Les marins en grève réquisitionnés !
Après avoir brisé la grève des travailleurs du métro d’Athènes le 24 janvier dernier en les réquisitionnant et s’emparant du principal dépôt, le gouvernement grec [ voir La police prend d’assaut le principal dépôt occupé du métro d’Athènes ] remet ça. En moins de deux semaines.
Il vient de décider ce mardi matin 5 février d’émettre des ordres de « mobilisation civile » [réquisition] afin de briser les grèves tournantes que les travailleurs sédentaires mènent depuis six jours avec les marins navigants. Cet ordre de réquisition intervient au moment même où les travailleurs du transport maritime venaient de décider de prolonger leur mouvement de 48 heurs, c’est-à-dire jusqu’à vendredi prochain.
Les grévistes se battent pour une nouvelle convention collective, le remboursement intégral des arriérés de salaire que leur doivent les compagnies de ferries, la fin des embauches de travailleurs sans papiers ni couverture sociale et l’annulation d’un plan qui diminue le nombre de travailleurs nécessaires dans chaque équipe, ce qui ouvre la voie à des licenciements.
Les ordres de réquisitions devraient être distribués aux travailleurs en grève d’ici la fin de la journée, avec l’objectif d’une reprise du travail le lendemain mercredi à 6 heures du matin.
Prisonniers torturés
La politique répressive de l’Etat grec prend de l’ampleur et se vérifie à tous les niveaux, contre les travailleurs en grève, les lieux occupés et autogérés, les personnes détenues, les migrants... en arrêtant les manifestants (squatters comme syndicalistes) et en couvrant les descentes et les attaques des néo-nazis contre les étrangers ou les lieux du mouvement antagoniste comme ce samedi soir à Athènes contre un centre social et un squat dans le quartier Zografou. Mais cette fois, plusieurs centaines de personnes, activistes et habitants du quartier, se sont rapidement regroupés et les ont chassés. Quelques fascistes se sont même retrouvés à l’hôpital.
La main de fer s’applique sans vergogne. Ce même mardi, le ministre de l’Ordre public a reconnu l’utilisation d’un logiciel de retouche par la police pour maquiller les photos de 4 jeunes détenus, qui ont été arrêtés vendredi dernier, officiellement accusés de participation à un hold-up commis dans la localité de Velventos, près de la ville de Kozani, au nord-ouest du pays. La police accuse certains d’entre eux d’appartenir à une « organisation terroriste » anarchiste.
D’après ce ministre, les blessures ont eu lieu au moment des arrestations et les retouches apportées aux visages par le logiciel Photoshop devaient aider des « témoins » à reconnaître les arrêtés. Bref, en publiant les photos retouchées pour faire appel à la délation, la police s’est en quelque sorte auto-accusée de tortures ! En février 2012, la police avait déjà publié les photos de 5 détenus et de 23 personnes à la suite d’une manifestation particulièrement massive et combative contre les mesures d’austérité.
Les parents d’un des détenus, Andreas Bourzoukos, qui ont pu le voir 15 minutes le dimanche 3 février dans les locaux de la police ont dénoncé qu’il était menotté à une chaise pendant toute la durée de la visite. Il leur a informé que, alors qu’il était menotté les mains dans le dos dans une cellule du département de la police de Veria, les flics lui ont mis une cagoule sur la tête, l’ont forcé à s’agenouiller et l’ont frappé pendant environ quatre heures sur la tête, la figure et l’estomac, et que quelque uns de ses cheveux ont été arraché de force. Cela s’est passé sans aucune résistance de sa part. Il va sans dire que les flics l’ont aussi menacé tout le long et l’ont insulté de la manière la plus vulgaire.
Les conséquences des tortures ci-mentionnés sont les suivantes : sang dans l’urine, vertiges sévères, maux de tête, hématomes sur toute la figure, hématomes aux deux yeux, tout comme des éraflures et des ecchymoses sur le corps.
Ses parents ont rapporté que son visage était méconnaissable et que sa voix était altérée à cause de tous les coups sur ses maxillaires.
