29 janvier 2012 7 29 /01 /janvier /2012 20:59

Les abeilles sont malades. Ces dernières années, les agriculteurs sont démunis devant un phénomène dont l’origine semble incertaine. Les ruches se vident, ou plus exactement, elles ne se remplissent plus au printemps venu. Les hypothèses abondent pour désigner le coupable mais on peine à le mettre sous les verrous. Les écologistes ont même probablement bannis des innocents au nom de la nouvelle morale écologique. Alors que nous regardons les populations d’abeilles se réduire sous nos latitudes, et que certains tirent la sonnette d’alarme pour sauver ce sympathique hymenoptere besogneux, il convient de condamner la vision pathologique que nous avons de nous-même. La coupable? Cette vision étriquée qui consiste à nous considérer comme des individus par nature égoïstes et calculateurs, légitimant par là-même les dérives du monde capitaliste, et l’exploitation à outrance de la nature. Homo Economicus contre Apis Melifera? Voyage dans les ruches apicoles et humaines, accrochez vos ceintures et vos jabots. Les hommes sont malades.

Abeille mon ami

Tout allait bien au monde de Maya l’abeille, jusqu’à ce que cette dernière meurt de façon étrange. Ce placide insecte strié de jaune et de noir est un bio-indicateur particulièrement sensible. Même a faible intensité de pollution, les populations d’abeilles en pâtissent et indiquent ainsi que leurs environnement est menacé. En 2008, aux États-unis, un tiers des ruches est atteint du CCD (Colony Collapse Disorder ou Syndrome d’effondrement des colonies d’abeilles) dont le symptôme, relativement explicite sur le degré de malaise, est l’abandon total d’une ruche par ses anciens habitants.

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Maison abandonnée n°1 – Kevin Bauman – 100 Abandoned Houses

Le problème est d’importance car au-delà du simple fait qu’elles nous fournissent en délicieux miel, ces petits êtres ailés se chargent de la pollinisation de plus de 20000 espèces végétales, dont certaines stratégiquement très importantes comme le kiwi, le melon, le concombre, la courgette, la pêche, l’abricot, les poires pour ne citer que certaines parmi d’innombrables autres. En l’an 2000, des psychopathes des chiffres ont estimé que l’apport de l’abeille pour l’économie des États-unis s’élevait à 15 milliards de dollars, soit l’équivalent de la production annuelle de richesses d’un pays comme la Jordanie. Les habitants des ruches sont donc nos amis car ils nous rapportent, une sorte d’insecte aux pollens d’or…

C’est la faute aux nazis bien sur!

La suite de l’histoire est aujourd’hui presque banale et n’étonnera personne dans ces premiers développements. Chez les humains, on se penche donc sur la question et on identifie surtout deux suspects, à savoir deux pesticides, le Gaucho et le Régent, respectivement commercialisés par les multinationales Bayer et BASF. Ces entreprises sont pour l’écologiste moyen que je suis des criminels multi-recidivistes en liberté conditionnelle. Tous deux ont trempé dans le nazisme et sont régulièrement épinglé pour leur débouchés commerciaux aux conséquences environnementales désastreuses. En “honneur” à la présomption d’innocence, les suspicions pesant sur ces aspirateurs à profits se transforment d’elles-mêmes en preuves irréfutables de leur culpabilité. Les produits incriminés, des insecticides systémiques qui tuent sans distinction et qui n’ont donc a priori pas les faveurs de la ménagère de moins de cinquante ans ni de l’altermondialiste moyen. Sous la pression du SEAPM (Syndicat Européen des Abeilles Productrices de Miel) la France et l’Allemagne en interdisent assez rapidement l’utilisation. La veuve et l’orphelin peuvent dormir sur leurs deux oreilles…

agriculture-nazi

La fable écologique aurait du se terminer ici, mais voilà, coup de théâtre! Une étude rendue publique par l’AFSSA (Agence Française de Sécurité SAnitaire) révèle que ces produits ne sont pas à incriminer dans la désertion des ruches. Même si l’indépendance de cette institution laisse franchement à désirer par ces liens parfois suspects avec les intérêts de l’industrie agro-alimentaire, force est de constater que les interdictions formulées en 1999 (Régent) et 2006 (Gaucho) n’ont pas du tout enrayé le déclin des ruches françaises jusqu’à aujourd’hui. Comme des meurtres qui continueraient une fois l’assassin arrêté, il y a matière à s’interroger … Ainsi, malgré que ces produits soient aujourd’hui absents de l’armement chimique des agriculteurs et que les fleurs pullulent sur un territoire très orienté vers l’agriculture, la production française de miel continue de s’effondrer et l’on importe environ 50% de nos besoins. Le coupable court donc toujours.

Bas les masques!

L’histoire est celle d’un bon roman d’Agatha Christie en partance d’Istanbul à bord de l’orient express. Hercule Poirot scrute les cadavres d’abeilles et soupçonne alternativement tous les témoins et parties prenantes. Dans un méli-mélo de preuves et de recoupements il semble qu’une hypothèse incroyable mais plausible se dessine: et si tous les suspects dans le train étaient coupables? L’impossibilité à résoudre cette histoire d’abeilles vient bien plutôt du système agricole, industriel et idéologique en place dans notre civilisation. Ce ne sont pas les pesticides le problème, ni les OGMs, ni les grandes exploitations agricoles, ni la monoculture, ni la déstabilisation climatique, ni la qualité nutritionnelle et immunitaire des plantes, ni la logique du profit, ni la fertilité des sols, mais c’est bien tout cela la fois.

Petit cours accéléré du complexe agro-chimique et industriel par Claude bourguignon

Cette vicieuse d’abeille

On cite souvent à propos des abeilles, et on attribue surement à tord, cette inquiétante citation d’Albert Einstein: “Si l’abeille venait à disparaître, l’espèce humaine n’aurait que quatre années à vivre”. Hormis le fait que je fais beaucoup plus confiance au découvreur de la théorie de la relativité restreinte en tant que physicien de génie qu’en tant que prophète éclairé à tendance catastrophiste, il est toutefois exact que nous avons avec les abeilles une relation intime, une inter-dépendance inscrite dans les siècles qui doit nous interpeller. Les abeilles menacées, nous sommes egalement sur la sellette. C’est bien de notre capacité à avoir une relation responsable et saine avec nous même qui nous rendra capable de prendre soin de notre planète.

“La nature est invincible, au contraire, c’est l’homme, et surtout l’homme capable de liberté qui est fragile et qui peut disparaitre”

Bernard Charbonneau

Tout le problème et l’erreur des écologistes, c’est d’accuser tel ou tel pesticide ou tel OGM, tel type d’agriculteur ou tout autre chose. Dans le fond, c’est notre propre vision de nous-même qui est à la source de tout ce système et qui nous fait accepter cette course à l’intérêt égoïste comme un fondement indépassable du vivre ensemble et une tendance naturelle de l’homme. Coïncidence intéressante, la pensée libérale de notre époque, qui est à la source de cette vision absurde de nous-même, a été influencé entre autres par La fable des abeilles écrite par Bernard Mandeville en 1714. La thèse de cet auteur, qui a notamment fortement influencé le père du libéralisme économique Adam Smith, est que la bonne marche d’une société, ce qu’il appelle la ruche prospère, se base particulièrement sur les vices de ses membres.

C’est ainsi que, chaque partie étant pleine de vice,
Le tout était cependant un paradis.
Cajolées dans la paix, et craintes dans la guerre,
Objets de l’estime des étrangers,
Prodigues de leur richesse et de leur vie,
Leur force était égale à toutes les autres ruches.
Voilà quels étaient les bonheurs de cet état ;
Leurs crimes conspiraient à leur grandeur,
Et la vertu, à qui la politique
Avait enseigné mille ruses habiles,
Nouait, grâce à leur heureuse influence,
Amitié avec le vice. Et toujours depuis lors
Les plus grandes canailles de toute la multitude
Ont contribué au bien commun.

Bernard Mandeville – La fable des abeilles (Extrait) – 1714

Plus encore, s’opposant ainsi frontalement au paradigme grec de la bonne marche de la société par l’appel aux vertus des individus et à la mesure en toute chose, Mandeville décrit l’effondrement de cette même société si l’armée de démons que nous serions se transformait en communauté d’anges. Par la même, on trouve contre toute attente que les vices sont acceptables (voir à promouvoir?) en ce qu’ils garantissent la prospérité et que la vertu mène à l’effondrement de la ruche.

Encore et toujours, le capitalisme et sa sainte croissance

Toutefois, la réalité est bien cruelle pour notre ami Mandeville, dont on entend encore régulièrement les délires d’un autre age lorsqu’un être humain, plein de sagesse, semble vouloir déclarer “qu’il n’y a rien de mieux qu’une bonne guerre pour relancer une économie”, que “jeter un papier par terre c’est créer de l’emploi pour des balayeurs”… Bref creusons des trous pour rien c’est bon pour la croissance…Les abeilles sont, parmi d’autres, les victimes de cette idéologie qui veut que nous supposions l’homme mauvais pour le plus grand bonheur (matériel) possible. Et comme il était possible de le prévoir, porter en exemple de tels individus promeut bien une société partiellement prospère mais egalement une société à leur image, calculatrice, égoïste et individualiste.

Prospère à court terme et malheureuse, voilà la prophétie de Mandeville réalisée dans nos sociétés. L’idéologie libérale et capitaliste actuelle est aujourd’hui incapable de résoudre la contradiction entre une stabilité politique par la production toujours croissante de marchandises et les limites non négociables de notre environnement. Les économistes libéraux sont en sueurs lorsqu’ils doivent trancher entre la protection des abeilles et la croissance de la production végétale. Dans le doute on continue à produire, on pourra peut-être affamer un peu plus de gens pour continuer a sur-consommer négocier une planète supplémentaire si on le demande gentiment.

“Si seulement on pouvait soumettre les abeilles!”. Mais voila, l’économie découvre que la limite de l’exploitation de l’esclave c’est sa destruction dans l’acte de production. Le grand écart impossible, l’icône sacrée, le mantra absolu, la cérémonie et le rituel censé ramener les ressources, le développement durable, sera bientôt visible pour tout le monde pour ce qu’il est, une imposture, le grigri d’une religion qui hypnotise, une contradiction dans les termes, et donc aussi un oxymore à occire.

“Toute personne croyant qu’une croissance exponentielle peut durer indéfiniment dans un monde fini est soit un fou, soit un économiste.”

Kenneth E. Boulding

Le problème est en chacun de nous

Il serait bien trop simple et stérile de blâmer seulement l’économie, la croissance ou le libéralisme. Ces entités abstraites n’existent que parce que nous les faisons vivre d’une manière ou d’une autre: en consommant de manière excessive, ostentatoire ou compensatrice, en calculant nos choix, en maximisant notre intérêt, en ayant peur de notre voisin et en ayant un a priori négatif sur un inconnu. Pour reprendre les termes de Serge Latouche, nous avons un véritable imaginaire à décoloniser, une liberté à se réapproprier, pour enfin construire un monde meilleur.

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Cerveau décolonisé – El Puerto Rican Embassy

Toutefois, il faut dans ce projet de réhabilitation de la volonté de changer le monde, être conscient de la tension qui existe entre la liberté pleine et entière qui est le moteur de ces changements et les dérives potentielles de cette force. Isaiah Berlin a théorisé cette tension entre la liberté négative, celle au cœur du projet libéral qui consiste en l’absence de contraintes, et la liberté positive, celle de l’action volontaire et de l’auto-détermination. Pour lui, la deuxième forme de liberté est trop dangereuse et mène inévitablement à des dérives violentes, voir totalitaires. Pour cela il promeut la liberté négative, censée nous protéger de nous-même, de notre tendance “naturelle” à la violence et, pour le dire crument, aux massacres de nos semblables au nom d’un monde meilleur. La séquence suivante est tirée de l’excellent documentaire d’Adam Curtis, the trap, qui montre comment notre vision de nous-même comme des êtres fondamentalement égoïstes rend impossible la réalisation d’un monde meilleur. Sauver les abeilles n’en est alors qu’un exemple anecdotique.

