Chavez , incontournable, au Panthéon du Carnaval au Brésil
Comme j’en ai pris l’habitude, un petit bilan des échos du Venezuela, dans une situation d’une extrême-complexité.
Les décideurs de Washington gardent la main, mais ils ont joué quelques unes de leur meilleures cartes, alors que le gouvernement du Venezuela, sans pêcher d’atouts majeurs à réussi à se maintenir comme interlocuteur valable dans un pays où le carnaval s’est déroulé sans incidents majeurs, ce qui dans le contexte actuel est un pied de nez politique à tous ceux qui voudraient voir le Venezuela sombrer dans une phase de chaos pour en ramasser les morceaux, autrement dit l’alliance des forces de droite, dont la tête est à Washington, et les bases sont à Miami, en Colombie et dans les quelques états et municipalités qu’elles « tiennent » pas toujours sans mal.
Pour tous ceux qui ont perçu la volonté de faire imploser le pays à partir des rébellions d’« étudiants », secondées par un véritable état major et des troupes para militarisées, ainsi que des délinquants payés pour se défouler, un grand Ouf ! Soulagement, le pire a été évité, … pour cette fois.
Trois questions se posent dès lors : pour combien de temps et à quel prix ? Et la réponse à ces questions se trouve en grande partie déterminée par la réponse à une troisième… Jusqu’où les décideurs de Washington sont-ils prêts à aller pour déstabiliser le pays ?Ce qui a pour corrolaire, la capacité de résistance de la révolution, et son aptitude à renverser le rapport de force.
L’objectif de départ de l'opposition oligarchique a été clairement énoncé : faire tomber le gouvernement de Maduro et le remplacer par leurs membres et créatures, à fin d’une part d’avoir la gestion des ressources du pays, mais aussi et cela beaucoup ont tendance à l’oublier, l'épine dans le talon de Washington, pour mettre un terme à cette insolente révolution qui est le domino majeur de toutes les luttes qui à travers le continent font opposition à leur mainmise sur les ressources naturelles de toute la région.
Ajoutons à la dimension économique une dimension plus psychologique, viscérale mais qui participe du jeu : le caractère insupportable pour ces élites auto-proclamées d’un pouvoir populaire effectif, qui plus est dirigé en grande partie par ceux qu’ils ont longtemps considérés comme des esclaves ou des domestiques censé être naturellement à leur service, et cette haine tenace est une faiblesse dont ils ont contaminé leurs rejetons, qui après un congé « bien mérité », sont de retours pour reprendre les cours ou la Guarimba, c’est selon…
Cette haine est une composante incontournable du rapport de force, parce que la haine aveugle et qu’elle a très certainement joué en défaveur de ces « rebelles » qui n’ont pas réussi à se rendre suffisamment sympathiques à l’opinion publique internationale, ni surtout à l’opinion publique interne, la plus grande partie de l’opposition, victime elle aussi de leurs exactions, s’est détournée d’eux, quand elle ne les a pas fermement condamnés.
Nous savions déjà que l’opposition oligarchique était arrivée à la conclusion que le gouvernement était indéboulonnable par les urnes, et que, malgré leurs espoirs et illusions à ce sujet, la disparition de Chávez, n’avait pas modifié cet état de fait. Un nouveau rapport à filtré, au cours de la dernière semaine, un nouveau constat : la révolution de couleur est impossible au Venezuela…
Boycott du carnaval... c'est raté
A partir de là, tout se complique. L’offensive de la droite se joue à présent sur trois terrains qu’elle occupe simultanément avec des acteurs différents.
