18 juin 2009 4 18 /06 /juin /2009 08:25

Annexe

Lafarge Inde
Projet employabilité

[Actuellement dirigée par le PDG des ciments Lafarge, l’ONG patronale intitulée Conseil mondial des affaires pour un développement durable (WBCSD) met régulièrement en ligne sur son site des études de cas de « partenariats pour le développement durable », parmi lesquelles celle-ci, impliquant directement le groupe Lafarge. L’action, de dimension purement symbolique (la formation au final de 28 jeunes maçons) vise à la fois à assurer une certaine paix sociale autour des usines, à promouvoir le ciment dans les campagnes, à améliorer l’image de l’entreprise et à motiver les cadres ; elle est pourtant présentée comme un projet de développement…]
Lafarge Inde dépend du Groupe Lafarge, le plus grand producteur mondial de ciment. […] Lafarge emploie 85 000 personnes dans 75 pays avec un chiffre d’affaires de 13,6 milliards d’euros.
Lafarge est implanté en Inde depuis 1999… Lafarge Inde emploie 1 500 personnes sur trois sites de production en Inde.

 


Situation

Le problème clé pour Lafarge en Inde est le taux de chômage élevé dans les régions rurales et le manque de maçons expérimentés et qualifiés sur le marché de la construction […]. Les interlocuteurs de la société sont :
— les jeunes résidant à proximité de nos usines ;
— les clients qui utilisent les ciments Lafarge ;
— ‑le gouvernement qui cherche à ce que l’industrie contribue à réduire le chômage ;
— ‑les ONG présentes dans les zones rurales sous-développées et cherchant des méthodes efficaces de développement rural ; 
— ‑les actionnaires, les médias et les futurs employés qui préféreraient investir et travailler dans une société citoyenne ;
— ‑les employés possédant les compétences et les talents qui contribuent au succès de la firme et ont la générosité de les mettre au service de la société.

Les habitants

Les usines Lafarge sont situées dans des régions reculées à l’est de l’Inde. Une partie des habitants y appartiennent à des classes défavorisées souffrant de difficultés socio-économiques. […] Un grand pourcentage de la population est sous-employée avec des salaires journaliers de moins d’un dollar. Les moins de trente ans sont majoritaires. La plupart de l’habitat est constitué de vieilles huttes à peu près inhabitables. […] Il n’y a pas d’eau potable et l’irrigation est très dépendante de la mousson. À cela s’ajoute moins de routes que dans les zones urbanisées, des écoles de faible niveau et des systèmes de santé et d’hygiène sous-développés.


Lafarge dispose des ressources et des talents pour régler un certain nombre de ces problèmes, par exemple transformer les jeunes pour les rendre employables. Lafarge a la capacité de les aider à obtenir des compétences et des savoirs qui augmenteront leurs revenus. La réduction du chômage aura en retour l’effet de limiter la conflictualité et de créer une relation saine et bénéfique à long terme entre les populations et la firme. Lafarge peut créer des opportunités d’emploi à travers ses contacts dans le secteur de la construction qui emploie beaucoup de maçons, dans la mesure où nombreux sont ceux qui achètent ses ciments.


De plus, instaurer une situation où les conflits sociaux sont réduits facilitera considérablement l’activité de Lafarge. […] L’absence de revenus assurés combiné avec une faible éducation et d’autres plaies sociales ont créé chez ces habitants l’attente d’un emploi chez Lafarge. S’il n’y a pas d’embauche, cela crée des conflits et nuit à long terme à l’activité de la firme. Lafarge est donc persuadé qu’il a un rôle crucial à jouer tant en s’impliquant directement dans des projets de développement que comme catalyseur pour apporter la prospérité aux populations […] particulièrement à proximité de ses usines.

 


Les marchés

[…] Alors que la construction de maisons privées consomme 80 % de la production indienne de ciment, une grande part de la population rurale vit dans des maisons construites sans ciment, ce qui a tendance à être dangereux et inconfortable. L’une des raisons premières est l’absence de main-d’œuvre qualifiée et une faible conscience des avantages des maisons en ciment. Si Lafarge parvient à atteindre le marché de l’habitat rural et de fournir de la main-d’œuvre qualifiée, le marché du ciment va prendre de l’expansion, ce qui est important pour la firme.