The Trap – Adam Curtis – 2007 – Le piège de la liberté négative

Il faut réenchanter le monde, et promouvoir un monde meilleur en pleine conscience des risques potentiels du total exercice de notre liberté. Cet appel au réalisme magique n’est pas un mince projet, il est l’objet essentiel de notre époque, un champ de bataille en chacun de nous. les fronts sont marginaux mais innombrables. Ils faut les étendre et faire des jonctions lorsqu’ils se rencontrent. Common decency pour les uns, utopie pour d’autres, idéal Grecque ou simplicité volontaire pour d’autres, toutes tendent à supposer l’homme capable du meilleur au nom d’une idée plus vaste de la liberté. Seulement à ce prix nous retrouverons l’espoir d’un monde meilleur…

 

Source : Des abeilles et des Hommes | Jardinons la planète


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28 décembre 2011 3 28 /12 /décembre /2011 21:46

 

11:46 23/12/2011
"Impressions de Russie" par Hugo Natowicz

Un de mes premiers souvenirs liés à l'actualité est la chute du mur de Berlin, événement qui a, à juste titre, marqué les jeunes nés dans les années 1980. Par-delà les énormes bouleversements géopolitiques qu'il a induits, le démantèlement de l'Union soviétique a eu une conséquence psychologique majeure: ma génération, frappée à jamais par ces images, a grandi avec la certitude d'être née du bon côté de l'histoire.

Ce sentiment était exacerbé par des décennies de confrontation entre deux blocs, l'URSS et les Etats-Unis. Un tête-à-tête anxiogène qui avait au moins un mérite: celui de tracer une géopolitique commode et compréhensible, sur le mode binaire. Le monde était prévisible, nettement organisé autour de la confrontation de deux camps hostiles.

Survenue il y a exactement vingt ans, la chute de l'Union soviétique signifiait la disparition du dernier obstacle à une dynamique qui, pensions-nous inconsciemment, devait naturellement finir par englober le reste de la planète telle une vague vertueuse. La géopolitique simpliste du temps de la guerre froide débouchait sur une autre certitude, une nouvelle commodité pour la pensée. Les rôles du gagnant et du perdant étaient nettement distribués: l'Occident sortait vainqueur de son conflit avec l'URSS.

Baigné depuis l'enfance dans les valeurs occidentales, j'ai longtemps cru, comme de nombreux citoyens européens, que le système économique, politique et moral qui m'avait vu naître était la seule et unique voie possible. J'ai eu la chance de grandir dans un monde qui, s'il n'était pas dénué d'injustices, était mû par une dynamique simple, confortablement soutenue par ce "sentiment de victoire" sur l'Union soviétique.  

Ce "monde occidental" dans lequel je suis né, comment le définir? A quel moment se produit la jonction géopolitique entre les deux rives de l'Atlantique? A cet égard, le débarquement des soldats américains à Omaha Beach a marqué un tournant majeur. Arrivé en libérateur, Washington bénéficiait du droit légitime d’implanter son système politique et économique. Une entreprise fondée sur le plan Marshall, un prêt censé aider l’Europe à se reconstruire et à se consolider face à l’ennemi communiste. Sous couvert d'aide, les USA s'assuraient un marché pour écouler leurs marchandises, et subordonnaient l'économie européenne. Dernier rempart de la souveraineté française, De Gaulle eut beau fustiger la suprématie du dollar, appeler au retour à l'étalon or, et accuser les Etats-Unis d'exporter leur inflation; il finit par quitter le pouvoir après avoir été chahuté par la révolte étudiante de mai 1968.

Au niveau politique, la logique d'après-guerre s'est caractérisée en Europe par le fédéralisme politique, les efforts visant à enraciner le libre-échange et la soumission du politique à l'économique. Une dynamique menée au mépris de la volonté des peuples, qui s'y sont opposés lors de référendums à chaque fois bafoués. Militairement, la toute-puissance occidentale est adossée à l'Otan, qui continue de perpétuer la logique d'expansion propre à la guerre froide malgré la disparition de l'URSS.

 

Demain la chute?

Il est désormais bien loin, le temps des certitudes. L'économie, jadis moteur de la construction du "bloc" occidental, en est devenue le talon d'Achille. Alors que de nouveaux acteurs attendent de s'affirmer sur la scène internationale, le repère planétaire qu'est l'Occident s'enfonce dans une crise dont les répercussions sont encore imprévisibles. Une chose est sure: elles seront incommensurables. Derrière l'agonie de l'euro, dont l'aggravation continue augure un final dramatique, se dessine une autre crise, plus profonde. Vingt ans après celle de l'URSS, une nouvelle chute se dessine: celle du monde occidental tel qu'on l'a connu jusqu'à présent. 

L'obsession des médias sur les turpitudes de la monnaie européenne forcerait presque à oublier les convulsions que connaît le véritable pilier de l'économie mondiale: les Etats-Unis. Les problèmes de ce pays sont plus qu'inquiétants: de grands Etats, comme le Minnesota, ont déjà fait faillite, et les finances de nombreuses villes sont à sec. L'Etat recule inexorablement, une tendance qui a également commencé à se manifester en Europe.

Derrière ces phénomènes de surface, c'est le système consistant à créer de la croissance par la dette qui est à bout de souffle. Renflouement après renflouement, l'Europe se débat en "comblant" des déficits abyssaux par des emprunts colossaux, tandis que les Etats-Unis impriment du dollar à la chaîne. Conscients du cercle vicieux, nombreux sont les économistes qui assurent que le déclenchement d'un krach mondial n'est plus désormais qu'une question de temps. La crise débouchera-t-elle sur la victoire du fédéralisme européen et une soumission totale de l'Europe à la logique atlantiste ? Suscitera-t-elle au contraire un réveil des peuples et un découplage entre l'Europe et l'Amérique? Il est encore trop tôt pour le dire.

Fait positif, une prise de conscience des dérives du système financier se manifeste notamment outre-Atlantique, comme en témoignent les manifestations "anti-Wall Street". Las d'être les instruments d'un système devenu fou, un nombre croissant d'Américains comprennent que rien ne changera tant que perdurera la toute-puissance des grandes banques américaines. Cette compréhension tardive a peu de chances d'atténuer les effets du krach qui se profile; elle constitue néanmoins un espoir indéniable pour l'avenir.

Car dans l'effondrement qui menace le monde, on pourrait voir émerger des hommes éveillés aux quatre coins du globe. Conscients des incohérences du système dans lequel ils sont nés, ils auront la lourde de tâche de replacer l'humain au centre de l'économie.

 

 

Source : La fin des certitudes | Tribune libre | RIA Novosti

 

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25 décembre 2011 7 25 /12 /décembre /2011 23:34

 

Une expérience de ce monde que nous sommes quelques uns a vouloir construire, un monde dans lequel les savoirs se partagent, où l'échange et les actes gratuits sont la norme pour le bien de tous.
Lyon Zéro met en ligne une liste pour favoriser le partage des savoirs

Brève rétros­pec­tive

Lyon Zéro est une ini­tia­tive née pen­dant le mou­ve­ment des étudiant-e-s qui a secoué Lyon 2 de sa léthar­gie lors de l’été 2009. Alors que le mot d’ordre domi­nant se foca­li­sait sur l’abro­ga­tion de la LRU, nous avons été une poi­gnée à nous réunir autour de la ques­tion « quelle uni­ver­sité dési­rons-nous ? », par­tant du cons­tat que l’actuelle - avec ou sans LRU - ne nous conve­nait pas. Lyon Zéro est la concré­ti­sa­tion de cette réflexion : créer une pla­te­forme per­met­tant aux indi­vi­dus de par­ta­ger libre­ment et gra­tui­te­ment leurs savoirs. Il était devenu vital de débran­cher la per­fu­sion uni­ver­si­taire qui nous dis­tille, au goutte-à-goutte, son pro­gramme bien dosé et cali­bré, pour enfin lais­ser notre curio­sité s’épanouir en lui per­met­tant d’explo­rer l’ensem­ble des domai­nes aux­quels elle aspire. Depuis ce temps, le projet a fait du chemin. Les nom­breux tâton­ne­ments, débats et ate­liers d’échange de savoirs qui ont animé Lyon Zéro ont permis aux par­ti­ci­pant-e-s de vivre une fruc­tueuse expé­rience humaine. Lyon Zéro a réussi à sur­vi­vre à la mort du mou­ve­ment anti-LRU, aux vacan­ces sco­lai­res, aux décou­ra­ge­ments, notam­ment en dépas­sant les fron­tiè­res du monde estu­dian­tin pour accueillir des per­son­nes venues de tous hori­zons avec leur bagage de savoirs et de désirs.

Un nouvel outil pour plus de sim­pli­cité et d’auto­no­mie

Aujourd’hui, dans une recher­che de sim­pli­fi­ca­tion de notre fonc­tion­ne­ment, nous venons d’établir un mini-for­mu­laire per­met­tant aux per­son­nes de faire connaî­tre les savoirs qu’elles pro­po­sent et/ou recher­chent, et de lais­ser leurs coor­don­nées pour être contac­tées. Ces infor­ma­tions sont ensuite clas­sées dans une liste consul­ta­ble par l’ensem­ble des per­son­nes ayant elles-mêmes com­plété ledit for­mu­laire. Les par­ti­ci­pant-e-s pour­ront ainsi se contac­ter mutuel­le­ment et s’orga­ni­ser entre eux/elles pour déter­mi­ner la manière la plus appro­priée de par­ve­nir à leurs objec­tifs.

Il s’agit d’un outil simple qui vise à encou­ra­ger l’auto­no­mie des par­ti­ci­pant-e-s et la cir­cu­la­tion des savoirs, de manière aussi hori­zon­tale que pos­si­ble.

Pour faire partie de cette liste d’échange, il vous suffit de nous envoyer un mes­sage à lyon­zero ((a)) gmail.com. Vous rece­vrez en retour un lien vers le for­mu­laire à com­plé­ter.

Si vous connais­sez des per­son­nes pou­vant être inté­res­sées par cette ini­tia­tive, n’hési­tez pas à les y convier.

Merci de faire vivre cet esprit de par­tage, de don et d’émancipation !

Lyon Zéro

P.-S.

(NB : Notez que par respect pour les informations personnelles, la liste d’échange est cryptée et non référençable par les moteurs de recherche.)

 

Source : Lyon Zéro met en ligne une liste pour favoriser le partage des savoirs

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22 décembre 2011 4 22 /12 /décembre /2011 14:13

 Je ne vais pas supprimer la brève sur le même thème, même si elle n'informe pas vraiment sur la démarche de l'Equater en matière de non remboursement de la dette publique. Ce thème, méritait quelques précisions, Correa n'est pas un avenruriste, mais un dirigeant politique et un économiste avisé, qui a la suite de l'Argentine s'oppose à la dictaturedu FMI pour le bien du peuple qui l'a élu. Il crée un nouveau précédent après l'Argentine économiquement dévastée qui grâce à une renégociation de la dette a retrouvé une économie florissante. 

Rappelons que Correa a déjà résisté à une tentative de coup d'état  « J’ai demandé une arme pour me défendre » Rafael Correa - El Correo

Rappelons aussi que membre des différentes alliances de l'Amérique du Sud, Alba, mercosur, unasur, et à présent de la CELAC, (33 pays) il agit dans le contexte d'une région qui toute entière a décider de dire NON au néo-colonialisme et NON à ladictature économiste dont le FMI est le vecteur. Prenons-en de la graine.... (libre de droits Monsanto...la graine, de préférence!)

