Quelques réflexions sur ma traduction du Discours de fin de campagne de Maduro

 

Après ma traduction du dernier show de la campagne électorale de Maduro, il me reste un sentiment de malaise. On ne peut pas traduire sans un certain degré d’empathie avec l’auteur ou le(s) sujet(s) de paroles dont il s’agit de rendre le sens avec la plus grande fidélité possible. Et la traduction d’une vidéo, demande beaucoup plus de concentration, et amène plus d’implication émotionnelle que celle d’un écrit.  

Ici je vais plutôt analyser des moments et modes de la mise en scène de ce grand show politique du 21ème siècle, les éléments politiques et autres aspects plus idéologiques, je reviendrai dessus par la suite, comme par exemple ce que sont les fameuses zones économiques spéciales que Maduro instaure ici en Aragua et ailleurs,au sujet de  l’origine des moyens qui servent à financer cette campagne couteuse, et de son usage immodéré des médias et autres moyens de l’état pour promouvoir sa campagne. Il faut également revenir sur l’aspect clientéliste de cette campagne, quand il fait miroiter (‘entre autres incitants) – dans tous ses meetings – un prix pour les détenteurs du Carnet de la Patrie qui iront voter :

“Todo el que tenga carné de la patria tiene que votar, eso es dando y dando. Estoy pensando en darle un premio al pueblo de Venezuela que salga a votar ese día, con el carnet de la patria”[i],

“Tous ceux qui ont le Carnet de la Patrie doivent voter. C’est donnant donnant. Je pense à donner un prix au peuple du Venezuela qui ira voter ce jour-là, avec le Carnet de la Patrie »

 Cette citation date du 28 avril, mais il va la répéter tout au long de sa campagne. Pour en avoir visionner plusieurs meetings, on voit bien que la recette de base est établie une fois pour toute, que les mêmes paroles et attitudes se répètent de la convocation de Chavez au début, à celle de Dieu à la fin, et Nicolas Maduro qui se la pète au milieu.. C’est vérifiable, si j’ai traduit la vidéo d’un de ces meetings, c’est bien pour que chacun puisse vérifier de ces propres yeux et écouter de ses propres oreilles.

Où est le Pouvoir Populaire, qui est un Pouvoir établit par la Constitution de 1999, dans ce donnant-donnant qui relève plus du commerce que de la politique.

Ajoutons que pour les besoins de l’analyse, en plus des idées, ce sont les gestes, les mises en scène, les modes de prises de vue, les plans sur le public qui interviennent comme éléments éclairants. Encore qu’ici « éclairant » me semble déplacé, puisque je me sors de ce boulot avec une nausée morale, dont j’ai du mal à me défaire.

J’ai été aidée ce matin par une vidéo rafraîchissante de Gonzalo Gomez,, membre du mouvement Marea Socialista, membre fondateur d’Aporrea, interviewer alors qu’il participait à une réunion d’un réseau international anticapitaliste à Buenos Aires.

Le réseau a formulé une déclaration conjointe qui réfute à la fois l’agression impérialiste au Venezuela, autant que le régime de Maduro. Et qui appelle les vénézuéliens à voter dimanche. En ce moment c’est assez général, les chavistes, la gauche et autre communalistes appellent à aller voter dimanche. Marea Socialista soutient le candidat Reinaldo Quijada, mais surtout envisage le travail de réorganisation et conquête de pouvoir populaire dans le long terme, un travail qu’ils n’ont jamais cessé de mener, l’aspect électoral n’étant pas un but en soi.

Marea Socialista, courant influencé par le trotskisme, qui en son temps a participé à la formation du PSUV (Parti socialiste Unifié du Venezuela), initié par Chavez, a toujours conservé sa singularité et se démarque aujourd’hui clairement du Parti et de ses tendances néo-staliniennes. Comme quoi, les vieilles querelles n’ont pas fini de retentir. Même si elles ont changé de nature.

Cela m’a amenée à faire un détour par La Commune en France, une des organisations qui participait au Réseau Anticapitaliste International, où dans un texte, j’ai trouvé quelques citations intéressantes. Formulées pour le cas particulier de la France, elles ont une portée générale, qui illustre une situation mondiale un moment de l’histoire, ère d’hybridations improbables et de plus grande confusion :

« Dans ce contexte très spécial où crise des institutions, crise des représentations politiques, crise sociale et crise économiques s’entrelacent et s’entrechoquent et se ramènent au fond à une même cause, naissent des créatures politiques hybrides et improbables […] dans une atmosphère de débâcle générale. »

C’est valable aussi pour la Belgique ou le Venezuela. Dérive stalinienne du régime, mais l’intronisation divine du président le rapproche également des monarchies de droit divin, difficilement acceptable, même dans notre Royaume de Belgique, avec une famille royale catholique, le contrat politique est laïque. Et en France on en parle même pas, il est carrément laïciste… Soit. Les dirigeants du Nicaragua, les Murillo, officiellement de gauche, eux aussi insistent sur le fait qu’ils sont de bons chrétiens. Personnellement j’y vois plus une stratégie politique, alors que l’actuel Pape, est un lifting du Vatican sont il faut conquérir les bonnes grâces, ou au moins ne pas se faire un ennemi.

