Pexplexité vénézuélienne
28 févr. 2014
L’heure des doutes.
Une sensation perturbante. Jusqu’ici, une des choses que j’appréciais énormément dans le Venezuela du 21ème siècle, c’était cette intense vie politique populaire, une intelligence politique collective en mouvement, une création d’une pensée critique permanente, de quoi vous remonter le moral, en comparaison des platitudes d’un politiquement correct qui ampute la pensée francophone des outils nécessaires pour interpréter le réel, et de ce formalisme qui relègue souvent en arrière plan les questions de fond… les mots qui me viennent : un rapport de fraîcheur des premiers qui rend encore plus perceptible ce côté rance des seconds, une pensée qui tourne en rond depuis trop longtemps dans un ethnocentrisme prétentieux, et un dogmatisme générateur de confusion, parce qu’il n’interroge plus les concepts dont la géométrie est variable., et le contenu perçu de manière toujours plus émotionnelle.
Or hier, je ne cherche en vain… point de cela. il y a dans l’air de la déception des uns, le pessimisme des autres… et les habituels rancuniers, fidèles à eux-mêmes. Mais cette fois tous partagent une commune perplexité qui pourrait s’énoncer ainsi « Sommes-nous encore dans la révolution bolivarienne où sommes-nous en train de passer dans autre chose ? ». La réunion de conciliation qui a eu lieu mercredi entre le gouvernement et ceux parmi l’opposition qui ont daigné ou vu leur intérêt à y participer, laisse à des chavistes sincères le sentiment que le grand absent de ces débats était…le peuple.
Depuis que Maduro est au pouvoir, depuis que Chavez est parti pour son dernier voyage à Cuba, et dès la mort de Chavez, la campagne électorale désastreuse de Maduro, et depuis j’ai souvent été interpellée, par les actions du gouvernement. Des gloups, parfois en cascades, je ne vais pas m’étendre là-dessus, mais je vais donner un exemple concret. Une discussion à eu lieu à la fin de l’année dernière a Monte Carmelo, entre les secteurs concernés, pour élaborer une nouvelle Loi des Semences. Le député José Ureña y fait cette déclaration choquante pour qui connait le projet chaviste :
« Nous devons avancer dans l’autonomie de la semence paysanne et dans l’amélioration de la qualité des semences qui se fait à travers des recherches scientifiques… toutes les semences que nous importons ne sont pas transgéniques… les semences que nous importons dans ce pays en ce moment, la grande majorité n’est pas transgénique… ».
Or Chavez a toujours été clair là-dessus : pays libre de transgéniques et pas de brevetage du vivant. Après on peut entrer dans une discussion sur la manière d’améliorer les semences… Je ne sais depuis quand des semences transgéniques sont importées au Venezuela, mais il et limpide : le projet agricole de Chavez a été trahi en un point essentiel, une transgression qui s’accompagne de toutes les conséquences irréversibles de la contamination transgénique… et cela, de fait, avant toute consultation populaire !!! Ce n’est pas anodin.
Et la « Conférence pour la Paix » semble bien avoir été le saut qualitatif qui fait que toutes ces petite trahisons, catalysées par les « guarimbas » les protestations, d’une partie de la jeunesse de droite et d’extrême-droite menée (et manipulées) par Leopoldo López, ont provoqué un saut qualitatif…vers le bas…et vers la droite.
Un point clé, ce sont les meurtres de manifestants commis par les services de polices de renseignement (la SEBIN) du gouvernement, alors que semble-t-il, d’autres meurtres et violences soit les faits de forces de police du gouvernement ou de milices populaires bolivariennes. . Il y a eu des arrestations parmi les membres de la SEBIN et le directeur a été remplacé. Maduro a crié bien fort qu’il ne couvrirait pas les assassins. Mais cela ne suffit pas. C’est un tel démenti de la confiance mille fois réitérée que le gouvernement disait pouvoir placer dans l’armée et dans ses forces de sécurité, que la légitimité du gouvernement en est effectivement fissurée, et qu’il se retrouve en position très fragile pour négocier avec l’opposition… cela d’une part.
Mais aussi d’autre part, ce peuple réellement révolutionnaire, qui depuis plus d’un an fait confiance dans le choix de Chavez bien plus qu’en Maduro et qui a déjà eu bien des raisons de douter… les transgressions transgéniques, se répètent dans d’autres domaines, qui me sont moins familiers… et qui sont des trahisons… et cela fait question.
Je vais être très claire, qu’il n’y ait pas la moindre équivoque : La droite ne peur RIEN apporter de bon, toute avancée de la droite est un recul du peuple, de son bien-être, de son pouvoir sur son destin . C’est aussi un recul – et une menace - pour tout ceux qui en ce moment de l’histoire luttent pour l’instauration mondiale d’une réelle souveraineté populaire.