 

 


 

Équateur : le courage politique de dire non à la dette et au FMI


Guillaume BEAULANDE

Le 14 décembre 2008, le président de l’Équateur, Rafael Correa, prenait la décision simple et ferme de ne plus payer la part « illégitime » de la dette publique et de suspendre le remboursement des titres de la dette. Retour sur une réussite politique, sociale et économique.



Rafael Correa annonçait un plan de restructuration ainsi qu’un audit de la dette publique pour en déceler la part « légitime » (la part utilisée dans l’intérêt du peuple équatorien) et celle « illégitime » (le renflouement des banques privées et issue des contrats de dettes illégaux), voire « odieuse » (contractée par des régimes dictatoriaux contre l’intérêt du peuple). Le pouvoir exécutif avait en effet décidé en 2007 de mettre en place une commission d’enquête pour un audit de la dette sur la période 1976-2006 dont faisaient partie des experts européens tels que Éric Toussaint du Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers-Monde (CADTM). Le Président de l’Équateur déclara qu’il ne paierait plus la part de la dette jugée illégitime. Cette part fut estimée alors à 70% de sa totalité. Un point significatif de cette démarche est que 95% des créanciers de l’Équateur (FMI, Banques, et autres fonds institutionnels) ont accepté cette décision !!

En utilisant l’outil de l’audit de la dette et grâce à une mobilisation populaire qui était au paroxysme en Equateur, Correa a pu établir le rapport de force nécessaire pour faire accepter à l’oligarchie financière que cette part de la dette n’était pas celle du peuple. Et que ce n’était par conséquent pas à ce-dernier de la payer !

Voilà qui marqua un tournant décisif dans l’histoire politique du pays et mit fin en partie au cercle vicieux de la dette : l’hémorragie financière, la baisse des dépenses publiques qui enrayent toute possibilité de relance, et provoquant l’augmentation scandaleuse des intérêts et surtout la perte totale de la souveraineté du peuple équatorien, demeuré des décennies durant sous la tutelle du FMI et de la Banque Mondiale. Tous les gouvernements depuis celui de Guillermo Lara (1972-1976) avaient jusque-là appliqué sans sourciller les mesures d’austérité budgétaires imposées par les institutions financières internationales (FMI et Banque Mondiale). Mal leur en a pris.

Le non-remboursement de la dette décidé courageusement par Rafael Correa a permis à l’Équateur d’économiser près de 7 milliards de dollars, réinvestis notamment dans la santé, l’éducation et autres postes de dépenses sociales. Par ailleurs, la part du budget de l’État pour le paiement de la dette est passé de 32% à 15% et celle concernant les dépenses sociales de 12 à 25%. En outre la croissance est en moyenne de 4% depuis 2006, ce qui a permis de financer l’augmentation des salaires et des pensions.

En mai 2010, le président équatorien rencontra son homologue grec, Georgios Papandreou. Rafael Correa lui conseilla alors de ne plus payer la dette… En vain. Il lui expliqua avec des mots simples et chargé de bon sens, la logique financière du capitalisme :

« Tu es tombé, tu me payes davantage et plus cher, mais pas pour le développement, je te « relève » et on avise. » Il a réitéré ce conseil le 08 octobre dernier aux pays européens touchés par la sacro-sainte « crise de la dette » qui n’est qu’un prétexte pour la mise en place des politiques « austéritaires ». Il a ajouté qu’il ne fallait pas céder au FMI et à ses prérogatives néfastes. La situation catastrophique de l’Argentine après sa crise de 2001 et le moratoire du paiement de la dette décrété par le Président argentin Nestor Kirchner depuis 2003 avait donc montré une voie politique que Rafael Correa a pu approfondir. Grâce à ce moratoire, Nestor Kirchner est parvenu à renégocier sa dette et à relever temporairement l’économie exsangue du pays, celle-ci avait été mise à sac par une décennie de politique néolibérale acharnée, faite de « plans de sauvetages » et mesures d’austérité qui n’avaient fait que creuser la plaie.

Pas de cataclysme donc, tout le contraire même : il s’agit de retrouver sa souveraineté en sortant d’une telle « dettocratie » pour pouvoir se doter des outils qui permettent de mettre le système économique au service de l’intérêt général du peuple. Il s’agit de l’intérêt général défini par le peuple pour le peuple et non pas par un gouvernement soumis aux banques et qui accepte de faire payer au peuple la spéculation financière.

Le courage. Encore un mot que la droite et les sociaux-démocrates européens dépouillent de son champ sémantique. Le courage, ce n’est pas d’annoncer aux peuples comment et pourquoi on va les prendre à la gorge. Le courage politique, c’est de tout faire pour libérer les peuples de la tyrannie des marchés. Le courage politique, c’est le fait de cesser de parler de la « crise de la dette » quand il s’agit d’une crise systémique et de mettre tout en oeuvre dans l’intérêt des peuples et non pas des créanciers.

En Europe, une dynamique citoyenne commence à se mettre en place. Des campagnes pour l’audit et l’annulation de la dette publique se mettent en marche en Grèce, en Belgique, en Allemagne, en Italie et ailleurs. Un peu partout se créent des liens avec les luttes historiques de pays du Sud contre la dette : notamment avec le Maroc, la Tunisie, l’Egypte, la République démocratique du Congo, l’Équateur, le Brésil…

En France, d’ores et déjà une cinquantaine de collectifs locaux ont été créés en réponse à l’appel national pour l’audit de la dette publique. Les peuples ont le droit de savoir d’où vient la dette, pourquoi et comment elle a été contractée.

L’expérience équatorienne, entre autres, doit trouver un écho en Europe et ailleurs : el pueblo unido jamas será vencido ! (Le peuple uni ne sera jamais vaincu)

Guillaume Beaulande

http://www.placeaupeuple2012.fr/equateur-le-courage-politiqu...

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21 décembre 2011 3 21 /12 /décembre /2011 15:15

 

Les inactifs et la "croissance qualitative" (made in yurtao)

Pour le plaisir de vous présenter quelques collègues en inactivité sociale :
Non à l'emploi, oui à l'activité constructive!

Non au "pouvoir d'achat", oui aux moyens de la bonne vie!

Non à la destruction de la planète, oui  à l'empreinte écologique positive !


Pour une croissance qualitative!


L'article qui suit à été publié sur le site YURTAO, la voie de la yourte.

Merci Sylvie
Encore une bande de RMIstes surpris à rien foutre.


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Ceci n'est pas le chantier d'une multinationale sous-traitant des employés forestiers roumains pour défricher les parcelles d'un lotissement destinés aux riches retraités du Nord.

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Ceci n'est pas une équipe de clandestins engagés par une filiale d'EDF pour dégager les arbres sous les lignes électriques.

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Ceci n'est pas un groupe sauvage de bucherons illicites profitant de l'état de catastrophe naturelle des dernières pluies pour sortir un max de bois à l'œil.

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Ceci n'est pas une entreprise d'insertion commandée par des petits malins généreusement subventionnés pour s'occuper des pauvres, rassemblant quelques « parasites » sur une action de remotivation au travail.

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Ceci n'est pas un camp de scouts.

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Ceci n'est pas une faction de l'ultra gauche anarcho-autonome, en exercice rural organisé préparant une issue de secours derrière une ferme blokaus.

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Ceci n'est pas non plus une bande structurée d'écolos nettoyant les rivages des lieux publics pour faire leur béa annuelle sous les caméras de télé.

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Ceci n'est pas l'avant garde d'une rave partie.

Ceci n'est pas une cueillette de champignons, ni de châtaignes.

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Ceci n'est pas une escouade motivée de salariés agricoles reconvertis en valets obséquieux sur le futur golf à mille trous au milieu des Cevennes.

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Ceci n'est pas une association de randonneurs en mal de nouveaux accès.

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Ceci n'est pas une délégation de « Jeunesse et sports » préparant le terrain de la prochaine colonie de vacances en milieu naturel avec observation de chouettes et piverts.

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Ceci n'est pas un entrainement informel d'apprentis pompiers pour la prévention des feux de forêts.

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Ceci n'est pas une équipe de fonctionnaires des services techniques de la mairie de Bessèges affectés à l'entretien des chemins ruraux.

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Ni de la conservation du patrimoine protégeant les faïsses, bancels, restanques, terrasses cevenoles en péril.

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Ni de la communauté de communes, ni du « syndicat intercommunautaire à vocation multiple », ni de l'aménagement du territoire.

NON NON et NON.

Ceci est une bande de RMIstes

en train de rien foutre.

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Ceux-ci n'ont pas d'heure, pas de portable, que les cloches de l'église en bas.

Ils ne pointent pas, ne se ruent pas sur les heures supplémentaires, n'ont pas de comptes à rendre.

Ils ne font pas de bruit, malgré qu'ils sont plusieurs et parfois des enfants avec.

Ils ont commencé tranquilles après le café du matin, ils finissent tranquilles après le bout de la piste achevé.

Ils n'ont pas de chefs, pas de machines à moteur démultiplié, que des outils à mains cabossés qui leur appartiennent.

Ils n'ont pas de bleus de travail, pas de chaussures de sécurité, pas de vestiaires, que des tee shirt troués de la croix rouge.

Pas de cantine, pas de camions qui les attendent avec la gamelle, ni d'ailleurs de petite femme à la tambouille à la maison.

Ils n'ont pas de fiche de paye, pas de panier de légumes à la fin, pas une note favorable dans le contrat d'insertion, rien sur le curriculum vitae, et ça ne leur rapporte aucune rémission dans l'instruction de leur dossier ANPE.

Au contraire, ils sont toujours convoqués régulièrement à cinquante bornes pour se faire engueuler de pas trouver du travail, malgré qu'ils n'ont pas de bagnole, pas de cravates, malgré la ligne de chemin de fer en suspens pour cause de non rentabilité et les cars scolaires en grève, en panne ou en vacances.

Ils font des pauses quand ça leur chante, ils discutent en roulant leurs clops, ils refont le monde tranquillement assis sur une pierre au milieu des ronces.

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Ils bêchent, binent, ratissent, scient, tirent sur les racines, tranchent les épines, sécatorisent, se courbent en deux,  se baissent à terre, se relèvent, déplacent des pierres énormes.

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Ils ont ouvert et rendu praticable un chemin vicinal obstrué par les déchets d'un riverain indélicat, réhabilité un passage condamné,

en épargnant les violettes.

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En une journée, pépères, un Samedi, pendant que les autres sont au loto.

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Ils ne le font pas pour l'argent, pas pour obéir, pas pour le diplôme, pas pour leur bonne conscience, pas pour le bon ordre ou l'affiliation à un groupe identitaire, même pas pour l'avenir de la planète.

Ils le font parce qu'ils  en ont envie.

Ils le font parce qu'ils sont contents d'être ensemble.

Ils le font parce qu'ils ont du temps.

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Ils le font parce que ça leur fait plaisir.

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Ils sont venus chez moi d'où je suis expulsée.

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Ils m'ont proposé leur aide.

Ils n'ont pas envie que l'aventure du Cantoyourte s'arrête.

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Alors ils continuent, vers une nouvelle terre, un nouveau lieu, un peu plus loin de ceux qui n'aiment pas les voir ensemble aux yourtes

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rigoler et manger des merguez entre deux fêtes et deux coups de mains spontanés.

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Certains appellent ça des journées chinoises.

D'autres des chantiers bénévoles.

D'autres de la coopération villageoise.

Les plus mal embouchés du travail au noir.

Mais ce n'est toujours pas vraiment ça.

C'est quelque chose de nouveau.

Quelque chose peut-être aussi qu'on avait oublié et qu'on retrouve naturellement.

La liberté, l'auto-organisation, l'auto-gestion collective.

Comment des peuples sans plans et sans techniques construisent des civilisations.