Dans une lettre ouverte, la mère d’Andreas Bourzoukos, médecin dans un service d’urgence, a déclaré : « Les mécanismes répressifs en Grèce ont copié le modèle des tortures de la prison de Guantanamo. Mon fils, ainsi que les autres prisonniers, n’ont pas été traités comme le sont d’autres suspectés pour des infractions du Code Pénal, mais avec une haine particulière, parce qu’il est anarchiste. Les tortionnaires, dissimulés derrière les capuches, restent intouchables. Jusqu’à quand ? »
Après avoir cité l’article 137a du Code Pénal concernant la torture et les mauvais traitements de la part des personnes dépositaires de l’autorité, elle conclue : « Enfin, étant moi-même médecin (spécialiste en médecine d’urgence pré-hospitalière), j’affirme que les premières heures après un traumatisme sont critiques quant au futur potentiel des blessures et des lésions cérébrales. La nécessité impérieuse d’examens de contrôle immédiats et de soins hospitaliers concerne toutes les personnes arrêtées qui ont été maltraitées.
Je considère que ceux qui sont en charge de l’affaire sont directement responsables de tout dommage qu’ils pourraient avoir causé ».
D’après la presse, parmi les quatre jeunes détenus, figure Nikos Romanos, 20 ans, qui était un témoin clé dans le procès du meurtre d’Alexis Grigoropoulos, l’adolescent de 15 ans qui a été abattu par un policier en décembre 2008, ce qui avait provoqué à l’époque, un formidable soulèvement de la jeunesse dans tout le pays…. Ce qui pourrait expliquer le surcroit de « haine » de la part des flics.
La police ne chôme pas
Vendredi 1er février dans la soirée, un père de famille de deux enfants, de nationalité sénégalaise, âgé de 37 ans, Cheikh (Babacar) Ndiaye est décédé à Athènes alors qu’il cherchait à échapper à la police qui le poursuivait après avoir pillé son étal. Il est mort sur la voie ferrée à la station de métro Thiseio.
Les policiers ont chassés Cheikh dans le cadre d’une vaste opération visant à virer les vendeurs ambulants migrants de la zone touristique de Thiseio. Les amis et proches de Cheikh Ndiaye qui voulaient se rassembler sur les lieux ont été repoussés par des unités de police anti-émeute.
Ce dernier décès survient deux semaines après que des néo-nazis de l’Aube Dorée aient assassiné un Pakistanais de 27 ans, Shehzad Luqman, également à Athènes.
Le 5 février
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A deux semaines d’intervalle, le gouvernement grec a eu recours à la réquisition pour briser la grève des travailleurs du métro d’Athènes et celle de la marine marchande qui inclut les ferries et les liaisons inter-îles. Grèves déclenchées pour refuser la disparition des conventions collectives sectorielles et la mise en place de nouveaux contrats de travail sur la base d’une baisse considérable des salaires. Rappelons que le salaire minimum (brut) grec a été abaissé à 586 euros mensuel (et 510 pour les moins de 25 ans).
Réquisition des journalistes
Une information, qui n’a pas fait la Une des médias et qui pourtant les concerne. Le 19 février, veille de la grève générale de 24 heures, les journalistes étaient en grève (comme ils le font souvent afin de couvrir la journée du lendemain) : presse écrite, sites Internet, radios et TV ainsi que les autres catégories de la presse (imprimeurs…). Pour les mêmes motifs que les autres catégories de travailleurs : licenciements (environ 3000 dans la secteur depuis 3 ans), baisse de salaires, salaires non payés, défence du régime des retraites, etc.
Mais voilà, c’était aussi je jour de la visite de Hollande venu encourager le régime dans sa politique de destruction sociale, de nouvel esclavage et de misère. Mais cette politique n’est pas nuisible pour tout le monde. Hollande a aussi déclaré que les entreprises françaises devaient participer au gigantesque programme de privatisation de la Grèce, une condition clé du programme de sauvetage du pays. A ce sujet, le gouvernement insiste sur les opportunités concernant l’énergie, l’eau, les transports et de chemin de fer. « Je suis ici à Athènes, pour mobiliser les entreprises françaises afin qu’elles investissent en Grèce » a déclaré Hollande. « C’est dans l’intérêt de la Grèce comme de la France ». Faut-il commenter ?
