7 janvier 2013 1 07 /01 /janvier /2013 17:42

 

 

Credito: @Forocandanga
4 Ene. 2013 - Mañana la Asamblea Nacional instala el primer período de sesiones ordinarias de 2013 con el fin de elegir la nueva Junta Directiva del Parlamento, en este sentido ya el Poder Popular se está organizando para hacer presencia en las afueras del parlamento nacional en apoyo a la Revolución Bolivariana y su líder el presidente Hugo Chávez.

¡En la Asamblea Nacional es la cosa. asiste!.

Voir la vidéo ici :
(VIDEO) #PuebloAlaCalle vamos todos mañana a la Asamblea Nacional

 

 

Le Venezuela bolivarien en 2013 : « Accroche-toi, tu n’as encore rien vu ! »

Sur VENEZUELA INFOS

 6 janvier 2013

Le jeudi 3 octobre, lors d’un direct avec les travailleurs de «Café Fama de América » transmis par la télévision publique, dans le bruit des machines, la chaleur et l’odeur forte du café, le vice-président Nicolas Maduro et le président de l’Assemblée Nationale Diosdado Cabello ont tracé les grandes lignes de la « zone économique socialiste » qui sera construite en 2013. «Fama de América» est tout un symbole. Longtemps fermée aux caméras comme le reste des entreprises capitalistes, elle fut nationalisée en 2009 par le gouvernement Chavez à la demande des travailleurs en lutte alors que les patrons voulaient la mettre en faillite. Les travailleurs en contrôlent aujourd’hui la gestion avec l’État. Résultat : un café mieux payé aux petits producteurs et moins cher pour le consommateur. Augmenter la production nationale en fonction des besoins de la majorité, se libérer des intermédiaires privés qui exploitent les producteurs et spéculent sur les prix, relier directement les producteurs aux consommateurs : le succès de ce nouveau modèle productif dépend aussi, pour Maduro, d’une participation accrue des travailleurs : «Nous devons avoir une classe ouvrière de plus en plus éduquée, de plus en plus cultivée, de plus en plus consciente, de plus en plus disciplinée, de plus en plus organisée, parce que dans le socialisme le travailleur doit prendre conscience du plan de production, savoir comment on administre l’entreprise, de quels investissements elle a besoin, quelle technologie il faut ajouter aux processus de production, discuter de manière collective les plans et les approuver. Le travailleur socialiste doit penser comment il peut contribuer au développement de la patrie, et du peuple qui est le coeur et la finalité de tout ce que nous faisons. »

Le Venezuela bolivarien a achevé l’année 2012 sur une rafale de succès économiques et sociaux : le chômage poursuit sa baisse (6,4%), la croissance se renforce grâce aux investissements publics (5,5 % en 2012, 6% prévus en 2013). L’inflation poursuit sa courbe descendante des derniers mois, le cours du pétrole reste élevé (le baril a dépassé les 100 dollars en janvier 2013). Les statistiques montrent que le Venezuela est devenu le deuxième pays du continent après l’Argentine en termes d’immigration de chômeurs espagnols.

S’y ajoute une longue liste d’avancées sociales (1). Qu’on pense aux 346.700 logements populaires construits en 20 mois grâce à la nationalisation de la sidérurgie et du ciment (soit un logement construit toutes les trois minutes !) et aux 380.000 qui seront construits en 2013. Enfin, 2012 a été marqué par une double victoire politique : la réélection de Hugo Chavez à la présidence le 6 octobre 2012 fut suivie, le 16 décembre, en l’absence de celui-ci, d’une avancée historique des candidats bolivariens aux postes de gouverneurs conquérant 20 états sur 23 (2). Bref, les conditions sont réunies pour accélérer la révolution bolivarienne.

Les médias occidentaux qui enterrent le président Chavez et avec lui la révolution bolivarienne et la révolution latino-américaine, risquent de devoir attendre longtemps pour voir leurs désirs devenir réalité. Ils ont beau vouloir réduire l’Amérique Latine à une poignée de chefs d’Etat tombés du ciel, isolés, autocrates, avec les guerres de palais pour unique destin, leur science-fiction est intenable à long terme. On ne peut éternellement refuser de voir la réalité, rayer de la carte les populations, leur Histoire et leur participation, effacer les gouvernements, leurs réalisations et leurs programmes, nier les nombreux scrutins par lesquels les majorités décident de leur avenir.

Exemplaire de l’autisme de la plupart des médias français ou belges, ce titre : « le Venezuela veut la vérité sur la santé du président Chavez ».
Ce qui nous est présenté comme une information n’est que l’actuel slogan de la MUD (coordination de la droite vénézuélienne). La population connaît en détail la situation du président Chavez. Pas moins de 27 communiqués officiels ont été transmis à la radio et à la télévision. Le dernier, en date du jeudi 3 janvier 2013, explique qu’actuellement le président lutte pour surmonter une forte infection pulmonaire survenue à la suite du choc opératoire. En décembre 2012 Chavez a rappelé au pays que s’il ne réussissait pas à vaincre le cancer et devait finalement renoncer à ses fonctions, il incomberait au peuple, comme l’exige la Constitution, de retourner aux urnes pour choisir entre le programme de la droite et celui des bolivariens. Dans cette hypothèse, le président Chavez a proposé aux siens de voter pour l’actuel vice-président Nicolas Maduro, un militant bolivarien de la première heure venu du monde du travail.

Face à cette clarté des bolivariens, une droite affaiblie mais armée de puissants médias privés n’a d’autre recours que d’annoncer que Chavez est déjà mort, cherchant à créer un climat de vide de pouvoir comme prélude à une guerre fratricide entre les leaders de la révolution, etc… tandis que les États-Unis parlent de « l’après-Chavez » et de «transition». C’est cette campagne que recyclent, à leur habitude, la plupart des médias français. Mais la majorité des vénézuéliens, attachés à l’institutionnalité démocratique, rejettent le mépris des médias pour leur vote, et réaffirment leur soutien au socialisme bolivarien (3).

L’Amérique Latine d’aujourd’hui n’est plus celle des années 80, qui voyaient les mêmes médias dépeindre la révolution sandiniste au Nicaragua comme un « totalitarisme en marche » tandis qu’elle faisait face, isolée, aux « contras » armés par Ronald Reagan. En 2013, le génie de l’unité latino-américaine est sorti de sa bouteille. Il n’est pas près d’y rentrer (4). Tout ne fait même que commencer. Au Nicaragua le Front Sandiniste réélu sur la base de son bilan social poursuit le redressement d’un pays appauvri par 16 ans de parenthèse néo-libérale. La Colombie, cet Israël hyper-militarisé de l’Amérique Latine, entre dans un dialogue politique inimaginable il y a quelques mois encore, confirmant le bien-fondé de la stratégie de rapprochement avec ce pays lancée par le président Chavez. En Bolivie, en pleine croissance économique, le gouvernement d’Evo Morales, toujours aussi populaire, vient de nationaliser deux filiales espagnoles d’énergie électrique pour faire place aux besoins de la population. La probable réélection du président équatorien Rafael Correa en février prochain – plusieurs sondages lui donnent 60 % des suffrages – signifierait l’approfondissement d’une révolution citoyenne qui a notamment fait reculer le chômage, élevé le salaire des travailleurs ou éliminé la sous-traitance.

Rafael lance sa campagne électorale dans un quartier populaire, Quito, 5 janvier 2013.

A Caracas ce samedi 5 janvier 2013 la population s’est mobilisée autour de l’Assemblée Nationale qui votait pour renouveler ses autorités. Ce parlement qui fonctionnait avant la révolution bolivarienne en vase clos, négociant la répartition des postes de l’État entre partis et loin du peuple, est aujourd’hui un espace ouvert, où une majorité de député(e)s de gauche examine des projets de lois, notamment les projets d’initiative citoyenne. En 2013 ceux-ci plancheront sur de nouvelles lois en faveur de la démocratie participative comme la création des conseils de travailleurs destinée à compléter la nouvelle loi du travail promulguée en mai 2012 (5), ou la loi de la communication populaire, qui permettra d’aller plus loin dans la démocratisation du droit à l’information.

Comme le dit un dicton populaire vénézuélien « Ponte alpargatas, lo que viene es joropo » qu’on peut traduire par : « Accroche-toi, tu n’as encore rien vu ».

Thierry Deronne, Caracas, 6 janvier 20013.

Le peuple réuni autour de l’Assemblée Nationale, 5 janvier 2013, Caracas, Venezuela.

Assemblée Nationale, Venezuela, 5 janvier 2013

Assemblée Nationale, Venezuela, 5 janvier 2013

Notes :
(1) Pour une liste plus complète de ces avancées, voir « Les facteurs sociaux de la victoire de Chavez«  http://venezuelainfos.wordpress.com/2012/12/24/les-facteurs-sociaux-de-la-victoire-de-chavez-par-carles-muntaner-joan-benach-maria-paez-victor/
(2) « Quand s’éloigne le bruit de la pluie sur les toits de carton« , http://venezuelainfos.wordpress.com/2012/12/17/quand-seloigne-le-bruit-de-la-pluie-sur-les-toits-de-carton/
(3) Maurice Lemoine, « Au Venezuela les électeurs ont confisqué la démocratie« , http://venezuelainfos.wordpress.com/2012/10/11/photos-au-venezuela-les-electeurs-ont-confisque-la-democratie-par-maurice-lemoine/
Photos : AVN.

 

via :
CAP 2012

 

 

 

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29 décembre 2012 6 29 /12 /décembre /2012 13:39

 

 

Tournée européenne du Congreso de los Pueblos
En Suisse


Du 21 au 26 octobre Marylén Serna Salinas, une des plus importantes dirigeantes du mouvement populaire colombien sera en Suisse. Marylén vient pour parler de la réalité colombienne et notamment du travail du Congrès des Peuples (El Congreso de los Pueblos) et des autres secteurs du mouvement social, à la recherche d’une paix qui soit participative et porteuse de changements vers une justice sociale.

La dirigeante sociale colombienne réalisera la conférence « Le mouvement social colombien vers une proposition de paix participative » à Lausanne (22.10), Zurich (23.10), Neuchâtel (24.20), Berne (25.10) et Genève (26.10) à 19h30 (plus d’informations dans le Flyer)


                       

                        Congreso de los Pueblos: proposition de pays pour une vie digne.


Le Congrès des Peuples (Congreso de los Pueblos) est un processus social et populaire qui prend forme tout au long du territoire colombien. Composé de milliers de personnes, de centaines d’organisations issues de diverses régions, de nombreux secteurs et de dynamiques variées : les travailleuses, les travailleurs, les paysans, les paysannes, les saisonniers, les journalières, les filles et les fils de la terre, les peuples indigènes, les descendants d’Afrique, les femmes dignes et libres, les pêcheurs en mers et en rivières, les livreurs, les taxis et les camionneuses, les étudiantes, les professeurs et les éducatrices populaires, les expériences de résistance au capital, à l’Etat et à la guerre, les pauvres, les marginalisés, les exclues, les artistes et les artisanes.
Ce sont mille voix, résistances et initiatives nées de la diversité sexuelle, des habitants de la rue, des quartiers, des ceintures de misère des grandes villes, des communicatrices et communicateurs populaires, des détenus et détenues dans les prisons, des défenseurs des droits humains, des croyants en nos dieux, des croyantes en la justice, des absentes et des victimes, des enfants, du rire, de l’imagination illimitée, des jeunes qui résistent à l’oppression d’un système policier, enfin, de tout le pays, des peuples qui y vivent.
Le Congrès des Peuples construit notre identité à partir de la diversité, recueille les expériences accumulées des mouvements sociaux et fait le pari de rassembler et d’interpeler le pays populaire pour entreprendre, par des actions communautaires issues de mandats des communautés mêmes, les constructions nécessaires pour défendre les territoires urbains et ruraux et retrouver une vie digne.
Pour avancer vers cette Colombie digne que toutes et tous nous méritons, le Congrès des Peuples part d’une critique radicale du capitalisme –modèle de vie non viable- et remet en question toute la rationalité qui structure nos précaires systèmes sociaux actuels. Le Congrès des Peuples travaille –à partir des réalités locales et régionales-à la construction d’une pensée nouvelle et d’une nouvelle dynamique qui rétablissent l’équilibre social et naturel de la Colombie en particulier et de la planète en général.

Axes et mandats de travail

Ce processus social, populaire et politique concrétise cette vision par des mandats qui expriment la volonté populaire et concernent les axes de travail suivants :
Terre, territoire et souveraineté dans une vision d’autonomie et d’autodétermination issue des communautés.
Economie au service de la vie et contre la législation de la spoliation : Affronter le modèle de production basé sur la spoliation et l’inégalité et travailler pour construire une autre logique économique, portée par les gens en accord avec la nature. Le Congrès des Peuples refuse l’économie extractive, l’exploitation minière à grande échelle, les monocultures, le négoce sur les matières premières et la stratégie de militarisation et de contrôle territorial qui accompagne ces projets.
Construction de pouvoir pour le bien vivre compris comme processus et comme moyen pour libérer les potentialités de la vie, sociale et naturelle, qui permettent de récupérer son intégrité et son harmonie.
Culture, diversité et éthique du commun
. Le Congrès des Peuples cherche à donner de la force aux valeurs chères à celles et ceux qui réellement portent le poids du pays, donnant corps à une éthique qui respecte et renforce la vie et repousse la mort, à une culture qui rompe avec l’oppression

patriarcale, pour l’équité de genre, le respect et la protection des droits sexuels et reproductifs des femmes, et pour une vie sans violences. Il s’agit de construire des valeurs et une éthique qui privilégient le bien commun sur l’appât du gain et d’instaurer une culture de la solidarité.
Vie, justice et cheminement vers la paix. Pour construire un pays pour toutes et tous, il est nécessaire de parier sur la paix et la justice. Le déséquilibre social, économique, politique et culturel imposé constitue l’essence du conflit. Pour cela, la résolution du conflit ne peut être ni conjoncturelle ni partielle, mais ne peut que partir du caractère de la vie même et de la nature de ses relations.
Violation des droits et accords non tenus : Tous ces derniers siècles, les accords que les mouvements sociaux et politiques ont conclu avec les gouvernements ont été ignorés, trahis, rompus et tergiversés. De la même façon, nos droits ont été systématiquement violés et méconnus. Comme exercice de mémoire qui renforce et donne un fondement à notre lutte, nous devons rendre compte de la manière dont nos intérêts ont été bafoués.
L’union des peuples et la globalisation des luttes. Le Congrès des peuples travaille dans une perspective continentale et mondiale pour renforcer la diversité, la force et la capacité des peuples pour construire un monde meilleur et aussi pour contribuer aux luttes pour un monde nouveau.

En route pour l’unité du mouvement populaire colombien

Le Congrès des peuples travaille et lutte pour l’unité des mouvements sociaux et politiques qui expriment et représentent les intérêts populaires. Il reconnaît les importantes initiatives que sont le Polo Democrático Alternativo, la Marcha Patriótica, la Mesa Amplia Nacional Estudiantil (MANE), le Mouvement de Victimes de Crimes d’Etat (MOVICE), les syndicats, la Coalition de Mouvements Sociaux de Colombie, entre autres, et travaille avec ces mouvements à la construction d’un projet politique d’unité populaire. La solidarité et la fraternité dans les luttes populaires et dans les processus de construction locaux, régionaux et nationaux sont un des mandats du Congrès des Peuples.
Actuellement le Congrès des Peuples fait partie de la Coordination Nationale d’Organisations Sociales et Politiques de Colombie et de la Ruta Social Común para la Paz.
En chemin, le Congrès des Peuples développe des espaces tels que le Congrès de Terres, Territoires et Souverainetés, le Congrès de l’Education, le Congrès de Paix et le Congrès des Femmes, en même temps qu’il commence à articuler des initiatives d’organisations urbaines.

Marylén Serna Salinas

Femme paysanne, dirigeante du Mouvement Paysan de Cajibío (MCC) et de la Coordination Nationale Agraire(CNA). Elle a dédié sa vie à l’animation d’organisations de femmes, de jeunes, de victimes de crimes d’Etat, d’enfants et de producteurs biologiques, toujours dans l’idée de construire des propositions de développement alternatif dans le département du Cauca, sa terre natale.
Marylén est une des promotrices du Plan de Vie Digne pour Cajibío, est porte-parole nationale de la Minga de Résistance Sociale et Communautaire de Colombie et fait partie de la Commission d’Articulation et Relations du Congrès des Peuples.


Source : Colombia Tierra Herida

 


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29 décembre 2012 6 29 /12 /décembre /2012 11:35

 

 

 

 

Entretien avec le sénateur « tupamaro » Eleuterio Fernández Huidobro
Élections en Amérique : le basculement de l’Uruguay

L’Uruguay, traversé par une profonde crise économique, s’apprête à élire Tabaré Vásquez à la présidence. La coalition qu’il conduit propose de « changer » le pays en lui redonnant son indépendance politique face aux États-Unis et en développant une politique d’urgence sociale, sans pour autant s’orienter vers l’étatisme. Le sénateur Eleuterio Fernández Huidobro, leader historique du mouvement Tupamaros qui forme le courant révolutionnaire de la coalition, a accepté de répondre à nos questions. Il donne sa vision de l’Uruguay et se remémore les luttes syndicales, puis la résistance contre la dictature, qui ont forgé l’unité de la gauche actuelle.


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Le sénateur Eleuterio Fernández Huiboro

Le 31 octobre se tiendra le premier tour de l’élection présidentielle en Uruguay. Les instituts de sondages pronostiquent une victoire de Tabaré Vasquez, le candidat du Frente Amplio, peut-être même dès le premier tour. Dans un continent désormais gouverné par Fidel Castro à Cuba, Hugo Chavez au Venezuela, Lula da Silva au Brésil, Nestor Kirchner en Argentine, l’Uruguay choisirait à son tour la transformation sociale et l’indépendance face aux États-Unis. L’union politique et économique du Mercosur s’en trouverait relancée tandis que le projet états-unien de Zone de libre-échange des Amériques serait partiellement bloqué.
L’Uruguay, autrefois qualifiée de « Suisse de l’Amérique du Sud », traverse aujourd’hui une profonde crise économique qui se traduit par un chômage de masse et une fuite des cerveaux sur fond de vieillissement de la population.
Le sénateur Eleuterio « Ñato » Fernández Huidobro est un dirigeant historique du mouvement révolutionnaire des Tupamaros, composante centrale de la coalition de la gauche. Il a conduit des actions armées dans les années soixante, puis après le coup d’État de 1973, et a été longuement emprisonné dans des conditions particulièrement difficiles. Il a accepté de répondre aux questions de Stella Calloni pour la revue vénézuélienne Question, membre de la Red Voltaire.