La sortie de l'assistanat et la prise en main de son destin, la libération de l'attente d'un emploi imbécile,  mais aussi la prise de conscience que son histoire est chevillée à celle du voisin, là où il en est.

Que si on laisse les autres détruire ce qui nous anime et nous relie, on cède à ce qu'ils attendent que nous soyons: des loques honteuses qui méritent bien ce qui leur arrive, exilées dans un bagne vert.

Alors les voilà, mes amis, mes comparses, mes voisins:

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ils créent gratuitement une richesse inestimable.

Ils créent de la fraternité, de la solidarité, de la joie, de l'amitié.

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Ils font du bonheur et des journées magnifiques.

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Il y a ceux qui sont là, ceux qui auraient voulu être là, ceux qui seront là la prochaine fois, ceux qui ont envoyé leur soutien, leur contribution.

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Ils mutualisent ce qu'ils ont, celui qui a plus verse pour celui qui a moins, les hommes autant à la cuisine que les femmes au râteau, veillent à éloigner le vin de celui qui en abuse, à garder une gourmandise pour les enfants, ....

Ils créent un nouveau monde, un autre monde, ici et maintenant, avec chacun son pets de travers, humblement et sans grands mots, sans brevets et sans industrie, ils ne le crient pas sur les toits, ils n'attendent rien des institutions et des élections, rien qui puisse améliorer leur condition sans qu'ils y mettent la main à la pâte.

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Ils le font parce qu'ils sont sortis de la société technocrate, marchande, matérialiste, productiviste, capitaliste.

Ils le font parce qu'ils sont des belles personnes,

des vrais êtres humains  tout simplement.

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Posté par barbesse à 08:08 - Territoire Cevenol - Commentaires [36] - Rétroliens [0] - Permalien [#]
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20 décembre 2011 2 20 /12 /décembre /2011 15:24

 

Un texte écrit en mai par un jeune anarchiste madrilène à l'aube du mouvement 15M trouvé sur le blog de l'Organisation Communiste Libertaire que je gardais au chaud, et que celui de Rem Ah-Ah-Ah ! Triple Anar toi-même !!!   m'a incité à publier

 

[Madrid] Des anarchistes et le mouvement du 15-M

Sur le mouvement du 15 Mai

lundi 13 juin 2011, par OCLibertaire

Écrit par des camarades de Madrid au cœur du mouvement d’occupation de la Puerta del Sol, ce texte tente une réflexion et une proposition pour rompre avec l’impasse dans laquelle nous avons été ancrés pendant longtemps, une réflexion pour tenter de clarifier de quelle manière en tant que révolutionnaires, nous pouvons apporter et participer à ce qui se passe autour de nous. (voir notes sur la traduction en P.S.)


Voir en ligne : Collectif Anarchiste de Traduction et de Scannérisation

Les anars et le 15 mai : réflexions et propositions

Ce texte a été écrit à Madrid, beaucoup des descriptions et réflexions peuvent ne pas convenir à d’autres localités, surtout vue l’hétérogénéité du mouvement du 15 mai. Même ainsi, nous pensons qu’il peut résulter utile comme point de départ pour la réflexion, à tous les compagnons qui s’impliquent dans les assemblées, indépendamment de l’endroit. Le texte a été rédigé et corrigé précipitamment pour qu’il soit disponible avant la tenue des assemblées de quartiers et villages du 28 mai,

0. Quelques mots pour commencer...

Soyons clairs. Ceux qui signent ce texte sont anars, communistes libertaires, anticapitalistes ou l’étiquette qui vous plaira. C’est-à-dire que nous sommes pour l’abolition du travail salarié et du capital, la destruction de l’état et sa substitution par de nouvelles formes horizontales et fraternelles de vie en commun.
Nous croyons que les moyens pour y arriver doivent être le plus cohérents possibles avec les fins que nous cherchons, et pour autant, nous sommes contre la participation dans les institutions, contre les partis politiques (parlementaires ou non) et les organisations hiérarchiques. Nous parions sur une politique basée sur l’assembléisme, la solidarité, l’aide mutuelle, l’action directe,... Parce que nous sommes convaincus que ces moyens sont les plus efficaces pour nous conduire jusqu’à la révolution.

Si nous disons cela c’est pour éliminer toute suspicion et tracer les orientations (les grandes lignes) autour desquelles s’appuiera notre contribution. Et maintenant, même si nous sommes pour une révolution sociale qui détruise le capitalisme, et l’État, et qui suppose l’abolition des classes sociales (et de tant d’autres choses), cela ne signifie pas que nous pensons que cela peut arriver à courte échéance, du jour au lendemain. Ce que nous exposons ici sont des fins, c’est-à-dire, des situations auxquelles, avec de la chance, nous arriverons après un long parcours et un développement considérable du mouvement révolutionnaire. Penser le contraire ce n’est pas que ce soit utopique, c’est un exercice de délire et d’illusions de l’immédiateté.

Une proposition révolutionnaire doit se concrétiser dans une stratégie à courte échéance, dans une série de propositions pour intervenir dans la réalité qui se rapprochent de situations dans lesquelles se jouent des questions comme l’abolition du travail salarié, l’instauration du communisme libertaire, la révolution sociale,...questions qui à l’heure actuelle, évidement, ne sont pas, même de loin, sur la table. Cette intervention ne peut se limiter à répéter comme un automate la rageuse nécessité de révolution et d’abolir l’État et le capital. Etre anar ne signifie pas être un flic serinant à qui veut bien l’entendre combien l’État est le mal et que l’anarchie c’est bien. Et cependant, à la racine du mouvement du 15 mai, dans ces derniers jours nous avons pu lire sur internet des textes et commentaires proches de ce délire immédiatiste et, ce qui est pire, nous avons entendu des positions de compagnon-es et ami-es glissant vers l’abîme de l’anarco-chapisme (anarco-dandy, privilégiant l’humour plutôt que le sérieux), qui, avec les meilleurs intentions du monde, rejoignent le maximalisme des consignes grandioses, des propositions à longues échéances, etc. Nous savons bien de quoi nous parlons, nous avons tous été dans cette situation et, ce qui est pire nous avons contribué dans de nombreuses occasions à son extension.

Soyons clair, ce texte concède autant de la critique que de l’autocritique, et qu’il nous serve avant tout, pour essayer de ne pas tomber nous-mêmes dans ces pièges. Pour terminer, il faut prendre en compte que ce texte a été écrit rapidement et à toute vitesse, au même rythme que les événements, avec l’objectif qu’il sorte avant le 28, date à laquelle sont appelées des assemblées populaires dans différents quartiers et villages de Madrid, ainsi que cela ne vous surprenne pas que sur certains points se remarque la précipitation.

En résumé, ce texte prétend être une réflexion et une proposition pour rompre avec l’impasse dans laquelle nous avons été ancrés pendant longtemps, une réflexion pour tenter de clarifier de quelle manière nous pouvons apporter et participer à ce qui se passe autour de nous.

1. Le mouvement du 15-M : coordonnées basiques

Ce qui arrive autour de nous est, évidemment le mouvement 15-M, qui la semaine dernière a fait irruption comme un éléphant dans un magasin de porcelaine dans la politique nationale. Que cela nous plaise ou non, que nous le désirions ou non, le mouvement du 15-M a rompu toutes les perspectives et a surpris tout le monde : police nationale, journalistes, les « convoqueurs », les gens courants, les citoyennistes, les gauchistes et bien sur les anars. Au début tout le monde a été pris de court, et à partir de là, toute une série d’essais a été mené avec plus ou moins de chance pour prendre position face au 15-M ou à l’intérieur. Nous n’allons pas tenter d’analyser ou de lister les différentes théories « conspiranoiaques » ou les intoxications qui sont apparus dans son sillage ; ce n’est pas important par rapport à ce que nous avons à dire.

Nous allons essayer d’expliquer ce que nous entendons par coordonnées basiques dans lesquelles se meuvent ce que nous appelons le mouvement du 15-M, tout du moins les plus importantes pour voir si une participation anar ou anticapitaliste est possible. Il est logique que la description soit fragmentaire, partielle et incomplète, cela nous est égal, les choses vont trop rapidement.
La première chose à dire c’est que le mouvement du 15-M est un réel mouvement social et comme tel il est très hétérogène et contradictoire. Il y a de tout et en différentes doses. C’est-à-dire que tout ce qu’on dit ici ne doit pas être pris comme des caractéristiques définitives absolues, sinon plutôt comme des tendances, nuances,...Expressions d’un mouvement en construction dans lequel il y a des luttes, tensions, et un changement continu.

Ceci dit, par sa composition sociale et par les consignes qui s’écoute le plus dans les assemblées et groupes de travail, ainsi que par les opinions publiées constamment sur internet (twitter), on pourrait dire que ce mouvement est principalement citoyenniste et ouvertement démocrate. Ou autrement dit, ce sont ce genre de revendication de réformes politiques et sociales (réforme électorale, démocratie réelle, plus grande participation, critique des partis politiques majoritaires mais pas du système représentatif ou des partis en général...) qui en général regroupe le plus grand nombre de personnes et de mains levées.
Cependant ce contenu s’exprime sous la forme assembléiste, qui rejette toute représentation classique (comme par exemple se convertir en un énième parti politique) et qui renie toute idéologie, symbole ou forme politique déjà connu (des partis jusqu’aux drapeaux républicains en passant par les a cerclés.) Une consigne circule sur twitter « esto no va de izquierdas o derechas, sino de arriba y abajo » (ceci ne va pas de gauche à droite, mais de haut en bas). Pour le moment, le pari est fait sur l’auto-organisation, l’action directe (non-violente) et la désobéissance civile, bien que ces mots magiques ne soient pas utilisés. La non-violence est de fait, un autre des mots d’ordre fondamentaux du 15-M, quelque chose qui est sans aucun doute assumé collectivement sans discussion. Nous parlerons de ce sujet plus loin.

Tout ceci n’enlève pas le fait qu’en son sein on puisse voir clairement une « lutte de pouvoir » entre différentes « factions », organisées ou non. Membres et militants de partis politiques de gauche, membres des mouvements sociaux, libertaires, gens normaux et courants « indignés » qui vont avec leur propre vision du monde,... Tous se battent à l’intérieur à tous les niveaux, depuis l’orientation idéologique ou pratique du mouvement, au contrôle (et dans de nombreux cas, manipulation) des assemblées, commissions,... Dans de nombreux groupes ou commissions, on voit de tout : pertes occasionnelles de procès-verbaux, personnalismes, des personnes qui s’accrochent au rôle de porte- parole, délégués qui taisent certaines choses dans les assemblées générales, commissions qui ne respectent pas les décisions, des petits groupes qui veulent assurer la buvette, etc. Beaucoup de ces comportements sont, c’est sûr, fruits de l’inexpérience et de l’ego ; d’autres, paraissent directement sortis des vieux manuels de manipulation des assemblées. Autour de cette lutte, il y a aussi tous ceux qui traînent par là. Ceux qui s’approchent pour participer, pour écouter, être écouté, apporter de la nourriture ou du matériel, voir ce qui se passe, ou simplement prendre de photos en mode touriste dans sa propre ville. Sous les tentes de Sol on a l’impression d’être dans un grand souk où rien ne se vend ni ne s’achète.