Les objectifs de Lafarge sur ce marché sont notamment :
— ‑fournir à ses clients des maçons plus qualifiés et expérimentés pour augmenter leur niveau de satisfaction et améliorer les pratiques de construction ;
— ‑créer des ambassadeurs à long terme de la marque en exposant les clients à la qualité des produits et des procédés Lafarge qui sont basés sur des normes internationales ;
— ‑créer une force de travail important de maçons qualifiés et expérimentés dans les régions rurales pour répandre les maisons à base de ciment, stimulant ainsi la demande ;
— ‑consolider l’image de la firme comme respectueuse de ses clients, répondant à leurs besoins et leurs attentes.

 


Personnel

Lafarge aime se singulariser par la création d’équipes de volontaires d’entreprise qui mènent des projets de développement pour le compte de Lafarge et mettent leur expertise au service de la société. Un autre effet est d’augmenter la motivation du personnel et, par le bouche à oreille, influencer les jeunes pour qui Lafarge sera l’entreprise par laquelle ils préféreraient être recrutés.

 


Activités

La première session a été lancée le 19 mai 2004 à Khakripara, un village situé auprès de l’usine de Jamshedpur au Jharkhand. 56 jeunes ruraux ont été sélectionnés. […] La préférence a été donnée à ceux qui avaient le plus maigre bagage en arithmétique et la volonté farouche de devenir membre d’une main-d’œuvre qualifiée.

 


Problèmes et difficultés

Lafarge a rencontré beaucoup de problèmes et de difficultés au cours de ce programme :
— ‑beaucoup de candidats venant de familles très pauvres ne pouvait pas sacrifier même un jour de salaire. Pour cette raison alors que 56 candidats ont participé à la session, seulement 40 ont pu le faire à plein temps. Pour résoudre ce problème, Lafarge a fourni un repas sain par jour et promis des récompenses en espèces ou en nature pour les candidats qui réussiraient ;
— ‑Lafarge a aussi dû gérer certaines attentes car quelques candidats s’attendaient à ce que la firme leur fournisse directement un emploi. Cela fut fait grâce à plusieurs mises au point tant collectives qu’individuelles. Le fait de présenter les candidats à des employeurs potentiels a aussi […]

 


Résultats

À ce jour les résultats du programme sont excellents :
— ‑les 28 candidats qui ont passé l’examen ont trouvé un emploi chez des clients de Lafarge ;
— ‑une large couverture du programme par les médias locaux a donné à Lafarge une bonne image d’entreprise ;
— ‑les clients de Lafarge ont apprécié cette première étape et estimé qu’il fallait continuer.
Pour plus d’information visitez http://www.lafarge.fr/wps/portal/ ou contactez Neeraj Akhoury, General Manager (Corporate Affairs), Lafarge India : neeraj.akhoury@in.lafarge.com

 


Notes

1  En anglais « sustainable développement », également traduit par « développement soutenable ». Les hésitations sur la traduction d’une expression apparue dans les documents de l’ONU, organisation qui a le français comme langue officielle, constituent déjà un fort indice de l’ambiguïté d’un terme, dont le sens dépend des rapports de force.UICN/PNUE/WWF, Stratégie mondiale de la conservation : la conservation des ressources vivantes au service du développement durable, Union internationale pour la conservation de la nature et de ses ressources, Programme des Nations unies pour l’environnement et Fonds mondial pour la nature, Gland, Suisse, 1980.

 


2  « Développement durable en Europe pour un monde meilleur : stratégie de l’Union européenne en faveur du développement durable », communication de la Commission, COM(2001) 264.

3  De fait, le « progrès social » est lui-même un effet mécanique de la croissance qui doit donc être favorisée par la déréglementation des politiques sociales, ce qui produira plus de croissance donc plus de richesse donc plus de social selon la « stratégie de Lisbonne ».

4  Un programme très exactement déclaré dans le projet de traité constitutionnel européen (rejeté notamment par les électeurs français le 29 mai 2005), qui inscrit au sommet de la hiérarchie des normes la « compétitivité des entreprises ».

5  Commission européenne, « Relever le défi. La stratégie de Lisbonne pour la croissance et l’emploi », Office des publications officielles des Communautés européennes, Luxembourg, 2004.

6  Sur le WBCSD, lire Observatoire de l’Europe industrielle, Europe Inc. Comment les multinationales construisent l’Europe et l’économie mondiale, Agone, 2005, p. 303-317.

