11 avril 2013 4 11 /04 /avril /2013 11:56

 

 

Réponse au commentaire de VIVI au sujet des précédentes parles de SDF

 

Merci Vivi, j’ai vraiment eu du mal à écrire ce texte. Finalement la fille m’a rendu un grand service. Pendant des années j’ai refusé de mettre les pieds dans ce bistrot plein d’ombre, préférant discuter avec mes amis sur les bancs même par moins dix degrés.

Ton commentaire va m’aider à rectifier le tir. Je suis une survivante, parfois je dédie quelques moments au souvenir de mes amis trop tôt disparus. Ou de ceux qui semblent vivants mais dont la conscience n’est plus présente. Et ce qui est terrible, c’est de constater que la plupart d’entre eux étaient des êtres lumineux mais affectivement très fragile. Comme l’ami dont je viens d’apprendre la grave maladie de cœur. Je l’ai vu peu à peu se faire engloutir, et lui-même le disait que cet entourage le détruisait, pendant quelques jours, quelques semaines, il parvenait à se détacher, mais le piège c’est qu’il y a quelques personnes vraiment bien dans le lot et qu’elles constituent une niche affective pur ceux qui ne trouvent plus de tendresse ailleurs.

Et c’est cela qui depuis longtemps m’interpelle, et pas que moi. J’ai fini par trouver ce qui unissait toutes ces personnes : elles étaient et sont les habitantes d’un autre monde possible, de bons convives, avec souvent du talent à revendre, mais si fragiles qu’il leur faut un milieu de douceur et de gentillesse pur s’épanouir. J’ai souvent fait le lien entre l’addiction à l’héroïne et un immense manque affectif que la substance semble combler.

Comme cette petite fille, naïve et trop jolie, arrivée de Flandre pour fuir un père gynécologue aux tendances incestueuses.  Une fois qu’elle a été accro à l’héro, elle a été « prise en main », elle s’est prostituée pour avoir sa dose, elle avait perdu ses rondeurs d’enfance et ses joues de campagnarde, méconnaissable, une junkie « comme les autres ». On l’a retrouvée dans un parc, morte d’overdose. On a pu établir qu’elle y avait été jetée vivante. Les journaux ont titré « Mort d’une junkie »…

Les êtres lumineux et fragiles sont des proies pour toutes les formes de mesquineries et de méchancetés, de harcèlement ou d’exploitation affective. Et c’est cela qui m’a mise en colère. Je n’ai pas trop l’habitude de la ramener sauf pur rigoler, mais je suis forte, résistante sauvée par ce rapport profond avecl a nature, c’est moment où je me sens pleinement partie de la montagne, la forêt, une campagne encore bucolique. Ce qui s’est passé-là ne m’atteint pas en ce que je suis sinon de voir que j’ai pu me faire des illusions sur certaines relations, mais sans plus. J’ai assez eu à me battre pour rester moi-même, je suis immunisée.

Ce que j’ai essayé de montrer c’est cet « attracteur fatal » qui produit tant de dégâts. Tu es SDF donc tu es… inculte… alcoolique… drogué… sale etc…

Un bouquin m’a apporté beaucoup « La famille, la société, la folie » de Cooper et Laing, les antipsychiatres. Ils démontrent, entre autre, comment on peut briser une personnalité fragile à force de harcèlements du style « tu n’es pas ce que tu dis être, moi, je sais mieux que toi qui tu es ». Ce livre m’a sauvée, il m’a donné les outils pour décoder certains comportements, comme la fabrication d’un bouc-émissaire au sein d’une famille. J’ai été sauvée aussi par mon besoin d’apprendre pour comprendre les situations que je dois affronter. Et cette confiance en moi, d’avoir prouvé à différents moment que j’étais la « meilleure » quand il s’agissait de mettre en équation un problème. Les études ont toujours eu cela aussi pour raison : me prouver que je ne délirais pas, que je raisonnais juste et recevable par les examinateurs du système. Une garantie de validité pour mes idiosyncrasies.

Mais cela n’empêche, jamais je ne jugerai quelqu’un parce qu’il est faible, fragile, incapable d’assumer psychologiquement les rapports de concurrence. Depuis quelques temps il m’est apparu clairement que les différents « pôles empli » ont joué le rôle d’une sorte de crible, sélectionnant ceux qui étaient susceptibles de s’intégrer sur le marché de l’emploi. Le premier critère étant la soumission au lien de subordination. (En Belgique, c’est même le premier stage du parcours formation), ensuite vient la capacité d’entrer en concurrence avec ses pairs, sans scrupules ni état d’âme, après viennent les compétences.

Tout cela accompagné d’un dénigrement constant de l’expérience de ceux qui pour diverses raisons – au sujet desquelles j’ai une vision très claire - ne sont pas intégrables. Cette opération de sélection est en voie d’achèvement. C’est pourquoi ceux qui initialement étaient des marginaux après avoir été requalifiés d’exclus (de leur délire consumériste), sont à présent qualifier de rebuts. Expression entendue pour la première fois dans la bouche d’un policier au sujet des Indignés. En cherchant plus loin, j’ai constaté que cela correspondait à cette nouvelle matrice d’opinion qui implique qu’après avoir mené à bien le processus d’exclusion, il faut détruire le rebut ou le rendre productif par le travail forcé.

Ce qui est terrible, c’est de voir que les couches les plus basses de leurs hiérarchies sociales, sont les premières à crier « Haro » contre plus miséreux. Comme cette populace qui se précipitait pur assister aux exécutions en place publique et dans ce terme de populace j’inclus tous ceux qui se sont délectés de l’assassinat de Kadhafi, harpie Clinton en tête. Ce n’est pas une question de position dans la hiérarchie, mais bien d’un état d’esprit qui prouve qu’une partie des humains n’ont pas évolué, et qu’ils constituent eux un poids de mort pour l’ensemble de l’humanité évoluée qui aspire à vivre en paix dans le respect de l’existant. De cette humanité-là, j’ai rencontré des gens et lu des auteurs venus de tous les coins de la planète, y compris parfois d’ultime petits recoins de bout du monde.