Alors que l’Europe perd en accéléré tous les droits conquis par des siècles de lutte, le Venezuela devenait le phare des avancées et conquêtes des luttes populaires souverainistes du monde entier, un garant et une protection pour les peuples de la région. La jeune députée communiste chilienne Camila Valleja entre beaucoup d’autres a déclaré cette semaine que la chute du Venezuela Bolivarien serait une menace pour TOUS les projets souverainistes de la région. Et m’intéressant depuis un moment à l’avancée de la militarisation US ou assimilée et à la guerre dite de basse intensité qui est le quotidien de Colombiens, Honduriens, Mexicains et dans d’autres pays dans une moindre mesure, sachant que le dispositif de projection de force rapide est rendu possible par toute une série de bases militaires stratégiquement disposées dont la plupart sont « dormantes » mais prêtes à être activée à tout moment, alors que sévissent des répresseurs sous différents statut des Opérations Spéciales US aux bandes criminelles qui jouent ce rôle et sont dans leur hiérarchie composée d’un grande quantité d’anciens soldats… Comme dit Boron, s’ils ont installé un tel dispositif, ce n’et pas pour des prunes… Les innombrables entraînements conjoints, et la mise en phase des équipements permettant également à un petit nombre de militaires US de prendre le contrôle d’armées locales, vous comprendrez que l’inquiétude soit de mise. Surtout quand on garde en tête que ce produit une grande mainmise par un nombre limité de corporations sur les ressources de la région qui correspond au programme énoncé par Kerry, qu’il n’et pas inutile de répéter :
“L’hémisphère occidental (terme de la même connotation colonialiste utilisé aux USA pour désigner l’Amérique Latine. NdT) est notre cour-arrière, il est d’une importance vitale pour nous. Avec une grande fréquence, beaucoup de pays de la région sentent que les USA ne leur portent pas assez d’attention et dans certaines occasions c’est très certainement la vérité. Nous devons nous rapprocher vigoureusement, nous avons planifié de le faire.
Une importance vitale, cela dit bien ce que cela veut dire, et la planification d’une approche vigoureuse apporte autant d’ombre au tableau, puisque cette mainmise sur les ressources implique d’en déposséder les populations avec toutes les terribles conséquences que l’on peut imaginer (ou déduire de celles qui e produisent maintenant de l'expulsion au meurtre).
Si l’on ajoute à cela l’énoncé du projet de « domination du spectre complet qui nous concerne aussi, nous commençons à avoir une bonne idée du pétrin dans lequel nous nous trouvons.
« Selon JV2020, la domination du spectre complet est “la capacité des forces des Etats-Unis, opérant unilatéralement ou conjointement avec des alliés multinationaux ou des forces-inter-agences, de vaincre, n’importe quel adversaire et contrôler n’importe quelle situation dans toute l’amplitude du spectre des opérations militaires » Et, il énumère ses différentes situations « incluant le maintien d’une attitude de dissuasion stratégique. Incluant l’action sur le théâtre d’opérations et activités de présence. Incluant les conflits impliquant l’emploi de forces stratégiques et armes de destruction massive, guerres de théâtre principal, conflits régionaux et contingences de moindre intensité. Ces situations comprennent également celles ambigües qui oscillent entre paix et guerre, comme par exemple les opérations pour maintenir et ramener la paix, de même que les opérations non-combatives d’aide humanitaire et l’appui aux autorités locales. »
En combinant tout cela, nous sommes avertis de ce que nous pouvons attendre des guerres impérialistes du 21ème siècle : une action globale déployée dans tous les domaines, celui domaine spécifiquement militaire avec son pouvoir létal, mais également sur les plans politique, économique, idéologique et culturel, sans limites de restriction ou encadrement juridique, ou morale d’aucune sorte. Ce n’est pas une simple menace, c’est ce qu’ils sont en train de faire (…) »
Oui, nous aussi, nous sommes concernés, ce programme du Pentagone d'ici à 2020 est mondial.
Il ratisse large et intrumentalise sous étiquettes différentes et culture stratégique, en particulier la jeunesse pour la mettre au service de sa réalisation, et ce ne sont pas les provocations d’autres amateurs de guarimbas qui ont fait leur show à Nantes samedi qui me contrediront… mais qu’est-ce qu’il ont dans la tête, ces gamins qui confondent construire et détruire ! Quel égoïsme, quel individualisme forcené, et quel arrogant mépris du projet de ceux qui tentent concrètement de poser les bases d’un autre monde en le faisant exister au quotidien. Voilà ce que j’en pense ! C’est un sujet qui mériterait d’être approfondi…
Deux grands courants – ce n’et pas limitatif mais c’est fondateur - forment en Amérique Latine, ce que j’appellerai par facilité la gauche… l’un est industrialiste et tombe dans le piège de l’idéalisation du statut de classe moyenne, manque de bol, les classes moyennes étant intrinsèquement une composante du système capitaliste, de ses modes de consommation qui vont déterminer les modes et nécessités de productions, etc… ma,que de bol, ces classes moyennes nouvelles finissent par se retourner contre leur créateur, un oeil fixé sur Hollywood... L’autre est le modèle que détermine une collectivité qui se fonde dans une réforme agraire qui implique la souveraineté alimentaire – production locale, saine, à juste prix - et des modes de production à dominantes artisanales. Après il existe plusieurs mode politique possible, mais très clairement, dans son immense majorité, ceux qui pratiquent cette agriculture paysanne le font en tant que comunerxs.