Suite au mot d’ordre de grève, aucun média n’abordait donc le sujet, seule la télévision d’État montrait des images en direct de l’arrivée de Hollande, de son accueil par Samaras, etc..., mais sans le son, sans aucun commentaire, seulement un bruit de fond ressemblant à un chant d’oiseaux…
Dans la matinée le porte-parole du gouvernement, Simos Kédikoglou, avait accusé le syndicat des journalistes (Poesy) de faire le jeu du principal parti d’opposition, le Syriza (gauche dite radicale), et d’imposer un « blackout » informatif sur cette visite et que cela contribuait « à porter atteinte à l’image du pays à l’étranger ». « C’est une première dans l’histoire politique du pays que certains cherchent à "noyer" une visite très importante d’un président ami qui vient soutenir la Grèce ».
Des mots aux actes, il n’y a qu’un pas et à la mi-journée, la direction de la ERT (Radio-Télévision publique) obtenait une décision de justice qui déclarait la grève illégale et imposait le retour immédiat des journalistes à leur poste de travail. Le syndicat a été obligé d’appeler à la reprise du travail avant la fin des 24 heures.
Si cette reprise du travail forcée a correspondu avec la fin de la visite de Hollande dans le pays, c’est quand même la première fois que les journalistes ont l’obligation de travailler pour mettre en scène et célébrer la rencontre des dirigeants politiques. Mais n’est-ce pas ce que l’on attend d’eux ? Qu’est-ce que la "politique" institutionnelle sans la parole des professionnels de la politique et du pouvoir ? Que vaut une parole (d’un ministre, d’un dirigeant politique, d’un député...) si elle n’est pas relayée par la presse ?
Réquisition des travailleurs du métro, des marins, des journalistes… mais aussi imposition d’une information conforme aux intérêts du pays : donner une « bonne image » pour les investisseurs et les touristes étrangers.
Cacher la misère
Depuis plus de deux semaines, les agriculteurs maintiennent une trentaine de barrages routiers (filtrant). Ils se battent pour le maintien des aides européennes, contre la baisse de leurs revenus, contre les tarifs prohibitifs des carburants (surtout depuis les nouvelles taxes), contre la hausse des taux d’emprunts bancaires et de tous les coûts de production...
Le mercredi 6 février, ils s’étaient donné rendez-vous devant le ministère du Développement agricole. Devant l’édifice, les agriculteurs ont distribué des fruits et de légumes gratuitement à des centaines de personnes venus là pour ça : chômeurs, retraités et travailleurs paupérisés venus en nombre. Une file impressionnante s’est très vite formée mais elle n’a pas tenue très longtemps. Voyant les stands se vider, des familles se sont précipitées pour prendre d’assaut des étals et un camion, provoquant des bousculades. Un homme a été blessé à la tête en chutant d’un camion. Ces images ont été filmées par plusieurs chaînes et ont eu un certain impact dans le pays. En moins de deux heures, 55 tonnes de fruits et légumes ont été distribuées.
Conséquence de l’action spectaculaire des agriculteurs à Athènes, le jeudi 7 février, le Conseil National Grec de la Radio-Télévision, l’équivalent grec du CSA, s’est réuni spécialement et a fait savoir qu’il interdisait désormais aux médias du pays, spécialement aux chaines de télévision, « de montrer des images dégradantes de la pauvreté ». Suite aux images télévisées de la distribution de fruits et légumes à Athènes à des centaines de pauvres faisant la queue pour quelques tomates, aubergines et choux fleurs, mais aussi à d’autres reportages sur le sujet (sur les sans-abris notamment), certains députés du gouvernement ont insisté sur cette « mauvaise image du pays, véhiculé par les médias grecs et certains médias anglo-saxons, préjudiciable au tourisme… une pratique qui doit cesser ». Certains médias grecs n’ont pas attendu cette injonction car dès le soir même de l’action des agriculteurs, ils faisaient valoir que « ces images ne doivent pas être diffusées car elles offensent le pays à l’étranger. »
Droit de grève annulé, contrôle de l’information, répression systématique de toutes les protestations sociales… pour beaucoup de Grecs, qui savent à quoi s’en tenir, cela n’a pas d’autre nom que la dictature. Quelque soit ce que l’on peut penser par ailleurs de la "démocratie", c’est aussi ça la réalité de la crise capitaliste.
J.F.
Le 21 février 2013