Question/Red Voltaire : Vous êtes maintenant face à la plus grande probabilité d’accéder au gouvernement, et ce ne serait d’ailleurs pas la première victoire du Frente Amplio.

Eleuterio Fernández Huidobro : Ce ne serait pas la première victoire. Nous avons administré la ville de Montevideo et bien d’autres. La progression du Frente Amplio a été constante. Déjà en 1999, nous avions gagné, mais nous n’avions pas atteint le seuil des 50%. Les deux partis se sont unis lors du ballottage et c’est ainsi que Jorge Batlle [1] est arrivé à la présidence. Les enquêtes indiquent maintenant que nous sommes au-dessus de la barre des 50% [2]. Depuis la crise qui a frappé l’Uruguay en 2002, les dirigeants des deux partis sont arrivés à la conclusion que le Fa-Encuentro Progressista (EN) gagnerait ces élections.

Quelle est la situation générale en Uruguay ?

Le démantèlement du pays a été très fort. Le président Jorge Batlle a œuvré avec beaucoup de maladresse et continue de commettre des erreurs très graves dans tous les domaines. En politique extérieure, elles sont accablantes.

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Jorge Batlle

Par exemple, en 2003, il affirma publiquement que son ami l’ex-président argentin Carlos Menem allait gagner les élections. Il a ensuite entamé des discussions avec le président Nestor Kirchner, et son gouvernement a commis une série d’erreurs qui ont eu des conséquences sur leurs relations avec des pays tiers. Cette attitude s’est répétée à plusieurs reprises. Alors même que des avancées semblaient possibles dans le domaine des Droits Humains, ce fut un désastre de par son attitude.

Il est impossible d’oublier que quand ils ont gagné à l’issue du ballottage et que Batlle a été élu président, seulement 20 jours plus tard il a assisté à une curieuse réunion avec les fameux - non par leur vertu - frères Rhom, banquiers argentins corrompus, l’un est fugitif et l’autre en procès. Cette réunion avait pour invités rien de moins que George Bush (père), Carlos Menem, l’ex-président uruguayen Alberto Lacalle, et Fernando de la Rúa. Batlle voulait ainsi démontrer qu’il avait d’excellents contacts. Peu de temps après Menem fut emprisonné pour vente illégale d’armes, et De la Rúa a du quitter le pouvoir de manière précipitée en s’enfuyant en hélicoptère de la « Casa Rosada » fin 2001, quand le « modèle » a explosé en Argentine [3].

Comment l’unité a-t-elle pu être maintenue au sein du Frente Amplio où convergent tant de mouvements de gauche, d’organisations sociales et syndicales ?

Il faut remonter aux origines, puisque cette unité a été l’œuvre de grandes figures politiques comme Rodney Arismendi du Parti communiste, qui en a été le promoteur à la fin des années 50 ; Héctor Rodriguez, Raúl Sendic (leader des Tupamaros), Gerardo Gatti du Mouvement pour la Victoire du Peuple, disparu en Argentine. La rencontre de ces grands dirigeants fut un moment historique. Ce fut un long et rude labeur. L’unité ne s’est pas faite par un simple acte de volonté. Elle requiert travail, responsabilité, analyse, débats et l’abandon de toute bassesse politique et des querelles inutiles. Par la suite celle-ci s’est étendue à d’autres dirigeants et à d’autres mouvements. L’unité a été atteinte après un long travail, ponctué de plusieurs tentatives malheureuses. Ceux qui l’ont réalisée jouissent d’un prestige qu’ils ont gagné à la faveur d’un travail constant et d’une grande cohérence.

L’unité ouvrière, qui se dessinait, annonçait par ailleurs l’unité politique. Tout ceci se concrétisa en 1970, quand survint en outre au Chili la grande victoire de Salvador Allende, et quand arrivèrent au Frente Amplio (FA) de grandes figures comme Líber Sergeni et autres dirigeants historiques. En Uruguay, il y avait de grandes mobilisations universitaires et unitaires. Il est important de souligner que la classe ouvrière uruguayenne n’a jamais été liée avec les gouvernements successifs. Le meilleur du syndicalisme a livré bataille aux syndicalistes jaunes. Ce fut un moment de travail et de militantisme. Les syndicalistes ne perçoivent pas de salaires pour leur activité syndicale, mais simplement leur salaire de travailleurs, et cela fait une grande différence avec d’autres expériences. Dans cette unité originelle, il faut souligner que quelques dirigeants du Parti Démocrate Chrétien (PDC) se sont joints au FA.

Fondamentalement, quels éléments ont contribué au renforcement de cette unité et comment s’est-elle étendue vers la base ?

Il y avait une grande crise, et la répression ne faisait pas de différence entre les partis. Cette situation poussa à l’union, et à prendre des mesures de sécurité communes. Les casernes faisaient le plein de prisonniers politiques, de militants de gauche, d’anarchistes, et de militants sociaux, tous roués de coups. Face à ces situations, l’acceptation de l’autre était spontanée. Par ailleurs le débat, la discussion et l’analyse nous ont tous enrichis. Je dirais que tout cela nous a éclairés et nous a sorti des cercles fermés.

Au-delà des divergences qui en réalité étaient circonstancielles, la vie, la réalité rendaient compte de ces différences qui ne portaient pas sur les principes. Pourquoi ne pas nous unir ? Quand on entre dans cette espèce de pôle magnétique de l’unité, celle-ci touche naturellement la masse et c’est ainsi que sont nés les « Comités de base ». Ce fut là un phénomène extraordinaire. Dans les Comités de base convergeaient des militants de tous les groupes et y compris des indépendants. Ces militants empêchaient avec leurs demandes qu’on casse l’unité du FA et ont fait en sorte qu’on écoute toujours la majorité.

De l’extérieur on observe avec intérêt cette unité, car en Amérique latine il y a une tendance très forte à la désintégration de la gauche.

Ce n’est évidemment pas un miracle. La base de tout est l’humilité et le travail militant. Je me suis rendu au Venezuela en 1999, j’ai expliqué ce qu’était le comité de base et quelqu’un a dit : « Il serait bon de le faire ici », mais la situation n’était pas la même. Ils ont créé d’autres formes d’organisation de quartiers et continuent à en créer d’autres très intéressantes. En Uruguay, le Comité de base est un véritable noyau. C’est là qu’on débat des positions qui sont portées ensuite à la Coordination générale. On élit un représentant, non par parti, mais sur décision de l’ensemble. Il n’y a pas de place pour les petites et misérables querelles pour déterminer qui sera le représentant. C’est cela qui nous a rendus plus forts. Les différences sont discutées et personne ne tente de contrôler le Comité pour son propre parti. Quand s’est créé le FA, l’idée du Comité de base a germé et s’est répandue tout naturellement.

Pour la reconstruction après la dictature, quel a été l’importance du thème de la mémoire ?

Ce fut très important. De ces années dramatiques du coup d’État fasciste, on se souvient de la résistance, des grèves, de l’emprisonnement des dirigeants, des pertes. Ceux qui intégraient les Comités de base ne se sont pas sentis trompés par leurs dirigeants. La reconstruction a ensuite été presque spontanée, parce qu’ils étaient au cœur des quartiers. À ce propos, je tiens à souligner le rôle énorme des femmes, des mères. De manière générale, outre toutes celles qui sont passées par les prisons ou ont disparu, elles ont dû prendre soin dans leurs maisons des enfants dont les pères ont alors été emprisonnés, et elles racontaient en permanence à voix baisse, l’histoire. Tous connaissaient le rôle de chacun dans le Comité de base. C’est une histoire très émouvante. Il y a même eu des familles où on laissait la chaise vide de l’absent. C’était quelque chose de symbolique, quelque chose de très fort.

Comment se porte le militantisme actuellement ?

C’est un autre moment historique : bien que nous ayons reconstruit cela, il n’y a pas autant de militantisme politique que par le passé, ni même de temps pour militer. Il n’y a pas de travail ou on doit travailler de nombreuses heures pour à peine survivre. La jeunesse ne développe pas en général un militantisme actif et discipliné. Toutefois, il y a quelque chose de très important. Au moment des grandes journées de mobilisation, ils surgissent soudainement et on ressent alors qu’il y a un lien très fort avec le passé. Cela s’est vérifié avec la foule qui a assisté à l’enterrement de Líber Seregni. Beaucoup disaient : « Comment n’allais-je pas venir l’accompagner alors que tout cela fait partie de la mémoire de notre enfance ? » l’Uruguay d’aujourd’hui vit une situation critique avec 14 % de chômeurs, qui en réalité avoisinent les 20 %. Dans un petit pays [4], ce chiffre est immense. Il y a un grand démantèlement social et une forte acculturation.

Dans ses grandes lignes, quel est le programme du Frente Amplio ?

On peut distinguer cinq grands axes fondamentaux. Dans le secteur économique, promouvoir un Uruguay productif, en mettant en marche l’appareil productif, tout en tenant compte des situations urgentes et en particulier de l’urgence sociale. Comment utiliser les ressources de l’État, face à l’urgence dramatique de la grande pauvreté, non par une politique « d’assistance » en tant que telle, mais plutôt par une approche éthique, ce qui requiert l’action d’urgence dans les cas les plus alarmants, tandis que l’on redresse l’économie. Nous devons essayer d’endiguer l’émigration des jeunes, qui s’avère très dommageable pour le pays. L’autre axe est ce que nous appelons l’Uruguay intelligent, le thème de l’éducation scientifico-technologique, qui est aujourd’hui à l’abandon.

En politique internationale, notre regard est tourné vers l’Amérique latine, c’est le MERCOSUR, l’intégration du sud, et non la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA) [5] . Le discours qui nous unit autour de tous ces axes a été discuté par 3500 délégués, point par point. Pour détailler les axes relatifs au programme, plus de mille techniciens sont au travail. On étudie comment mettre en œuvre tout ce programme une fois au gouvernement. L’Uruguay est un petit pays, de ce fait la sortie de crise sera peut être plus simple. Notre situation n’a rien à voir avec celle du Brésil, qui doit apporter une réponse à 44 millions de personnes qui doivent manger trois fois par jour, et c’est très difficile.

Quelle est votre perception des évènements en Amérique latine ?

La tendance est plutôt à l’optimisme, et ce malgré les difficultés. Je crois que l’heure de l’Amérique du Sud est venue : Le Venezuela, le Brésil et l’Argentine offrent des perspectives encourageantes. Mais en même temps nous savons que cela ne va pas sans poser problème à l’impérialisme. La chose deviendra sérieuse quand ils y regarderont de plus près, mais nous devons prendre en compte que ce c’est un processus en zig-zag, avec des méandres. Nous sommes conscients et disposés à accepter des victoires et des défaites. Nous ne nous attendons pas à un processus linéaire. Après la vague néo-libérale qui a succédé aux grandes dictatures, qui avaient enterré les utopies réformistes, après la tempête aux terribles conséquences sociales, l’échec incontestable du néo-libéralisme a provoqué une réaction massive dans tous les pays.

Pour vous qui êtes issu de la guérilla des années 60 quelles sont les différences ?

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Tabaré Vásquez

Les formations de la guérilla des années 60 ont été fortes, actives, mais on ne mobilisait pas les masses comme maintenant. Dans les années 60, à gauche au Brésil on ne pouvait pas imaginer un Parti des Travailleurs avec 10 millions d’affiliés. On ne pouvait imaginer qu’au Brésil il existerait le mouvement paysan le plus important du monde, celui des paysans sans terre (MST), qui compte des millions de personnes, et ils agissent avec une grande force et responsabilité. L’ampleur de ce qui arrive aujourd’hui au Brésil, les victoires colossales du président Hugo Chavez au Venezuela, qui ont été un exemple pour le monde entier - le défi du référendum, que personne n’aurait imaginé en d’autres temps -, tout ceci annonce l’avènement d’une ère nouvelle, différente. Un grand nombre de personnes sont mobilisées.

Nous voyons dans notre Amérique du Sud, que beaucoup de choses inachevées après la révolution de mai, renaissent maintenant. Les Simón Bolivar, José Gervasio Artigas, José de San Martín, etc. sont de retour. La question nationale est centrale. Nous devons tous être conscients qu’on ne peut pas laisser passer ou entraver par des querelles politiques sans importance, et qui sont étrangères à d’authentiques formations de gauche, ce moment historique pour l’Amérique latine.

[1] membre du parti Colorado, Jorge Battle Ibanez est l’héritier d’une dynastie politique. Son grand-père gouverna le pays il y a un siècle et son père fut également président.

[2] Contrairement aux systèmes électoraux européens, qui requièrent 50 % des suffrages pour être élu, le système uruguyen exige 50 % des voix exprimées à l’exclusion du décompte des blancs et nuls. Dans la pratique, en 1999, il aurait fallu 53 % des suffrages pour que le Frente Amplio emporte l’élection au premier tour.

[3] Voir l’intégralité en ligne du livre référence sur la corruption en argentine La Prueba, sur notre site en espagnol RedVoltaire.Net.

[4] L’Uruguay compte 3,3 millions d’habitants regroupés dans quelques centres urbains.

[5] Voir « Chavez veut mener la résistance » et « Rébellion au Sommet des Amériques », Voltaire, des 26 novembre 2003 et 13 janvier 2004.

 


Source :
Élections en Amérique : le basculement de l'Uruguay

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22 décembre 2012 6 22 /12 /décembre /2012 18:42

 

 

La Jornada

jeudi 18 octobre 2012, mis en ligne par Dial

 


14 octobre 2012 - El Correo - Le président équatorien, Rafael Correa a annoncé ce samedi qu’il va introduire un impôt sur les bénéfices des banques privées pour couvrir la hausse – de 35 à 50 dollars mensuels – d’ une allocation que reçoivent près de 1.9 millions de pauvres, à partir de janvier prochain.

A partir de janvier 2013 le bon de développement humain (BDH) passera à 50 dollars, a expliqué le chef d’État lors de son point hebdomadaire. Il a ajouté que cette augmentation sera financée sur les 300 millions de dollars que la banque privée a gagnés l’année dernier.

La hausse représentera presque 28.6 millions de dollars, tandis que les bénéfices du système financier ont été de 393 millions en 2011, selon l’Association des Banques Privées de l’Équateur.

Correa a dénoncé le double discours de l’opposition maintenant d’accord avec cette augmentation du bon.

Il a rappelé , vidéos à l’appui , le précédent rejet du banquier Guillermo Lasso de ce qu’il a appelé les allocations du gouvernement, et comment maintenant en qualité de candidat présidentiel potentiel il a fait l’offre d’augmenter le BDH à 50 dollars grâce à la diminution de la publicité des travaux publics, qui s’élève seulement à 12 millions de dollars.

Nous avons toujours dit que le transfert monétaire ne résout pas la pauvreté, a signalé le gouvernant, mais il la calme, a-t-il ajouté, avertissant les banquiers qui ne sont pas d’accord avec cette augmentation du bon qu’ils parlent avec le gouvernement pour vendre leurs banques.

Le BDH compte près de 1.9 million de bénéficiaires, selon le Ministère d’Inclusion Sociale. Les bénéficiaires directs sont les équatoriens en situation de pauvreté et de vulnérabilité, qui accèdent au bon à travers de différents établissements bancaires, grâce à un investissement annuel qui atteint 484 millions de dollars.

Le programme est dirigé vers les foyers les plus pauvres pour leur garantir une alimentation de base. Le BDH est conditionné à l’investissement dans l’éducation et la santé, et exige de ses bénéficiaires d’inscrire leurs enfants dans le système éducatif et de réaliser les programmes sanitaires préventifs.

Dans son point hebdomadaire, présenté ce samedi à Posrja, une zone rurale du Guayaquil, Correa a soutenu que l’Équateur est le pays de l’Amérique Latine qui a le plus grand pourcentage du PIB consacre à l’éducation, avec 1.86 %, et a précisé que le Danemark est la nation qui investit le plus dans ce domaine, avec 2.19 % de son PIB.

Nous avons à améliorer substantiellement l’éducation supérieure, mais ce n’est pas seulement un problème d’argent, mais de mauvaise affectation des ressources, de médiocrité, de groupes qui se sont emparés de l’éducation universitaire, a affirmé le président.

Parmi les changements qui ont été faits dans l’éducation supérieure, Correa a mené des actions privées comme un plan pour apporter aux universités nationales 150 professeurs espagnols qui formeront des maîtres équatoriens.

Il a dit que réorganise l’éducation technique se réorganise avec un baccalauréat unifié, auquel s’ajouteront des matières supplémentaires, comme agriculture et métallurgie.

Ensuite, un post baccalauréat de formation technique de deux ans, et les instituts de technologie remettront des diplômes techniques.

Correa a indiqué que le défi est d’arriver à 23 % de formation technique pour 2016, qui est la moyenne de la majorité des pays développés, et 40 instituts seront construits avec la capacité d’éduquer plus de 120 000 étudiants par an.


Texte original (espagnol) : http://www.jornada.unam.mx/2012/10/14/mundo/021n1mun

Traduction d’Estelle et Carlos Debiasi pour El Correo.

http://www.elcorreo.eu.org/Correa-va-imposer-les-banques-pour-augmenter-les-allocations-des-pauvres

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22 décembre 2012 6 22 /12 /décembre /2012 10:15

 

 

Je ne sais si vous avez pu être témoin de ce moment porteur d'espoir, alors qu'à la conférence des Amériques de 2009, Hugo Chavez fit cadeau à Obama du livre "Les veines ouvertes de l'Amérique Latine".

L'espoir fut bref et bientôt vint le coup d'état au Honduras et repris l'intensification des politiques génocidaires qui visent à débarrasser les territoires de leurs populations au profit des transnationales. Tous les observateurs le savent, les EU mènent aujourd'hui en Amérique Latine des politiques de déstabilisation des gouvernements et mouvements qui s'opposent à l'extension du néo-libéralisme dans la région, à ce qui est une politique de l’horreur et un terrorisme sanglant. Assassiner, harceler, menacer, violer, torturer, emprisonner, exproprier, exploiter, soumettre, éliminer, voler, piller, militariser, réprimer ont été parmi  les maîtres mots de la politique de la première administration Obama en Amérique Latine dans le plus grand silence à ce sujet des médias européens aux ordres.

