre les président(e)s socialistes d’Amérique Latine et de nombreux mouvements sociaux et en particulier paysans qui proposent eux un changement de modèle, une sortie du modèle industriel et extractiviste. Ayant connaissance de l’ampleur de ces mouvements d’opposition à l’extractivisme, à travers toute l’Amérique du Sud je trouvais son argument assez méprisant, comme si tout qui y participait était instrumentalisé par des ONG yankee dont le but inavoué est de déstabiliser le pays et incapable de penser par soi-même..
Une question à approfondir, mais ce qui me préoccupe aujourd’hui c’est cette prise de position intransigeante de Correa.
Je ne me suis jamais personnellement trouvée en position de choisir ou non d’avorter. Mais en tant que femme, j’ai réfléchi à ce que je ferais si c’était le cas. Ma conclusion étant que mon respect de la vie m’empêcherait sans doute de le faire. Mais que c’était un choix personnel et intime et que je n’avais pas à imposer ce point de vue à d’autres femmes, même si en quelques occasions, en voyant des amies qui choisissaient des avortements à répétition comme s’il s’agissait d’un geste banal, je les trouvais un peu lestes en la matière et ne pouvais comprendre cela, surtout quand les moyens de la contraceptions sont variés et d’accès libres.
Un premier argument en faveur de la dépénalisation de l’avortement est le fait que légal ou non, il est pratiqué. Dans un pays où il est pénalisé, ce sont les femmes les plus pauvres qui en subissent les plus désastreuses conséquences, les plus riches allant avorter dans de bonnes conditions dans un pays où il est autorisé.
Un autre argument est le droit pour chacune de décider en son âme et conscience. Pouvoir choisir de mettre un enfant au monde dans de bonnes conditions si cela doit se décider ensemble quand un couple est concerné, cela reste in fine une décision qui revient à la femme qui est affectée plus profondément et intimement par les conséquences d’un avortement ou d’une grossesse non désirée.
Si je suis tout à fait d’accord pour reconnaître donc que la banalisation de l’avortement que nous connaissons ici va de paire avec une perte du respect de la vie en général, je ne pense pas que ce soit en interdisant l’avortement que ce retrouvera ce respect.
Je trouve à la fois choquant que Correa refuse aux femmes le droit de choisir mais aussi qu’il soit prêt à renoncer aux autres aspects de sa charge pour une question pour laquelle les premières concernées n’ont pas été consultées et pour laquelle il tente d’imposer son point de vue par ce qui est bel et bien une menace, celle de démissionner à l’aube d’un mandat qui lui assurait la présidence jusqu’en 2017. Et ce pour une question de choix personnel sur un seul point. Cela aussi me semble une trahison, celle des 57 % d’électeurs qui lui ont accordé leur confiance.
Mais cela ressemble trop à un caprice pour que ne se pose pas la question de savoir si ce n’est pas là la partie émergée d’un iceberg et s’il n’y a pas d’autres enjeux en cause ?
Anne W