Une première équipe, participant à la Conférence de Paix et aux séminaires d'économie conjoints, joue le jeu de la conciliation avec le gouvernement, profitant de sa relative déstabilisation – qui n’est pas due à des facteurs internes mais bien au risque dramatique d’une intervention extérieure meurtrière – pour tenter de gagner due avancées sur les terrains économique et sur celui du pouvoir politique. (cette équipe d'opposition est représentée par son oligarchie, ténors et grosses pointures)
Une deuxième équipe joue : "Je ne négocie pas avec ces gens-là (le gouvernement et le peuple qu’il représente) mais je ne me livre pas non plus à la violence". Composées de la majorité de la MUD (parti unifié de l’opposition) elle est dirigée par Capriles; Elle joue à un rôle ambigu, elle continue d’appeler le peuple à manifester son mécontentement, mais "vraiment" pacifiquement cette fois et compte sur un ensemble de facteurs, négociations au sommet, guerre économique et psychologique qui se poursuit mais aussi la guerilla guarimbera, ses paralysies de la vie quotidienne, ces sicaires et saboteurs (et possibles terroristes par la suite) pour faire pourrir la situation, au point de provoquer des élections anticipées ou les conditions de justification d’une intervention extérieure… à vouloir créer l’instabilité, il se doutent bien qu’ils risquent de voir la situation lui échapper. Mais leur but reste néanmoins la chute du gouvernement et leur plan parle du mois de mai comme moment propice.
La troisième équipe, celle de López, a reçu dimanche un message de son chef envoyé depuis sa prison et présenté aux adeptes par un autre dirigeant de Voluntad Popular, Carlos Vecchio qui invite clairement à la poursuite des actions violentes et/ou paralysantes de la vie du pays, jusqu’à la chute du gouvernement, sur le mode « ce n’est qu’un début continuons le combat » cette option semble bien décidée à s’installer dans la durée.
Et la miss Machado, elle fiche son nez dans les trois équipes à qui elle profère ses conseils hargneux, mais bon, elle est certainement bien plus intelligente, déterminée et redoutable que les deux zozos « made in Washington », si les 2 autres, López et Capriles sont de pures fabrications pour les besoins de la cause sans grande consistance personnelle, sacrifiables au besoin, elle conclut des alliances, y compris avec Washington, mais ne perd jamais de vue ni son intérêt, ni le fait que ses partenaires ne sont pas fiables.
Ceci sont les actuelles composantes de l’opposition oligarchique, et de la couche supérieure d’une moyenne bourgeoisie qui s’y identifie. L’opposition populaire dont on a vu aux élections communale de décembre qu’une partie d’entre elle n’avait pas du tout apprécié les débordements post-présidentielle d’avril, les équipe de choc de Capriles, dont les cibles chavistes, personnes et acquis de la révolution qui contribuent au bien-être du peuple en général, avait contredit son programme électoral où pour faire bref, s’il avait pu, il se serait présenté comme le seul, le vrai héritier de Chavez….
Conspirateur antichaviste acharné Alonzo à la rage....à Miami
Le Peuple dans son ensemble veut la Paix et un certain confort. Et dans son immense majorité au vu des exactions des « rebelles » mais aussi de leur professions de foi raciste et élitiste, et de leur mépris ouvert envers ceux qui ne sont pas blancs et ne possèdent pas de pied à terre à Miami il s’est solidarisé avec les initiatives de paix venues du gouvernement. C’est pourquoi d’ailleurs les dirigeants d’opposition ont formé plusieurs équipes, le violence et sabotages doivent se poursuivre pour accélérer le pourrissement de la situation, lui servir de catalyseur, alors que l’équipe de Capriles doit continuer à se présenter comme une alternative crédible face à un gouvernement d’incapables.
Et les chavistes là-dedans. La première chose que j’ai envie de dire c’est que les chavistes doivent être divisés entre ceux qui le sont vraiment, indéfectiblement et du fond du cœur et ceux qui ne le sont que par opportunisme, clientélisme, en fonction des avantages que cette étiquette leur procure. Et, c’est logique, plus on se retrouve parmi le « petit » peuple, plus les gens sont sincères, parce que les avantages qu’ils retirent de la révolution sont collectifs sous forme d’une incroyable amélioration de leur conditions de vie et de leur liberté d’être, la révolution, c’est leur révolution et ils forment ce grand collectif chavistes de toda la vida qui constitue sa base ferme dans tout le pays. Et bien sûr, c’est ce peuple qui a toute ma sympathie.
Quand on remonte dans la hiérarchie chaviste, qui s’est terriblement stratifiée, bureaucratisée et clientélisée, on entre dans un domaine qui jusqu’ici me reste hermétique… Qui est sincère et qui ne l’est pas, je suis bien en mal de répondre, et je préfère pour le moment me taire que de dire des choses qui pourrait discréditer ceux qui ne le méritent pas.