Nous découvrons (ou voyons confirmer) dans le texte qui suit que le président métis apatride des EU, non content d’ignorer les règles de la plus élémentaire des courtoisie, est d'une ignorance totale concernant la réalité et l'histoire du continent Latino-Américain... Il incarne la façade de l’horreur, mais n’est lui-même rien de plus qu’une outre vide à qui ses maîtres confient les joujoux qui lui conviennent, des drones tueurs qui tuent vraiment…

On pensait avoir atteint un sommet du façadisme politique étasunien avec le précédent président, un demi-débile, qui n’occupait cette place qu’en fonction des besoins de la dynastie… et voici que nous avons pire : un petit arriviste incompétent et sadique, entièrement aux ordres de ceux qui l’ont fabriqué à grands renfort de milliards.

Il est donc quelque part tout à fait compréhensible qu’au-delà des enjeux économiques qu’il représente, le petit B, ce nouvel oncle Tom, puisse nourrir une jalousie et une rancœur personnelle face à la personnalité et au charisme d’un Chavez qui ne doivent rien, eux au relookage hollywoodien au pognon des assassins de la Terre. Parce que ces insultes à présent semblent bien dépasser les cadres de son mandat de valet obéissant.

Au-delà de tout cela, ce que je vois moi, ce sont de nouveaux cortèges de communautés expulsées, déracinées, des villages entiers vivants dans la crainte des débarquements de militaires, paramilitaires et autres blackwaters qui assassinent indifféremment jusqu’aux nourrissons,  ce que je vois c’est le regard terrible d’une petite fille de 8 ans qui voit tomber sous ses yeux son papa journaliste criblé de balle par les sbires du pouvoir, ce que je vois ce sont les quêtes inlassables de centaines de milliers de proches qui aspirent à savoir ce qui est arrivé à leurs chers disparus et parcourt les charniers en quête d’un indice leur permettant de reconnaître dans un tas d’ossements l’être aimé, ce que je vois, c’est la femme enceinte dont les ordures issues du nazisme ouvre le ventre de leur couteau, après l’avoir violée sous les yeux de son compagnon, de ces autres enfants, dont le tour viendra après, ce que je vois c’est l’esclavage quotidien de millions de travailleurs dont ces mamans qui voient en plus leurs enfants atteints de maladie incurable ou de modification génétique qu’on les forcent à utiliser dans ces cultures dont les fruits seront demain dans nos super marchés… ce que je vois… ce que je vois… ce cortège de l’horreur insoutenable que nous promettent les crachats d’Obama.

Ce que je vois aussi, c’est un homme malade qui lutte, et pour qui des gens, même pas croyants, se découvrent soudain la capacité de prier. Parce que cet homme est l’incarnation d’un espoir en marche, une clé de voûte, qui n’est rien sans l’édifice qui le supporte et qui en assure l’équilibre. Ce que je vois c’est un peuple debout lors du coup d’état de 2002, un peuple qui tient à la main la constitution qu’il défend, car tout est alors indiscernable, ce sont tout à la fois Chavez, eux-mêmes, l’espoir pour l’avenir que ce peuple défend… Et qu’il le fasse la constitution à la main est une image qui parle.

Qui parle d’un peuple éduqué, qui connait ses droits et se lève pour les défendre. Drôle de dictature – non ?- que celle qui donne au peuple les moyens de s’éduquer, la confiance en soi pour prendre en main son destin, les outils médiatiques pour prendre place dans le paysage de la construction politique quotidienne. Mais ce qui frappe encore plus, c’est que l’histoire de Chavez et du peuple vénézuélien est avant tout une histoire d’amour réciproque… on a reproché à Chavez d’être autoritaire, paternaliste… moi je vois plutôt une mère poule avec de très grandes ailes pour protéger tous les petits poussins pour leur donner le temps et les moyens de grandir et de prendre en main leur propre sort.

Je sais que nous sommes nombreux aujourd’hui à prier pour qu’Hugo Chavez triomphe une fois encore de la maladie. A prier pour l’homme, et pour tout ce qu’il incarne à l’échelle d’un pays, d’une région et du monde.

Et sans doute sommes-nous quelques-un(e)s à regretter de n’avoir pas l’antique pouvoir attribué aux sorcières de dire « Barack Obama je te maudis » et d’arrêter ce monstre dans sa course de mort.

Et de regretter bien plus encore de n’avoir un tel pouvoir pour dire « Vive Chavez » et qu’il reste parmi nous.

 

 

Obama donne le signal de quatre années de plus de mauvaises relations avec l’Amérique Latine

Mark Weisbrot 

 

 
 

 

 

Vendredi passé, dans une entrevue à Miami, le président Obama a été très loin dans les insultes gratuites qu’il a lancé à l’encontre du président Hugo Chavez. Ce faisant, il a non seulement offensé la majorité des Vénézuéliens, qui ont voté pour la réélection de leur président le 7 octobre, mais il a également offensé nombre de ceux qui ne votèrent pas pour lui. Chavez lutte pour sa vie, récupérant d’une opération compliquée du cancer. En Amérique Latine, comme dans la majorité du monde, cette incessante diffamation de Chavez de la part d’Obama, constitue non seulement une violation du protocole diplomatique, mais aussi des standards communs de courtoisie.

 

Et, peut-être plus important encore, c’est que les calomnies inappropriés d’Obama, ont envoyé un message désagréable au reste de la région. Pendant qu’Obama y va de ses sorties reprises dans la majorité des médias, on peut être certains que ses commentaires furent remarqués par les présidents et Ministères des Affaires Extérieures du Brésil, de l’Argentine, de l’Equateur, de Bolivie et autres. Le message était clair : nous pouvons nous attendre à quatre années des mêmes politiques infructueuses de Guerre Froide, pour l’Amérique Latine, celles que défendit le président Georges W. Bush et qu’Obama a poursuivies lors de son premier mandat.

 

Ces présidents considèrent Chavez comme un ami proche et un allié ; quelqu’un qui les a aidé et a aidé la région. Comme des millions de Vénézuéliens, ils prient pour sa récupération. En même temps, ils considèrent que Washington est responsable des mauvaises relations entre les Etats-Unis et le Venezuela (de même qu’avec l’hémisphère en général) et ces infortunés commentaires sont une confirmation supplémentaire de cela. En 2012, lors de la Conférence des Amériques, Obama se rencontra aussi isolé que le fut Georges W. Bush lors de la notable Conférence de 2005. Ceci fut un changement radical par rapport à la Conférence de 2009, lors de laquelle tous –y compris Chavez –saluèrent chaleureusement Obama et voyant en lui la possibilité d’une nouvelle ère de relations entre les Etats-Unis et l’Amérique Latine.

 

Pour ces gouvernements, les invectives d’Obama, relatives aux « politiques autoritaires » de Chavez et à la « répression des dissidents » sentent mauvais même en ignorant le moment de l’offensive. Le Venezuela vient d’avoir des élections dans lesquelles, l’opposition, qui détient la majorité des revenus du pays, ainsi que le contrôle de la majorité des moyens de communication, mobilisa des millions de votants. La participation électorale a été de 81 pourcent des votants enregistrés, qui constituent 97 pourcent de la population en âge de le faire. Le gouvernement ne « réprime pas le dissidents », il ne l’a pas fait pour d’autres élections, ou même alors que les dissidents ont fermé l’industrie pétrolière et paralysèrent l’économie en 2002-2003 ; actions qui auraient été illégales et arrêtées par les forces de l’Etat aux Etats-Unis. Les manifestants pacifiques au Venezuela ont une beaucoup moins grande propension à prendre des coups, se faire attaquer par des gaz lacrymogènes ou tirer dessus avec des balles de caoutchoucs que ce n’est le cas en Espagne et probablement dans la majorité des autres démocraties.

 Oui, il y a des abus d’autorité au Venezuela, comme dans le monde entier ainsi que doit le savoir le président Obama. C’est Obama qui a permis l’emprisonnement sans jugement pendant plus de deux ans et demi, et l’abus de Bradley Manning pendant sa détention, et qui fut condamné par le Rapporteur Spécial des Nations Unies contre la torture. C’est Obama qui a refusé de concéder la liberté à l’activiste de la population indigène Léonard Peltier, largement connu dans le monde comme prisonnier politique, et qui est en prison depuis 37 ans. C’est Obama qui réclame le droit de tuer, et en a usé, des citoyens étasuniens sans détention ni jugement.

 Le Venezuela est un pays aux revenus moyens, dans lequel l’Etat de Droit est relativement faible, comme l’est l’Etat en général (d’où il est absurde de le qualifier “d’autoritaire”).  Cependant, en contraste avec d’autres pays aux revenus similaires, celui-ci ne se fait pas remarquer dans le domaine des abus de droits humains. Il n’existe certainement rien de comparable au Venezuela avec les abus perpétrés par les alliés de Washington comme le Mexique ou le Honduras – où les candidats à des charges politiques, les activistes de l’opposition et les journalistes sont souvent assassinés. Et une grande partie des investigations académiques faites au sujet du Venezuela de Chavez, montre qu’il est plus démocratique et avec plus de liberté civiles que jamais auparavant dans son histoire.

Au contraire, nous, aux Etats-Unis, nous ne nous en tirons pas si bien en comparaison de notre propre histoire et de notre niveau de revenus. Nous avons souffert d’une série de restrictions de nos libertés civiles sous les administrations de Georges W Bush et du président Obama. Supposons que nous fassions le compte des victimes des crimes des Etats-Unis à l’étranger – les civils et enfants assassinés par des attaques de drones en Afghanistan et au Pakistan, par exemple –le président Obama est celui qui tient une « liste de personnes à assassiner », ce qui lui laisse fort peu de marge pour critiquer quasiment aucun président d’un autre pays.

 

 

 “Nous désirerions voir une relation solide entre nos deux pays, mais nous n’allons pas changer les politiques qui ont pour priorité qu’il y ait la liberté au Venezuela.”, dit Obama, à l’Associeted Press.

Je ne peux m’imaginer que quiconque puisse croire que la politique des Etats-Unis au Venezuela, depuis le coup d’Etat militaire de 2002 dans lequel Washington s’est trouvé impliqué, ait quoique ce soit à voir avec la promotion de la « liberté ». Ceci était seulement une injure publique supplémentaire.

 

Le gouvernement vénézuélien répondit avec colère aux commentaires. Mais peut-être seraient-ils plus indulgents s’ils connaissaient l’étendue de l’ignorance d’Obama – qui n’avait jamais mis un pied en Amérique Latine avant son élection – au sujet du Venezuela ou de la région.

 

Quand le président Obama rencontra la présidente du Brésil, Dilma Roussef, il lui dit

« Ceci me donne l’opportunité de faire remarquer l’extraordinaire progrès qu’a mener à bien le Brésil sous  la direction de la présidente Rousseff et de son prédécesseur, le président Lula, en passant de la dictature à la démocratie. »

 

Forcément, si Obama (et son équipe) ne savent même pas que la dictature au Brésil pris fin une décennie avant que ne fut élu Lula en 2002, comment pourrait-on espérer qu’il sache quoi que ce soit au sujet du Venezuela ? Je veux dire, le Brésil est un grand pays, plus grand que les Etats-Unis continentaux, et la sixième économie la plus grande du monde.

 

Obama se défit de son conseiller de Sécurité Nationale pour l’Amérique Latine après la débâcle de la Conférence de 2012. Il devrait également se défaire de l’inepte qui l’alimente avec ces insultes qu’il proféra à l’Assemblée de Miami, et aussi de celui qui lui a fichu la honte devant la présidente du Brésil. Et ainsi, il pourrait nettoyer son cabinet des guerriers de la Guerre Froide des années 50 qui restent au Département d’Etat. Ce serait bien qu’il ne s’intéresse pas à l’Amérique Latine – ce serait meilleur pour la région et pour le monde – mais lui et son administration sont en train de créer des montagnes d’hostilité inutiles.


Mark Weisbrot est codirecteur du Centre de Recherches pour l’Economie et la Politique (CEPR) à Washington, D.C. Il aobtenu undoctorat en économie à l’Université du Michigan. Il est aussi président de l’organisation Just Foreign Policy.

 

http://www.cepr.net/index.php/other-languages/spanish-op-eds/obama-da-senales-de-cuatro-anos-mas-de-malas-relaciones-con-america-latina

http://alainet.org/active/60435

 

Obama da señales de cuatro años más de malas relaciones con América Latina - América Latina en Movimiento

Traduction Anne Wolff

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4 décembre 2012 2 04 /12 /décembre /2012 17:29

 

Encore un texte édifiant sur les voies pénétrables pour qui le veut du confusionnisme. Des carrières politiques comme celles d’un Uribe et d’un Capriles, nous éclairent sur les masques gauchissants qu’adopte l’extrême-droite dans ses dérives populistes en quête d’électorat. Cela nous éclaire aussi sur les liens douteux qui existent entre cette extrême-droite et des politiciens prétendument de gauche, socialistes à la mode européenne dans leur opposition au socialisme bolivarien.

J’ai bien sûr des critiques à faire au socialisme bolivarien, mais de l’ordre de celles que l’on fait à un ami pour l’encourager à faire mieux. Je n’ai aucune critique à faire au libéral-socialisme, il est juste bon à être balancé dans les oubliettes  de l’histoire. Montrer sa nature de Cheval de Troie du néo-libéralisme pour en finir avec les équivoques, oui .  Toute volonté de réformisme serait synonyme de la pose d’emplâtre sur des jambes de bois , sauf qu’en l’occurrence il s’agit plutôt de gangrène…

 

 

Au Venezuela, les électeurs ont « confisqué » la démocratie

par Maurice Lemoine

 

 

Dimanche 7 octobre, le président vénézuélien Hugo Chávez a été réélu pour la troisième fois, avec 55,14 % des suffrages, contre 44,24 % en faveur de son principal adversaire, M. Henrique Capriles Radonski [1]. Le camp « chaviste » progresse d’environ 700 000 voix par rapport à 2006 mais, le nombre d’inscrits ayant augmenté de plus de 3 millions de personnes (pour atteindre 18 903 937 votants), en pourcentage, il régresse de sept points. Il n’en s’agit pas moins d’une nouvelle victoire — large — pour M. Chávez, dans un scrutin (le quinzième depuis son arrivée au pouvoir) décrit comme transparent par tous les observateurs et ayant bénéficié d’une participation de plus de 80 %. Si la population marque ainsi son refus d’un retour de la droite au pouvoir, elle espère sans doute également que la bataille électorale aura aiguillonné le camp du président en l’incitant à s’attaquer plus efficacement aux problèmes, réels, que rencontre la « révolution bolivarienne » : personnalisation du pouvoir, corruption, faiblesse de l’appareil productif, insécurité...

Présent sur place lors du vote, l’ancien rédacteur en chef du Monde diplomatique raconte une campagne qui, comme bien souvent lorsqu’il s’agit du Venezuela, a conduit de nombreux « observateurs » internationaux à s’alarmer de la « dérive dictatoriale » [2] ou « despotique » [3] de M. Chávez plutôt qu’à s’intéresser à ce qui, dans son action, pouvait séduire les électeurs.

Au pouvoir depuis l’élection de décembre 1998, le président Hugo Chávez paraît imbattable : c’est ce qu’affirment tous les sondages depuis le début de la campagne électorale. Certains des instituts les plus connus — Grupo de Investigación Social Siglo XXI (proche du pouvoir), Instituto Venezolano de Datos (IVAD), International Consulting Services, Datanalisis — donnent au chef de l’Etat en quête d’un nouveau mandat entre dix et dix-huit points d’avance sur son principal adversaire Henrique Capriles Radonski. Pourtant, curieusement, alors que le jour du scrutin se rapproche, et que rien ne semble justifier un tel revirement, quelques officines, s’abstenant de révéler la fiche technique et la méthodologie utilisées dans leurs enquêtes, parlent d’« égalité » (Varianzas) ou vont même jusqu’à promettre la victoire au représentant de l’opposition (Institut Hernández Hercón). Dès le 7 août, sans avancer d’éléments tangibles, M. Capriles avait assuré qu’il faisait la course en tête, que son avantage augmentait et qu’il gagnerait la présidentielle avec un écart conséquent.

Le camp bolivarien continuant néanmoins à envisager sa permanence au pouvoir, le quotidien d’opposition El Universal, le 25 septembre, sonne le tocsin dans un article signé Yon Goicoechea : « Chávez a des partisans et Capriles en a encore plus. Les effets politiques de l’élection du 7 octobre ne seront pas déterminés par le fait, aujourd’hui connu, que Henrique gagnera cette confrontation. (...) Si le CNE [Conseil national électoral] commet une fraude, ce qui suivra sera horrible. En quelques minutes, les rues du centre de Caracas se rempliront de gens célébrant le triomphe de Chávez. De l’autre côté de la ville, Capriles tiendra une conférence de presse et convoquera les Vénézuéliens dans la rue. En quelques heures, on aura deux masses humaines opposées et radicalisées dans chaque ville du Venezuela. Le 7 octobre sera un défi pour les Forces armées nationales, car la sécurité sera sérieusement compromise. » En clair : comme à l’occasion de chaque scrutin, la droite entonne le grand air de « la fraude ».

On se souviendra que le 16 août 2004, au lendemain du référendum révocatoire largement gagné par M. Chávez, le dirigeant d’Action démocratique (AD) Henry Ramos Allup avait contesté ce triomphe et promis d’apporter les preuves de la falsification des résultats. Huit années ont passé. Si M. Ramos Allup a eu l’insigne honneur d’être récemment élu vice-président de l’Internationale socialiste [4], on attend toujours les preuves en question...

Une gauche... de gauche

Quatorze ans de « chavisme » ont profondément transformé le Venezuela. A la différence de ce qui se passait sous les gouvernements précédents, une grande part de la rente pétrolière a été utilisée pour financer la politique sociale. Les humbles (nombreux) qui crient « Viva Chávez ! » se réfèrent sans doute aux millions de personnes qui, chaque jour, accourent dans les différents programmes — Mercal, Pdval, Bicentenario, Farmapatría — où ils peuvent acheter les produits de première nécessité à prix subventionnés. Les jeunes qui s’enthousiasment — « Chávez va gagner ! » — songent d’évidence à la politique d’inclusion et d’éducation menée à tous les niveaux, aux livres et aux ordinateurs (les canaimitas) gratuits qui leur sont distribués. Les vieux qui se vêtent de t-shirts rouges, le font probablement parce que les 200 000 retraités touchant une pension à la fin de la IVe république ont fait des petits et sont devenus 2 300 000 aujourd’hui. Quand les mères de familles parlent avec émotion du « comandante », c’est parce que les différentes « missions » mises en place leur ont donné accès à la santé, c’est parce que deux millions d’entre elles et de leurs proches bénéficient désormais du régime de la sécurité sociale. Que les mal logés prennent parti n’a rien de surprenant non plus : la Grande mission logement Venezuela, certes trop tardivement créée, a bâti des dizaines de milliers d’habitations depuis sa naissance voici dix-huit mois et entend continuer à les multiplier. Depuis leurs coopératives, les paysans aussi lèvent le poing : grâce à la réforme agraire, le pays est passé de 17 160 577 tonnes d’aliments produits en 1998 à 24 686 018 tonnes en 2010, soit une augmentation de 44 % (ce qui n’a rien d’exceptionnel, mais n’en représente pas moins une sérieuse progression). Allons à l’essentiel : malgré les erreurs ou les échecs (en particulier en matière de sécurité), la pauvreté a régressé entre 2002 et 2010, passant de 48,6 % a 27,8 %, tandis que l’extrême pauvreté suivait la même courbe — de 22,2 % a 10,7 % [5]. Le Venezuela affiche par ailleurs le niveau d’inégalités le plus faible de la région : l’antithèse du néolibéralisme sauvage qui étrangle les Européens.
Une droite... de gauche aussi !

