Au Venezuela, les élections : Rien ne va plus !
19 mai 2018
Demain auront lieu les élections présidentielles au Venezuela. J’ai décrit les tendances que j’ai vu se dégager parmi les chavistes, autres gauches et communalistes vénézuéliens. Il y a les officialistes, inconditionnels de Maduro, et ils restent nombreux. Leurs motivations sont diverses. Il y a certainement parmi eux une large base de militants sincères persuadés d’être du bon côté pour poursuivre l’œuvre de Chavez, ce qui m’ennuie, c’est que beaucoup d’entre eux ont un langage de fanatiques après lavage de cerveaux…. Le socialisme, la révolution, le petit jésus et la Mission sacrée de faire partager La Vérité, la seule, l’unique dont serait détenteur de droit divin, le Parti Socialiste Unifié du Venezuela. Cela ils le disent sans vergogne, Maduro, Varela, Delcy Rodriguez et autres pontes du régime et du parti : Ils détiennent la Vérité et ont pour Mission de la faire partager. Et les militants de répéter le catéchisme du Parti.
Nous n’avons aucun moyen fiable de connaître l’importance réelle de cette partie de la population. S’il y a eu récemment une grande opération d’encartage nationale du PSUV, le récit d’une dame chaviste, membre du PSUV, habitant un quartier de classe moyenne dans lequel son appartenance lui a souvent causé des problèmes avec ses voisines de l’opposition. Ce matin-là en sortant de chez elle, qu’elle ne fut pas sa surprise de voir ces mêmes voisines faire la file pour obtenir leur carte du Parti(‘PSUV) certainement par conviction politique, mais bien pour des intérêts clientéliste.
Alors que d’autres s’y sont infiltrés, y compris d’ex anti-chavistes notoires, jusque dans les plus hautes sphères. Cela ce n’est pas spécifique au Venezuela, partout les partis au pouvoir ; voient débarquer des transfuges et autres opportunistes, qui ne sont là que parce que cela leur semble être le meilleur chemin pour réaliser leur plan de carrière et/ou d’enrichissement personnel.
C’est bien triste, mais depuis quelques années, alors que le pouvoir s’est concentré toujours d’avantage entre les mains des plus hautes sphères du pouvoir exécutif, et du président, alors que tous les rouages de la corruption en sont venus à être un mode de fonctionnement du système, à toutes les échelles, forcément le PSUV, a concentré un bon nombre de membres qui sont là par intérêt et autres mauvaises raisons. Et il y a beaucoup de chance pour qu’ils figurent parmi ceux qui répètent le catéchisme du Parti avec la plus grande conviction.
Une chose est certaine, c’est que si une grande partie de la population est plongée dans la plus sombre misère, lors de réunion du parti, nous voyons des assemblées de bien nourris, qui pètent la santé.
Je regardais hier une vidéo dans laquelle Diosdao Cabello, le second du régime, affirmait à une journaliste de la BBC, qu’il n’y a pas de misère au Venezuela, etc… derrière lui quelques dizaines de militants à qui il demande : « Vous avez faim », et tous en chœur : « NON ! ». Beaucoup de vénézuéliens de « a pie », de la base, et parmi eux de nombreux chavistes et autres, se demandent s’il est vraiment possible que les dirigeants du pays ignorent à ce point la situation réelle. Et c’est récurrent, il n’y a pas de misère au Venezuela, martèlent-ils tous avec une immense conviction. Maduro parlent même d’hypersensibilité, ou d’autoflagellation de la part des révolutionnaires qui osent critiquer ou poser des questions à ce sujet. Mensonge éhonté ou déni de réalité ? De toute manière, ni l’un ni l’autre n’est acceptable.
Il y a également énormément de jeunes parmi les nouveaux fanatiques du parti. Des Jeunes qui n’étaient pas nés, où à peine quand Chavez a accédé au pouvoir. Ces jeunes pour la plupart sont des brigadistes de « Somos Venezuela », qui se présente comme un parti à part entière, mais qui soutient inconditionnellement Maduro, et fonctionne plutôt comme une organisation du PSUV.
Ce sont les Brigadistes de Somos Venezuela, qui étaient chargés de la mission de parcourir chacun des foyers de détenteurs du Carnet de la Patrie, la carte magnétique qui donne accès aux services sociaux du pays. Un pays dans lequel le salaire minimum ne suffit pas à assurer les besoins basiques d’une famille pour une seule journée, et où la majorité des familles dépendent des bons et dons en nature de l’état, comme la fameuse caisse d’aliments, les Claps, pour leur survie.