Il existe à présent un pouvoir central qui est un frein à l’évolution qu’elle pervertit en la détourant de son cours naturel et de son sens. Et plein d’imbéciles les suivent aveuglément et répondent comme des marionnettes à ceux qui tirent les fils de la haine et de l’agressivité.

Mes amis détruits faisaient partie de cette humanité plus évoluée, qui a pour      caractéristique une grande sensibilité, de la gentillesse, ce qui ne fait souvent pas le poids face à des primitifs qui se distinguent par leur capacité à fabriquer des machines de guerre particulièrement efficaces et destructrices et qui sont en soi une atteinte à la dignité de l’humain. Et les personnes qui agissent comme je l’ai vu faire mercredi contre cette invention de leur triste imaginaire qu’ils ont fait de moi mercredi, et qui aurait pu être très dur, destructrice pour des personnes plus fragiles ou qui n’aurait pas de chauffeur à attendre pour les ramener dans leur nid douillet, promesse de happy end.

Finalement cela été un bon catalyseur cette colère pour me jeter à l’eau et dire des choses que j’avais sur le cœur avec toute la force de l’expérience éprouvée. Je l’avais souvent observé, à présent je l’ai vécu. Et comme j’ai les moyens de faire la différence entre ma réalité, mon vécu, mon expérience et le personnage projeté, sans que la confusion soit possible, cela me permet d’illustrer plus clairement cette notion « d’attracteur fatal » comme étiquette qui gomme les différences et efface les histoires, niant la réalité de la personne. Tu n’es plus Anne, Pierre, Momo, Marianne… tu es un ou une SDF… tous les mêmes. La Strada, une organisation qui prétend « venir en aide » aux SDF, prétendait même que pour pouvoir « les » aider, il convenait d’abord d’établir une fiche type du SDF…

Cela aurait déjà été absurde au temps de la pauvreté résiduelle, mais alors que la pauvreté structurelle atteint des couches toujours plus variées de la population, c’est non seulement ridicule, c’est scandaleux.

Seulement voilà, au cours de la décennie de 1995 à 2005, l’état belge a fait établir à grands frais des « Rapport sur l’état de la pauvreté en Belgique »… et devinez quoi ?... et bien les auteurs de ces rapports - qui ont couté beaucoup de temps et d’argent, mobilisé beaucoup d’énergie et que très certainement très peu de gens en dehors de moi ont lu en entier – posent d’emblée qu’ils se sont intéressé exclusivement à ceux qui sont pauvres de générations en générations, soit une approche de la pauvreté résiduelle à un moment où la pauvreté structurelle ne cessait de gagner du terrain. Pour le fun, je signale qu’une des conclusions de ces dix ans de rapport, les auteurs n’avait finalement pas d’indicateurs fiables et que pour comprendre les pauvres, il s’agirait d’abord de les ficher… ben tiens !

Pendant quelques années où’ j’ai été impliquée dans ces processus de lutte contre la misère, je me suis heurtée aux associations et institutions de lutte contre la pauvreté, un objectif que je ne partage pas, puisque je défends des principes de simplicité et de pauvreté matérielle qualitativement riche et heureuse, épanouie. Active et conviviale, comprenne qui peut mais quand je regarde autour de moi dans ma petite caravane, quel luxe, quelle abondance, mais ma tente à l’orée du bois dans un lieu sans route me manque et quelques bons voisins avec qui entretenir des bonnes relations de convivialité créatrice.

Et donc il y a des rapports qui n’ont rien avoir avec la réalité et qui servent de justificatif à des matrices d’opinions qui déforment la réalité en stigmatisant hors de propos. L’assistanat n’a jamais été mon truc, je préfère de loin les relations équilibrées de solidarité réciproque, les mises en œuvre de complémentarité. En 2007, je croyais encore, après avoir lu de nombreux autres rapports et recommandations aux politiques, que je pourrais rencontrer de l’aide pour monter mon projet d’habitat groupé. Après avoir mesuré le hiatus entre le discours et les actes, j’ai espéré au moins une neutralité, je sais à présent que ce genre de projet doit se monter soit en toute discrétion ou contre la vlonté systémique qui a d’autres objectifs pour les « pauvres » devenus rebus que de leur permettre d’être dignes, heureux et productifs à leur manière.

Margaret est morte, mais TINA court toujours.

TINA = il n‘y aura plus d’alternative parce que nous les auront toutes détruites ainsi que le nécessite notre volonté de « domination du spectre total » (voir J.V 2020, le programme de mise sous contrôle militaire de l’ensemble de la planète d’ici à 2020, un texte rédigé par les têtes du Pentagone qui ne laisse aucun doute quant aux objectifs de la globalisation homogénéisation du monde).

Et ces pauvres crétins qui n’y survivront pas croit malin de se valoriser en jetant hors de leur bistrot pourri une pauvre SDF qui vient de se faire jeter de son précaire logement et de l’insulter par-dessus le marché, parce que vu de leur point de vue, c’est cela le scénario ! Et ces pauvres crétins sont seulement exemplatifs de centaines de milliers, de millions d’autres, qui lèchent la main du maître qui les bat mais mettent à mort les plus faibles de la meute.

Je me suis laissé aller là… réponse qui va se transformer en billet, il est temps que les SDF s’expriment un peu quant à leur réalité….

Tout de bon à toi VIVI

 

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Gilles Deleuze, février 1977.

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