Néanmoins un constat est clair : le grand absent des négociations entre les sommets de l’opposition et du gouvernement, c’est le peuple, qui n’a pas été invité et beaucoup le déplorent, à mon avis à juste titre.
Il fallait négocier pour éviter le pire, c’est certain. Le gouvernement n’était pas en position de force, mon hypothèse est que, entre autres raisons, les 2 victimes présumées des tirs de ses forces de l’ordre, et des débordements dans la répression, font qu’il n’est pas absolument irréprochable et cela le déforce grandement d’autant que de part et d’autres et malgré les arrestations des présumés coupables, l’explication que tous attendent ne vient pas et fait peser un poids de non-dit qui clairement dessert le gouvernement. On a beau être à 2 à 14 (morts) aux dernières nouvelles, ces deux là pèsent très lourd dans la balance.
Par contre, un effet concret immédiat et positif de cette négociation est exprimé ici
Le Ministre des Affaires Etrangères, Elias Jaua, s'est rendu à Genève, au Conseil des Droits de l'Homme, ou il a tenu un discours qui remettait à la fois en question, l'utilisation des droits humains à des fins politiques et l'ignoble manipulation médiatique contre le gouvernement, mais par dessus tout contre le peuple du Venezuela. Il a ensuite rencontré le Secrétaire Général de l'ONU (qu'on avait vu très à l'aise, il y a quelques semaines à Cuba, à l'Assemblée de la CELAC), et cette fois, à voir la photo, on fait confiance à Jaua quand il dit que la réunion c'et très bien passée... et là oui, ils revient avec quelques atouts dans sa manche, la Conférence de Paix a très certainement grandement contribué à leur acquisition. Nous le savons, au stade actuel de son hégémonie, Washington a besoin de l'accord de la communauté internationale pour intervenir ouvertement dans un pays souverain... sa tâche en sera donc d'autant compliquée.
Encore raté !!!
Et à partir d’ici, je vais me faire écho de la parole de chavistes sincères dont au cours du temps j’ai appris à apprécier le dévouement à la révolution, et la justesse de jugement. Et tous sans aucune exception formulent leurs actuelles inquiétudes sous formes de questions et non de jugements péremptoires.
Ils s’entendent pour dire que oui, de fait, le gouvernement a réussi à déminer la situation et éviter l’éclatement d’une guerre civile, mais tous déplorent qu’il l’ait fait sans compter d’avantage sur le peuple et sans consulter le pouvoir populaire.
Cela saute aux yeux, si oui, des communes et des associations se sont mobilisées spontanément pour mettre un terme aux exactions locales de la « rébellion » ou la contenir, le pouvoir de mobilisation de Maduro est très loin de celui qu’avait Chavez. Soutient oui, mobilisation, non. Et très loin de ce qu’il promettait d’être en 2002. Certaines critiques pourraient expliquer cela, la mission principale que Chavez a transmise à Maduro, c’est la réalisation effective du pouvoir communal. « La commune ou la mort ! » or de ce point de vue, les choses n’ont pas fort progressé et le grand débat interne au mouvement qu’appellent les organisations populaires n’a toujours pas eu lieu. Et le fait que le pouvoir populaire n’ait pas été invité à Miraflores aux négociations avec l’oligarchie adverse, entraîne des questions, de doutes et un malaise. Si d’une part certains reconnaissent qu'à ce stade le recul sans débandade était une victoire, d’autres se demandent si ce n’est pas le début de la fin de la révolution qui s‘ouvre aux exigences de l’ennemi par faiblesse du gouvernement ou pour les plus remontés, qu’il s’apprête à retourner sa veste par intérêt pour conserver les privilèges acquis de pouvoir ou dans l’exercice du pouvoir.
Une chose se dégage en tout cas et fait l’unanimité, la seule issue se trouve dans le partage du pouvoir pour et par le peuple, réel, effectif, concret, urgent, et dont le mouvement s’étende en solidarité au-delà des frontières, au-delà des océans, vers tous ceux pour qui « Souveraineté Populaire » est à la fois le but et la raison d’être.
Anne Wolff