D’un autre côté, un des grands problèmes des campements réside dans la difficulté à y participer pleinement : tout le monde ne peut aller dans le centre tous les jours, ni rester à dormir, ni participer aux commissions, etc. Cela peut favoriser la création de chefs informels, chambres, choses étranges et tournures bizarres, que les gens pas cons vont finir par remarquer, en discuter et agir en conséquence. De fait une possible conséquence du grand poids portée par un petit nombre (ceux qui sont le plus habitués à proposer des activités) c’est la progressive ghettoïsation dont a souffert le campement en fin de semaine. En comparaison avec l’ambiance de rencontre et de protestation des jours les plus intenses (spécialement le vendredi vue la perspective de l’interdiction par la junte électorale centrale.), en fin de semaine, les choses ont perdu leur souffle et on a commencé à noter une ambiance plus ludique et moins de protestation, malgré le fait que les commissions et sous- commissions et groupes de travail continuent à fonctionner. Par moment, Acampadasol semble reproduire le pire et le plus banal du ghetto squat : atelier, concerts, fanfares, cantines, théâtre, clowns, etc., au détriment de ses aspects initiaux, beaucoup plus marqués de protestation, politique et d’ « indignation » (même si c’était limité).

Sur twitter, qui ne l’oublions pas tiens une grande responsabilité dans l’ascension le mouvement du 15-M et du campement de Sol, on note le mécontentement chez beaucoup de gens qui ne voient pas d’un bon œil cette dérive. Un exemple clair de ce mécontentement a eut lieu en fin de semaine dernière au sujet de l’apéro. Le samedi une des assemblées a du partir de Sol à cause du trop grand nombre de gens fortement alcoolisé-es, et au sujet des fanfares, qui le dimanche ont obligés à repousser des assemblées car on ne s’entendait pas à cause du bruit (même si l’on peut dire que les fanfares ont été très suivies, tout comme l’apéro).

Il est évident que le mouvement du 15-M n’est pas une révolution.
Le dernier point que nous voulions ajouter c’est que pour nous, le plus important que nous ayons vu avec l’évident caractère assembléiste et horizontal (avec tous ses défauts) : le changement brutal d’attitude que nous avons pu voir aux alentour de Sol durant toute la semaine. Récapitulons. Après la manifestation très suivie du début, le 15 mai, et spécialement après le travail des premiers campeurs, les gens ont pris massivement nuit après nuit la Puerta del Sol d’une manière qu’aucun d’entre nous n’avait vue auparavant. Les mobilisations contre la guerre même si certaines ont été très massives, n’ont pas eut, même de loin, la continuité, participation, l’attitude et l’ambiance que nous avons vu cette semaine à Sol. C’est comme si soudain, la passivité et le chacun vaque à ses occupations s’étaient rompu autour du km zéro. Distribuer des tracts à Sol et dans ses rues adjacentes est jouissif, les gens viennent t’en demander, et ils les prennent avec un sourire, ils te posent des questions et te remercie...
Les premiers jours si tu parlais en petit groupe, les gens s’approchaient pour écouter et intervenir. Il était normal de voir des gens de tous styles et de toutes tendances discutant en petits groupes. Les groupes de travail et les assemblées générales sont les évènements majeurs, rassemblant entre 500, 600 et 2000 personnes (assises, debout, se serrant pour entendre quelque chose,...) A part cela une ambiance de bonne humeur, de « quelque chose de spécial ». La nuit du vendredi au samedi a été cruciale, quand a commencé la journée de réflexion. Écouter plus de 20 000 personnes crier « nous sommes illégaux » et de s’émerveiller comme un enfant, d’enfreindre la loi. Franchement, c’est impressionnant. Il est certain que cette ambiance intense, de participation et de politique réelle a commencé à décroître à partir de cette nuit là. En partie par la montée du vendredi soir, en partie à cause de la décision de « ne pas faire de politique le samedi et le dimanche, la fin de semaine ayant eu un ton beaucoup plus festif que les jours d’avant. Même ainsi, nous ne nous souvenons pas d’une chose pareille.

2. Ce qui n’est pas en jeu. Une vision stratégique

Ceci étant dit, quel rôle y jouent les anarchistes ? Pour n’importe quel libertaire avec un peu de jugeote, heureusement une majorité, il est évident qu’il est nécessaire être présent, ne serait-ce que pour le sujet. Ce qui n’est pas très clair, c’est ce que nous pouvons faire, ce que nous pouvons apporter et ce que nous pouvons espérer du mouvement 15-M. C’est un questionnement logique, compte tenu de l’hétérogénéité et des contradictions de ce mouvement . Dans cette section nous allons essayer d’exprimer comment et dans quel sens nous imaginons qu’il puisse être intéressant de participer au mouvement. Nous parlons alors de « vision stratégique » parce que c’est la vision générale que nous tenterons de commenter avec des propositions concrètes et quelques considérations tactiques.

La majeure partie du processus qui se développe actuellement au sein du mouvement du 15-M consiste à trouver les lignes directrices et les revendications politiques qui vont le définir. Ce qui a lieu dans les groupes de travail comme dans les commissions. Dans les premiers , il y a principalement des débats et des combats idéologiques. Dans quelques commissions, dans celles ou se concrétise et se résume ces débats, se manifestent les ruses, les manipulations, etc. Pas besoin d’être très malin pour comprendre où est le problème : les commissions comme celles de communication, interne, assemblée et politique sont celles où se rencontrent le plus de politiciens par mètre carré, tandis que dans les commissions infrastructure, alimentation ou respect, ils sont mineurs. Nous ne sommes pas en train de dire qu’il n’y a que cela dans les commissions, mais ce sont des choses qui se font. Nous l’avons parfois constaté ou on nous l’a raconté, et cela nous donne du fil à retordre. Comme expliqué auparavant, les revendications avec les plus d’écho à Acampadasol (lit. campement Sol, nom donné au campement militant sur la Plaza del Sol, centre de Madrid) sont celles de réformes politiques et dans une moindre mesure celle d’ordre social, de grand contenu citoyen : réformes de la loi électorale, loi de responsabilité politique, plus grande participation, loi sur les hypothèques, etc. Les membres et militants des partis de gauche (IU,IA, etc.) et de mouvement sociaux essayent d’emmener le bateau vers la gauche pour que soit assumé-es les revendications de la gauche (sur la rente basique, remise sur la dette extérieure, la nationalisation des banques, etc.) et en face ils ont ceux qui préfère que le mouvement soit le plus neutre possible (par exemple, http://twitpic.com/51lyqa) et se concentre sur le consensodeminimos basique (consensus minimum sur quatre revendications : réforme salarial, lutte contre la corruption, séparation des pouvoirs publics, création de mécanisme de contrôle citoyen). Selon notre opinion, nous croyons que le plus probable, que l’objectif final des uns et des autres, certainement sous la forme d’une Initiative législative populaire, ou de la part d’un parti de gauche comme IU, se présente sous la forme d’une proposition au congrès et que soit demandé son approbation par un référendum populaire. Dans ce contexte, les uns et les autres jouent sur le contenu de cette « proposition » et sur la manière de la construire.

Évidement, les anarchistes sont convaincus que s’ils réussissent, à travers cette action réformiste, à changer quelques uns des « défauts » du système qui énervent le plus la population, cela ne va pas changer l’essentiel. Le problème n’est pas la corruption politique, mais la politique comme sphère séparée de la vie. Le problème n’est pas le manque de transparence des gouvernements ni les banques et les banquiers, mais l’exploitation capitaliste, la grande et la petite.

Ceci dit, nous croyons que, nous les anarchistes, nous ne sommes, ni devrions être dans ce combat, celui des revendications grandiloquentes et la politique de haut vol. Nous ne devrions pas rentrer dans ce jeu, mais voulant être dans les assemblées nous devons assumer le fait que nous devrons supporter et affronter ceci. Le mouvement du 15-M n’est pas un mouvement anarchiste ou anticapitaliste, les revendications anarchistes maximalistes ne sont donc pas à leur place. Il n’y a pas de sens à lutter pour que ces assemblées générales assument des choses comme l’autogestion généralisée, l’abolition des prisons ou simplement la grève général illimités, parce qu’il est évident que les gens qui en font partie ou qui suivent le mouvement ne sont pas en faveur de ces choses. Supposant (et c’est beaucoup supposer) que pour une raison étrange, ou par manigance, s’obtient que l’assemblée générale ou les assemblées de quartiers acceptent et assument quelques unes de ces consignes, le plus probable est que le mouvement 15-M se dégonflera rapidement, perdant une bonne partie de ses appuis et de sa sympathie, et ne resterait qu’un étrange cocktail populaire de militants gauchistes, citoyennistes, communistes et anarchistes. Quelque chose où nous n’aurions jamais voulu être. En politique il existe un dicton « voter avec ses pieds », qui signifie que quand tu n’aimes pas la gestion d’un lieu, tu vas de l’autre côté. Quelques chose de similaire se passe dans toutes les assemblées, il y a beaucoup de gens qui quand ils n’aiment pas quelques chose ou se sentent incommodés, se taisent, hochent la tête et arrêtent de s’exprimer, sans refléter son mécontentement.

Nous sommes conscients de la représentativité des commissions face aux personnes qui intègrent la mobilisation. Nous l’avons constaté clairement dans la Commission Politique, qui au moment le plus haut a pu atteindre 350 personnes, avec ses sous-commissions. Et même s’il est clair que les assemblées sont ouvertes et que tous le monde peut y participer, la commissions politique s’est vu séparer en deux avec deux postulats bien différents : « réformiste » et « révolutionnaire », entre ceux qui exigent et légitiment les structures de pouvoir et avec de petites ou grandes réformes et ceux qui veulent marquer une feuille de route en rupture avec le modèle imposé par le capitalisme.
Ceci est une grave erreur parce que les mesures révolutionnaires ou radicales peuvent aussi bien être prises à court ou long terme, seulement il faut tenir compte du contexte actuel et des avancements que nous voulons mener. Pour donner un exemple, dans la Commission à Court Terme se sont posé la question du changement de la constitution espagnole, et dans la Commission à Long Terme des consensus comme l’utilisation de la grève générale (comme outils de lutte). Nous ne croyons pas qu’un changement de la constitution (qui nécessite l’approbation des 3⁄4 des députés du Congrès) soit faisable à court terme tandis qu’une grève générale si.

Nous croyons nécessaire une réflexion sur nos implications dans les commissions pour essayer qu’elles soient efficaces et que le gâchis d’énergie soit mieux canalisé. Il ne sert à rien que 200 personnes avec une idéologie « similaire » se rassemble et empreinte une posture qui à la fois ne peut pas être assumée dans ce mouvement mais aussi qui laissent les mesures à court terme être une plaidoirie en faveur de l’état providence... Dans cette réflexion nous devrions faire une autocritique et poser, de forme immédiate, des propositions à court et long terme, que nous puissions assumer et qui nous fassent avancer, pas à pas vers une vraie révolution sociale, sinon nous allons passer à côté. Nous devons montrer une certaine intelligence et nous ajouter de forme réelle au rêve de changement qui respire ces jours-ci à la Puerta del Sol, et voir si avec tout le monde nous réussissons que ces changement aillent un peu plus loin que quatre arrangements de façades de la démocratie.
Alors quelles autres options avons-nous ?

Certainement que beaucoup se sont demandés, même sans se rendre compte, ce que nous pouvions atténuer de notre discours, c’est-à-dire pour édulcorer nos propositions. Par exemple, jouer une intéressante confusion sémantique qui parle de « démocratie directe » plutôt que d’ « anarchie », ou encore supporter ce que l’on doit supporter pour maintenir l’histoire dans le temps, etc.
Une autre option est simplement abandonner cette « buvette » réformiste. Mais comme nous le voyons, ceci nous paraît absurde. Tout simplement parce que, ni actuellement ni au long de l’histoire, les mouvements révolutionnaires jaillisse du néant ou surgissent seuls, mais que ce sont de les propres révolutionnaires et les événements, qui avec des efforts, dès fois, réussissent a ce que des mouvements sociaux ne soient plus réservés aux partis, aux profiteurs, etc.

