TERROR FASCISTA EN UCRANIA

 

 

Par Ganna Goncharova et  Alberto Montaner.

 

 

Ganna Goncharova est ukrainienne, socialiste, elle est née à Kramatorsk dans la région du Donbass en 1972 dans une famille de membres du parti communiste de l’Union Soviétique (PCUS). Son grand-père maternel et son père dirigeaient des organisations du parti dans les universités où ils étaient professeurs. Elle fut membre du Komsomol dès 1986 jusqu’en 1991. Elle obtint la double licence en ingénierie et économie à l’Académie de l’État du Donbass et obtint ensuite un master en Direction d’Entreprises. Pendant un temps elle travailla comme gestionnaire économique à divers postes de l’administration publique ukrainienne et comme auditeur des comptes de l’état. Ensuite elle s’est incorporée à l’entreprise privée et a travaillé comme directrice financière. Après avoir épousé en 2009 Alberto Montaner Frutos, professeur à l’Université de Zaragoza elle est venue vivre en Espagne. Grande connaisseuse de la réalité politique de son pays, détenant de l’information de première main, elle s’exprime à ce sujet dans deux entrevues avec Marquetalia.org | Artículos para la reflexión política  ce texte-ci est chronologiquement le deuxième, s’il traite des derniers événements (avec le décalage de traduction), il nous donne aussi une vision qui associe une bonne connaissance du terrain et nous aide à mieux comprendre qui sont les gens en contre-insurrection en Ukraine, pourquoi et contre quoi – le fascisme – ils se sont levés, pour l’immense majorité, à visage découvert et sans armes,  à cette connaissance profonde de la réalité ukrainienne et aux onformation de première main dont dispose l’auteure est associé un travail d’analyse, une compilation de centaines de documents, de enregistrements vidéo, blogs, commentaires de la récente et tragique actualité de l’Ukraine…

 

 

Nous ne prétendons pas que notre version soit absolument indiscutable ni que nous disposons de suffisamment d’information pour détenir la vérité, d’autant plus que dans tout conflit chaque partie à sa propre vérité qui n’est pas toujours dénuée de fondement. 

Dans notre première entrevue publiée le 16 avril dernier dans Marquetalia  nous signalions que de la manière dont évoluaient les choses, “ le scénario le plus probable n’est pas une guerre civile [en Ukraine] mais bien un génocide perpétué contre les minorités ethniques, par les puissances étrangères (la Russie inclue) se déroulant pendant que l’on regarde d’un autre côté ». Malheureusement, cette prévision se voit confirmée par les faits qui se sont déroulés le 2 mai. Notre objectif dans ces lignes est de donner l’information les plus précise possible sur ce qui s’est réellement produit dans les régions en contre-insurrection en Ukraine (entendu au sens où elles s’opposent à l’insurrection de Maidán et son gouvernement putschiste) et de le dénoncer face à l’opinion publique, en particulier les lecteurs conscients de la désinformation qui, comme c’est le cas depuis le début de la crise Ukrainienne, s’est diffusée en Occident.

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Nous commencerons par répliquer à l’intervention des représentants de plusieurs pays européens face à l’assemblée de l’ONU lors de sa session de ce même 2 mai, qui ont accusé les activistes du Donbass de « terroriser la population civile » et d’être des troupes russes infiltrées appuyées par « de rares manifestants ». Il serait difficile d’être moins informé ou moins trompeur, parce que la résistance du Donbass, dont les membres, là-bas s’appellent « volontaires » (opolchentsy) est composée justement de cette même population civile et quiconque détient de l’information de première main sait que la seule terreur qu’on les habitants de Donbass est celle de voir débarquer les troupes des milices néonazies de Praviy Sektor, ou selon leur version officialisée, de la Garde Nationale. Quand à la présence de l’armée russe, rappelons simplement que jusqu’à l’amiral finlandais Georgij Alafuzoff, ex chef de l’intelligence militaire de Finlande et Directeur du Renseignement de l’Etat Major de l’Union Européenne a reconnu le 15 avril dernier qu’il la considérait comme « improbable », et selon nos informations, sauf peut-être à Slaviansk, elle est inexistante.

 “Terrorisme” et double standard

Les furieuses protestations de l’Occident, qui pour le moins donnent dans la caricature, n’apportent rien d’autre que la mise en évidence du double standard qui, selon ce qui est habituel en politique, et particulièrement en politique internationale, s’applique dans ce cas. Et l’on se demande en quoi se différencie la prise d’édifices publics, l’installation de barricades ou l’appropriation des armes de la police pendant Maidán, où ces actions furent applaudies, et dans les régions sud-occidentales (que nous nous refusons à qualifier tendancieusement de « pro-russes ») où ces mêmes actions sont condamnées sans recours. Les premiers, malgré qu’ils aient utilisé des cocktails Molotov depuis janvier de l’année en cours - ce que nous pas encore fait les contre-insurgés - et plus tard des armes à feu, ont été encouragés et applaudis à chaque moment depuis l’Occident. Les seconds qui n’ont réagi qu’après le coup d’état à Kiev et qui n’ont pas utilisé jusqu’à présent la mortelle combinaison, sont qualifiés de « terroristes » et toutes les forces armées Ukrainiennes et l’opinion publique occidentale s’excitent contre eux. En résumé, les moyens et les circonstances qui conditionnent l’utilisation de ce terme s’avèrent en soi non pertinents et ont pour fins celles qui conviennent à la partie intéressée, dans le cas présent l’axe Berlin-Washington.