Face à un tel bilan, aucun opposant ne peut espérer l’emporter en affirmant représenter « la droite » (les souvenirs du passé hantent encore pas mal de Vénézuéliens). C’est donc en homme de « centre gauche », en admirateur du social démocrate espagnol Felipe González ou des chefs d’Etat brésiliens Fernando Henrique Cardoso, Inãcio Lula da Silva et Dilma Roussef que M. Capriles Radonski se lance à l’assaut du « castro-chavisme ». De quoi éclater de rire ! D’ailleurs l’ex-président Lula ne s’y trompe pas qui, dans une vidéo diffusée lors de la cérémonie de clôture du Forum de São Paulo [6], le 6 juillet, à Caracas, appuie sans équivoque M. Chavez : « Ta victoire sera notre victoire. » Dans cette partie du monde, on connaît la trajectoire de M. Capriles Radonski.

Issu d’une des familles les plus riches du pays, celui-ci a milité dans l’organisation d’extrême droite Tradition, famille et propriété, fondée par un illuminé brésilien, Plinio Correa de Oliveira, qui prétendait recevoir des messages célestes de la Vierge de Fatima, a frayé avec l’un des deux grands partis traditionnels, le Copei, avant de fonder, avec la droite dure, Primero Justicia (Justice d’abord). Sa participation au coup d’Etat du 11 avril 2002, à l’assaut contre l’ambassade cubaine (le 12 avril) et à la tentative de déstabilisation économique de décembre 2002-janvier 2003 sont ici autant présents dans les esprits que sa carrière de député, puis de maire du quartier chic de Baruta, à Caracas, puis de gouverneur de l’Etat de Miranda depuis 2008. Toutefois, il est jeune, il est beau, il sent bon le renouveau ; le voilà donc de centre gauche. C’est que, entre deux blocs « durs », irréductibles et inconditionnels, de taille presque similaire — celui des partisans de la révolution bolivarienne et celui d’une droite prête à élire n’importe qui pourvu qu’il les « débarrasse de Chávez » —, existe une frange d’indécis, voire de déçus relatifs du « chavisme » qu’il s’agit de faire basculer à droite par le charme d’un discours modéré, exempt de radicalisme et d’agressivité.

Le « paquetazo »

C’est au terme d’une primaire organisée le 12 février par la Mesa de Unidad Democrática (Table d’unité démocratique [MUD] ; coalition d’une vingtaine de partis) que M. Capriles Radonski, choisi par 62,5 % des trois millions de votants, est devenu le candidat unique de l’opposition. Toutefois, cette primaire a laissé quelques traces d’amertume et un malaise certain au sein des vieux partis traditionnels — Copei et AD —, le scrutin ayant été entaché de quelques « anomalies », particulièrement dans l’Etat de Miranda. Après avoir hésité à provoquer une crise, les mécontents sont rentrés dans le rang pour ne pas se suicider politiquement en « cassant » la droite à la veille de l’élection.

Mais c’est un problème d’une toute autre ampleur qui va provoquer un mal de tête tout puissant à M. Capriles Radonski. Au sein de son camp, les désertions commencent à se multiplier lorsqu’est révélé le programme commun de gouvernement, un document occulte, élaboré par les conseillers de la MUD et signé par les cinq participants aux primaires. Sans jamais avoir été mentionné, ni par le candidat ni par les dirigeants de l’opposition, ce programme à mettre en application en cas de victoire a tout des hideux plans d’ajustement structurel du passé et remet en cause l’ensemble des acquis de la révolution !

Rendu public par le jeune chercheur français Romain Mingus [7], ce « paquetazo » (paquet de mesures) repose sur le triptyque « décentralisation-autonomie-privatisations ». Une décentralisation « qui veut transformer le Venezuela en vingt-trois féodalités ayant la liberté de décider des politiques de santé, d’éducation, d’énergie, d’environnement, de transports, etc. [8]  » Une autonomie ayant pour objet de refaire de la compagnie pétrolière PDVSA un Etat dans l’Etat, exempté de toute responsabilité sociale, et de la Banque centrale du Venezuela (BCV) une entité échappant au pouvoir politique. Le texte prévoit une élimination des « missions » si chères aux plus pauvres, mais qui représentent « une lourde charge fiscale », la fin des subventions agricoles, le gel des retraites et des augmentations de salaire, l’augmentation progressive des tarifs de l’électricité, de l’eau, du métro, du téléphone et des autres services subventionnés par le gouvernement. Tout est écrit noir sur blanc. Tandis que le député William Ojeda est expulsé de son parti, Un Nuevo Tiempo (Un nouveau temps), pour avoir dénoncé le danger de ce « paquetazo » néolibéral, d’autres dirigeants, comme David de Lima (ex-gouverneur d’Anzoátegui) ou l’avocat constitutionnaliste Hermann Escarrá sautent dans les canots de sauvetage et abandonnent le navire de l’opposition. En revanche, les trois partis membres de l’Internationale socialiste — AD, Podemos et Alianza Bravo Pueblo — ne pipent mot. Quant à M. Capriles Radonski, pris la main dans le pot de confiture, il nie — centre gauche oblige — avoir signé ce document. Sans convaincre personne, évidemment.

La plus grande marche du monde

Le 30 septembre, la bataille se déplace sur le terrain des symboles. Démonstration de force, une très imposante marche de l’opposition emplit en totalité l’Avenue Bolivar (l’équivalent des Champs-Elysées parisiens). Tandis que, dans une atmosphère de kermesse, les vendeurs à la sauvette font leur miel en proposant rafraîchissements, sandwichs et drapeaux vénézuéliens, cette foule de plusieurs centaines de milliers de personnes, de peau majoritairement très blanche, ovationne son candidat et crie ses certitudes : « Chávez, mon ami, il ne te reste plus qu’une semaine ! » ; « Ça se voit, ça se sent, Capriles président ! »

« Je crois que c’est sans aucun doute la plus grande concentration de personnes dans l’histoire de Caracas », leur lance leur candidat, sous les acclamations. Dès le lendemain, les médias privés — qui, d’après certains fantaisistes, n’existent plus ! — s’enthousiasment, relaient et amplifient le message, annonçant qu’après cette manifestation, « la plus importante qu’on ait jamais vue », l’histoire de l’Amérique latine ne sera plus la même. Un discours récurrent, dans la bouche ou sous la plume des mêmes, lors de chaque élection, depuis 2002.

La prise de Caracas

Infatigable (selon l’adjectif repris en boucle par l’ensemble des médias), M. Capriles Radonski a visité en deux mois plus de trois cents villes et villages — « parce qu’il n’y avait jamais mis les pieds ! », gouaillent les chavistes. Le président en exercice, lui, du fait de son état de santé, en a fait beaucoup moins. C’est le 30 juin 2011 qu’il a annoncé au pays avoir été opéré d’une tumeur maligne à l’abdomen et, lorsqu’a commencé la campagne, il terminait son second traitement (une radiothérapie). « Il s’est préservé le plus possible, confie l’un de ses proches, pour pouvoir affronter la durée. » Placé dans une situation très favorable par les résultats visibles de sa politique sociale, il a géré cet avantage sans s’exposer intensément en public — ce qui a fait jaser ceux qui, jusque-là, lui reprochaient une trop grande présence — et en se concentrant sur les priorités.

Le 1er octobre néanmoins, à une semaine du scrutin, il sort de sa réserve et entreprend une dernière ligne droite baptisée « De Sabaneta à Miraflores » (Sabaneta étant son village natal et Miraflores le palais présidentiel). Pour compenser ce qu’il n’a pu faire auparavant, il visite deux ou trois Etats par jour : le 1er octobre, Barinas, Cojedes et Portuguesa ; le 2, Lara et Yaracuy ; le 3, Carabobo et Aragua. Une constante revient dans les discours prononcés par un homme apparemment en forme et qui a retrouvé toute sa pugnacité : « Je veux, pour la prochaine période, donner davantage de pouvoir au peuple, pour que lui-même solutionne ses problèmes » (le 3 octobre, à Valencia). Et aussi : « Nous devons gagner avec une majorité écrasante » (sous entendu : pour donner un signal très fort à la droite de la droite et éviter toute contestation des résultats).

Comme il se doit, la clôture de campagne a lieu à Caracas. A l’évocation de « la plus grande marche du monde » de l’opposition ont répondu des haussements d’épaules narquois : « L’Avenue Bolivar ? On l’a déjà remplie plusieurs fois... On va faire beaucoup mieux ! » Cette fois, on occupera les sept principales avenues du centre de la ville — Urdaneta, Lecuna, Baralt, Universidad, Fuerzas Armadas, México, Bolivar. Objectif annoncé : cinq cent mille militants.

Ce 4 octobre, effectivement, « l’avalanche patriotique » s’abat sur la capitale (impossible à dénombrer avec précision, pas plus d’ailleurs que celles des opposants). Tandis que, dans une atmosphère de kermesse, les (mêmes) camelots font leur miel en vendant rafraîchissements, sandwichs, T-shirts, casquettes et symboles bolivariens, une marée rouge que ne parvient même pas à décourager la pluie diluvienne qui s’abat brutalement pendant deux longues heures « prend Caracas » au sens propre et au sens figuré. L’enthousiasme n’a de pair que la motivation et, sous les formes les plus diverses — affiches, pancartes, calicots, drapeaux, etc. —, tous les ingrédients de la révolution bolivarienne sont présents : le libertador Simón Bolivar, le commandante, Hugo Chávez, ainsi que les « missions » et programmes sociaux. Quand l’imaginaire, la volonté et le concret sont en accord, l’un ne s’ajoute pas aux autres, mais les multiplie. Beaucoup trop d’observateurs octroient toute la dynamique de la « révolution bolivarienne » au seul charisme (bien réel) du leader en reléguant « le peuple » au rôle de simple spectateur, ou, pire encore, de marée aveugle, prisonnière de l’émotionnel et de l’irrationnel. Il n’en est rien. Même si une relation affective étonnante les lie à leur comandante, les Vénézuéliens — ou pour le moins ceux qui jusque-là avaient été niés et oubliés — ont, depuis 1998, à travers une démocratie qui se veut participative, pris leur destin et celui du pays en main. Même si beaucoup reste à faire, nul n’en disconvient, à commencer par le président.

Si ce dernier est aussi populaire, c’est parce qu’il est le premier à critiquer les faiblesses du gouvernement, des députés, ou à prendre ses distances avec les gouverneurs du Parti socialiste uni du Venezuela (PSUV) souvent très contestés par les militants. En effet, si personne, dans le camp bolivarien, ne remet en question la volonté politique et la direction du mouvement, beaucoup en critiquent le manque d’efficacité — ce qu’exploite, et c’est normal, l’opposition. Mais, en tout état de cause, le lendemain de la « prise de Caracas », ce type d’analyse politique n’est pas la préoccupation première du quotidien El Universal qui, après avoir porté aux nues la « somptueuse » manifestation de l’opposition, se déchaîne contre celle des bolivariens : « Anarchie et abus de pouvoir ont régné hier dans les rues de Caracas du fait de la fermeture des sept avenues principales durant toute la journée, en raison de l’acte de campagne du président Hugo Chávez, qui s’est converti en un cauchemar pour les caraqueños accourus à leurs postes de travail dans le centre. »

La dernière ligne droite

Dans un entretien accordé à la chaine Venevisión, le 2 octobre, M. Capriles Radonski, nerveux, agité, sourire fabriqué aux lèvres, taille en pièces la gestion du chef de l’Etat sortant. « Il prétend avoir construit vingt nouveaux hôpitaux... On ne sait même pas si c’est vrai ! Il faudrait vérifier... » (à cinq jours du scrutin, il serait en effet temps de se livrer à une enquête aussi compliquée pour découvrir que... c’est vrai !). La veille, il a annoncé que, dès sa prise de pouvoir, il se réunira avec le président cubain Raúl Castro pour revoir les accords qui, en échange de pétrole, permettent au Venezuela de bénéficier de l’assistance de l’île en matière de santé, de sport et d’éducation.

Nul ne l’ignore, le résultat de ce scrutin concerne bien plus que le seul Venezuela. Un retour de la droite au pouvoir à Caracas porterait un coup très dur à la dynamique qui voit l’Amérique latine s’émanciper des politiques impérialistes des Etats-Unis et... de l’Union européenne, et choisir son propre chemin. Les rumeurs de l’ahurissante campagne médiatico-politique qui se déchaîne à l’étranger, en particulier en Espagne et en France, contre le président Chávez, parviennent en effet jusqu’à Caracas et laissent pantois (voir [ l’encadré plus bas ). Le « socialisme du XXIe siècle » inquiète décidément beaucoup. Pourtant, le camp du président sortant demeure serein : « On connaît nos forces, nos faiblesses, confie le vice-ministre des affaires étrangères Temir Porras, ainsi quela réalité politique du pays. Malgré tout ce chahut, on va gagner. »

Dans son dernier entretien accordé, le 5 octobre, à la télévision publique Venezola de Televisión (VTV), depuis le palais présidentiel de Miraflores, M. Chávez, après avoir admis que « l’une des principales failles de la révolution bolivarienne est le manque de suivi » des réformes, et qu’il entend y remédier, précise que jamais il ne renoncera à la bannière du socialisme. Un socialisme rénové, reposant sur une souveraineté définitive, irréversible, sur l’exploitation des ressources naturelles, la consolidation de la doctrine militaire [9], l’approfondissement de la démocratie, la participation populaire, une politique d’industrialisation reposant sur une économie mixte, avec un secteur privé national et transnational, mais sous le contrôle de l’Etat — c’est-à-dire, s’esclaffe M. Porras, « que le mythe du castro-communisme autocratique s’effondre totalement ».

Pourtant, les observateurs supputent, s’interrogent, se grattent le front. La campagne médiatique internationale, avec ses formules toutes faites — « populisme », « autoritarisme », « désastre économique », « fraude possible », « confiscation de la démocratie » — recoupe de trop près les éléments de langage de l’opposition (un véritable copier-coller) pour que ne s’installe pas une certaine appréhension. Certes, le 15 septembre, l’argentin Carlos Álvarez, chef de la Mission d’observation électorale de l’Union des nations sud-américaines (Unasur) [10], a déclaré : « Il est intéressant de souligner un élément que très peu connaissent, je parle surtout de ceux qui analysent la réalité depuis la désinformation ou les préjugés, c’est que le Venezuela possède aujourd’hui un des systèmes électoraux les plus vigoureux et les plus avancés technologiquement de l’Amérique Latine, ce qui garantit la transparence, le contrôle et la surveillance du scrutin [11].  » Certes, le 5 octobre, il persiste, signe, et (message subliminal à destination de l’Union européenne et des Etats-Unis) précise que cette confrontation électorale offre l’occasion de démontrer que les pays de la région sont capables d’organiser et de garantir la transparence des élections. La semaine précédente, l’ancien président américain James Carter, dirigeant du centre éponyme, a déclaré : « En réalité, sur les quatre-vingt-douze élections dont nous avons surveillé le déroulement, je dirais que le processus électoral du Venezuela est le meilleur du monde. [12] »

Il n’en demeure pas moins que, à l’instar de Rafael Poleo, directeur du quotidien El Nuevo País, qui écrit « ignorer que le gouvernement prépare une fraude est une idiotie [13]  », l’opposition ne cesse de mettre en cause l’impartialité du CNE et M. Capriles Radonski, chaque fois qu’on le lui demande, se refuse à préciser si, dans l’hypothèse où ils lui seraient défavorables, il acceptera les résultats. De quoi provoquer, dans ce pays qui a déjà connu un coup d’Etat (manqué) et une tentative de déstabilisation économique (également ratée, mais dévastatrice pour le pays) l’émergence d’une inquiétude. Nul ne doute que, si au jour J, leurs dirigeants claquent dans leurs doigts, les électeurs de droite, bombardés depuis des mois par la thèse de la manipulation du vote, mis en condition, et donc convaincus, descendront dans la rue. Le lendemain du scrutin, « si Chávez gagne », Caracas s’éveillera-t-elle dans les lumières bleues des gyrophares et la furie des émeutiers ?

L’entourage du président n’en demeure pas moins serein. Séquelle des primaires, il existe une certaine dissidence au sein de l’opposition. Des éléments de la vieille sociale démocratie, quelques démocrates chrétiens, des dirigeants d’Un Nuevo Tiempo qui ont intégré l’idée de la défaite, savent que M . Capriles Radonski sera battu et qui, par ailleurs, haïssent les « princes caraqueños » qu’il représente, ont discrètement fait savoir qu’ils accepteraient le verdict des urnes. Que M. Capriles perde ! Eux attendent le 8 octobre pour commencer à reconstruire l’opposition selon leurs vues. D’autre part, les déclarations d’Unasur et des observateurs indépendants ne laissent guère d’espace pour dénoncer une fraude avec un minimum de crédibilité. Qu’on y rajoute que tous les dirigeants de droite ne sont pas partants pour se lancer dans une « aventure » insurrectionnelle, à l’image de celles qui ont déjà échoué : pour les bolivariens, si M. Chávez gagne avec une avance suffisante, « l’affaire est pliée ».

Un certain 7 octobre

Très tôt — « comme l’a dit notre comandante  » — bien avant l’ouverture du scrutin, des files interminables s’étirent devant les bureaux de vote des quartiers populaires. Aucune angoisse, on discute, on s’amuse — « C’est un jour important ! » — « Important ? N’exagère pas ! Le jour important c’est le 11... Le championnat de baseball recommence ! » —, on s’installe avec parapluies (pour se protéger... du soleil) chaises pliantes et provisions car, vu l’affluence exceptionnelle, l’attente sera longue (80,9 % de participation).