Et c’est ce qui fait l’irréductible différence entre Maduro et Chavez, c’est que Chavez avait mis en œuvre ce projet donnant la priorité à la souveraineté alimentaire et aux biens de premières nécessités -bonheur compris -,sur les productions industrielles de luxes (et d’importation)…
Une image qui m’a fait rire, quand la loi habilitante est entrée en vigueur et que les gens se sont précipités pour acheter de l’électro ménager à ne plus savoir comment emporter leurs achat,s une opposante qui profitait de l’aubaine, avait trouver dans les rayons, un appareil dont elle ne connaissait pas l’usage, et demandait désespérément qu’on lui dise à quoi cela servait, personne n’a pu le faire, ce qui ne l’a pas empêché de l’acheter…. Et c’est bien de cela dont il est question, en particulier au moment où nous vivons la double crise de d’une destruction létale de notre milieu ambiant et d’un épuisement des ressources qu'implique ce genre de modèle de gaspillage.
Je ne peux éclairer cela que de mon propre point de vue, il y a plus de trente ans que l’inégalité des échanges Nord Sud m’a fait adopter la frugalité, la pauvreté joyeuse… et je n’ai qu’une chose à dire, je trouve que c’est une IMMENSE richesse, comprenne qui pourra. Sauf que l’appropriation du territoire et l’effacement de la marge rend ce choix de plus en plus difficile à assumer : les alternatives se réduisent comme ce sont réduit les territoires des natifs ethnocidés quand les Européens ont débarqué aux « Nouvelles Indes ». Donc oui, je suis résolument du côté artisanale, agraire, autogéré horizontalement, austérité non merci, pauvreté bienvenue, tant qu’il y a du sens et de la créativité, la joie n’est pas loin. Et ce point de vue je le retrouve en permanence en Amérique Latine, et des gens que je respecte infiniment comme Atilio Boron sont de l’autre option… mais avec des gens de bien, cela se discute et ce nuance de part et d’autres, ce n’est pas une guerre, avec les corporations expropriatrices, c’est une autre paire de manche, c’est une guerre, une guerre sans quartier ni merci, du moins de leur part.
Or c’est cela le problème au Venezuela, la Conférence « pour la Paix » est apparue aux yeux de beaucoup comme un partage entre oligarchies officialiste et opposante notamment de la rente pétrolière au détriment d’un peuple, vivant non seulement des pénuries, mais le non respect de conventions collectives durement conquises et la non mise en œuvre de la réforme agraire, une anecdote à ce sujet… j’ai oublié le nom de la Finca qui devait faire l’objet de la réappropriarition… soit…article sur apporea… Les paysans occupent la Finca X et exigentdes autorités la mise en œuvre du droit à cette terre qui leur a été légalement restituée… en faisant des recherches, j’ai vu que c’était la nième occupation, toujours sans résultat, après on en parle plus, mais le même article presque mot pour mot ressort tous les X temps… un cas parmi d’autres. Et souvent bien plus graves, encore…
Bref voici où nous en sommes, un peuple révolutionnaire admirable dont les sourires joyeux m’ont réchauffé le cœur et l’intelligence nourrit l’esprit pendant de longues années, un gouvernement qui en bien des points ne poursuit pas le programme pour la patrie de Chavez sur base duquel Maduro a été élu, et qui donne un coup de timon vers la droite, plutôt que vers la gauche comme prévu, une droite soucieuse de profiter d’un maximum de la faiblesse du gouvernement pour récupérer un maximum de privilèges (au détriment du peuple) et une extrême-droite qui sous le nom de démocratie internationale sert un projet de fascisme mondiale sous gouvernance des Corporations mais ne le sait pas toujours. Sachant en plus que toute droitisation est une étape vers ce programme de domination du spectre tcomplet qui et le but, l’objectif du Monde Marché, l'alerte est lancée.
Pour les Vénézuéliens comme pour nous, pour les gens de paix, de partage, de convivialité et de bon voisinage, il n’y a qu’une issue, la reprise ensemble de la révolution communale de souveraineté populaire telle qu’elle a été mise en œuvre depuis le Venezuela et s’est depuis étendue à toute la région, tous le continents, elle est là partout, présent, semence ou germe… vive la commune !
La commune ou la mort ! ce n’est pas une question de choix mais l’énoncé d’une poignante réalité.
CHAVEZ VIVE, LA LUCHA SIGUE !
Anne Wolff