10 décembre 2013 2 10 /12 /décembre /2013 10:59

 

 

Comme beaucoup, j’attendais le résultat des élections communales au Venezuela. Avec confiance. Deux grandes victoires en quelques semaines, voilà de quoi remettre en place ceux qui espéraient voir un « chavisme » moribond à la disparition de Chavez. La première victoire est celle de la « Loi habilitante », obtenue avec plus des 3/5 des votes à l’Assemblée Nationale et qui permet à Nicolas Maduro de légiférer par décret en matière d’économie pendant un an.

Mais la défaite de l’opposition se traduit aussi par ce qui ne s’est pas produit. Après les élections présidentielle, la droite dure de Capriles n’a pas réussi à mettre le feu aux poudres, et après les quelques étincelles, (11 morts chavistes tout de même), le feu s’est éteint. Or le plan était clair, après les élections d’avril, le pays était censé sombrer dans le chaos au point de nécessiter une intervention extérieure « humanitaire » pour rétablir l’ordre. Un feu de paille, vite éteint et ce fut la déroute et la perte sèche pour les sponsors qui depuis des années à coup de millions de dollars subventionnent la subversion et forment la jeunesse dorée aux « coups d’états doux » à la mode OPTOR, ou comme vient encore de le faire le leader d’extrême-droite Leopoldo Lopez, qui dans la grande tradition que ne renieraient pas tous les terroristes cubains, formés à cette école, subventionne pour la jeunesse des stages d’entraînement paramilitaire à Miami. Perte sèche sur investissements.

La mort de Chavez était censée mettre fin à la révolution faute de successeur à la hauteur. Et là, l’oligarchie commet une énorme erreur par incapacité de projeter sa pensée dans d’autres systèmes de valeurs que la sienne. Elle n’a pas mesuré à quel point la révolution bolivarienne prenait sa source dans le cœur du peuple, elle n’a pas compris que « Chavez était le peuple et le peuple est Chavez », n’était pas un culte de la personnalité artificiellement entretenu mais bien une symbiose, que Chavez et le peuple ont grandit ensemble. La base de la révolution bolivarienne est ce petit peuple coloré qui humilié, discriminé, abandonné à la misère et à l’ignorance pas l’oligarchie, rencontrant des conditions de dignité de vie, à découvert sa propre intelligence politique, est devenu trop grand pour se laisser à nouveau réduire au néant de la misère et entend bien plutôt que d’y renoncer augmenter sa participation à la prise des décisions qui le concerne. Au-delà d’une mise en scène propagandiste parfois grandiloquente de la révolution bolivarienne, qui donne une image ponctuelle, emphatique à laquelle manque l’humour de Chavez pour rire du spectacle, il y a la basse solide de tous ceux, de toutes celles pour qui la révolution bolivarienne a permis d’accéder à la dignité d’humain à part entière. Une large base populaire qui n’est pas remise en question par la disparition de Chavez, parce que la condition de sa dignité est de poursuivre l’œuvre y compris par une critique parfois très aiguë du gouvernement actuel non pas anti-chaviste, au contraire, une critique constructive qui incite le gouvernement à aller de l’avant dans la révolution et donc vers l’état communal gouvernement par et pour le peuple. Je lis souvent des critiques faites aux institutions, dénonçant les abus de tel maire du PSUV ou des polices locales, de mafias de profiteurs à l’intérieur du PSUV, ce ne sont pas des critiques qui se plaignent du chavisme, mais au contraire elles montrent où et comment certains trahissent l’héritage ou n’en porte pas assez haut le flambeau.  

Le ballottage se produit dans la classe moyenne, dont une partie a accédé récemment – grâce à la redistribution bolivarienne des richesses - à ce statut et dont une grande partie aspire à ce que la révolution bolivarienne devienne une espèce de capitalisme amélioré sur le mode de l’état providence qui lui permettrait d’adopter un mode de vie comparable à celui du mythe occidental, véhiculé notamment par les séries télé (amplement diffusées) ou autres fictions produites à cet effet, celui de brosser un tableau idéalisé d’un Occident qui n’existe que dans les studio d’Hollywood. Les plus vulnérables sont les jeunes qui sont d’ailleurs la cible principale de la propagande de l’opposition, ils n’ont pas connu l’avant Chavez, et ne sont pas sensibles au miracle d’un pays qui va à contre-courant de la globalisation, redistribuant le pouvoir politique, les richesses, investissant dans l’éducation, le logement social, la santé… bref tous les aspects de démocratie, bien commun et services publics qui en Occident (comme ailleurs) font l’objet d’une attaque sans pitié des Corporations qui jettent à bas les acquis de siècles de lutte populaire pour conquérir des droits de dignité et de bien-être. Ainsi le commentaire d’une jeune fille après les élections d’avril. Elle appelait Obama à intervenir, elle préférait mourir sous les bombes occidentales en écoutant lady Gaga, que vivre sous le « régime » chaviste. De tous les commentaires que j’ai lu, c’était le plus pathétique, mais quasiment tous allaient dans ce sens, l’aspiration à un mythe Hollywoodien de richesse et de la liberté qu’elle confère.