Même si elle n’en fait pas un usage intensif et permanent, l’espèce humaine se caractérise par une certaine rationalité : lorsque, à 22 h 05, la présidente du CNE Tibisay Lucena annonce la victoire de M. Chávez, son adversaire reconnaît immédiatement son échec. Avec 54,42 % des voix et quasiment dix points d’avance sur le candidat de l’opposition (44,97 %), le président en exercice repart pour un nouveau de mandat de six ans.

La défaite a au moins trois visages : celui de la droite vénézuélienne et latino-américaine ; celui des Etats-Unis ; celui des médias dominants nationaux et internationaux, qui vont devoir se contorsionner pour expliquer à leurs lecteurs, auditeurs et téléspectateurs comment celui qu’ils ont présenté comme un caudillo populiste, inefficace, archaïque et autoritaire, l’a une nouvelle fois emporté. On peut leur faire confiance pour trouver une explication — du genre : « Au Venezuela, les électeurs ont confisqué la démocratie ».

Campagne électorale à Paris

Le 1er octobre, la revue Building et l’association Dialogo por Venezuela, Justicia y Democracia organisaient à Paris une conférence consacrée aux « Enjeux des élections présidentielles au Venezuela ». Invités à s’exprimer, la chercheuse Renée Fregosi (membre de l’Internationale socialiste), la sociologue Mercedes Vivas, le chroniqueur d’Europe 1 Alexandre Adler [14] et le député européen d’Europe-Ecologie-Les Verts Daniel Cohn-Bendit (dans l’impossibilité de se déplacer, ce dernier avait enregistré un message vidéo « pour dire tout le mal qu[‘il] pense de Chávez »). Au fil de leurs exposés — qui présentaient le Venezuela comme une dictature (bien que « pas classique ») et M. Chávez comme un personnage « grotesque » et « dégoûtant » —, les intervenants insistèrent sur l’angoisse qui les travaillait (et dont l’exposé semblait fournir sa véritable raison d’être à la soirée) : la probabilité d’une guerre civile déclenchée par le camp chaviste en cas de victoire de M. Capriles. Près d’une heure et demie et quatre interventions plus tard, le clou n’avait semble-t-il pas été suffisamment enfoncé. Une personne visiblement proche des organisateurs se leva donc, depuis la salle, pour poser la question qui lui brûlait les lèvres : « A-t-on envisagé le fait que le Venezuela puisse sombrer dans un guerre civile si M. Capriles l’emportait ? » Réaction du modérateur de la soirée : « Voilà une question très intéressante ! »

R.L.

LMD. Paris, le 11 octobre 2012

Notes

[1] Chiffres alors que 97,65 % des votes avaient été décomptés. Mme Reina Sequera obtient 0,47 % des suffrages, M. Luis Reyes 0,05 %, Mme Maria Bolivar 0,04 % et M. Orlando Chirino 0,02 %.

[2] Lire Renaud Lambert, « Législatives au Venezuela, une défaite à l’envers », La valise diplomatique, 1er octobre 2010.

[3] Parfois au prix d’erreurs factuelles grossières, comme au journal télévisé de France 2, le 3 octobre 2012 : lire Nils Solari, «  Venezuela : France 2 se plante et se corrige… un peu », 11 octobre 2012, Acrimed.org.

[4] Lire Maurice Lemoine, « Internationale socialiste ou les Pieds Nickelés en Amérique latine », Le Monde diplomatique, janvier 2012.

[5] Commission économique pour l’Amérique latine (Cepal), « Panorama Social de América Latina 2011 », Santiago (Chili), 2012.

[6] Organisation regroupant toute la gauche latinoaméricaine.

[7] Romain Mingus, « El Nuevo Paquetazo » (PDF).

[8] Ibid.

[9] La doctrine militaire vénézuélienne repose sur la préparation à une guerre asymétrique pour repousser une éventuelle agression.

[10] Organisation qui rassemble les douze pays de l’Amérique du Sud.

[11] Venezuela Infos, « L’unité latinoaméricaine pour défendre le vote des vénézuéliens relègue au passé la désinformation et la “vigilance” de l’Europe et des Etats-Unis », Caracas.

[12] « Carter affirme que le processus électoral du Venezuela est le “meilleur du monde” », Business Wire, Agence France Presse, 22 septembre 2012.

[13] El Nuevo Herald, Miami, 7 août 2012

[14] Lire Mathias Reymond, « Alexandre Adler, portrait d’un omniscient », Le Monde diplomatique, juin 2006.

 

 

Source : Au Venezuela, les électeurs ont « confisqué » la démocratie - El Correo

 

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1 décembre 2012 6 01 /12 /décembre /2012 15:15

De quoi la relation Chine – Amérique latine est-elle le nom ?

Frédéric Thomas
L’histoire s’accélère. Alors que l’expression « Chinafrique » est née avec le nouveau millénaire, l’accroissement exponentiel des relations entre la Chine et le continent latino-américain, ces dernières années renforce les interrogations sur la place et le rôle du modèle chinois dans le monde. Nous aimerions poser la question ici, en termes de rapports sociaux, et à partir d’une lecture endogène à l’Amérique du Sud.
 
Chine – Amérique latine : une nouvelle dimension
 
Les chiffres parlent d’eux-mêmes et donnent le vertige. En quelques années, la Chine a acquis une position stratégique et privilégiée en Amérique latine. Ainsi, entre 2000 et 2009, la part des importations argentines en provenance de la Chine a pratiquement triplé (de 4,6 à 12,4%) tandis qu’elle a été multipliée par six pour le Brésil et le Mexique (de 2,2% à, respectivement, 12,5% et 13,9%)1. De manière globale, « entre 2001 et 2009, les importations chinoises en provenance de l’Amérique latine passent de 6,7 à 64,4 milliards de dollars, et les exportations chinoises vers la région, de 8,2 à 57,1 milliards de dollars » [1].
 
À y regarder de plus près cependant, se dessine une double concentration ; en termes géographique et de produits. Selon le dernier rapport de la CEPAL, en effet, pour la période 2005-2008, «  cinq pays représentent en moyenne quasiment 86% de toutes les exportations de la région : le Brésil (33%), le Chili (25%), l’Argentine (12%), le Mexique (9%), et le Pérou (7%) (...). Les importations régionales de biens en provenance de Chine sont encore plus concentrées ; en Amérique latine et dans les Caraïbes, le Mexique est le plus important importateur, avec un quota de 48% des achats totaux de la région au pays asiatique, suivi du Brésil (20%), de l’Argentine (6%) et du Chili (6%) » [2]. De plus, dans pratiquement tous les pays du continent, 80% des exportations vers la Chine se réduit à seulement cinq produits. Ce pourcentage dépasse même les 90% en Argentine, au Chili, à Cuba, en Colombie. Il s’agit principalement de produits marqueurs d’une certaine place dans la production nationale et dans la division internationale du travail. Ainsi, entre 2006 et 2008, le soja et ses produits dérivés (huile) représentent 55% du total des exportations argentines – 46% pour l’Uruguay et 23% pour le Brésil – à destination de la Chine. Le cuivre représente 81% du total des importations chinoises en provenance du Chili (39% en provenance du Pérou), tandis que le pétrole brut concentre au moins la moitié des exportations du Venezuela, de la Colombie et de l’Équateur (94% pour ce dernier pays) [3]. Alors que l’Amérique latine s’est transformée en principal fournisseur de cuivre et d’huile de soja pour la Chine, celle-ci devenait le premier ou deuxième destinataire des exportations brésiliennes, chiliennes et péruviennes.
 
Cette nouvelle situation reproduit, toutes proportions gardées, les réflexes, peurs – envers le « péril jaune » – et appréciations antagonistes (entre opportunités à saisir et nouveau problème à affronter) qu’a suscitée la percée de la Chine en Afrique [4]. Nous allons nous intéresser surtout à la physionomie de ces relations Chine – Amérique latine, en les réinscrivant dans les débats qui agitent les mouvements sociaux sud-américains (puisque, mis à part le Mexique, c’est dans cette partie du continent que se concentre l’impact chinois).
 
Chine – Amérique latine : un débat partiel et partial
 
À lire la masse d’articles et d’analyses, les questions que soulèveraient les relations entre la Chine et l’Amérique latine, ces dix dernières années, seraient principalement d’ordre macroéconomique – voire technique – et géostratégique. Il est question de balance commerciale, de croissance, de la différence des taux de change (avec la sous-évaluation du yuan chinois), d’investissements, etc. D’autre part, on parle de l’implantation chinoise en termes de concurrence et de compétition, de « partenariat stratégique » ou de coopération Sud-Sud. On s’interroge sur les réactions des États-Unis et de l’Europe – la place que prend la Chine sur le continent se faisant largement à leurs dépends – et chacun de redessiner la configuration des forces au niveau mondial. Toute cette littérature se cantonne aux Sommets, G20, Mercosur et autres espaces officiels internationaux, comme si ces débats étaient purement académiques ou diplomatiques. L’encéphalogramme désespérément plat de telles discussions ne paraît alors s’agiter qu’à évoquer le mythe du « péril jaune ». Difficile en tous les cas de voir, depuis ces hauteurs, derrière les chiffres ou au creux des courbes de croissance, qu’il y a des hommes et des femmes, des projets et des choix de société en jeu. À en rester à un tel degré de généralité, au niveau macroéconomique, on risque fort de réduire le débat à quelques intérêts étatiques ou diplomatiques, en passant à côté ou en occultant les aspérités, conflits et acteurs divers. On en vient alors à évacuer ou à fausser toute une série de questions, qui sont pourtant au cœur de la relation Chine – Amérique. Et peut-être la première question concerne-t-elle la nature de la relation elle-même ? Comment caractériser le rapport entre le géant asiatique et les pays latino-américains ? Nous tenterons d’apporter des éléments de réponses en cernant les contours et enjeux de la question et en évitant les réponses manichéennes, superficielles ou fétichistes.
 
Un nouvel impérialisme ?
 
Il convient tout d’abord de réaliser que l’interrogation n’est ni gratuite, ni neutre, et ne renvoie pas une réponse uniquement académique ou scientifique. Elle suppose, au contraire, un positionnement aussi de type politique, soit une interprétation de la « liberté » du marché, de l’histoire, de la démocratie, etc. Il faut ensuite se défaire de présuppositions et d’oppositions toutes faites. Que le monde soit plus multipolaire aujourd’hui ne signifie pas automatiquement qu’il soit plus égalitaire. De même, n’y-a-t-il pas à « choisir » entre l’impérialisme chinois ou l’impérialisme américain, par exemple ; comme si l’existence de l’un présupposait l’absence de l’autre ou en relativiserait son impact. Enfin, il faut rappeler cette évidence que si l’impérialisme est un rapport social, cristallisé historiquement autour de quelques pays du Nord (États-Unis, Grande-Bretagne, France, Belgique, etc.), il ne rend pas impossible la reproduction de sa logique, autrement et à d’autres échelles. Ainsi, la position de la Chine, au Sud ; son statut (discuté) de pays en développement ; sa prétention (litigieuse) tiers-mondiste et son gouvernement (officiellement) communiste imposent de recontextualiser le débat, mais ne constituent pas une garantie naturelle contre toute relation de type néocoloniale.
 
Si la question revient avec insistance à propos de la Chine en Amérique latine, ce n’est pas seulement ni même principalement en raison de l’asymétrie des forces, mais en fonction du schéma d’échanges économiques. De quoi s’agit-il ? D’une double asymétrie en fait. D’une part, alors que l’Amérique latine « ne représente que 9,4% des exportations chinoises et 6,5% de ses importations, en revanche, la Chine est devenue en 2009, la première destination des exportations brésiliennes et chiliennes, la deuxième de l’Argentine, du Pérou et du Vénézuela. La Chine est aussi le deuxième fournisseur du Brésil, du Chili, du Pérou, du Mexique et de la Colombie, le troisième de l’Argentine, du Vénézuela et de l’Uruguay) » [5] . D’autre part, alors que les matières premières et les produits agricoles de base des pays latino-américains constituent l’essentiel de leurs exportations, la Chine leur exporte des produits manufacturés. Ainsi, les exportations du Brésil en 2008, pour prendre un exemple, étaient composées à 77% de produits de base [6]. D’où la crainte exprimée par la CEPAL d’une « reprimarisation » de l’économie des pays concernés (l’autre crainte étant celle de la désindustrialisation [7] ). La part des matières premières dans les exportations du continent est ainsi passée de 27% au début des années 80 à 40% en 2009, et la Chine est un «  facteur clef de l’actuel processus de "reprimarisation" du secteur exportateur d’Amérique latine et des Caraïbes » [8]. Les spécialistes s’accordent cependant à voir dans « l’effet Chine » un facteur aggravant, accentuant et renforçant une dynamique, plutôt que la cause de ce phénomène. La « reprimarisation » a son origine dans la matrice latino-américaine «  du modèle primaire extractif et agro-exportateur » [9], à partir de laquelle il participe à l’économie mondiale.
 
Qu’est-ce qui rend ce modèle économique si problématique ? Le fait que les matières premières connaissent de grandes fluctuations de prix et de demande au niveau du marché mondial, sur lesquels les pays producteurs n’ont quasiment aucun contrôle. La dépendance et la vulnérabilité de ces économies sont d’autant plus importantes qu’elles sont basées sur quelques produits, eux-mêmes monopolisés par des acteurs nationaux – grands propriétaires terriens, haute bourgeoisie, etc. – alliés à des multinationales (aujourd’hui, par exemple, une dizaine d’entreprises transnationales contrôlent le marché mondial de l’agrobusiness). Or, ce modèle reconduit et reproduit le mode de production colonial. Celui-ci est basé, dans les pays « périphériques », sur la double exploitation d’une main d’œuvre locale sous-payée (ou non payée lors de l’esclavage) et de (mono)cultures et ressources naturelles – sous la forme de mines et de grandes plantations (les latifundium en Amérique latine) –, d’autre part. La production, aux mains d’une oligarchie, est orientée vers l’exportation – le « centre » – (le pays colonisateur) où les produits sont alors transformés, manufacturés et revendus, en générant un maximum de bénéfices. Ce modèle est tout à la fois inégalitaire (il génère une majorité surexploitée d’un côté, et une minorité très riche de l’autre), destructeur de l’environnement – (monocultures intensives en pesticides), mines polluantes, déforestation, etc. – et asymétrique au niveau des échanges commerciaux.
 
Ces dernières années, la demande chinoise de matières premières pour assurer son développement, la crise du marché international ont conjugué leurs dynamismes et réactualisé ce modèle économique. Une telle configuration pèse plus lourd que les (prétendus) souhaits du gouvernement chinois d’établir des rapports d’égalité et d’amitié : «  Si la Chine continue à placer l’accès aux matières premières au-dessus de tout le reste, elle se comportera chaque jour davantage comme les anciennes puissances coloniales  » [10].
 
La relation Chine – Amérique latine et la question du « développement »
 
Les relations commerciales avec la Chine ont donc accentué une tendance endogène lourde, critiquée et combattue par les mouvements sociaux sud-américains. Ceux-ci ont cherché à mieux définir la part de continuité et de nouveauté dans les politiques en vigueur et ont eu recours à des expressions comme « État néo-développementaliste » ou « État compensateur ». Il s’agit de mettre en évidence le paradoxe d’une reconfiguration de l’État, qui, loin d’être opposé au marché (comme dans la vision libérale classique), le soutient afin d’assurer son « bon » fonctionnement dans une perspective de « développement ». Or, c’est justement en remettant en cause ce terme, qui semblait être naturel, en tous les cas consensuel, qu’a pu être mis à nu les enjeux, contradictions et oppositions d’un processus dont les relations avec la Chine sont comme le prolongement.
 
Ce que, dans les discours officiels latino-américains, on appelle « développement », c’est un « tout à la croissance », la défense prioritaire de taux de croissance positive (et plutôt à deux chiffres) ; stratégie mondiale partagée aussi bien par la gauche que la droite, par le gouvernement chinois et le nouveau président français, avec son Pacte pour la croissance en Europe. Il convient d’ailleurs de se demander si la Croissance ne prolonge pas le rôle que le Progrès a joué au 19ème siècle ; à savoir celui d’un mythe mobilisateur légitimant à peu près tout et excusant le reste. Le consensus de la croissance propre à l’ensemble des gouvernements du continent sud-américain repose sur un modèle d’accumulation de richesses basé « en grande partie sur l’exploitation et sur l’exportation des ressources naturelles  » [11]. Les désaccords, qui distinguaient les gouvernements de gauche (majoritaire maintenant sur le continent) et de droite, concernaient la forme que devait prendre ce processus – privatisation, nationalisation, partenariat privé-public, implication des multinationales – et la redistribution (ou non) des bénéfices – pour financer des programmes sociaux de lutte contre la pauvreté ou au bénéfice du capital transnational. C’est dans ce cadre qu’on a pu parler, à propos des gouvernements de gauche au Brésil, au Pérou, au Venezuela, ... d’« État compensateur », caractérisé par un État actif, mobilisé dans la «  défense de la croissance économique comme moteur du développement, qui se baserait particulièrement sur deux piliers : les exportations et les investissements [dans les matières premières] » [12], et qui offrirait en retour des compensations. Ce « néoextractivisme progressiste » reprend, à partir d’une nouvelle articulation, les idées traditionnelles du développementalisme sud-américain, en ne mettant pas en question «  la croissance comme objectif, ni l’extractivisme comme moyen » [13].
 
La manne de recettes que de tels projets garantissent pour le financement des programmes sociaux constitue un facteur de légitimation clef. L’effet compensateur tient alors, d’une part, au fait que ces politiques sociales sont subordonnées aux objectifs macroéconomiques, d’autre part, au jeu d’équilibre que l’État doit réaliser entre le soutien à ce mode d’accumulation et la tentative d’en réguler ou amortir les effets les plus négatifs, à travers des compensations économiques aux dégâts et impacts négatifs. L’effet combiné de la demande importante et continue de matières premières de la part de la Chine, des prix élevés sur le marché international et des recettes facilement et massivement générées par ces investissements est de repousser toute remise en question d’un tel développement et de décourager la recherche d’alternative et les tentatives de diversification de l’économie.
 
