De la colére entre indignés ou comment faire le jeu du pouvoir marchand
29 juil. 2011
Le petit billet d’humeur précédent était plus spécifiquement destiné aux Indignés de Bruxelles qui sont nombreux à avoir le sentiment de patauger dans la choucroute, de ramer dans les dunes…
Cela fait deux mois que j’ai été précipitée dans un mouvement qui ressemble parfois à une machine emballée qui s’engouffre sans réelle concertation dans des actions déterminées par les sollicitations du moment. Que ce mouvement reste en grande partie activiste et sectaire au-delà de toute réflexion en profondeur, analyse de la situation du moment et solution qui tiennent compte de la situation concrète… Les « gens » aussi indignés soient-ils en réalité n’ont pas plus envie participer à l’aventurisme indignés qu’ils ne participent à l’aventurisme politique général.
Ce qui est difficile, c’est pour des personnes qui se retrouvent au sein du mouvement et qui sont pour la plupart plus scandalisées et horrifiées par la situation actuelle et les promesse de vagues d’austérité, de misère et de répression à venir de se démarquer d’une lutte qui finalement n’a d’autres résultats que de flatter le narcissisme des uns et le goût pour cette drogue dure, l’adrénaline, de certains autres.
Agitation est un mot pour caractériser ce qui se passe, agitation désordonnée et source de conflits et de tensions, de lutte entre factions rivales. Je désire ainsi que d’autres me démarquer de cette manière d’agir. Nous sommes nombreux à penser qu’une auto-organisation réussie passe par la mise en place d’une organisation performante et nous sommes à présent placé devant un défi majeur : où nous arrivons à nous structurer et nous organiser en toute bonne horizontalité pour accueillir les marcheurs européens ou nous courons à la catastrophe et Bruxelles pourrait devenir le piège où les marches viennent se perdre.
Nous avons été témoin de la répression dont fait l’objet le mouvement indigné. Arrestations préventives avec abus en tous genres, dispositifs policiers démesurés. Manifestement, même balbutiant comme il l’est en ce moment, le mouvement indigné fait tellement peur que le « pouvoir marchand » est prêt à tout pour l’étouffer dans l’œuf.
Les arrestations d’Indignés, que ce soit en juin, où des arrestation de personnes ou de petits groupes dans le parc de Bruxelles, que ce soit celles du 21 juillet, tout témoigne de ce que nous sommes repérés fichés et mis dans le collimateur des forces de la répression comme cible à abattre.
Certains d’entre nous victimes ou témoin de ces exactions travaillent actuellement à créer un dossier à ce sujet. Mais encore une fois semble-t-il les efforts sincères et désintéressés des uns se heurtent à la volonté concertée de ceux qui depuis le début du mouvement tentent de tirer la couverture à eux : récupération.
Un autre aspect des choses pose problème : alors que la marche espagnole par exemple est résolument pacifique, nous nous retrouvons ici confrontés à des petits casseurs en mal de gloriole et de sensations fortes… si quelques rares d’entre eux ont vécu des expériences de répression injustifiée qui motivent leur haine, ce n’est pas le cas de la plupart qui n’ont pas de plus gros malheur que d’être nés le cul dans suffisamment de beurre pour amortir toutes les difficultés avant même qu’ils les rencontrent et ils est donc nécessaire pour eux de se créer des motifs de rébellion.
Le baptême de la matraque et du cachot est pour eux une légitimation de leur combat. En bon petit bourgeois égoïstes, ils ne voient pas au-delà de leur désir d’importance personnelle, de leur révolte à deux sous de nantis qui se voient menacés dans leurs soi-disant prérogatives et quelques minutes de discussion mettent en évidence un mépris total du peuple. Se donner bonne conscience a bon marché, s’agiter pour se donner l’impression d’agir tout cela dans un élitisme de mauvais aloi, cela nuit au mouvement en tant que tel en éloignant les véritables indignés, ceux qui sont touchés de front par les vagues de misère qui submergent notre pays.
Alors les tensions montent… Comment créer un mouvement unique quand certains dans un sens comme dans l’autre n’ont d’autres but que saboter les actions dont ils ne peuvent s'attribuer l'initiative.. Tout le monde qui le souhaite doit être accueilli à bras ouvert dans le mouvement, parait-il. Mais finalement cela débouche sur un mouvement anarchiste (et même les différentes tendances anar ont du mal à y cohabiter pacifiquement) et écartent les personnes plus pragmatiques qui cherchent des solutions réelles à des problèmes concrets au-delà de catégories traditionnelles qui ont finalement objectivement plus contribué à l’instauration de la dictature qu’ils ne l’ont combattue.
Voilà où nous en sommes, un peu perdus pour la plupart d’entre nous. Personnellement je n’ai aucune envie de perdre du temps en modes de lutte éculés et chargés de mépris pour le peuple réel. J’ai vécu les effervescentes 70 et je n’ai aucune envie de réitérer les mêmes erreurs sans issues. Quand j’ai rencontré le mouvement indigné j’étais pleine d’espoir: enfin une nouvelle manière d’agir et je sais que nous étions nombreux à partager cet espoir et qui sommes aujourd’hui déçus et inquiets.
Et pourtant ce mouvement est aussi notre mouvement, nous ne désirons pas lui imposer une direction, mais nous désirons trouver les moyens d’actions concrets et le mettre en œuvre en mettant hors d’état de nuire les saboteurs en tous genre, libre à eux d’aller jouer à la guéguerre stérile s’ils n’ont rien de mieux à faire, mais libre à nous de ne pas accepter leur tentative de main mise sur l’ensemble du mouvement.
Un défi intéressant que nous essayons de relever pacifiquement, bien sûr.
A suivre