Une grande partie de la critique interne va donc en ce sens : le gouvernement en fait trop pour satisfaire et conquérir cette classe moyenne et une partie des capitalistes nationaux en adoptant un modèle plus proche du capitalisme d’état que d’un état communal, et favorisant des aspirations à un mode de vie en contradiction avec la nécessité de changer nos manières d’habiter la planète si nous voulons que l’humanité puisse vivre en paix, dans la dignité et le bien-être ou tout simplement survivre.

Et donc, lorsqu’après les élections d’avril Capriles a lancé son appel « à fiche le bordel dans le pays » et à mettre le feu aux poudres, lançant en avant-garde des militants de choc entraîné à cet effet, il s’est très vite heurté à la détermination tranquille d’un peuple veillant sur ses acquis, une fois  l’effet de surprise passé, les gens se sont mobilisé pour défendre pacifiquement leur centres de santés, medias populaires et autres cibles des attaques, établissant des tours de garde en ayant la maturité de ne pas répondre à la violence par la violence mais bien d’éteindre le début d’incendie avec calme et détermination.

Pour ceux qui espéraient faire du Venezuela une autre Syrie, une autre Lybie, un autre Honduras, ce fut une grande déconvenue. Et pour l’équipe au gouvernement, une première victoire, fragile certes, mais trouvez moi un gouvernement d’Occident, un seul parti qui après 14 ans et la disparition de sa figure de proue, gagne, même de peu, les élections (8O% de participation)  grâce à sa large base populaire satisfaite de l’évolution du pays. D’autant plus, il faut le dire, que la campagne électorale de Maduro était absolument désastreuse. Mais Maduro, c’est maintenant qu’il va commencer à donner sa pleine mesure. En avril, Maduro, encore sous le choc et dans la douleur, chausse les bottes encore chaudes de Chavez et elles sont trop grandes pour lui. Il n’est pas encore élu à part entière et sa très faible majorité électorale lui lie les mains alors que la déstabilisation bat son plein et qu’il est censé satisfaire tout autant ceux qui ont voté pour lui, que ceux qui ont voté contre. La révolution bolivarienne va batte les ailles pendant quelques mois, sans pouvoir décoller, entravée par la nécessité de parer au plus pressé, les pénuries sciemment organisées, les sabotages électriques, la spéculation, tout cela dans un climat de déstabilisation psychologique, savamment orchestrée, alors que l’opposition envoie par exemple ses sbires faire du ramdam dans les files d’attente en dénonçant les incuries du gouvernement. Exemple de critique de la base : organisons-nous qu’ils trouvent à qui parler et que le débat populaire se retrouve sur le terrain, allons-nous aussi dans les files mener le débat.

Et donc malgré la lutte contre les pénuries organisées qui permet de mettre au jour des dizaines d’entrepôts où l’opposition retient en otage les produits de première nécessité, malgré les mesures prises pour empêcher les transferts de ces produits vers la Colombie, à force de demi-mesures et de compromissions avec l’opposition et ses capitaliste, entre deux eaux, le gouvernement se retrouve affaiblit, on redoute la chute libre que l’opposition souhaite.

Il faut avoir le programme de Capriles et ses potes de Washington et Miami en tête pour comprendre l’immense victoire qui vient de se produire pour la révolution bolivarienne du Venezuela, un pays ou rappelons-le, 80% de la population à confiance en la démocratie. Combien en Belgique ? En France ? En Espagne ? En Grèce ?