Avenir des relations Chine-Amérique latine au regard des mouvements sociaux
 
Mais ces dernières années, ce consensus a été mis à mal. C’est que les contradictions, limites et impacts négatifs d’un tel développement sont de plus en plus évidents. Les relations avec la Chine, censées dégager au moins partiellement l’Amérique du Sud de l’influence encombrante des États-Unis, reconduisent le même paradigme de dépendance et d’inégalités qu’il s’agit justement, pour nombre de mouvements sociaux, de briser. Or, les programmes sociaux et les promesses d’avenir compensent de moins en moins les tendances autoritaires, la ségrégation sociale et la dégradation de l’environnement inhérents à un tel modèle.
 
La logique des compensations vient buter sur quatre limites, liées entre elles. La première est une limite « naturelle ». Les terres et ressources naturelles existent en quantités limitées ; leur rareté accentue la pression sur celles encore non exploitées et rend de plus en plus visible le point de non retour que nous risquons toujours plus vite d’atteindre. La deuxième est une limite démocratique, dans la mesure où les populations concernées exigent de plus en plus d’être consultées sur les choix opérés et l’usage de leurs terres, dans un contexte où certains groupes sociaux comme les indigènes et les paysans ont pris amèrement conscience que leur mode de vie et de production est menacé par ce développement, à travers la contre-réforme agraire, la déforestation, etc. La troisième limite est éthique : l’idée que tout peut être monnayé, compensé, transformé en simple calcul ou rapport managérial « win-win », est de plus en plus rejetée. La dégradation ou disparition d’un environnement – parfois sacré pour un peuple indigène –, base d’un mode de vie et d’une culture, ne peut pas être compensée. Conséquence et moteur de ces limites : les conflits. Ceux-ci n’ont cessé de croître et de se radicaliser au fur et à mesure que les dégâts devenaient plus visibles. Et qu’il devenait plus évident aussi que ce développement profitait essentiellement à un groupe restreint et privilégié. Aujourd’hui, ces conflits que l’on nomme « socio-environnementaux » – conflits autour des ressources naturelles et de l’accès, du contrôle et de l’usage des terres – sont les plus importants sur le continent.
 
Peu de temps après la clôture de Rio+20 (et la confirmation de son échec annoncé) et alors que la Chine propose un traité de libre-échange avec le Mercosur, s’interroger sur la physionomie de la relation Chine-Amérique latine, c’est donc redéployer la carte des relations internationales. Celles-ci ne passent pas tant entre des blocs homogènes – la Chine, le continent latino-américain, l’Europe –, qu’entre des projets de sociétés antagonistes et des acteurs opposés au sein de ces « blocs ». Cette carte redessine la géographie de la puissance et des richesses, où des zones, des activités économiques et des élites sont intégrées directement et verticalement au marché international, tandis que l’immense majorité est comme soldée. Relue à partir des conflits et résistances qu’elles génèrent, les rapports Chine-Amérique latine apparaissent pour ce qu’ils sont ; le miroir grossissant d’un modèle mondial, qui produit et reproduit les inégalités, les désastres écologiques, la contre-réforme agraire à travers l’expropriation des terres agricoles... et les fausses solutions.
 
Il faut, comme nous y invitent notamment les mouvements sociaux latino-américains, revenir aux racines du problème, en posant quelques questions simples. Pour quoi et pour qui de telles relations ? Expriment-elles une stratégie intelligente, une économie appropriée, une politique juste et égalitaire ? À qui cela profite-t-il ? Pas aux communautés paysannes – chinoises et sud-américaines – et à l’immense majorité de la population en tous cas. Pas plus à l’environnement, la santé publique et la souveraineté alimentaire [14] . En réalité, ces relations ne servent que les intérêts de classes privilégiées, partenaires aux intérêts communs, réunis au sein d’une même course effrénée à l’enrichissement. Dès lors, pour que les relations Chine-Amérique latine changent, il faut que se transforment les rapports de force au sein de ces pays et que se dégagent des voies alternatives au modèle de développement dominant. C’est ce à quoi travaillent les mouvements sociaux sud américains. Ainsi, le Centre péruvien d’études sociales et le Centre latino-américain d’écologie sociale viennent de publier un guide basique d’alternatives à l’extractivisme et de «  transitions pour sortir du vieux développement » [15] . En cassant l’équivalence entre développement et croissance, consommation et qualité de vie, ils appellent à un changement de base productive et à un redécoupage sélectif des rapports entre globalisation et autonomie.
 
Les relations Chine-Amérique latine dépendent donc largement de la dispute en cours entre les mouvements populaires et les gouvernements latino-américains au pouvoir – fussent-ils progressistes –. «  Certainement, comme l’affirme Franck Gaudichaud, coordinateur de l’ouvrage Volcan latino-américain, ces luttes collectives ne réussiront pas à rompre du jour au lendemain avec la logique d’extraction et de développement capitaliste (...), mais ces classes mobilisées revendiquent une transition postcapitaliste et écosocialiste possible, qui nous conduit à un nouveau paradigme, social, démocratique, environnemental et de vie » [16] . De ce nouveau paradigme dépend tout à la fois l’avenir de l’Amérique latine et des relations entre le continent et l’Empire du milieu.
 
(5 novembre 2012)
 
Documents joints
 
Texte complet de l’analyse (PDF - 157.1 ko)
Revue démocratie - pdf (PDF - 4.4 Mo)
 
Notes
 
[1] COLIN Armand, « La Chine et l’Amérique latine : le grand chambardement ? », Revue Tiers Monde, 2011/4, n°208, page 67.
 
[2] CEPAL, China y America Latina y el Caribe : Hacia una relacion economica y comercial estrategica, page 91, mars 2012.
 
[3] Chiffres repris du rapport de la CEPAL.
 
[4] DELCOURT Laurent, « La Chine en Afrique : enjeux et perspectives », Alternative Sud, vol. XVIII (2011) 2
 
[5] SANUK, Jean, L’avènement d’un monde multipolaire : le pôle chinois, http://www.cadtm.org/IMG/pdf/Jean_S...
 
[6] BACARD RAMOS Danielly, Les relations récentes Chine – Amérique latine et leurs enjeux politico-économiques : le cas brésilien, Présentation au workshop « Chine-Amérique latine », lundi 25 juin 2012, Faculté de Droit et de science politique, Université de Liège.
 
[7] On entend par là, entre autre, le fait que dans certains secteurs – par exemple tout ce qui touche au textile et à la confection –, « l’inondation » du marché par des produits chinois moins chers que ceux produits localement entraîne l’éviction des produits et travailleurs locaux.
 
[8] CEPAL, China y America Latina y el Caribe : Hacia una relacion economica y comercial estrategica, page 96, mars 2012.
 
[9] SEONE José, ALGRANATI Clara et TADDEI Emilio, « Une décennie de luttes et de changements en Amérique latine », Alternative Sud, vol. XVIII (2011) 4.
 
[10] T. KLARE Michael, « La Chine est-elle impérialiste ? », Le Monde diplomatique, n° 702, septembre 2012, page 1
 
[11] SEONE José, ALGRANATI Clara et TADDEI Emilio, « Une décennie de luttes et de changements en Amérique latine », Alternative Sud, vol. XVIII (2011) 4.
 
[12] GUDYANAS Eduardo, « Estado compensador y nuevos extractivismos. Las ambivalencias del progresismo sudamericano », page 130, Nueva Sociedad, n° 237, janvier-février 2012.
 
[13] GUDYANAS Eduardo, « Estado compensador y nuevos extractivismos. Las ambivalencias del progresismo sudamericano », page 143, Nueva Sociedad, n° 237, janvier-février 2012.
 
[14] Voir notamment GRAIN, Qui nourrira la Chine : L’agrobusiness ou les paysans chinois ? Les décisions de Beijing ont des répercussions mondiales, Août 2012, http://www.grain.org/article/entrie... ; et SCHNEIDER Mindi, Feeding China’s Pigs : Implications for the Environment, China’s Smallholder Farmers and Food Security, IATP, Mai 2011, http://www.iatp.org/documents/feedi....
 
[15] GUDYANAS Eduardo, Hay alternativas al extractivismo. Transiciones para salir del viejo desarrollo, Magdalena del Mar, Pérou, Août 2012.
 
[16] « L’Amérique Latine reste l’épicentre de l’altermondialisme », Entretien avec Franck Gaudichaud, http://www.cetri.be/spip.php?articl....
 
 
 


via : De quoi la relation Chine – Amérique latine est-elle le nom ? - América Latina en Movimiento

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28 novembre 2012 3 28 /11 /novembre /2012 22:55

 

 

Panetta vise le Sud

 

 

 

Amérique latine loupe

Le Ministre de la Défense des Etats-Unis, Léon Panetta, se trouvait récemment en Uruguay, où il a parlé du besoin de renforcer les forces de police de l’hémisphère sud. Cette politique envisagée connaît un précédent, pratiquement inconnu dans ce pays, mais qui donne une indication potentielle de ce qui attend les gouvernements d’Amérique Latine désireux de coopérer avec les institutions de défense de leur voisin du Nord.

Dans les années 1960, Washington a initié un programme d’entraînement sur dix ans pour la police de l’Uruguay, aidant à la faire passer d’une force faible et sous-financée à un instrument de répression efficace. Cette métamorphose a coïncidé avec la descente de l’Uruguay, pays auparavant démocratique, dans la dictature. Ainsi, dès que les Etats-Unis eurent terminé leur travail, « la Suisse de l’Amérique Latine » devint le premier pays au monde en nombre de détenus politiques par tête d’habitant.

Panetta a livré ses remarques à Punta del Este, où l’Alliance pour le Progrès a été lancée en 1961. Destiné à augmenter le niveau des revenus et à promouvoir la réforme foncière en Amérique Latine, le programme du Président Kennedy reflétait très précisément son agenda – à peu près autant que la poignée de main d’Obama à Chavez annonçait un « tournant amical » dans les relations entre les Etats-Unis et l’Amérique Latine. Ici bas, sur Terre, Obama s’est assuré que le régime hondurien actuel vole avec succès la dernière élection. Dans le sillage de cette fraude, des escadrons de la mort parcourent le pays, assassinant avocats et militants des droits de l’homme.

L’administration Kennedy, pour sa part, a supervisé, au sein de la structure de l’Alliance, la critique d’un plan de développement pour l’Uruguay, qui a été effectivement abandonné avant son achèvement. Aucune de ses recommandations n’a jamais été mise en œuvre, puisque d’autres questions ont eu la priorité. En 1962, Kennedy a créé l’Office of Public Safety (OPS) [le bureau de la sûreté publique], supervisé de loin par USAID (l’Agence des Etats-Unis pour le Développement International), et qui était responsable du Programme du Sûreté Publique (PSP) de l’Uruguay, entre 1964 et 1974.

Le PSP était un programme d’entraînement pour la police uruguayenne, qui recevait son instruction à la fois aux Etats-Unis et en Uruguay, et faisait partie d’une initiative générale pour combattre le terrorisme et le crime urbains en augmentation. Du moins, c’était l’explication officielle. Cependant, des documents du gouvernement des Etats-Unis racontent une histoire différente. Un exemple : six mois après le début de ce programme, les responsables de USAID à Montevideo expliquèrent que « l’Uruguay avait bénéficié d’un état de sécurité relativement pacifique pendant de nombreuses années », et que « aucune menace active d’insurrection n’existe ». Dans la version 2012 de cette histoire, Panetta présente les trafiquants de drogue et les insurgés comme les deux dangers jumeaux qui nécessitent la réorganisation des escadrons de la police. Mais si le passé peut servir de guide, ces affirmations devraient rencontrer le plus grand scepticisme.

Les Tuparamos, un groupe politique d’extrême gauche, sont souvent considérés comme la principale cible du PSP. Ils ont passé leurs premières années à s’organiser et à attaquer des banques et des caches d’armes pour obtenir des fonds et des armes. Ensuite, ils ont commencé à kidnapper des fonctionnaires de premier plan, à commencer par le chef de la compagnie téléphonique d’Etat – qui était aussi un ami proche et un conseiller du Président Jorge Pacheco Areco – en août 1968. Mais les guérilleros n’ont capturé leur otage qu’après que Pacheco eut sévi contre les périodiques et les partis de gauche, déclarant un état d’urgence qui autorisait le gouvernement à utiliser à volonté de « pouvoirs spéciaux ». Plusieurs années auparavant, un certain nombre d’observateurs avaient fait remarquer que la démocratie en Uruguay se défaisait. L’un deux observait en 1965 que, tandis qu’un couple de « partis politiques ont dominé la scène uruguayenne pendant plus de 100 ans », partis effectivement identiques, que « peu de différence politique » caractérisait, leur objectif commun n’incluaient pas d’agir pour remédier à « la récession industrielle continuelle, au chômage en augmentation constante [.] et à un coût de la vie qui monte en flèche » – la réalité à l’époque. Les implications radicales de cette analyse – qui était celle de la CIA – sont évidentes : pour améliorer la vie des Uruguayens, des actions devaient être entreprises à l’extérieur des canaux politiques établis, étant donné que les deux partis politiques essentiels ne faisaient rien et qu’ils encourageaient en fait l’aggravation de l’austérité. Les Tupamaros, bien sûr, étaient d’accord avec la CIA sur ce point, mais ces groupes avaient une vision divergente quant à l’avenir. Tandis que les rebelles souhaitaient voir les conditions s’améliorer dans le contexte d’un meilleur ordre social, Washington voulait empêcher les Uruguayens ne serait-ce que de protester contre « la récession industrielle continuelle » dont ils souffraient.

Un réexamen de ces fameux documents gouvernementaux rend évident que le PSP a visé les Uruguayens en général, et pas seulement les Tupamaros. Une fois encore, les premiers rapports de USAID en provenance de Montevideo décrivaient le climat « relativement pacifique » qui y prévalait, et les mémos suivants prenaient note avant tout de « grèves, de réunions publiques et de manifestations », comprises par les responsables comme provenant des « problèmes financiers » croissants. Le but de Washington était de suivre la capacité de la police entraînée par le PSP à contrôler ces manifestants – « des terroristes urbains » en argot de l’establishment politique washingtonien – au moyen du « strict contrôle des foules, d’une forte représentation de policiers dans toutes les manifestations et de l’usage immédiat de la force pour empêcher l’escalade au stade d’émeute ». « Les techniques préventives sont utilisées efficacement », concluait l’un des mémos de USAID. Les étudiants [policiers] apprenaient très bien leurs leçons.

Peu de choses avaient changé en Uruguay en 1969, lorsque l’officiel nord-américain Dan Mitrione arriva pour superviser l’entraînement de la police. Ecrivant à Washington à la fin de cette année-là, il expliqua : « Aujourd’hui, la vie semble normale dans les rues de Montevideo, et le vrai problème auquel la police est confrontée est le nombre d’attaques contre des policiers [.] » Le « vrai problème », répétait-il lourdement, n’était pas que le gouvernement uruguayen, quasiment un système à parti unique, forçait ses citoyens à supporter les choix sévères qu’impose une économie ruinée. Le problème était que les Uruguayens manifestaient contre ces conditions. Le gouvernement des Etats-Unis entraînait la police uruguayenne à les punir pour ce crime – une punition qui ne ferait qu’aller en s’intensifiant alors que peu de personnes n’osaient riposter contre leurs agresseurs. Mitrione lui-même comprenait bien les affaires de discipline. Sa réputation, dans certains cercles, était celle d’un maître de la torture.

Il avait une devise simple : « La douleur précise, à l’endroit précis, à dose précise, pour l’effet désiré ». Selon un agent double cubain qui travaillait à la fois pour la CIA et l’Uruguay, il était fier de ses capacités. Cet homme a participé à l’un des séminaires de Mitrione. Quatre sans-abri furent ramassés dans la rue pour l’occasion. Ils furent d’abord utilisés pour montrer les effets « de différents voltages sur différentes parties du corps humain ». Ensuite, vint une démonstration sur les fonctions émétiques. Une fois qu’ils avaient fini de vomir, on les forçait à ingérer un autre produit chimique. A la fin, tous les sujets sont morts. En conséquence, les Tupamaros kidnappèrent Mitrione en juillet 1970 et le tuèrent dans les premiers jours d’août. Deux mois plus tard, le Sénat uruguayen publia un rapport indiquant que la police de Montevideo avait torturé ses prisonniers sur une base régulière. A partir de juin 1973, le Président Bordaberry – que Washington avait aidé, lors de l’élection de 1971, en supprimant ses opposants de gauche – acheva la transformation. L’Uruguay était devenu une dictature.

Ceux qui souhaiteraient en découvrir plus sur cette période devraient lire Killing Hope de William Blum, qui contient un chapitre puissant caractéristique sur le déclin uruguayen qui fut facilité par les Etats-Unis. Alors qu’il est trop tôt pour dire exactement comment marchera le plan de Panetta, discuté dans la Déclaration de politique de défense pour l’hémisphère occidental[1], il y a un résultat qui semble garanti. Si le gouvernement [des Etats-Unis] réussit à mettre en œuvre sa nouvelle politique « de sécurité » dans l’hémisphère sud, alors la vague rose en Amérique Latine – en référence à ses dirigeants politiques qui penchent à gauche – tournera rouge, avec le sang des campesinos [paysans], des féministes, des activistes et des guérilleros assassinés, et celui de tous ceux que l’on peut sacrifier selon le cruel calcul pour le pouvoir.

Nick Alexandrov

Article original en anglais:  “The Pentagon’s New Plan to Confront Latin America’s Pink Tide”, le 21 octobre 2012

Traduction : JFG  Questions Critiques

[1] Cette déclaration a été publiée le 5 octobre 2012 par le Department of Defense (DoD) [ministère de la défense] des Etats-Unis. « Le ministère de la défense des Etats-Unis a publié [.] le DoD Western Hemisphere Defense Policy Statement [déclaration de politique de défense pour l'hémisphère occidental]. Cette déclaration explique comment le Guide Stratégique de Défense de janvier 2012 façonnera l’engagement du DoD dans l’hémisphère occidental. « Dans l’hémisphère occidental, une transformation remarquable a eu lieu. Des pays font plus qu’auparavant pour promouvoir la paix et la stabilité, tant à l’intérieur de leurs frontières qu’au-delà d’elles », a déclaré le ministre de la défense Panetta. « Leurs efforts et leur vision fournissent aux Etats-Unis une occasion historique de renouveler et de renforcer nos partenariats de défense dans cette région ». Cette déclaration décrit également les objectifs de la politique de défense du DoD, visant à encourager des institutions de défense nationale, achevées et professionnelles ; à encourager l’intégration et l’interopérabilité entre les partenaires ; et à promouvoir les institutions de défense de l’hémisphère » (Source : DoD]

 

 

Source : Le nouveau plan du Pentagone pour affronter la marée rose en Amérique Latine | Mondialisation

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28 novembre 2012 3 28 /11 /novembre /2012 11:13

 

Dormir avec l’ennemi ou l’invasion silencieuse. 