Mais ramener le petit Jésus à toutes les sauces, y compris celle de son propre sang… A l’heure de tous les nettoyages sociaux, cela me choque et m’interpelle, cela m’inquiète aussi.

Qualifié le PSUV d’organisation néo- Stalinienne il y a des raisons pour cela, mais que penser quand le dirigeant de ce courant, Nicolas Maduro, en appelle à ce que « le sang sacré du Christ rédempteur baigne le Venezuela et lui donne la victoire et lui donne la paix ».  C’est vrai cela m’a perturbée, je ne suis pas trop connaisseuse en matière de Bondieuseries, mais quand même. Le socialisme et sang du Christ Rédempteur, il s’agit bien d’un hybride improbable.[ii] l’image me semble malheureuse pour un pays qui subit la menace d'une guerre civile sanglante et/ou d’une dévastatrice invasion militaire. Elle est résolument incompatible avec l’idée que je me fais du bonheur et inappropriée dans la mentalité comme dans la bouche d’un chef d’état socialiste. Et tout cela sous le sourire idiot de Chavez en poupée gonflable… Je trouve cela, pour le moins de très mauvais goût.

Mais beaucoup d’aspects de ce show font preuve de mauvais goût, Il y a des moments où on se retrouve carrément à la Fête de la Musique des Beaufs : Maduro et Ciilia accoutrés « classes moyennes, le dimanche de barbecue », et quelques-uns des « VIP »  à l’avenant, les quelques pas de danse… cela tiendrait la route, si l’on ne savait pas que la pauvre Cilia n’est pas obligée de porter tous les jours une casquette ridicule pour les besoins du look de campagne. Maduro a dit d’elle qu’elle était aussi belle qu’une start d’’Hollywood. En tout cas en d’autres occasions, elle a prouvé qu’elle en avait les accessoires dans sa garde-robe.

Et si Nicolas portait cette ridicule chemise verte informe, nous pouvons apprécier les efforts de son coiffeur, fini le noir de noir du président proche de la jeunesse, cette fois, le capilliculteur a produit assez de cheveux blancs pour symboliser la maturité de Maduro, dont les cheveux blanchissent sous le joug de la présidence. D’ailleurs non content d’avoir balancé sa casquette dans la foule à son arrivée en vedette, Maduro, à un moment, va rentabiliser cet investissement de marketing politique, peu après la 45ème minute « Toi si, tu as les cheveux blancs, comme moi », il fallait qu'il la place, mais il oublie de finir l’anecdote qui l'introduit. … Cela c’était pour les costumes et quelques détails de la mise en scène

Je l’ai fait déjà remarquer hier, un autre « détail » de cette mise en scène qui m’a interpellée, c’est le moment ou Nicolas Maduro va se « présenter à 40mn43. Il était sur le Ponton face à la foule, il se détourne et parle, face aux VIP et dos au peuple :

« Vous me connaissez, je suis Nicolas Maduro Moro. Vous me connaissez et vous savez ce dont je suis capable. Vous savez que je ne suis plus ce débutant, qui, il y a cinq ans, suis venu chercher votre soutien, je ne suis plus un candidat débutant, non…Maintenant je suis un président MADURO (mûr), capable, engagé, qui a appris à aimer le peuple toujours d’avantage, qui comprend toujours d’avantage la conscience et la force du peuple et qui est prêt, si vous me faites président, Si Vous Votez Pour Moi le 20 Mai, Si Vous Votez Pour Nicolas Maduro Moro, je suis prêt à donner ma vie entière pour la protection et la vie du peuple entier du Venezuela. Je le jure.

Et à ce moment, il lève la main pour jurer, toujours face aux VIP, et c’est après ce moment seulement qu’il va se retourner vers le peuple: :

 ainsi je le jure face à vous,

 cette fois ni une pose, ni le geste de la main levée, non, ennui et désinvolture… c’est ce qui me vient quand il se passe alors la main dans les cheveux…. Vous pensez que ce sont des détails… moi pas. Pas quand on replace cela dans son contexte général. Celui d’une grossièreté récurrente et de manifestations de mépris du peuple.