Après le demi-flop d’Avril, la prochaine échéance, était les élections communales du 8 décembre.  Le gouvernement affaiblit était censé s’écrouler de lui-même et le bide des élections communales devait être la justification de son renversement. Seulement voilà, quelques semaines avant les élections coup fourré… point d’inflexion, la Loi Habilitante, et c’est là que tout se joue. Maduro a pris un grand risque, une loi habilitante doit être acceptée par les 3/5 de l’Assemblée Nationale. Mais si Maduro est la figure de proue, d’autres figure se détache en avant plan comme celle de Diosdado Cabello, président de l’Assemblée qui à la carrure pour éviter que cette Assemblée ne sombre dans le Chaos malgré toute les tentatives parfois grotesques, parfois violentes de l’opposition de rendre tout débat impossible. Il développe un certain art de se mettre à leur niveau et de répondre en adulte ferme et apitoyé au comportement de cour de récréation des députés de l’opposition. Il a aussi l’autorité nécessaire pour mettre un terme à leur violence quand elle menace de se déchaîner. Si Maduro, pendant les années où il fut ministre des Affaires Etrangères a prouvé son talent pour la diplomatie – plus diplomate que Chavez, à coup sûr - et s’est gagné le respect des mandataires régionaux, Cabello, c’est une autre paire de manche. Formé à l’école militaire, il a la poigne et l’intelligence nécessaires, et le zeste d’humour qui était indispensable pour que le pouvoir législatif puisse continuer à faire son boulot malgré les obstacles dressés par l’opposition et il faut lui rendre hommage, c’est un beau tour de force. Maduro et Cabello sont chacun à leur juste place, et d’autres aussi et on découvre donc que la succession de Chavez était assurée, non pas par une seule personne qui serait devenue Chavez à la place Chavez, ce qui est impossible, mais par une redistribution de pouvoir qui comporte dans son programme la mise en place de l’état communal et donc l’ouverture pour un pouvoir accru d’une large base populaire à la décision politique, c’était le programme sur lequel avait été Chavez, et c’est plus que jamais de programme qui sert de guide au peuple pour rappeler à l’ordre le gouvernement quand il semble s’en écarter. La notion de mandataire prime ici sur celle de dirigeant. Le gouvernement est formé de mandataires, élu sur base d’un programme très clair et précis, s’il outrepasse son mandat, il se fait rappeler à l’ordre, et cela donne 80% de confiance en la démocratie…Demander une « Loi habilitante » était un pari, un défi, un quitte ou double… et ce fut double.

Avant sa mort Chavez disait à Maduro en guise d’ultime conseil : « Sois toi-même Nicolas », et jusque-là Maduro ne suivait pas ce conseil, il nageait dans les bottes trop grande de Chavez, au risque de se noyer. Il savait bien que son élection comme président était plus un respect populaire de la volonté de Chavez et de son choix qu’un plébiscite spontané. Quand après plus d’une demi-année de gouvernement l‘Assemblée Nationale a voté pour la loi habilitante demandée, ce fut la première élection, par les élus, de Maduro en tant que tel après des mois d’épreuve du feu. A ce moment, Maduro dont les mains sont déliées commence à prendre d’énergiques mesures contre toutes les formes de spéculations, d’accaparement, et redresse la barre de la déliquescence économique, un début, prometteur, même si restent très critiques tous ceux pour qui il faut surtout et avant tout en finir avec le capitalisme. Si Maduro selon beaucoup ne va pas assez loin, pas assez vite, pas assez profond, et pas toujours dans la bonne direction, la révolution  bolivarienne continue et permet  au mouvement communal et autres mouvements de bases de continuer à s’organiser, se structurer, il lui permet de développer et faire valoir son point de vue, un travail de longue haleine, la révolution bolivarienne a commencé bien avant que Chavez se présente aux présidentielles. Les cibles des partisans de Capriles, en Avril, ont très clairement montré que s’il était élu, il n’aurait rien de plus pressé que de jeter à bas tous les acquis de cette révolution et de rétablir les anciens privilèges de l’oligarchie.

Maduro a donc obtenu une première victoire, strictement personnelle, en obtenant la Loi Habilitante ; une confiance accordée par d’autres mandataires.  Les élections communales sont la ratification par le peuple de Maduro président de la République, le signe très clair que la révolution bolivarienne, après plus de 14 ans de pouvoir politique, se porte bien, qu’elle a une large base populaire et que le désir de poursuite de la révolution l’emporte de loin sur le désir de changement. Elu en Avril par la volonté de Chavez, Maduro près de 8 mois après les élections d’avril est confirmé dans sa fonction de président par la volonté du peuple.

L’opposition va devoir modifier son planning et ses méthodes, et nous l’espérons apprendre à ces dépends que quel que soit sont degré de malfaisance, le Venezuela est plein de petits Chavez, va-nu-pieds, comme il le fut dans son enfance, qui se préparent à prendre la rélève, les héritiers de la dignité acquise d’un peuple que cette opposition raciste et élitiste méprise, mais bien moins que le mépris que leur rend ce peuple fort de son humanité, et qui sait que celui qui exploite, discrimine, maintient dans la misère le peuple, en se vautrant dans la richesse des plages de Miami, en se fichant éperdument du bien-être de la majorité ne mérite pas, eux, pleinement le beau nom d’humain.

Un peuple qui clame haut et fort, à qui veut l'entendre :


CHAVEZ VIVE, LA LUCHA SIGUE !

Anne Wolff

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