Concernant la qualification de terrorisme, il faut également mettre en évidence les déclarations de l’actuel Ministre de l’Intérieur ukrainien, Arsén Avákov, qui sur les réseaux sociaux, a signalé que « Ils ont donné l’ordre aux groupes terroristes de se vêtir de noir et de tirer contre des civile, imitant les actions de la milice ukrainienne. Je demande aux citoyens de Kramatorsk et Slaviansk de ne pas sortir dans les rues et j’ai donné l’ordre aux commandos du Ministère de l’Intérieur d’en finir avec la provocation ». Selon les informations que nous détenons, l’unique groupe qui pourrait agir de cette façon (et selon tous les indices et d’après ce dont ils se sont montrés capables à Maidán), c’est le Pravyi Séktor, les milices néonazies émanant des partis ultra nationalistes de l’extrême-droite Trizub de Iarosh et Svoboda de Tiahnybok. Ils sont aussi les seuls qui ont les moyens de se procurer le genre de fusils qu’utilisent les francs-tireurs, sauf que du matériel de ce genre a été découvert et saisi dans un véhicule intercepté dans un contrôle routier à proximité de Slaviansk la nuit du 19 au 20 avril, au début de la période pascale, un événement qui s’est conclu par un solde de cinq morts. L’accusation lancée par Avákov, délibérément floue, vise bien les prétendus infiltrés russes (dont la présence, nous l’avons dit n’a pu être démontrée par personne), elle vise aussi les prétendus « terroristes » et « séparatistes » du Donbass, mais il serait préférable de la lire comme un prétexte et non des moindres dont le but est de couvrir ses arrières si, finalement les véritables terroristes, autrement dit, les miliciens de Pravyi Séktor ou leurs collaborateurs étrangers (un possibilité que nous aborderons plus loin), arrivent à prendre position, et commencent à assassiner des gens.

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La réaction en Transcarpathie  

Avant de nous préoccuper des régions qui font l’objet de l’offensive de la Junte, comme les mouvements de résistances ont baptisé l’auto-proclamé gouvernement de Kiev (en comparaison avec les gouvernements putschistes d’Amérique Latine des 70), il faut préciser que la menace fascistoïde est ressentie non seulement dans les régions sud-orientales à majorité russophone, mais également dans les autres régions. C’est ce qui se passe dans la région extrême orientale du pays, la Transcarpathie (Zakarpastka Óblast’), dans laquelle il y a une notable présence « ethnique » de Ruthènes, Hongrois et Roumains, entre autres. Là, comme dans d’autres régions, les ultra nationalistes ukrainiens ont pris le contrôle de la situation, occupant les édifices publics, et, dans un putsch localisé, le gouvernement régional, contre la volonté de la majorité de la population. D’après une enquête récente, 80,8% des personnes interrogées soutiennent l’initiative qui vise à exiger du gouvernement de Turchynov, la libération des immeubles occupés : 80% pensent qu’il faut mener une enquête contre les assaillants et les participants au putsch régional, et le même nombre exige que le Service de Sécurité d’Ukraine (SBU, successeur ukrainien du KGB) suspendent les poursuites concernant ceux que les dites autorités de fait qualifient de « séparatistes ruthènes ».

La résistance régionale, ancrée dans le Congrès de la Ruthénie Carpatique, qui avait déjà proclamé en 2008 la République de Ruthénie Subcarpatique (Podkarpatska Rus’), a rendu public un manifeste, divulgué également sur les réseaux sociaux, dans lequel elle exige du gouvernement de Kiev et ses alliés l’application de l’accord conclu à Genève le 17 avril passé, celui qui inclus la remise des armes par les formations paramilitaires illégales, la libération de tous les édifices administratifs illégalement occupés , ainsi que des voies publiques bloquées, et l’amnistie de tous les prisonniers politiques sans délit de sang. On se souviendra des exigences de la part de “la Junte” demandant que les activistes sud-orientaux exécutent l’accord unilatéralement, étant donné qu’eux ne se sentaient pas concernés, niant la principale raison par laquelle traité pour un moment, pouvait désactiver la spirale de violence. A ce sujet, la résistance ruthène considère que le dialogue pan-ukrainien sans participation de la République Populaire de Donetsk (Donetskaia Naródnaia Respúblika) ou la République de la Ruthénie Subcarpatique manque politiquement de sens.  

En plus d’exposer ces exigences générales, le manifeste inclue les exigences suivantes concernant le cas de la Transcarpatie spécifiquement : la libération immédiate des édifices occupés de la région, l’ouverture d’enquêtes judiciaires contre les assaillants de ceux-ci, et que soient abandonnées les poursuites à l’encontre des « séparatistes ruthènes », le désarmement en application del’article 17 de la constitution d’Ukraine, de tous les groupe illégaux, à commencer par Pravyi Séktor, les reconnaissances des ruthènes comme « ethnie subcarpatique avec les droits politiques et culturels annexés à  la condition d’ethnie officiellement reconnue, l’interdiction du SBU et d’autres organes de persécutions ethnique des Ruthènes ainsi que de représailles contre eux, et finalement la présence d’observateurs internationaux pour contrôler ce processus.


 

Óblast de Zakarpatia (La Transcarpatia)

Óblast de Zakarpatia (La Transcarpatia)

La cuenca minera de Donets (Región de Donbass)


Bassin minier de Donetz (Région du Donbass)

La región considerada el Donbass es la zona de color rosa, pero las fronteras oficiales de las regiones (óblast) son las lineas de color negro.

La région considérée comme Donbass est la zone de couleur rose, mais les frontières officielles de la région (óblast) sont les lignes de couleur noire.


 

 

Sources en espagnol :

   http://marquetalia.org/2014/05/07/terror-fascista-en-ucrania-por-ganna-goncharova-y-alberto-montaner-frutos/

Terror fascista en Ucrania 

Traduction Anne Wolff

 

 

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