 Dans le registre de la grossièreté, un exemple dans ce même discours, tout au long duquel il parle à la foule en utilisant, ustedes, la forme polie, mais quand il appelle  à ce que chaque membre du parti aille chercher un autre votant, il interpelle une dame dans la foule :

44mn08 : « Toi  Femme, (Tu, Mujer !) tu as la Carte du PSUV. Tu sais déjà quelle est la personne que tu vas amener pour voter ? »   Ni Madame, peut-être un peu guindé, ni surtout Compaňera, comme cela se fait entre membre d’un parti de gauche…

 

Ensuite on peut se poser des questions en se basant sur le fait que dans un meeting d’une telle importance, tout est écrit à l’avance, pesé, mot pour mot, mais je n’irai pas par là, pas maintenant. Ici il est question de mise en scène et de jeu d'acteur. Il y aurait encore beaucoup à dire mais je voudrais m’attaquer aux zones économiques spéciales, un sujet des sujet que j’aimerais approfondir, Comme les zones franches,les RED du Honduras et autres noms qu’adoptent les enclaves néolibérales qui occupent des pays dont l'état a abdiqué d’une partie plus ou moins grande de leur souveraineté.  . Retenez que, ici, dans ce discours de campagne, il en fait l’annonce, il a décrété les Zonings Industriels d’Aragua Zones Economiques Spéciales placées sous autorité absolue et unique du gouverneur, la foule applaudit, je crois qu’elle n’a pas vraiment compris.

Une autre remarque, dans les quelques meetings que j’ai regardés, je suis frappée chaque fois par la jeunesse des participants, une majorité doivent avoir autour de 18 ans et donc beaucoup ne sont pas encore en âge de voter et sont nés avec l’arrivée au pouvoir de Chavez. C’est un public très différent de celui que rassemblait Chavez, qui présentait une grande diversité dans les âges et les origines. Mais j’ai vu en d’autres occasions de ces jeunes réellement embrigadés, répétant le discours convenu de la révolution, comme le font les bons élèves des lavages de cerveaux. le même discours que répètent aussi beaucoup d'adultes. Je l'ai dit déjà, vers l'âge de seize ans j'ai fait un petit stage dans une organisation stalinienne, la leçon que j'en ai tiré, c'était de me remettre à étudier pour que jamais personne ne puisse me manipuler politiquement;

Voilà, pour le reste, chacun peut juger par lui-même,

Anne W

PS : toujours le même climat dans mes lectures vénézuéliennes, chez les chavistes « critiques »,  autres gauches et communalistes, ce qui domine, c’est la trame de fond d’inquiétude face à la menace d’intervention militaire. Si certains cherchent des réponses dans le déni, d’autres sont préoccupés par la manière d’y faire barrage avec ou sans Maduro.

 

 

[i] Le Carnet de la Patrie est indispensable pour recevoir les différentes aides des programmes sociaux du gouvernement. Toutes les données sociales des personnes et des familles sont collectées pour « faciliter » le déroulement des programmes, alors que les quelques 100 000 jeunes brigadistes embrigadés de Somos Venezuela (petite sœur du PSUV) sont censés visiter chacun des foyers de carnétisés, un par un. Certains mettent en évidence des caractères hybrides de ce Carnet qui font qu’une inscription dans les programmes sociaux se doublent au moins en partie d’une allégeance au moins tacite régime et à son parti PSUV. Après il faudrait approfondir, mais il est clair que dans le discours politique officiel, les 17,5 millions de Carnétisés, sont présentés comme des soutiens du régime, Alors que dans ce pays en état de pénurie aggravée, prendre le Carnet est pour beaucoup une question de survie (même pas vraiment garantie, encore une autre histoire)  Des sources Açoréennes laissent entendre que ce fameux prix pour les carnétisés qui iront voter, serait un bon de quelques millions de bolivars, pas de quoi nourrir son chat.  De même que procéder à la mise en œuvre des programmes sociaux du gouvernement par intermédiaires des organisations du Parti est ambigu et manque d’éthique….

Et moi, je manque de temps pour approfondir chacune de ses questions dont chaque aspect compose le tableau confus du Venezuela actuel. Ma méthode est donc de collecter des infos sur un sujet donné, de les recouper et de traduire les textes qui articulent et approfondissent ces données, quand je les découvre, ce qui a un côté aléatoire.