Et toujours, il a ce jeu ambigu de Maduro et ses sbires, qui cultivent l’ambiguïté, les 17,5 millions de carnétisés de la Patrie, sont souvent instrumentalisés comme des soutiens du régime. Et nous voyons chaque jour les opérations de propagandes menées pour fidéliser cette clientèle. Celle qui remue l’opinion ces jours-ci, c’est la promesse faite par Maduro d’accorder un prix, un bon financier aux détenteurs du Carnet de la Patrie qui iront voter demain. Et ils doivent faire la preuve de leur « civisme », en enregistrant leur Carnet lorsqu’ils iront voter.
Sa campagne était également pleine de promesses, de logements gratuits clé en main (Mission Vivienda) et autres avantages directs, des promesses bien sûr qui ne pourront être tenues qu’à la condition qu’il soit élu. J’ai traduit un de ces meetings de campagne, pour que chacun puisse se rendre compte par !soi-même ; les autres meetings que j’ai visionnés, se déroulaient tous selon le même plan, avec les mêmes recettes. Le clientélisme à grande échelle ne fait aucun doute.
Oui, Tous (99%) sont d’accord pour le dire : demain, Maduro, sera élu pour un nouveau mandat, que cela leur plaise ou non. Avec combien de voix et quel taux de participation ? Il vise les 10 millions de voix, du jamais vu, pas même Chavez… Mais Maduro - Je suis le grand leader du Chavisme aujourd’hui – semble parfois prétendre qu’il serait bien plus chaviste que Chavez lui-même… sauf que…
Nous nous rappelons de ce nouveau « Grand Timonier », aux côtés de Chavez, dans des postures de soumission, d’éternel second… il ne la ramenait pas à l’époque, et nous nous souvenons qu’une fois que Chavez l’avait désigné comme héritier, il avait juré, à genou, sur l’épée de Bolivar : « Comuna o nada ». La commune ou rien. !
Cette promesse, il l’a trahie. S’il avait tenue, aujourd’hui, il ne se présenterait pas comme le leader maximissimo du Chavisme, qui se permet de tourner le dos au peuple quand il jure son engagement, qui gouverne par décrets[i] dans le cadre d’un régime présidentiel d’une urgence indéfiniment reconduite. Président qui distribue dilapide pour les besoins de sa campagne, l’argent obtenu en hypothéquant les ressources naturelles du pays, mais qui se comporte comme si cette générosité provenant de sa poche. Souvent revient la question du coût de cette campagne, et de l’origine des fonds. Et nul doute que l’argent de l’état en est la principale source. Un vrai scandale !
S’il n’avait été parjure :
Il serait aujourd’hui en symbiose avec un peuple souverain, et ensemble, ils pourraient dire : « Aujourd’hui, nous sommes tous les leaders du chavisme ! ».
Il serait comme Chavez porté par la base et non imposé par les hautes sphères du parti qui n’a fait aucune élection interne pour le choix du candidat. La Peuple a perdu du pouvoir. Le pacte qu’on lui propose aujourd’hui, le donnant-donnant à la Maduro : « Tu me donnes ton vote, et moi, j’ai les pleins pouvoirs pour m’occuper de tout le reste. » Où est le protagonisme là-dedans ?
Je suis vraiment curieuse de voir le résultat des élections demain. Je sais que demain, beaucoup de gens iront voter pour que la participation soit suffisamment significative pour délégitimer toute tentative d’intervention extérieure.
Parmi eux ceux pour qui il est aussi impossible de voter pour Maduro, que pour l’opposition, pour eux un seul parmi les candidats constitue une alternative cohérente, Reinaldo Quejada, le candidat de UPP89, soutenu par le mouvement socialiste et chaviste, qui a rompu avec le PSUV, dont il était membre fondateur Marea Socialista. Il existe bien sûr d’autres mouvements alternatifs qui veulent poursuivre le projet communal de pouvoir populaire. Mais les autres n’ont pas pu, pas voulus ou n’ont pas été autorisés par le Conseil National Electoral à se présenter – comme ce fut le cas pour Marea Socialista[ii] ou le Frente Amplio National Bolivariano, communaliste). Le but de ce candidat est de rendre visible, le courant de pouvoir populaire qui se démarque de Maduro, et de catalyser les processus qui permettront de continuer l’organisation de ce pouvoir populaire après les élections.
Ce que vont éclairer les élections, demain, c’est de montrer un peu plus clairement le poids que représente actuellement chaque tendance (opposition comprise)[iii], pour celles qui participeront au scrutin. Il existe d’autres mouvement qui remettent en avant le Pouvoir Populaire comme celui qui doit devenir le premier Pouvoir du Venezuela, c’est leur devenir futur qui m’intéresse.