  

Par Stella Calloni 

 

 

 

Premières parties ici :

Dormir avec l’ennemi ou l’invasion silencieuse. Par Stella Calloni. Partie 1 

Dormir avec l’ennemi ou l’invasion silencieuse. Partie 2 (Venezuela) 

Dormir avec l’ennemi ou l’invasion silencieuse. Partie 2 bis (Bolivie)


*CONTRE LE TERRORISME MEDIATIQUE

 PARTIE III

 La toile d’araignée des Organisations Non Gouvernementales (ONG) et de Fondations aux noms fort “démocratiques” que contrôle la CIA et d’autres agences des Etats-Unis, continue à s’étendre dans toute l’Amérique Latine et dans les derniers jours la dites Commission des Droits Humains de l’inconnue Union des Orrganisations Démocratiques d’Amérique (UnoAmérica) apparaît sur la scène pour accuser le président de Bolivie, Evo Morales d’être responsable du massacre de paysans qui l’appuyaient  lui précisément, à Pando en Septembre 2008.

 

 L’escalade atteint ainsi un extrême de perversité qui ne peut se comprendre qu’en enquêtant sur ces réseaux, leurs créateurs et ceux qui les soutiennent.

 Précisément cette nouvelle ONG de la constellation de la CIA et des secteurs fondamentalistes des EU, se constitua en décembre 2008, en Colombie durant une réunion qui s’est tenue à Bogota les 12, 13 et 14 de ce mois à laquelle se donnèrent rendez-vous “des délégations de différents pays latino-américains ».

 

Si on passe en revue les Fondations associées à UnoAmérica une évidence surgit : celle que toutes dépendent de « centrales » comme l’Agence Internationale pour le Développement (USAID) ou la National Endowment Fondation (NED) - qui apparaissent parmi nous comme destinées à « financer » la démocratie - ainsi que d’autres similaires ayant leur siège aux Etats-Unis ou en Europe.

 

 Ces deux-là sont connues comme “la face sociale de la CIA”,  depuis les années 80 et elles travaillent dans toute la région finançant des projets, mouvements et oppositions prétendument démocratiques.

Tout au long de ces années a proliféré l’interminable réseau de Fondations comme Libertad (FL) qui a planté ses racines en différentes provinces d’Argentine et était  derrière le mal-nommé « conflit des campagnes » une tentative inconsistante de coup d’état en 2008.

 

 UnoAmérica comme la Fundacion Libertad sont associées à la “Héritage Foundation” la même dont les membres ont rédigés les Document de santa Fe un, deux, trois et quatre, de si néfastes conséquences pour l’Amérique latine.

 

Les autres liens de UnoAmérica nous conduisent à la Fondation (d’extrême-droite) pour les Analyses Economiques et Sociales (Faes) que dirige l’ex président d’Espagne, Jose Maria Aznar et à la Fondation Internationale pour la Liberté que dirige l’écrivain pérouo-espagnol, Mario Vargas LLosa connu pour ses actions contre les gouvernements vraiment démocratiques de la région.


 La liste est infinie, et en plus elle nous montre la carte étendue de l’ingérence « contre insurrectionnelle » en Amérique Latine. L’enquête conduit vers d’autres associations comme Union Citoyenne dans la province de Buenos Aires et à des coalitions qui s’autoproclament « civiques et démocratiques ». Dans la même ligne se situe la Fondation Penser, qu’intègrent des députés et des politiciens de la droitière Propuesta Republicana (Pro) que dirige le maire actuel de Buenos Aires, Mauricio Macri


Comme le disent les déclarations de UnoAmeria, sa fondation à Bogota est une tentative de former une organisation “capable de défendre la démocratie et la liberté - qui, selon eux, serait menacées - sur tout notre continent”. Les personnages liés à ce projet font partie intégrante des droites totalitaires qui se partagèrent les dictatures sur le continent et qui à présent se convertissent en promoteurs d’un nouveau putschisme dans nos pays. Avec ce profil, nous pouvons parfaitement nous imaginer quels sont leurs concepts de « démocratie et de liberté ».

 Dans ses considérations UnoAmérica se déclare préoccupée par le prétendu “échec” des gouvernements de la région « à résoudre les problèmes de pauvreté ».  En réalité les membres de UnoAmerica en plus de leur participation aux dictatures du passé, furent les gestionnaires du modèle néo-libéral des années 90 et sont donc responsables de l’intense destruction sociale, politique et économique.


Ils affirment dans leurs déclarations que le Forum de Sao Paulo, profite des besoins des peuples pour manipuler les plus pauvres, promettant de meilleures conditions économiques et la justice sociale “mais que en réalité, ils ne font qu’introduire le modèle socialiste qui divise la société, la polarise en deux factions et provoque la violence et l’anarchie »


 Pour les créateurs de ce nouveau monstre, “L’Amérique Latine est en péril” parce qu’il existe “quatorze pays latino-américains, dont les gouvernements appartiennent ou sont liés au forum de Sao Paulo, et bien qu’ils fussent arrivés au pouvoir par la voie démocratique, beaucoup d’entre eux détruisent la démocratie et suppriment les libertés, comme c’est le cas avec Hugo Chavez, Evo Morales, Rafael Correa, Cristina Kirchner et Daniel Ortega.

 

 Ils nous avertissent également que dorénavant ils neseservent plus du « Poteau d’Exécution », mais de méthodes plus modernes  et sophistiquées, comme les réformes constitutionnelles qui permettent de contrôler les pouvoirs publics et de s’éterniser au pouvoir, sous les yeux complaisants des participants les plus modérés du Forum, comme Lula da Silva, Tabaré Vasquez et Michelle Bachelet.

 

 Les premiers sont donc accusés de  mener à bien le plan du Forum et les autres de faire preuve de « complaisance ». Mais au final, tous sont coupables.  D’où l’argument selon lequel, UnoAmerica fut fondé pour affronter le Forum de Sao Paulo « dont le projet supranational ne respecte ni les frontières, ni les souverainetés nationales » et que « pour parvenir à leurs fins, tous ses membres interviennent de manière flagrante dans les affaires interne des autres nations, et que ce soit en finançant des candidats, en envoyant des fournitures militaires, ou intervenant dans des conflits, en se validant par d’organisations subsidiaires comme la UNASUR »,  Les membres de UnoAmerica s’arrogent ainsi le droit de leur reprocher ce qui sont en réalité leurs pratiques.

 

 Depuis leur point de vue l’Union des Nations Sud-Américaine serait une simple organisation « subsidiaire » du Forum de Sao Paulo.

 

Nous devons nous arrêter sur ce point. Parce que dans les années 70, les dictatures militaires formèrent une coordination criminelle comme le fut l’Opération Condor – pour affronter ce qu’ils appelaient une  « insurrection supranationale »

Il résulte de ces nouvelles thèses  que les membres de UnoAmerica considèrent que le Forum de Sao Paulo et ses gouvernements ont placé dans une situation désavantageuse les forces démocratiques (ce qu’eux qualifient de forces démocratiques) de la région qui doivent agir « dans l’isolement, en se limitant à leur propre territoire » et les « démocrates » (ceux qu’eux considèrent comme démocrates) « se voient « dans l’impossibilité de contrecarrer les plans d’expansion » de ce Forum .

 Du coup, ils proposent maintenant de fournir aux “secteurs démocratiques d’Amérique un mécanisme d’échange d’informations, une coordination permanente et un appui mutuel, sans transgresser – comme  nos adversaires sont habitués de le faire – les principes de souveraineté et d’autodétermination des « peuples ».Il se dégage de tout cela que pour affronter le Forum de Sao Paulo, ils s’arrogent tous les droits d’agir de manière supranationale. Et ils en reviendront à utiliser les vieux fichiers de la CIA pour donner des réponses supranationales.

 

 Ils ont simplement oublié la quantité de documents déclassifiés qui ont permis d’établir l’organigramme des financements supranationaux du mouvement, des partis politiques, des fondations,  des ONG que finance la CIA et ses fondations comme la NED qui jusqu’à présent a financé des coups d’états militaires (Venezuela 2002) ou des coups d’état « doux » comme tous ceux qu’ils menèrent de l’avant en Equateur, en Bolivie et dans d’autres pays, y compris l’Argentine. Ici, la fondation Libertad, avec un de ses sièges les plus important à Rosario, Santa Fe, se trouve être un des épicentres du putschisme et du mal nommé « Conflit des campagnes »

Derrière tout ce que raconte UnoAmerica figure aussi la carotte qui appâte le lapin affamé, vu qu’ils se proposent « en prime » d’élaborer et offrir aux Peuples d’Amérique un programme de développement et industrialisation qui résolve les problèmes de fond de la région, particulièrement la pauvreté, comme véritable antidote au totalitarisme.

 

Nous savions déjà par expérience où allaient ces fonds, au moment où le Congrès des E-U , à l’instigation de quelques-uns de ses représentants,  va devoir étudier la complicité de la NED ou de l’USAID dans le coup d’état au Venezuela et dans ses activités en faveur des groupes violents et des actions de déstabilisation et coups d’état des préfets de la Media Luna en Bolivie.

L’offre de UnoAmerica et son invitation “à toutes les forces démocratiques d’Amérique Latine à s’incorporer activement et avec enthousiasme à cette initiative » devrait nous mettre en alerte. 

 

 Qui pourrait croire que des personnages comme celui qui préside UnoAmerica, Alejandro Peña Esclusa - dénoncé récemment pour son action dans la campagne électorale salvadorienne - en faveur du parti d’extrême-droite ARENA, fondé et financé par des paramilitaires et des assassins comme le major Roberto D’buisson (à présent décédé) - et accusé d’être un des responsables de l’assassinat de l’Archevêque de San Salvador, Monseigneur Oscal Arnulfo Romero en 1980  - puisse enseigner les chemins de la démocratie ?

 

 L’OFFENSIVE CONTRE LA BOLIVIE

 

Dernièrement la dite Commission des Droits Humains de UnoAmerica, dans une prétendue enquête sur les évènements de Pando, dit que « se rencontrent suffisamment d’éléments de procès et de preuves qui incriminent directement le Gouvernement de Evo Morales dans la planification et l’exécution d’homicides, séquestrations, lésions personnelles et autres violations des droits humains qui se sont produits dans la localité de El Pervenir et en d’autres lieux.

 

 Quoique cela paraisse insolite, Morales aurait agi contre ses propres partisans ? Déjà, dans les premiers jours d’avril, le président de l’Assemblée Permanente des Droits Humains de Bolivie, Rolando Villena, lança l’alerte à la population de son pays et également aux organismes similaires du continent quant à l’apparition de ces prétendues organisations humanitaires qui s’auto-désignent pour enquêter sur les faits tragiques du 11 septembre 2008 dans le département de Pando

Evidemment, ceci sert seulement de bélier de campagne contre Morales, parce que la vraie communauté des Droits Humains en Amérique Latine et dans le monde connait l’investigation sérieuse menée par des personnalités notables qui ont travaillé pour des organisations internationales et qui furent envoyées pour enquêter sur le massacre de Pando

 

 La conclusion de Unasur, qui coïncide avec celle de l’enquête réalisée  par les Nations Unies détermine que le massacre qui s’est produit dans la localité de Porvenir - dans lequel au moins 11 paysans qui voulaient manifester en faveur de Morales furent assassinés, alors que d’autres ont disparu - fut un plan préparé par celui qui était alors gouverneur de Pando et des groupes de policiers ou agissant comme des paramilitaires.

 

 Les témoignages furent exhaustifs, ainsi que la révision des lieux. Il y avait en Bolivie des antécédents, des précédents redoutables comme des dizaines de cas d’indigènes brutalement frappés sans aucune raison à Santa Cruz et ailleurs, comme cela se passa Sucre, où le racisme renvoie aux vieilles images du temps de l’apartheid en Afrique du Sud.

 

Le travail d’UNASUR-ONU, fut donc accepté, y compris par la commission de la Chambre des Députés et l’Assemblée permanente des Droits Humains en Bolivie, par l’Amérique Latine dans son ensemble et ainsi que mondialement. 

 

 Cette  action subite d’une organisation comme UnoAmerica est un appel à la vigilance pour les vraies organisations humanitaires qu’ils tentent de remplacer par d’autres, simulacres et dépendantes des responsables des génocides dictatoriaux du 20ème siècle en Amérique Latine

Dans les pages de UnoAmerica sur Internet par exemple, se défend le “droit” pour la Colombie de violer le territoire équatorien, comme elle le fit en mars 2008. Le gouvernement d’Alvaro Uribe fut condamné pour cette action qui violait tous les principes du droit international.

 

 En plus, le triomphe du front Farabundo Marti au Salvador, qui est reconnu dans le monde entier, y est remis en cause. On y trouve également une série d’avertissements sur les « changements » prochains dans tous « ces gouvernements » (du Forum selon eux) ce qui signifie que le putschisme sous toutes ces formes est de retour.

 

 Pour Peña Esclusa des gouvernements comme ceux de Chavez, Rafael Correa (Equateur) et Daniel Ortega (Nicaragua) « sont déjà éliminés » par des changements pas voies électorales « rendant difficile la reconduction de la gauche au Chili, en Uruguay ou à Panama qui proposent des candidats de Chavez ». Au nom de ses mentors, il annonce des changements « dans d’autres pays » quoique il avertit que « tous ne se feront pas par voie électorale, sinon qu’il prendront le chemin de contestation généralisée (…) désobéissance civile généralisée et aussi d’autres manifestations similaires mas cette fois « dans le domaine militaire »

 “Les militaires, quand viendra la crise sociale ne s’aligneront pas sur Chavez (…). Il y aura une désobéissance généralisée, civile et militaire de tous ceux qui ne sont pas d’accord de se soumettre à un modèle qui est contraire à la démocratie et à la liberté »


Toute une anticipation du putschisme qui vient ! 

 

 

 

Source originale en espagnol :

Durmiendo con el enemigo o la invasión silenciosa « La Historia Del Día

Premières parties ici :

Dormir avec l’ennemi ou l’invasion silencieuse. Par Stella Calloni. Partie 1 

Dormir avec l’ennemi ou l’invasion silencieuse. Partie 2 (Venezuela) 

Dormir avec l’ennemi ou l’invasion silencieuse. Partie 2 bis (Bolivie)

Traduction Anne Wolff



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23 novembre 2012 5 23 /11 /novembre /2012 00:20

 

 

 

 

 

Entrevue avec Stella Calloni

Par Fernando Orellano Ortiz 

Il y a en Amérique Latine une menace latente qui émane des secteurs militaires d’extrême-droite qui cherche à rééditer l’opération Condor, contre les gouvernements progressistes - la même qui  pendant les décennies 70 et 80 et sous les auspices de Washington  a ravagé les pays du Cône Sud -  et ce dans le sens où ils réalisent un travail supranational de déstabilisation avec le soutien de dirigeants du calibre de l’ex président colombien Alvaro Uribe Velez, dénonce la journaliste argentine Stella Calloni. 

Avec l’appui de la CIA, celui de fondations nord-américaines, ainsi que celui du Parti Populaire  néo franquiste d’Espagne, l’extrême-droite latino-américaine cherche les moyens de perpétrer des coups d’états ou de créer les circonstances de chocs dans les pays de la région gouvernés par des leaders de la gauche. Ils visent fondamentalement les gouvernements d’Hugo Chavez au Venezuela,  de Rafael Correa en Equateur, d’Evo Morales en Bolivie, de Cristina Fernandez de Kirchner en Argentine et  de Daniel Ortega au Nicaragua, dans le même temps qu’ils lancent leurs feux sur les présidents Dilma Roussef du Brésil et Jose Mujica d’Uruguay, et sur l’Union des Nations Sud-américaine (Unasur) et il est évident qu’ils sont contre le Forum de Sao Paulo qui réunit les partis de gauche de l’hémisphère.

Stella Calloni, enquêtrice expérimentée des horreurs commises par les dictatures militaires de Sud-Amérique, auteur du livre « Opération Condor, pacte criminel » (Edition de la Jornada, Mexico 2001) signale que Unoamérica (www.unoamerica) naquit en Colombie en décembre 2008 intégrant des militaires - accusés de violation de droits humains et compromis dans les dictatures sud-américaines - qui cherchent à rééditer le nébuleux discours anticommuniste de la Guerre Froide.

En résonance avec Unoamérica, l’ex président Uribe Velez créa récemment sa Fondation Démocratique (http ://fidauv.org) et une de ses premières tâches est de travailler à dénigrer les gouvernements de Chavez et Correa au Venezuela et en Equateur respectivement.

La journaliste et écrivain Stella Calloni nous conte que à la tête de la direction de Unoamérica on retrouve le putschiste  vénézuélien Alejandro Pena Esclusa, actuellement en prison pour avoir détenu à son domicile en juin 2010 des explosifs et être lié au terroriste salvadorien Franscisco Chavez Abarca, déporté par les autorités de Caracas à Cuba en juillet de cette année.

A Buenos Aires, l’Observatoire Sociopolitique latino-américain WWW.CRONICON.NET rencontre Stella Calloni  pour évoquer les plans de l’extrême-droite latino-américaine qui est l’instrument de Washington dans la région et analyser l’actuelle conjoncture politique du continent.

Autour d’un bon café bien chaud ; au Centre Culturel de la Coopération Floreal Gorini, en pleine Avenue Corrientes, l’enquêtrice nous fait une consciencieuse analyse de la réalité latino-américaine et de l’ingérence étasunienne.

 

L’INVASION  SILENCIEUSE DES EU EN AMERIQUE LATINE

Considérez-vous que l’ingérence des Etats-Unis s’est reconfigurée d’une manière plus subtile, ou qu’elle poursuit maintenant la même stratégie de domination des peuples qu’à la fin du 20ème siècle ?

Actuellement tous leurs documents de politique extérieure commencent par considérer le fait qu’il faut avoir toujours présente à l’esprit la doctrine de Monroe (“l’Amérique aux  américains” (entendre l’Amérique aux Etasuniens. NdT) ce qui équivaut  à signaler que cette doctrie sert de fondement à bon nombre des actions qu’ils entreprennent, avec quelque chose de beaucoup plus grave qui est qu’aujourd’hui cette doctrine est devenue « Le monde pour les américains ». Il y a tout cela, plus la reconfiguration qui s’est produite depuis l’attentat des Tours Jumelles, un acte dont nous savons toujours pas qui l’a commis, parce qu’ils peuvent dire ce qu’ils veulent, il n’existe aucune preuve d’aucune espèce, c’est comme si vous me disiez que quelqu’un peut me donner une preuve que la personne qui a été tuée au Pakistan était Ben Laden. Il n’y a aucune preuve, elles n’existent pas, et pour moi, vu que les EU mentent en permanence, ce qu’ils affirment n’a aucune véracité. 

