CRETINS OU APPRENTIS SORCIERS ?

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Amalgames, raccourcis, apophtegmes et petites phrases assassines, utilisés par les Saintes Nitouches qui persistent et signent visent sans le dire la simplification extrême du débat politique. Par là même, les dégâts qu’ils font subir à l’entendement, à l’intelligence, à la langue, aux concepts qui ont mis des siècles à mûrir et s’imposer, participent à une régression globale de la pensée, du savoir, voire de la connaissance acquise.  Sans amalgames et raccourcis sémantiques la crise des années 1920–1930 n’aurait pas abouti aux régimes totalitaires. Albert Camus avait raison de dire : toute forme de mépris, si elle intervient en politique, prépare ou instaure le fascisme. Il avait bien compris que la culture, les règles de vivre ensemble, la notion même d’Etat de Droit, nécessitent un effort, un apprentissage douloureux et difficile, et qu’une fois acquis, il était dangereux pour la Cité et les citoyens eux-mêmes de les bafouer au nom de l’efficacité politique. Car rien n’est plus facile que de confondre termes et valeurs, concepts et définitions,  visant une régression libératrice des hargnes, des peurs et des exclusions. Les pubards connaissent bien ce système, qui s’aventure à simplifier le discours à l’extrême, à passer des messages subliminaux, à caresser sans le dire les pulsions les plus veules et les plus profondément cachées en chacun de nous.  Il n’y a pas de différence de méthode entre une pub branchée de Virgin qui « transgresse » une série d’interdits (monter le son au diapason pour ridiculiser les reproches d’une mère) et la phrase de Claude Guéant qui déclare que « toutes les civilisations ne se valent pas ». Enarque, le ministre de l’intérieur connaît bien la différence entre les termes de civilisation, de culture, de régime politique, de religion. Cependant, même dans ses explications il continue à les confondre ayant un but bien précis : créer le scandale et copier les simplificateurs professionnels en espérant leur piquer des bulletins de vote. Peu lui importe que cette tactique participe à la dégradation de sa propre culture, de la culture politique, des valeurs qu’il est sensé défendre. Peu lui importe, à condition que son message « passe » de confondre culture, civilisation et religion en connaissance de cause. Peu lui importe aussi d’attribuer les adjectifs du bien et du mal à une civilisation puisqu’il sait pertinemment qu’il ne parle pas de civilisation et qu’en fait, il compare un mouvement politico-religieux aux valeurs énoncées durant la Révolution Française désormais sur le fronton de nos écoles et de nos mairies.  Il oublie cependant, lui qui se fait le chantre des valeurs françaises, que la révolution de 1789 est un épisode, certes important, parmi bien d’autres qui ont forgé la nation française et il n’a aucun mal à se contredire en insistant sur l’héritage chrétien, gréco-romain, celui de la philosophie des Lumières, et même à Jeanne d’Arc en tant que symbole de la résistance à l’occupation étrangère. Bien entendu tout cela, et bien d’autres choses sont des constituants de l’identité française, mais certainement pas d’une civilisation. Nous pouvons aisément dire que nous sommes partie prenante de la civilisation du blé, comme les pays asiatiques font partie de la civilisation du riz, mais vouloir utiliser comme arme comparative notre civilisation pour mépriser une autre, n’importe laquelle, ouvre grandes les voies totalisatrices et interventionnistes, celles qui ont servi à coloniser une partie du monde. Cependant, une civilisation étant un processus, toujours en renouvellement, qu’il est le produit de l’Histoire, on peut aisément comprendre des faits et des gestes de ceux qui partaient en tant que croisés, civilisateurs, chantres des valeurs démocratiques. Car eux, quels que soient leurs exactions, quels que soient leurs crimes, étaient convaincus d’être ce qu’ils disaient être.  Produits de leur histoire, victimes de leurs religions, ils prenaient des risques et découvraient des mondes nouveaux. Ce que l’on reproche à l’islam nostalgique, aux Talibans et autres fous de dieu, c’est justement de continuer à voir le monde avec le regard figé sur les conquêtes arabes. Ce que l’on reprochait à l’Amérique « Bushienne » c’était de diviser le monde à la manière de l’inquisition espagnole entre les forces du bien et du mal. Ce que l’on reproche aux concepts de la fin de l’histoire et de la guerre des civilisations c’est de confondre, de faire l’amalgame, de simplifier pour occulter les vraies fractures (économiques essentiellement) existant au sein de toutes les civilisations, de tous les pays, de tous les continents, de toutes les religions. Bref de promouvoir un manichéisme simplificateur, tout en sachant qu’il n’est qu’une arme politique, un pis aller à leur inefficacité en tant que gestionnaires de la Cité, un enfumage démagogique cachant mal leurs incompétences à faire face aux problèmes qu’ils ont eux-mêmes créés. En ce sens, ils parient sur une régression de l’entendement et de l’intelligence juste pour continuer à flotter sur la mer déchaînée qu’ils ont, tel Eole,  réveillée. Et peu importe, après tout, qu’ils soient inefficaces, crétins ou apprentis sorciers.

Source : tueurs de mots

 
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