2 septembre 2011 5 02 /09 /septembre /2011 10:05

 

Un texte provocateur qui pose quelques questions intéressantes et oubliées de cette histoire. Anne

Cet après-midi s’annonçait difficile. En effet, je commençais à ressentir des effets de manque dus à un déficit d’indignation. En effet, je suis indignophile (ne cherchez pas, même Word 2010 ne connaît pas ce terme sorti tout droit de ma bravitude de cerveau), c’est-à-dire que je cherche partout des motifs de m’indigner pour un oui ou pour un non. Après des recherches vaines sur googlenews en tapant Le Pen, droite populaire, UMP, scandale, mamie zinzin etc… j’ai fini par flairer ou plutôt snifer ma dose d’indignation du jour.

Un article de Metro (on ne l’invente pas) disait que la RATP refusait d’assumer le convoi de Roms en tramway. Le titre montrait tout de suite qu’on avait là du potentiel : Roms, convoi, RATP, tramway. Pas besoin de me replonger dans mon « Histoire de France pour les nuls » pour comprendre ce qui allait se passer. D’ailleurs juste en dessous de cet article l’Huma y allait plus franchement avec un « Quand la RATP collabore avec la police pour évacuer des Roms ». Vous n’y êtes toujours pas ? Bon allez je vous aide avec l’article du Figaro titré « Un tramway de la RATP affrété pour évacuer des roms » où la journaliste commence l’article avec le désormais classique : « L'affaire rappelle certaines heures sombres de la Seconde Guerre mondiale ». Le tramway de la RATP n’a décidément rien à envier à la Dolorean de Doc et Marty en matière de voyage dans le temps et tout cela de façon beaucoup plus écologique.

J’ai alors décidé d’en savoir plus sur les faits afin de m’indigner comme il fallait. Malheureusement, c’était le cafouillage total, impossible de savoir si la RATP avait affrété un tramway (TF1, Figaro, La Croix…) ou l’avait prêté (l’Express, France Soir..) à la police. Je n’ai pas, non plus, véritablement compris si la RATP avait « collaboré » ou avait été « complice » de la police. Tous ces termes se mélangeaient au gré des articles. J’ai tout de même fini par comprendre que sur une décision de justice, la police a décidé de procéder à l’évacuation d’un camp de Roms et de de bulgares. Devant les difficultés posées par l’évacuation de toutes ces personnes munies de bagages à l’heure de pointe, la RATP a alors dépêché sur place un tram spécial pour les acheminer vers le RER de Noisy-le-Sec. C’est donc sur la base de ces faits qui démontrent d’ailleurs une certaine capacité d’organisation que mon indignation devait trouver sa source.

Comme vous pouvez le deviner, mon indignomètre est resté désespérément bas. Par contre en prenant connaissance des réactions d’hommes politiques ou de responsables syndicaux « indignés », je n’ai pas pu m’empêcher de voir rouge. Bien entendu, chacun y est allé de son couplet sur les heures les plus sombres, certains ont même fait preuve d’une certaine culture cinématographique pour exprimer leur désaccord. JP Huchon a demandé à ce que la lumière soit faite sur cette histoire et que les responsables soient sanctionnés. Je pense que le juge qui a pris la décision d’évacuation doit se sentir très mal de même que tous les responsables politiques et responsables administratifs qui ont laissé se créer et se développer ce camp insalubre où vivaient ces gens dans des conditions indignes.

Non ? Ah bon ? On ne parle pas de ça ? Le problème ce n’est pas que des hommes, des femmes et des enfants vivent dans des conditions innommables aux portes de Paris ? Le problème ce n’est pas de les expédier on ne sait où pour ne plus les voir ? Le problème c’est juste qu’ils soient évacués dans les trams derniers cris qui font la fierté de la RATP ?

Vous ne le croyez pas ? Eh bien si, c’est ça le problème. D’autant plus que, sur ce coup là, la RATP « collabore » avec la police (rappelez-vous, les heures les plus sombres etc…). La RATP devrait se battre la coulpe en place publique car elle a aidé la police à exécuter une décision de justice que personne ne conteste. Peut-être que les choses se seraient mieux passées si la police avait fait appel à une société de location de voitures avec chauffeurs. C’est trop ? Dans ce cas peut être que les cars de policiers auraient pu faire l’affaire. Non ? Parce que ça nous renvoie aux « heures les plus… ». Que faire alors de ces Roms à évacuer ? Qui parmi les gens qui s’indignent aujourd’hui s’est mis une minute à la place du cadre de la RATP qui a pris cette décision ? Qu’auraient fait ces « indignés » à sa place ?

Moi ce qui m’indigne c’est ce concours de beauté de la plus belle indignation. Cette capacité à se jeter sur tout évènement pour y chercher un responsable à fouetter en place publique. Ce qui me hérisse les poils c’est cette comparaison entre les wagons à bestiaux qui traversaient l’Europe vers les camps de la mort et un trajet de quelques minutes dans un tram ultra confortable de dernière génération. Quelle commune mesure entre ces deux évènements ? Ce qui m’énerve c’est que l’on ballote ces gens d’un camp à l’autre pourvu qu’ils disparaissent du champ de vision le temps d’une élection.

Déjà l’année dernière, à propos de la polémique estivale sur les Roms, j’évoquais ce que j’appelais alors « le complexe du résistant ». Cette faculté à se prendre pour Jean Moulin et à convoquer à tout propos la Seconde guerre mondiale pour évoquer nos problèmes contemporains. Pendant ce temps-là, on lutte pour la liberté au Moyen Orient, les banquiers continuent à s’en mettre plein les poches, le web devient un vrai dépotoir de haine anti-musulmans et anti-immigrés, nos prisons gagnent chaque année la palme de l’indignité, notre société est gangrénée par la violence et pour finir, on meurt de faim dans la corne de l’Afrique.

Il y a vraiment de quoi s’indigner dans cette histoire, mais pas forcément pour les raisons qui ont été avancées jusqu’ici.

 

Source : Le Dossier Alpha

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