Bien que nous parlerons de ceci plus loin, laissons clair que notre idées n’est pas de convertir le mouvement 15-M en un « mouvement révolutionnaire » de masse, une comédie qui laisse présager que l’anarchie viendra demain si nous le souhaitons très fort. Nous ne sommes pas non plus en train de dire que nous devrions y être jusqu’à la fin. Nous avons les idées assez claires, si nous ne faisons pas les choses bien, à un moment donnée nous devrons partir, ou probablement qu’ils nous vireront. Mais il paraît évident que ce moment n’est pas encore arrivé et qu’il y a toujours une opportunité d’apport de notre part dans cette histoire, surtout suite à l’appel d’assemblée populaire dans les quartiers.
Nous ne sommes pas des illuminés, et si certains ont la vue brouillée et ont laissé leur occupations pour « la révolution » (plutôt marketing), nous sommes des anarchistes qui ont vu une opportunité, la première depuis des années, de participer dans un mouvement réelle de taille considérable.

3. Pour une participation anarchiste pratique et concrète

Selon notre opinion, ce qui est en jeu dans le mouvement 15M, c’est réussir a ce qu’il soit un point de départ capable d’activé des luttes quotidiennes avec des aspects concrets et basiques. Une lutte qui s’organise horizontalement, en assemblée, qui pratique l’action directe et la participation directe, la solidarité, etc., ce qui fait partie des bases du mouvement 15-M. Que les assemblées ne soient pas des lieux ou demander (a qui ? comment ?)des lois, réformes er référendums (lesquels ?) mais qu’ils soient des espaces où les gens peuvent débattre sur leurs propre problèmes et y cherchent des solutions et se mettent d’accord sur les moyens d’y parvenir par eux-mêmes. Que les assemblées se convertissent en lieux de rencontres, de communications et participations. Des petits noyaux solidaires de résistances.
Il est clair qu’une partie importante de ce processus est que les problèmes et solutions vont être traités, mais quel contenu va être exprimé dans ces assemblées ? C’est une autre tâche que nous pourrions nous imposer : essayer que les thèmes à traiter en assemblée soient des questions de classe, de genre, etc. Que l’on approfondisse, depuis la pratique, la critique de l’état, du capital et du salariat.

Dans l’état des choses et comme nous le voyons, essayer que les gens adopte notre discours n’est pas notre objectif et ne devrait jamais l’être. Nous n’irons pas rabâcher des consignes anarchistes. Des consignes qui dans ce cas peuvent ne pas être à leur place. Non pas car elles n’ont aucun sens ou parce qu’elles sont fausses, mais parce qu’elles ne sont pas sur la même « onde » que ce qui se déroule en ce moment. C’est comme parler de foot avec quelqu’un et qu’un troisième larron arrive et parle du cinéma iranien. Ceci signifierait qu’on devrait abandonner l’anarchisme et passer à la démocratie ? Logiquement non. Nous devons nous cacher ? Non. Mais a contrario, devons nous exhiber le fait que l’on soit anarchiste ? Pour nous, il n’y a aucun sens à aller plus loin que « être anarchiste ». Appeler quelqu’un anarchiste ne signifie rien en soit, ce n’est ni mauvais ni bon. Pour notre part, il s’agit de ne pas se cacher mais pas non plus de nous exhiber, mais de pratiquer l’anarchisme dans un contexte déterminé. Par exemple, de tous les slogans que quelques copains ont chantés les premiers jours Plaza del Sol, seul quelque uns ont été repris par d’autres personnes hors de notre cercle : « Le peuple uni fonctionne sans parti » et « rrrA, anti, anticapitalista ». Pourquoi ? Non pas parce que ce sont de grands et bons slogans, et non plus parce que ce sont de slogans ingénieux. Mais nous croyons qu’ils le sont en cet endroit à ce moment car une partie des gens se sentait touchée, se reconnaissait. Que cela nous plaise ou non, les gens de Sol n’était pas contre la police, ni contre la destruction de l’Etat... le travail à faire est de fond. Si nous nous limitons à chanter ou à proposer dans les assemblée des consignes décontextualisées, ce que nous faisons, c’est tomber dans la propagande pure et dure, dans le pire sens du mot et donc, nous ne participons plus... Dans beaucoup d’occasions, on est emporté par l’inertie et au lieu de penser ce que l’on peut et veut dire, on finit par brailler des choses simpliste comme « la lutte a tout prix », « du nord au sud et de l’est à l’ouest abattons l’état », « mort à l’état », etc. Un discours un peu hors propos et pour le coup inefficace. Dans la manif du 15M, le bloc libertaire cria des slogans (bon ou mauvais) critiques sur tout les thèmes (démocratie, capitalisme, crise, etc.), et des vrai remix du ghetto (liberté pour Patricia, police assassine), on était retombé dans l’autoréférence, nous nous parlions à nous même... De faite, à part nous, dans la manif, personne ne savait qui était Patricia... Tout a un moment et un lieu, et si nous ne savons pas adapter nos discours, ça ne nous aidera pas. Et nous ne croyons pas qu’adapter le discours c’est le rabaisser, mais il faut le rendre accessible et savoir garder les technicismes pour ses collègues. Il faut accorder le message, le code, au récepteur. Donner son opinion « dans notre langue, dans notre dialecte », plein de termes techniques et de jeux de mots, pratique pour parler entre nous, mais qui génèrent des barrières et des confusions auprès des autres.

4. Quelques objectifs et axes d’actions

Cette proposition de participer depuis la pratique a plusieurs objectifs. Le plus évident étant celui d’améliorer nos conditions de survie dans ce monde capitaliste. Si certains qualifieront ceci de réformisme, pour nous il s’agit simplement d’une nécessité. Un autre objectif est d’être capable de signaler et de déconstruire, durant tout le processus, toutes les contradictions et misères du capitalisme, de la démocratie et des syndicats, etc. Et ceci sans discours élaborés et préfabriqués, mais à travers des débats et des réflexions, quelque chose de beaucoup plus compliqué et laborieux que simplement éditer et distribuer des livres écrits à d’autres moments. Un autre objectif serait d’étendre une culture de lutte dans la population, d’étendre ce sentiment que des choses peuvent s’obtenir collectivement par la lutte, les victimes des problèmes trouvant eux-mêmes des solutions, grâce a la solidarité et l’aide mutuelle, sans faire appel à des professionnels. Un sentiment de « aujourd’hui pour toi, demain pour moi » afin d’effacer le « chacun pour soi » de la société actuelle. Enfin, si quelque chose nous est bien apparu clair ses dernières semaines c’est bien que les anarchistes avons beaucoup à apporter, mais nous avons aussi beaucoup à apprendre, autant des gens que nous rencontrerons en chemin que des situations auquel nous devrons nous confronter. Participer à l’assemblée sera l’occasion parfaite de clarifier notre position, notre posture et la manière de communiquer avec les autres. Et ceci est normal. C’est la meilleure manière de communiquer avec les autres et de nous rendre compte de nos incohérences. Il s’agira de savoir expliquer notre position à ceux qui ne la connaissent/comprennent pas.

Nous croyons sincèrement que cela peut être une bonne manière de sortir du piège d’une intervention uniquement idéologique, qui prétend qu’à long terme devraient s’approuver des principes et objectifs spécifiquement anarchistes. Des choses que nous avons déjà dites, ne pourront pas être à l’ordre du jour, que ce soit aujourd’hui ou demain. Nous croyons que cela peut être une manière de rendre évident et d’éviter les luttes de pouvoirs internes qui auront lieu dans les assemblées sur des questions de haut niveau (lois, etc.) sans pour autant arrêter de participer à ce mouvement qui peut aller encore plus loin. Nous mettre dans une guerre épuisante pour que nos propositions ne soit jamais retenues et pour que nous nous affrontions continuellement et ouvertement avec tous les gauchistes, citoyens et gens normaux qui veulent seulement un peu de changement n’en vaut pas la peine. Nous devons être conscient à tout moment d’où nous sommes et jusqu’où nous pouvons aller. Si nous ne faisons pas ce travail d’analyse et de réflexion continuellement nous allons nous mettre des battons dans les roues et dégager une forte frustration.
Évidement, en participant au mouvement 15-M, nous allons toujours courir le risque de faire le sale boulot de la gauche citoyenne. Nous croyons au jour d’aujourd’hui, du point de vue de notre faible pouvoir de convocation et rassemblement, que ce risque sera toujours présent, dans n’importe laquelle des mobilisations auxquelles nous participons (grève, conflits anti-développement, etc.) C’est un risque qui ne peut pas se prévoir, et surement que c’est quelque chose qui, jusqu’à un certain point, ne peut pas s’éviter. L’unique chose que nous pouvons faire est de rester attentif, ne pas nous laisser emballer par l’émotion et essayer d’évaluer à quel moment notre participation se limite à être main d’œuvre des autres. C’est dans ces moments là qu’il faut abandonner le navire.

A parte : Pour finir cette section les auteurs ont vu nécessaire de donner les grandes lignes thématiques qu’ils estiment prioritaires et comment les traiter. Dans une nécessités d’urgence et aussi parce qu’elles peuvent relever de l’évidence pour beaucoup de militants anarchistes, elles ont été réduites à l’essentiel.

Logement : auto organisation pour résister aux expulsions et lutter contre le lobbying immobilier. Utiliser l’action directe pour mettre la pression aux propriétaires et les succursales bancaires. Rendre visible les conflits urbains en occupant, en mettant des banderoles aux fenêtres des logements concernés.

Travail/chômage : Profiter de l’exemple de l’assemblée de la Plaza del Sol pour vraiment parler des conflits dans le monde du travail, la réalité du chômage. Proposer des aides directes aux salariés concernés (caisse de grèves) et allez collectivement sur les lieux de travail.

Migration : Essayer d’impliquer les immigrants dans cette luttes où ils sont sous représentés alors qu’ils sont les premier concernés des mesures sécuritaires. Sensibiliser les gens sur l’existence des camps de rétentions.

Santé : Essayer d’impliquer les salariés et les « usu-souffrants » de la santé publique dans une lutte contre la dégradation des services de santé et leur accessibilité. Éviter que les uns s’en prennent aux autres (« c’est la faute des travailleur qui travaillent peu et cotisent peu », « c’est la faute des vieux qui nous coûtent cher », etc.)

Genre : Contrer la vague actuelle antiféministe dans la société, et qui est aussi apparue sur les camps. Lutte générale contre la violence machiste.

Organisation : Essayer d’améliorer le fonctionnement des assemblées, lutter pour une véritable horizontalité, éviter la formation de groupes de spécialistes avec leurs représentants perpétuels.

Ces thèmes et propositions sont clairement limités, résultats de l’urgence et de notre propre inexpérience dans ce type de mouvement. Il faut les améliorer, les affiner. Il n’y a pas réellement d’ordre prioritaire, mais il faut faire un peu de tout, peu à peu, partir de peu pour aller jusqu’au bout d’une liste qui sera de toute façon questionné/amélioré au fur et à mesure.