 


7  WBCSD, « Mobility 2030 : meeting the challenges of sustainability. The sustainable mobility project, full report », 2004

8  « La publication de bilans sociaux et environnementaux est devenue du dernier chic dans le domaine de la CSR (responsabilité sociale des entreprises). Véritables gourous du verdissement, Shell et BP ont utilisé, avec beaucoup de succès, cette méthode comme partie intégrante de leurs stratégies sophistiquées de relations publiques pour restaurer leur image écornée. Le rapport « pionnier » de Shell, People, planet and profits, reste perçu comme à l’origine d’une véritable révolution dans les milieux de la CSR. La position rusée adoptée par exemple par Shell sur la question du changement climatique l’a mis bien en cour, sur la foi de sa seule rhétorique, auprès de groupements tels que Familles contre Bush. Le succès de l’opération cosmétique de Shell a fait des envieux et de plus en plus d’entreprises tentent de le reproduire » (lire Europe Inc…, op. cit., p. 316-317).


9  Sur le populisme de marché, lire Thomas Franck, Le Marché de droit divin. Capitalisme sauvage et populisme de marché, Agone, 2003.

10  Lire John Stauber & Sheldon Rampton, L’Industrie du mensonge. Lobbying, communication, publicité & médias, Agone, 2004, chapitre IX.

11  Lire Europe Inc…, op. cit., p. 398-399.

12  En 2005, 60 % des entreprises participantes n’avaient pas fourni de rapport de suivi à l’ONU (lire Greenbiz, « UN global compact participants report progress so far », 19 juillet 2005,http://www.globalpolicy.org/reform/business/2005/0719gcreport.htm.

 


13  Ibid.

14  Lire par exemple « L’entreprise se ressource dans l’humanisme », TGV magazine, mars 2005.

15  Communiqué de presse des Amis de la Terre, 25 novembre 2003.

16  Source http://www.msc.org/.

17  La « deep ecology » est une étiquette stigmatisante née aux États-Unis et importée en France par le « philosophe » et ancien ministre de l’Éducation Luc Ferry. Elle vise à délégitimer, souvent avec le renfort de militants historiques « retournés », les mouvements écologistes qui restent fidèles au vrai sens des mots et des combats à mener pour la défense de l’environnement.

 


18  Forest and Bird Protection Society, « MSC Hoki Appeal Shows Fishery Should Never Have Been Certified », 16 décembre 2002.

19  Greenpeace, « The Marine Stewardship Council. Principles and criteria »,http://www.rcep.org.uk/fisheries/p2evid/p2-Greenpeacecritique-MSCprinciples.pdf.

20  « Special joint session of the stakeholder council and technical advisory board. The MSC claim of sustainability », Rome, 27 mai 2004.

21  Par exemple, en bout de chaine, la présentation du « saumon MSC » par la chaine de supermarchés Delhaize,http://www.delhaize.be/food/thetaste/fish_goodforyou/_fr/fish_goodforyou.asp.

 


22  « L’industrie est la solution » : slogan du Conseil mondial des affaires pour un développement durable.

23  « Marine Stewardship Council Under Fire. Old men of the sea have all but gone », New Scientist, vol. 178, n° 2395, 17 mai 2003, p. 4.

24  Cette conclusion est déjà parue dans les parties additives du chapitre IX de John Stauber & Sheldon Rampton, L’Industrie du mensongeop. cit.

25  Dépêche AFP du 9 juillet 2004.

 


26  Nicolas Hulot, http://www.fondation-nicolas-hulot.org/partenariat/fondateurs.php.

27  Lire Christian Jacquau, « Producteurs étranglés, consommateurs abusés. Racket dans la grande distribution à la française », Le Monde diplomatique, décembre 2002.

28  Cité in http://www.novethic.fr/novethic/v3/home.jsp, 29 août 2004.

29  WWF, actes de la table ronde « Comment passer du jetable au durable », janvier 2004, p. 8-11

 


Pour citer cet article

Référence électronique

Benoît Eugène, « Le « développement durable » », revue Agone, 34 | 2005, [En ligne], mis en ligne le 23 octobre 2008. URL : http://revueagone.revues.org/index112.html. Consulté le 17 juin 2009.

 

 



 

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commentaires

S
<br /> <br /> et comment il faisait avant les indiens pour construire des maisons. Le pisé, les voutes nubiennes, La pierre ne sont ils pas des matériaux véritablement durable comparé au ciment qui nécéssite<br /> énorméement d'énergie et trés probablement énormément d'eau.<br /> <br /> <br /> L'industrie ne résout rien , Seul l'initiative du peuple peut faire quelques chose de durable.<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
A
<br /> <br /> Puisse le peuple entendre le message, se lever et bâtir un monde à sa mesure<br /> <br /> <br /> <br />

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