[ii] D’un goût douteux et bien pire. Autre détour, la totale hier, après avoir fini de traduire Mat’dùro, je suis tombée sur un texte que j’ai hésité à relayer Diagnostiquer l’Occident : il est atteint du trouble de la personnalité sadique (TPS) malgré ou à cause de sa trop grande pertinence alors qu’en plus je venais de recevoir moralement ce bain de sang du christ. L’auteur Andre Vltchek avait déjà retenu mon attention, présent sur le terrain de révolutions de couleur, il confirmait que celles-ci, après avoir mis en évidence les leaders de la souveraineté populaire, dans leur deuxième phase de reprise en main par les disciples de Gene Sharp « faisait disparaître ces dirigeants » du mouvement spontané. Dont ceux avec qui Vltchek avait noué des relations d’amitié. Ces propos sont très durs, ils font froid dans le dos, mais ce sont les paroles d’un témoin – que je ne qualifierais pas de privilégié - des champs de bataille du 21ème siècle. Et ce témoignage, sauf à vouloir s’enfoncer dans le déni de réalité, est précieux.

Cela fait longtemps que cette culture de la souffrance, même si j’ai réussi à souvent m’y soustraire me semble un des grands obstacles spirituels à la construction d’un monde plus harmonieux, plus heureux… et donc que Nicolas Maduro Moro  utilise cette image-là, précisément, en ce contexte singulier, n’augure rien de bon pour l’avenir du peuple vénézuélien, qui serait déjà bien content d’avoir de l’eau pour se doucher, alors que les coupures d’eau se multiplient et se prolongent à travers tout le pays.

 

 

 

[1] Le Carnet de la Patrie est indispensable pour recevoir les différentes aides des programmes sociaux du gouvernement. Toutes les données sociales des personnes et des familles sont collectées pour « faciliter » le déroulement des programmes, alors que les quelques 100 000 jeunes brigadistes embrigadés de Somos Venezuela (petite sœur du PSUV) sont censés visiter chacun des foyers de carnétisés, un par un. Certains mettent en évidence des caractères hybrides de ce Carnet qui font qu’une inscription dans les programmes sociaux se doublent au moins en partie d’une allégeance au moins tacite régime et à son parti PSUV. Après il faudrait approfondir, mais il est clair que dans le discours politique officiel, les 17,5 millions de Carnétisés, sont présentés comme des soutiens du régime, Alors que dans ce pays en état de pénurie aggravée, prendre le Carnet est pour beaucoup une question de survie (même pas vraiment garantie, encore une autre histoire)  Des sources Açoréennes laissent entendre que ce fameux prix pour les carnétisés qui iront voter, serait un bon de quelques millions de bolivars, pas de quoi nourrir son chat.  De même que procéder à la mise en œuvre des programmes sociaux du gouvernement par intermédiaires des organisations du Parti est ambigu et manque d’éthique….

Et moi, je manque de temps pour approfondir chacune de ses questions dont chaque aspect compose le tableau confus du Venezuela actuel. Ma méthode est donc de collecter des infos sur un sujet donné, de les recouper et de traduire les textes qui articulent et approfondissent ces données, quand je les découvre, ce qui a un côté aléatoire.

[1] D’un goût douteux et bien pire. Autre détour, la totale hier, après avoir fini de traduire Mat’dùro, je suis tombée sur un texte que j’ai hésité à relayer Diagnostiquer l’Occident : il est atteint du trouble de la personnalité sadique (TPS) malgré ou à cause de sa trop grande pertinence alors qu’en plus je venais de recevoir moralement ce bain de sang du christ. L’auteur Andre Vltchek avait déjà retenu mon attention, présent sur le terrain de révolutions de couleur, il confirmait que celles-ci, après avoir mis en évidence les leaders de la souveraineté populaire, dans leur deuxième phase de reprise en main par les disciples de Gene Sharp « faisait disparaître ces dirigeants » du mouvement spontané. Dont ceux avec qui Vltchek avait noué des relations d’amitié. Ces propos sont très durs, ils font froid dans le dos, mais ce sont les paroles d’un témoin – que je ne qualifierais pas de privilégié - des champs de bataille du 21ème siècle. Et ce témoignage, sauf à vouloir s’enfoncer dans le déni de réalité, est précieux.

Cela fait longtemps que cette culture de la souffrance, même si j’ai réussi à souvent m’y soustraire me semble un des grands obstacles spirituels à la construction d’un monde plus harmonieux, plus heureux… et donc que Nicolas Maduro Moro  utilise cette image-là, précisément, en ce contexte singulier, n’augure rien de bon pour l’avenir du peuple vénézuélien, qui serait déjà bien content d’avoir de l’eau pour se doucher, alors que les coupures d’eau se multiplient et se prolongent à travers tout le pays.

 

 

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