5. Assemblées de quartier : proximités et espérances

Dans sa majorité ce texte est écrit avec l’idée qu’il soit sorti avant les assemblées populaires des quartiers qui ont été appelées le 28 mai, de là l’urgence, la préci pitation, et les erreurs qu’il y aura.
L’extension aux quartiers est une extension logique parce que le campement de Sol n’est pas durable à longue échéance et parce que par ses caractéristiques induisent une participation beaucoup plus limitée, comme nous l’avons déjà commenté. En parlant avec de nombreux compagnon-es, nous avons vu que certains d’entre eux ont de l’espoir avec ces assemblées de quartier. L’idée est « il n’y a plus rien à faire à Sol, allons dans les quartiers. » Ne nous mentons pas, si le mouvement du 15-M poursuit sa lancée, les quartiers vont être des Sol en plus petits, avec tous ses bons côtés mais aussi avec tous ses défauts, notamment avec les militant s des partis politiques qui iront à la pêche, les citoyennistes, etc. Dans quelques quartiers et village du sud de Madrid, de fait, la proportion de militants peut même être plus importante que celle que nous avons à Sol. Il se peut que le « terrain de jeux » soit plus petit et moins écrasant, mais l’hétérogénéité, les problèmes, contradictions et conflits vont être les mêmes voire pires.
Nous croyons que les militants gauchistes, comme les personnes qui sont en faveur des quatre réformes basiques vont essayer de transformer les assemblées populaires en foyers pour faire la promotion des consignes et revendications pour lesquelles ils se sont battus à Sol. Ils se chargeront de collecter des signatures et de faire la promotion des mobilisations et d’ajouter des soutiens dans les quartiers (associations de voisins, de commerçants,...) pour leur stratégie à moyen terme de mener à bien les changements légaux. Pas beaucoup plus. Il se peut que les citoyennistes essaient de pousser un peu plus sur des problèmes spécifiques des quartiers, en établissant des liens avec les associations de voisins qui peuvent, favorisant leur locaux, centres sociaux et bureaux des droits sociaux où il y en a.
Nous avons dit que nous croyons que cela peut-être une chose intéressante de participer dans ces assemblées, nous ne nous étendrons pas là-dessus. Nous voulons juste préciser que des thèmes et propositions n’auront peut être pas les mêmes portées dans tout les quartiers et villages (par exemples dans certaines zones les arrestations massives d’étrangers sont plus fréquentes que dans d’autres, le système de santé est pire dans certains endroits.) Il faudra voir ce qui est le plus important et nécessaire dans chaque cas concret, il n’y a pas de formule magique.

6. Questions tactiques

Le texte va en s’élargissant et nous voulons le refermer par quelques réflexions. Nous essaierons d’être brefs sur certains aspects que nous avons vus, et que nous continuerons à voir ces prochains jours.

Violence/non-violence : Comme nous l’avons dit en le décrivant, le rejet de la violence est un point basique sur lequel repose le mouvement du 15-M. Les précurseurs (démocratie réelle maintenant) se sont chargés de l’exprimer de la manière la plus dégueulasse possible : se démarquant d’incidents après la manifestation et signalant à qui ils étaient dus. Ce n’est pas non plus très étrange, vu le bombardement médiatique sur ce sujet ces dernières années. A travers la police, et des médias comme la Razon ou Publico qui n’ont guère eu de scrupules à alerter sur les « 400 antisystèmes » qui ont essayé de contrôler et/ou faire éclater le mouvement. Une semaine plus tard, rien de rien. Il semble que la grande majorité des anars, nous ayons assumé (avec plus ou moins de problèmes) qu’il ne se passera rien parce que quelques uns se déclarent non-violent. La violence ou l’auto-défense est une question qui se posera toujours mais qui est totalement secondaire. Si nous arrêtons de la considérer comme quelque chose qui peut être utile ou non, bénéfique ou préjudiciable selon les circonstances et la transformons en quelque chose à laquelle nous ne renonço ns pas, nous entrons dans un cirque ou le 15-M chantera les bienfaits de la violence et sera à l’ouest. Aujourd’hui c’est la non-violence, un autre jour ce sera autre chose.

Assembléarisme : On entend beaucoup que les assemblées ne sont pas de vraies assemblées, qu’il n’y a pas d’horizontalité réelle, que quelques-uns essaient de la manipuler, etc. C’est logique parce que ce sont de vraies assemblées, avec des gens normaux au milieu d’une bataille entre différents secteurs pour « contrôler » (consciemment ou non) la situation. L’horizontalité, l’égalité, l’efficacité des assemblées, la communication des assemblées, ce ne sont pas des choses qui viennent de soit parce que des gens se réunissent sur une place et parlent entre eux. Il faut se battre face aux manipulateurs, aux politiques et intoxicateurs : il faut construire ça après des années de démobilisation, de grégarisme et de délégation quotidienne. Si nous n’avons pas ça en tête, nous sommes aux mains de ceux qui veulent que les assemblées soient les courroies de transmissions se limitant à approuver ou accepter les propositions cuisinées à la maison. Lutter contre des monstres : Participer dans des assemblées où des gens sont disposés à faire le nécessaire (manipuler, mentir, etc.) pour que leurs histoires soit entendue est très compliqué et frustrant. Tous ceux qui sont passés par ces moments savent que c’est difficile à avaler.

Premièrement parce ce qu’on doit le supporter, deuxièmement parce que tout le monde ne peut pas le voir. Et si tu lève pour le dénoncer, c’est sur toi que se portent les suspicions. Troisièmement, on finit par confondre ce qui est de simples erreurs, des essais de manipulations (frôlant la paranoïa). Enfin, parce que quand tu te rends compte de cela, tu finis par, ou tu as l’impression de devoir, faire des choses similaires aux leurs. Ces jours-ci nous avons entendu des choses comme « accaparer les commissions », « prendre les postes de pouvoirs dans les assemblées », « disperser les assemblées, « faire comme si nous ne nous connaissions pas » et on en passe, de la part de compagnons envers lesquels nous n’avons aucun doute ou suspicion, et par conséquent envers qui nous n’émettront pas de jugement. Ces situations sont comme ça, la frustration et la colère contre la manipulation et le fait de te retrouver le couteau sous la gorge te font dire et faire des choses du même style. Contre cela il n’y a pas d’autre remède qu’être constamment attentif, faire de l’autocritique et savoir critiquer et encaisser la critique, sans accusations hystériques ou victimisation stupide. Et aussi assumer que des fois, on va se salir les mains que nous le voulions ou non. Cela se passe dans les meilleurs des familles...

« N’ai pas peur, va seulement de l’avant et joue » Ch. Parker : En lien avec ce qui vient d’être dit, il faut être conscient que participer au 15-M c’est entrer dans un territoire inconnu pour la majeure partie d’entre nous. Nous assumons le fait que nous allons commettre des erreurs. Les anarchistes, ni ne sommes, ni ne voulons être parfait, nous avons tout le droit du monde de nous tromper. Nous résigner d’agir par peur de nous transformer en réformiste, ou pire, que quelqu’un te taxe de réformiste ou d’avant-gardiste et aussi absurde que de renoncer à penser par peur de se tromper.

Avant-gardisme anarchiste : Deux mots qui juxtaposés peuvent paraître contradictoire mais qui ne le sont pourtant pas. Quelques courants marxistes se considèrent et se vantent d’être avant-gardistes même si ce n’est pas pour autant qu’on leur prête attention. En tant qu’anarchistes nous refusons de nous convertir en avant-garde. S’il s’agit d’aller plus vite que le rythme des événements, nous courrons le risque de nous dissocier de plus en plus des autres jusqu’à rester seuls, loin de la réalité. Et ce ci ne t’assure pas d’être « en avance », mais par contre il est possible d’avoir pris un mauvais chemin. Nous ne voulons pas dire aux gens ce qui doit ou qui ne doit pas être fait sur la base d’une meilleure connaissance de quelconque livre sacré, mais cela n’explique pas qu’en certaines occasions nous nous croyons meilleur-es que le reste et que nous pensions qu’ils devraient « suivre notre exemple », et spécialement quand nous participons à ce type de mouvement.
Symbolique et dialectique : Pour que notre participation soit efficace et que nous puissions construire collectivement quelque chose qui en vaille la peine, il est nécessaire que nous mettions de côté toute la symbolique, les codes, les mots fétiches et tout le merchandising propre à notre mouvement-ghetto. Pareil que ce que nous commentions plus haut avec le thème du discours. Ceci ne signifie pas rabaisser notre discours et manipuler les gens, mais plutôt abandonner les mots magiques et les idées fortes que l’on à tendance à utiliser. Des concepts comme l’abstention active, action directe, appui mutuel, révolution, etc., n’ont pas à être compris dès la première fois par des individus non familiarisés à leurs usages.

Il ne sert à rien de s’étiqueter. Il est plus utile d’essayer d’expliquer dans un langage simple, sans intellectualisme ni technicismes anarchistes. Ceci est d’ailleurs aussi valable pour l’esthétique de la propagande, qui a tendance à être tant uniforme qu’elle est éloignée de la majorité de la population. Un exemple clair est le problème que l’on a eu avec le A cerclé à la Puerta del Sol. Comme aucun symbole ni drapeau n’était permis, des gens de l’assemblée, à tort ou à raison, ont évoqué que les A cerclés n’avaient pas non plus leur place ici. En tenant compte que pour les anarchistes le A cerclé n’est pas un signe politique mais son contraire, certains l’ont très mal pris. D’autres, donnant l’exemple que l’horizontalité et le consensus n’étaient souvent respecté que quand cela les arrangeaient, ont continué d’utiliser des pancartes et slogans peints. Dans tous les cas, nous devrions réfléchir si tous ça est notre faute, de ne pas avoir su faire voir durant toutes ses années que nous ne sommes pas les mêmes que tous les autres, bien que, en notre faveur il faut dire que la décision de laisser les A en dehors fut discutée. Le sujet, ici, est que le A cerclé c’est le moins important, l’important sont les messages que nous avons à donner, et si nous devons arrêter de les porter, cela ne nous affecte pas. Au final, comme disais avec raison un copain l’autre jour, « nous n’avons rien à vendre ». Pire que l’affaire des A cerclés, ce qui peut par contre nous faire mal, c’est le cas du féminisme, qui a pu rencontrer certaines oppositions, tant sur les camps que sur twitter, avec des gestes et des paroles hors de propos.

7. La fin, enfin

Nous terminons enfin faisant une dernière réflexion. Le mouvement 15-M a eu un début et aura une fin. En étant réalistes et en tenant compte que nous sommes peu nombreux (les anarchistes) et de notre inexpérience, il est assez probables que nous ne soyons pas déterminants dans le développement de cette mobilisation. Nous avons un peu de marge et de capacité pour agir en son sein, afin qu’il ne se limite pas à un mouvement réformiste. L’idée et d’aller un peu plus loin, même si nous n’avons pas beaucoup d’espoir que ce mouvement change radicalement d’orientation. Si le 15-M réussit ses objectifs, cela se traduira par une réforme du système démocratique ce qui pourrait signifier un renforcement temporaire de l’état démocratique. Ceci est le principal motif pour ne pas rester chez soi. Nous croyons qu’il faut y être car à long terme, notre action peut être bénéfique à l’anticapitalisme et l’anarchisme.

En premier lieu, nous croyons que le système démocratique et le capital sont comme ils ont, et que tous les partis, dans le fond, sont similaires. Si le mouvement 15M prospère et réussit à réformer le système démocratique, en terminant avec le « bipartisme » et la « partitocratie », avec le temps, les partis minoritaires finiront par rester en évidence, à la traine, parce que le système démocratique et le capitalisme sont ainsi.

En second lieu, il y a eu chose positive dans tout cela, quoi qu’il se passe. Cela fait un mois que le sentiment général est « quel merdier tout ça, mais que pouvons-nous faire ? Nous ne pouvons rien faire, etc. » Aujourd’hui il y a assez de gens qui croient pouvoir changer la loi électorale, et qu’il est légitime de ne pas écouter ce que dit la Junta electoral quand c’est injuste. Il y a donc une avancée. Si le mouvement obtient une quelconque réussite en fonctionnant en assemblée, indépendamment du résultat final, c’est une base à exploiter. En Espagne il ne s’est rien gagné depuis longtemps : L’entrée dans l’OTAN, rien, le PRESTIGE, rien, la guerre en Irak, rien, les luttes universitaires, rien... De fait, l’unique sentiment de victoire que des gens ont assumés est quand le PSOE (PS espagnol) a battu le PP (UMP espagnol et plus à droite encore) après les attentats du 11 mai. Et cela c’est fait en votant ! Ce qui renforça les illusions démocratiques...