Après que fut élaborée cette doctrine de sécurité hémisphérique, est également apparue la nouvelle doctrine de guerre préventive, de guerre sans frontière et sans limites, méconnaissant les souverainetés nationales, en même temps qu’ils mettaient en route un autre volet de travail qui est subtil : l’envoi de toutes ces fondations qui naquirent durant la splendeur conservatrice de Reagan pour éviter la présence directe de la CIA. Par-dessus-tout depuis 1975 quand se forma la commission Church au Sénat des EU pour enquêter sur le rôle de cette agence de renseignement dans le coup d’état au Chili.  C’est ce qui a motivé la rénovation dans les années 80 des stratégies de conflits et de guerres de basse intensité qui ont comme base la contre-insurrection, ce qui dans le langage étasuniens veut dire : un permis ouvert pour toute sorte d’illégalités sur le plan militaire, politique, culturel, social, économique, etc…

Ils se sont donc déjà recyclé pendant la période des années 90, quand se formèrent  la NED, la National Endowment for Democracy, formation pour la démocratie - mais il faudrait se demander de quel type de démocratie il est question ;  et la USAID, agence internationale pour le développement qui n’a jamais tenu ce rôle,  sinon que chacun sait que qu’où se rencontre cet organisme il y a des interférences directes des EU avec la CIA en arrière-plan.

C’est par ces moyens qu’ils réalisèrent l’invasion silencieuse de l’Amérique Latine. J’ai pu personnellement l’éprouver directement sur le terrain, en Bolivie, j’y ai observé comment travaillent ces fondations qui à leur tour créent des ONG qui accomplissent un rôle clé dans ce qui est la guerre de basse intensité, autrement dit la déstabilisation de gouvernements, s’infiltrant dans les lieux, travaillant avec les groupes indigènes comme c’est le cas en Bolivie où ils ont cherché un leader indigène dans le but de le promouvoir pour qu’il prenne la place de Evo Morales. Malheureusement les gouvernements sont encore forts faibles en Amérique latine et ils n’ont pas une clarté suffisante, dans le sens où il faudrait contenir cet interventionnisme qui peut conduire à des situations fort compliquées. De fait dans le coup d’état au Venezuela ont participé la NED et l’USAID et d’autres fondations qui incluent les sociaux-démocrates d’Europe qui sont mêlés au schéma international de la CIA.

L’EXTREME-DROITE MILITAIRE LATINOAMERICAINE

Et dans le coup d’état au Honduras contre Manuel Zelaya ?

Au Honduras également et dans chaque pays centraméricain intervient en plus une fondation qui s’appelle Unoamérica, au sujet de laquelle la Colombie doit se montrer très prudente et garder un œil sur ces agissements. C’est une fondation qui est née en Colombie fondée par un groupe militaire d’extrême-droite et composée de plusieurs ex militaires de toutes les dictatures d’Amérique Latine

Dans quel but ?

Le but est pratiquement d’exécuter une Opération Condor portée à une autre échelle. L’Opération Condor ne peut se répéter comme telle, et c’est le travail de Unoamarica de mener une action supranationale pour pouvoir se mouvoir sans limites dans les différents pays. Ces militaires d’extrême-droite soutiennent les mêmes valeurs qu’à l’époque du plan Condor, dans le sens où de même que dans le cône Sud il fallait combatte la coordination des guérillas qui s’était composée dans les années 70, à présent ce sont les gouvernements de gauches qu’il faut combattre, tant ceux qui appartiennent au Forum de Sao Paulo comme à l’Unasur, qu’ils considèrent comme une organisation supranationale. Ils doivent agir pour éviter le communisme, ils parlent du communisme comme si nous étions en pleine guerre froide.

C’est dans ce but qu’ils ont rassemblé un noyau des pires des militaires qui furent impliqués dans les dictatures latino-américaines et qu’ils ont réalisé un travail spécial au sein des groupes de sécurité de l’armée et de la police, recyclant le discours anticommuniste du passé. Ils font un travail de sape au sein des Forces Militaires de la région dans lesquelles ils ont d’anciennes connections et c’est pour cela qu’ils jouèrent un rôle déterminant dans le coup d’état au Honduras. Alexandre Peña Esclusa qui à présent est détenu au Venezuela et qui est président de Unoamerica fut décoré par Roberto Micheletti pour sa collaboration effective lors du coup d’état. Unoamerica fournit des mercenaire, mène la contre-insurrection en fonction des besoins de la CIA, se déplace dans toute l’Amérique Latine, nombre de ses membres se trouvaient en Bolivie mêlés dans le coup d’état qu’ils voulaient mener contre Evo Morales avec pour intention de l’assassiner..

Connaissant le profil de l’ex président colombien tellement mis en questions Alvaro Uribe Velez, quel rôle joue-t-il dans Unoamerica selon vos investigations ?

Nombre des militaires qui appartiennent à Unoamerica, selon les registres dont je dispose, appuient les groupes paramilitaires en Colombie et sont très proches de Uribe. En Argentine nous tenons une liste de ceux qui sont liés à cette fondation, laquelle a à sa tête le colonel du groupe de (cara-pintadas ?), Jorge Mones Ruiz, de même qu’il y a des militaires d’extrême-droite boliviens, uruguayen, ils cherchent les rémanences des vieilles dictatures latino-américaine et s’appuient politiquement sur les groupes d’extrême-droite de la région.

Géopolitiquement parlant, dans les circonstances actuelles, quels sont les alliés les plus importants des EU en Amérique Latine ?

Géopolitiquement, pendant que se produit cette invasion silencieuse - par en haut ils envoient des troupes et des porte-avions des EU, dans la région - c’est clairement la Colombie avec toutes ses bases militaires et ces structures En plus le coup d’état au Honduras leur a permis de conserver la base de Palmerola et les nouvelles bases comme les bases de Gracias de Dios qui leur permet de contrôler le Nicaragua.

Ici en Argentine, il existe un consensus de ce que sont opérationnelles les 7 bases que le gouvernement de Uribe Velez a concédées au Commandement Sud des EU. Cependant la Cours Constitutionnelle interdit l’utilisation de ces bases. Selon vos enquêtes, ces bases, en pratique, sont opérationnelles ?

En réalité, elles le sont. C’est quelque chose de très similaire à ce qui s’est produit avec la base de Mariscal Estigarribia au Paraguay et celle de Palmerola au Honduras. Ce qu’il y a là, ce sont des pistes d’atterrissage sur lesquelles peuvent atterrir  de gros avions comme ils l’ont fait en Colombie. Ces bases nr sont pas occupées en permanence par des soldats nord-américains parce qu’ils ne restent jamais dans des lieux fermés. A présent les EU n’ont plus besoin d’envoyer des soldats pour faire fonctionner les bases militaires, elles sont tenues à leur entière disposition. Et ils tiennent clairement tout préparé au cas où ils doivent envoyer des troupes. Ou comme cela se produit en Bolivie, ils ont posté une structure de la DEA dans une base qu’ils utilisèrent quand ils ont voulu assassiner Evo Morales à l’époque où il était député.. Quelque chose comme cela est en train de se produire en Colombie.

JUAN MANUEL SANTOS ET SA RELATION AVEC LE MOSSAD

En Colombie opère également le Mossad (agence de sécurité israélienne) et le MI6 (service de renseignement anglais). Ils opèrent également dans d’autres pays latinoaméricains ?

On retrouve le Mossad au Paraguay, en Bolivie, au Venezuela, et au Guatemala. Au Venezuela, il  a une présence très forte, et en Colombie il opère depuis de longues années,  avant même que ne débarque son agent Yair Klein qui donne des entraînements et a amené depuis la Jamaïque des armes pour les groupes paramilitaires. Le  problème, c’est que le Mossad a à présent plus de pouvoir que la CIA, nombre de ses membres infiltrent les communautés juives des pays latino-américains, mais en plus ils sont très présent en Irak et en Libye. Dans les tâches et la direction de tous les mouvements de guerres sales le Mossad joue un rôle clé. Dans le cas de la Colombie, le président Santos est un fils du Mossad, et il ne peut se séparer d’Israël. Il ne faut pas oublier le rôle que joua Santos dans l’attaque à Sucumbios quand fut violée la souveraineté Equatorienne pour attaquer le camp de Paul Reyes. Je me rappelle du sourire d’hyène de Santos quand ils tuèrent le chef guérillero. Je ne pense pas que Santos désire la paix en Colombie, Israël non plus ne la désire pas, désirant seulement  en venir à donner existence à un groupe politico-militaire insurgé.

Et au Mexique  la Situation sociale  actuelle est-elle fort explosive ?

Dans cette occupation géopolitique, du plan Colombie qui est un plan de recolonisation du continent, on est passé au plan Merida de Mexico. Ce plan est calqué sur le plan Colombie et de fait, en 6 ans le Mexique est tombé dans une violence atroce. Depuis ce temps nous y avons le même nombre de meurtres qu’en Colombie et à ceci il faut additionner la destruction des campagnes mexicaines et des cultures profondes des peuples avec le traité de libre-échange que le Mexique a conclu avec les EU et le Canada.

DESINFORMATION, ARME DE GUERRE

Parlons de cet autre aspect fondamental pour conditionner les peuples qu’est la guerre médiatique…

La guerre médiatique c’est une partie du projet de guerre de contre-insurrection. La désinformation est une arme de guerre aujourd’hui, elle s’utilise comme arme dans les projets de guerre comme cela s’est passé en Irak avec l’invention d’armes de destruction massive, ou comme cela se produit en Libye, où il n’y a jamais eu de bombardement de la population civile de la part de Kadhafi, ce qui est totalement prouvé. Pour contrôler le monde il est nécessaire de contrôler l’information.

Vous avez dénoncé l’utilisation des mafias pendant l’étape de splendeur du néo-libéralisme.

Un des aspects que nous devons identifier dans cette période historique est la présence des mafias dans les gouvernements. Les Etats-Unis sont sous le pouvoir de mafias, ils les ont toujours utilisées pour leurs jeux. Ils ont besoin de la mafia, leur plan ne peut exister sans elle.  Qui reçoit la drogue aux EU, Où est-elle reçue. Le résultat, c’est qu’ils viennent tuer du côté du Mexique mais pourquoi ne s’occupent-ils pas de pêcher de l’autre côté ceux qui réceptionnent la drogue. Pourquoi des avions chargés de drogue se posent-ils sur les bases du Commandement Sud en Floride ? Et ce n’est pas Manuel Antonio Noriega qui l’envoie parce que lui n’a aucun pouvoir d’opérer dans le commandement Sud. Ils ont menti d’une manière effrontée au sujet de l’invasion de Panama, et je me suis rendu compte qu’ils mentaient parce que j’étais là-bas. La genèse de toutes les interventions se fonde sur un mensonge et un appareil de désinformation, ce qui leur est fort facile puisqu’à présent ils le contrôlent entièrement.

LE LEADERSHIP DE CHAVEZ

S’il y a bien une matrice de manipulation médiatique, une bonne partie des gens en Amérique latine n’y croient plus, c’est ce qu’on voit dans des pays comme le Venezuela, l’Equateur, la Bolivie, l’Argentine, l’Uruguay… Vous ne le voyez pas comme cela ?

Ce qui se passe, c’est qu’ils ne comprennent pas que le processus néolibéral amène une réalité sociale terrible et les gens ont un regard différent. Cela se passe dans des pays comme le Venezuela avec Chavez où le peuple a commencé à réfléchir et devient conscient.

En parlant du Venezuela, vous étiez il y a peu à Caracas. Où en est le leadership de Chavez, a-t-il des chances d’être réélu ?

Oui, oui, il a la possibilité d’être réélu, surtout que son indice de popularité a augmenté ainsi que l’appui à son gouvernement. J’ai vu qu’il y avait une grande conscience des gens en ce qui concerne les aspects positifs du processus politique que dirige Chavez. Les choses et les grandes avancées qui ont été réalisées au Venezuela ne se diffusent pas, pourtant il y a une récupération du sens de la patrie, de défense, de dignité et la maladie de Chavez a fait pression sur la base pour solidifier l’unité et l’organisation.

Les processus d’intégration qui se produisent en Amérique Latine comme Unasur et la Celac constituent un caillou dans la chaussure de Washington ?

Oui, tout ce qui renforce l’unité est une pierre dans sa chaussure. L’unité africaine et l’intention qu’avait Kadhafi de concrétiser une monnaie commune en Afrique dérangeait les EU. Ce sont des choses qu’ils ne peuvent accepter. Et à présent ils sont face à une Amérique Latine avec quelques pays modèles de quelque chose de différent.

Au début ils n’y accordaient pas trop d’importance parce que jusque-là ils avaient toujours réussi à s’ingérer, par exemple dans des processus comme Mercosur, mais à présent les choses ont changé et en cela Chavez a joué un rôle historique parce qu’il a été la tête pour produire une fédération distincte. Cette nouvelle intégration politique et commerciale des pays d’Amérique latine est quelque chose de terrible pour les EU et par-dessus tout le fait que soient advenus des présidents comme Hugo Chavez et Evo Morales.

Dans le cas de la Bolivie, Morales a mis dehors la CIA et la DEA. Depuis que la DEA est hors de Bolivie, et cela pour les Boliviens c’est essentiel, le pays n’a plus ce pic de violence qu’il y avait avant, les gens ne meurent plus dans une guerre menée soi-disant contre le narcotrafic. L’ambassade nord-américaine en Bolivie possédait un bureau jouxtant celui du président de la Bolivie dans la maison du gouvernement,. Quand Evo Morales a accédé à la présidence il s’est interrogé sur une porte fermée, à côté de son bureau qui conduisait au bureau de la DEA et de la CIA. Ceci pour que nous prenions conscience de jusqu’où a été l’ingérence américaine sans  que les pays d’Amérique Latine s’en rendent compte.

LE BLOCUS DE CUBA CRIME CONTRE L’HUMANITE

- Parlons de Cuba. Aujourd’hui la révolution cubaine ne représente aucune menace contre les Etats-Unis. Dès lors comment peut s’expliquer, qu’en plein 21ème siècle, Washington persiste à maintenir le blocus économique de l’ile ? N’est-ce pas en ce cas un délit de lèse humanité ?

C’est clairement un délit de lèse humanité. De plus, tout ce qu’a produit le blocus, ce qu’ont causé les agressions comme la guerre chimique et biologique contre Cuba, le nombre des malades, le nombre de morts à cause de la dengue hémorragique, plus l’invasion de la Baie des Cochons, est reconnu par le Congrès des E-U lui-même. Est-ce que Cuba continue à être un exemple de comment il est possible de résister, à 90 miles de l’empire, pour maintenir une révolution qui ne veut pas renoncer au socialisme. Par contraste, les E-U restent aux mains d’une mafia qu’ils ont créée eux-mêmes. Une mafia cubaine qui compte des sénateurs, des députés, des gouverneurs, des maires, tous avec un passé terrible et des relations approfondies avec le narcotrafic. Ils ont tentés de détruire Cuba de toutes les manières, mais le blocus l’a même rendue plus forte,  ils n’ont pas pu l’asphyxier et je ne crois pas qu’ils y parviendront.

L’AMERIQUE LATINE ET SON MEILLEUR MOMENT HISTORIQUE

- A l’exception de pays comme le Mexique, la Colombie, le Chili et quelques nations centraméricaines, l’Amérique traverse une bonne période historique, vous ne croyez pas ?

L’Amérique Latine traverse son meilleur moment historiquement, avant tout elle a réussi à se préserver de la crise économique et à montrer au monde que les remèdes qui sont utilisés en Europe ne servent à rien ici, c’est pourquoi nous pouvons dire que nous sommes à l’avant-garde de la résistance, avec des leaderships qui émergent comme salvation dans le jeu électoral que les USA  impose. Combien de troupes faudra-il pour contrôler le monde ? Ce qui est certain c’est que les USA cheminent vers le naufrage. Et en ce qui concerne l’Amérique Latine il faut dire que nos gouvernements ne peuvent montrer la plus petite faiblesse, parce que la moindre faille donne prise au pouvoir impérial, nous faisons tout pour l’éviter et une démonstration de cela est ce qu’il est advenu de l’OEA qui a perdu la voix, parlant comme un aphone parce que Unasur la remplace et bien que ce ne soit pas encore un appareil solide.  

 

Stella Calloni est une journaliste expérimentées, écrivain et poète Elle a été correspondante de guerre en Amérique Centrale et s’est spécialisée en politique internationale. Sa vaste œuvre publiée inclus des chroniques, des essais et des livres, entre autres : Torrijos y el Canal de Panamá (1975); La guerra encubierta contra Contadora (1993); Nicaragua: el tercer día (1986); Panamá, pequeña Hiroshima (1992); Los años del lobo: Operación Cóndor (1999); Operación Cóndor, pacto criminal (2001); Argentina: de la crisis a la resistencia (2002); la invasión a Irak, guerra imperial y resistencia (2002); América Latina siglo XXI (2004); Evo en la mira. CIA y DEA en Bolivia (2009).

Actuellement elle est correspondante pour le Cône Sud du quotidien de Mexico la Jornada et enseignante à l’Université. Parmi  les multiples distinctions qu’elle a reçues on notera le prix Latino-Américain José Marti (1986) ; le Prix Marguerite Ponce des Droits Humains de l’Union des Femmes d’Argentine et le Prix Latino-Américain de journalisme Samuel Chavkin de la revue Nacla Report of the Americas de New-York, les deux en 2001, en plus lui fut attribué le prix de l’Ecole de Communication de l’Université de la Plata, Argentine (2002)

Dans ses fonctions de journaliste elle a parcouru pratiquement toute l’Amérique Latine ainsi de plusieurs pays d’Europe et d’Afrique, c’est pourquoi elle fait ses analyses en partant de la réalité de terrain. Elle est une conférencière internationale sur des thèmes de géopolitique latino-américaine et des droits humains.

Buenos Aires, décembre 2011

Source : KAOSENLARED.NET -- Entrevista a Stella Calloni. Sobre gobiernos progresistas de América Latina pende amenaza golpista de Unoamérica, organización militar de ultraderecha  

Traduction AnneWolff


 

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