Les jeux sont faits, rien ne va plus.
Ce rien ne va plus, je vais m’y intéresser à présent. Des troubles venant de l’opposition à la solde des USA et de l’extrême-droite du pays et de la région sont attendus et redoutés, puisqu’il semble que la seule solution tolérable pour les USA au Venezuela, soit une guerre civile, suivie d’une intervention humanitaire…
Se déroule en ce moment une mutinerie, dans la prison de l’Hélicoïde, quartier général de la Sebin, service de renseignement de la Police du Venezuela, police politique pour certains, et il se fait que celui qui mène cette révolte, relayée par CNN n’est pas un inconnu, il s’agit de Lorent Saleh, leader étudiant d’extrême-droite de la tentative de coup d’état de 2013, actuellement emprisonné à la Sebin. Hasard, ou partie d’un plan de déstabilisation ? Je penche pour la deuxième version.
Anne W
[i] Parmi ces décrets, celui qui, le 24 février 2016 officialise la création de « la Zone de Développement Stratégique National de l’Arc Minier le l’Orénoque » un territoire de plus de 110 000 kilomètres carré (12% du territoire du pays), décret 2 248, Gazette Officielle N° 40 855. Un projet qui envisage la surexploitations des ressources naturelles du pays, diversification des sources de la rente. Un décret qui s’accompagne d’autres, un changement de Régime Fiscal, qui viole tous les principes de la Constitutions de 1999, en laissant le président décider d’exonérations d’impôts à sa guise, et qui s’accompagne d’une Loi d’Investissements Etrangers, des mesures qui devraient être intégrés à la nouvelle Constitution. Ce sont des thèmes sur lesquels je reviendrai après les élections, s’ils sont toujours pertinents. Je voudrais mettre en évidence tant les aspects qui concerne le désastre global intrinsèque au Grand Extractivisme, que le caractère ‘Vende Patria » de la Loi d’Investissements Etrangers, et cette panoplie de décrets et propositions de loi, qui livre les ressources naturelles du pays aux transnationales Russes, Chinoises, US, Canadiennes. Je voudrais également montrer les similarités qui existent entre la « loi hypothèque » du Honduras et les mesures prises par Maduro… Deux faces similaires, les mêmes avancées néolibérales.
[ii] Personnellement je suis communaliste, de ce communalisme qui se fonde dans l’assemblée des habitants sans distinction d’appartenance politique ou d’origine. Mais j’ai aussi un immense respect pour le travail accompli par Marea Socialista, en particulier à travers la plate-forme contre l’Arc Minier de l’Orénoque, mais aussi pour le site coordonné par ses membres Aporrea,, pour l’audit qu’ils ont réalisé de la société pétrolière nationalisée PVDSA, mettant en lumière des détournements de fonds pour un montant de 500 millions de dollars et je pense qu’à terme, leur commune et la mienne ne sont pas incompatibles.
[iii] Les Evangéliques sont à prendre très au sérieux. 5OO millions dans le monde, 70 millions aux USA, La famille Bush, comme Bill Clinton ou Al gore, sont membres de différentes branches de l’église évangélique Ils sont également un des piliers du soutien à Trump Si la conversion de Bush semble avoir été motivée par des raisons électoralistes, il est permis de s’interroger sur une église d’une importance telle, que s’y convertir peut faire basculer en votre faveur les résultats de élections
. Il semble que le « néomessianissme sécularisé » imposé par Bush qui investit les USA d’une puissance divine a fait des émules, puisque ce schéma se retrouve dans la campagne de Maduro qui se présente comme étant investi personnellement de la puissance divine. Mais revenons aux évangéliques, qui ont de nombreux adeptes au sein de l’armée du Venezuela, qui ont présenté un candidat aux élections présidentielles de Costa Rica. En 2008, il y avait déjà 40 millions d’évangéliques en Amérique Latine et leur nombre grandit rapidement. Voilà, je voulais surtout attirer l’attention sur cet évangélisme prosélyte dur (il y a deux églises évangéliques à moins d ‘un KM l’une de l’autre dans mon quartier), C’est une multinationale religieuse au succès grandissant et qui a très clairement la vocation de jouer un rôle politique déterminant sur la scène politique internationale. Je suis aussi attentive aux parallèles à la doctrine évangélique développés par Maduro, élu de Dieu, chargé de la Mission de diffuser La Vérité, et apôtre de sa propre théorie de la Prospérité.