En troisième lieu, le mouvement 15M à réussi sortir dans la rue et les pousser à parler collectivement et publiquement de politique, de problèmes sociaux qui les entourent. Cela faisait longtemps qu’on ne l’avait pas vu. Même si la majorité des discussions tourne autour de réformes, de changement minimum, mais comme nous disions auparavant, c’est un début. Cela a ouvert une brèche dans « ne t’occupe pas de la politique », le « désenchantement » et le « on peut rien faire », les trois petits cadeaux que le franquisme et la transition démocratique nous ont laissé. Nous critiquons les gens quand ils restent chez eux, mais quand ils sortent dans la rue nous les critiquons car ils ne demandent pas la révolution sociale. Ceci n’a pas de sens...

Si quelque chose est obtenu, nous croyons qu’à l’avenir il sera plus facile de convaincre les gens de descendre dans la rue. Il sera plus facile de remettre en route des assemblées. Nous pouvons espérer que les grèves soient plus faciles à mettre en place, détruire les plans urbanistiques, etc. Il est donc bien évident que si les seules réussites s’obtiennent exclusivement à travers de manœuvres politiques, de votes et de référendums, etc. (chose improbable s’il n’y a pas la pression de la rue), l’unique chose qui va sortir renforcée, c’est le système démocratique. Là est la question, et c’est la que nous devons être, nous les anarchistes.

Nous verrons comment termine tout cela, mais le mouvement anarchiste sortira renforcé si ses pratiques, sa forme d’affronter la réalité et quelques uns de ses points de vue se développent et prennent racines dans l’idéologie collective. Le mouvement anarchiste sera plus fort si notre participation dans le mouvement 15M se traduit, après critique, autocritique et analyse publique, dans de nouvelles expériences collectives. Il est peu probable que nos objectifs à long terme croissent significativement au niveau social après le 15M, indépendamment des gens que nous convaincrons quant aux processus de lutte. Cette lutte doit prendre d’autres chemins, par le travail constant d’ouvrir des locaux, d’éditer du matériel, d’analyser, d’organiser de journées de rencontres, des débats, etc., qu’en aucun cas nous devrions abandonner seulement pour être dans le 15-M.

P.-S.

Ce texte a été écrit fin mai par des anarchistes madrilènes et a été traduit par anarchistes caennais-es-. Il est important de prendre en compte que ce texte traite uniquement de la situation à Madrid, suite à l’occupation de la Puerta del Sol par le mouvement au nom changeant (democracia real ya, 15-M, AcampadaSol, etc.)

La traduction s’est aussi réalisée dans une relative urgence, au cas où une situation similaire se développerait en France. Donc excusez-nous d’avance s’il reste des coquilles, fautes ou si certaines phrases ont encore une structure trop hispaniste. Cette version est un premier jet et on a essayé de faire de notre mieux.

Dans les respects des auteurs, il convient de préciser que, pour un gain de temps, quelques petites libertés ont été prises. Certains paragraphes, certaines phrases jugées répétitives ou « plus qu’évidentes » ont été sautées. Au total, le texte a été écourté d’environ une page. Il est probable que dans quelques semaines vous trouviez une traduction définitive et peaufiné (sans les suppressions, totalement féminisé, sans fautes, etc.) de ce texte sur le site du CATS caen : http://ablogm.com/cats/

Bonne lecture

Source : Des anars caennais-es [Madrid] Des anarchistes et le mouvement du 15-M - OCL - Organisation Communiste Libertaire

 

 

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18 décembre 2011 7 18 /12 /décembre /2011 08:13

 

 




Le principe de Gulliver La domination sans partage du libéralisme, la contamination de ce qui fut une gauche dite socialiste par cette idéologie proliférant comme une tumeur maligne dans le moindre recoin de la société civile, de la psyché de notre société, de l’âme du plus modeste des citoyens, cette domination, donc, a généré un nouveau mode d’exploitation : un mode micrologique.
Le fascisme casqué, armé, botté a fait son temps en Occident. La domination politique s’effectue plus subtilement avec des instruments plus fins et des acteurs moins repérables.
La disparition du fascisme macrologique centralisé et bureaucratique, administratif et étatique, a laissé place à des microfascismes décentralisés et rhizomiques, intersubjectifs et disséminés. Le pouvoir n’est plus dans un lieu spécifique comme l’ont cru les marxistes, il est partout. Dès lors le fascisme n’est plus ici ou là, en des lieux facilement identifiables, mais partout, dans des situations éphémères, provisoires.
Ce nouvel état des lieux contraint à modifier la stratégie politique : le marxisme a montré ses limites dans les grandes largeurs. Le communisme pour demain a surtout prouvé la dictature pour aujourd’hui – et cet aujourd’hui a duré longtemps à l’Est… Le laminage des autres socialismes par le socialisme marxiste a fait long feu. Il s’agit non pas de rompre avec l’idée socialiste mais avec sa seule formule marxiste – ou communiste autoritaire. D’où la nécessité d’aller regarder du côté du socialisme qu’on a dit utopique.
Je distingue le capitalisme du libéralisme et désespère qu’on confonde souvent les deux termes : le capitalisme est un mode de production des richesses dans lequel la rareté constitue la valeur et le libéralisme un mode de redistribution des richesses dans lequel le marché libre fait la loi. Le capitalisme est aussi vieux que le monde et durera autant que lui : nous ne sommes pas tenus de souscrire à la seule définition marxiste qui confine le mot et la chose dans une fourchette historique avec date de naissance dans la période industrielle et date de décès prévue le jour de la révolution prolétarienne…
En revanche, ce capitalisme se coefficiente : le capitalisme néolithique n’est pas le capitalisme financier, qui n’est pas le capitaliste antique des gréco-romains ni sa formule médiévale, encore moins celui qu’on prend souvent pour le seul, le capitalisme industriel. Le problème est donc moins dans le substantif que dans son épithète : capitalisme, certes, mais quel capitalisme ? Capitalisme libéral, non merci.
Proudhon avait prévu cette aventure et proposait non pas une abolition de toute propriété mais celle de ce qu’il nommait l’« aubaine », autrement dit le bénéfice fait par un propriétaire sur la spoliation d’une force de travail qui n’était pas prise en considération et rémunérée dans le salaire. Le fédéralisme, le mutalisme, l’association et autres formes de contrats synallagmatiques volontaires proposés par Proudhon constituent une solution viable pour répondre ici et maintenant, en dehors de toute considération politique millénariste, iréniste, utopiste, apocalyptique.
Un capitalisme libertaire est donc possible. Il suffit qu’on pense de façon dialectique en effectuant un droit d’inventaire sur la belle tradition anarchiste européenne. Ce qui a été pensé par les grands ancêtres afin de répondre aux problèmes posés par le XIXe siècle ne saurait fonctionner sans une réactivation de cette pensée antiautoritaire, immanente, contractuelle et pragmatique qu’est le socialisme libertaire.
Le post-anarchisme nomme aujourd’hui la pensée libertaire qui, ayant pris en considération les leçons du XIXe siècle, effectue un droit d’inventaire et propose une politique pragmatique, concrète, immanente et praticable ici et maintenant.
La politique que je propose suppose ce que je nomme le principe de Gulliver : chacun connaît l’histoire de Swift qui montre comment un géant peut être entravé par des lilliputiens si, et seulement si, le lien d’une seule de ces petites créatures se trouve associé à une multiplicité d’autres attaches. L’histoire de Gulliver illustre à ravir la leçon de La Boétie : « Soyez résolus de ne plus servir et vous voilà libres. » La domination n’existe que par le consentement de ceux qui ne la refusent pas. Si l’on refuse l’assujettissement, et que l’on est assez nombreux pour cela (leçon de l’association d’égoïstes de Stirner…), alors ce pouvoir s’effondre de lui-même, car il ne tient sa force que de notre faiblesse, il n’a de pouvoir que de notre soumission.
Concrètement, il s’agit, d’une part, de ne pas créer les microfascismes que définissent des assujettissements, des dominations, des sujétions, des dépendances, des servitudes, des pouvoirs, d’autre part, de ne pas y consentir. Car la logique domination/servitude n’existe que par la volonté de ceux qui dominent et par l’absence de détermination de ceux qui subissent cet empire. Chaque microfascisme doit être désintégré par une microrésistance.
La révolution n’est donc pas affaire idéale, destinée à produire ses effets demain et permettant aujourd’hui les pires exactions de la part de ces prétendus révolutionnaires animés la plupart du temps par le ressentiment doublé d’une forte passion pour la pulsion de mort, mais possibilité hic et nunc. Cette perspective de révolution concrète libertaire, non autoritaire, opposée au sang et aux armes, à la violence et à la terreur, présente également l’avantage de mettre le prétendu révolutionnaire au pied du mur : il n’a pas le prétexte de la négativité hégélienne pour justifier l’injustifiable dans l’instant au prétexte qu’il prépare le bonheur de demain – qui n’arrive jamais…
Dans l’ordre des choses d’un socialisme libertaire actionné selon la mécanique des microrésistances concrètes, on voit alors le féministe sur le papier, l’antiraciste sous les calicots, l’écologiste des banderoles, l’antifasciste au mégaphone, le révolutionnaire au slogan, tenus d’être féministe dans sa relation amoureuse, antiraciste au quotidien, écologiste dans ses habitudes, ses comportements, ses faits et gestes, antifasciste dans toutes ses relations intersubjectives – avec ses enfants, ses proches, sa famille, ses voisins, ses collègues de travail, ses voisins de table, de transport en commun, ses congénères dans la rue et toute autre situation concrète…
La perspective du « devenir révolutionnaire des individus » – pour citer Gilles Deleuze – trouve ici sa vérité. En politique, l’hédonisme se résume à la vieille proposition utilitariste des Lumières : il faut vouloir le plus grand bonheur du plus grand nombre. Non pas demain, trop facile, trop simple, trop confortable, mais ici et maintenant, tout de suite. Cet impératif présente l’avantage de permettre un tri redoutable dans la masse des rhéteurs. à cette aune, nombre de héros révolutionnaires de papier fondent comme neige au soleil… Restent les subjectivités dignes de considération.

Michel Onfray

 

Source : Elucubrations - Le principe de Gulliver

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13 décembre 2011 2 13 /12 /décembre /2011 09:21

Edito de Lucioles n°5

lundi 12 décembre 2011

 

Cela fait un an que nous diffusons ce bulletin dans les rues de Belleville, à la sortie du métro, dans les bars, librairies, laveries, à chacun sa manière de se le procurer. Pourtant, ce sont toujours les mêmes questions qui nous sont posées. C’est quoi l’anarchie ? Comment vivre sans argent, sans Etat, sans prisons, concrètement. Au préalable, nous répétons toujours que nous ne sommes pas des politiciens et que nous ne faisons pas de la politique. Tout simplement, nous ne prétendons pas posséder de recette, de programme ou de solution livrée clé en main à la misère de ce monde. Nous ne souhaitons pas que les gens nous suivent, aussi vrai que nous ne voulons suivre ni obéir à personne, nous ne sommes pas des militants. Il appartient à chacun de trouver sa propre façon de lutter, de porter des coups à ceux qui nous pourrissent la vie, aucune nécessité de rendre des comptes à quiconque. Nous ne voulons pas d’une énième organisation inutile dont le seul but serait de se perpétuer dans de vieilles formes malgré l’évolution rapide du monde, nous sommes des individus, pas des soldats. Mais si nous n’avons pas de solution, alors pourquoi lutter ? Parce que nous faisons le pari qu’un monde libéré au maximum de la domination est possible, et si nous nous trompons, alors tant pis, au moins nous n’aurons jamais trahi nos désirs profonds de liberté, au moins, nous avons rêvé, mêmes éveillés, alors que tant d’autres se sont noyés dans la misère et l’isolement. Dans ce numéro, comme dans les numéros précédents et futurs, nous parlerons de liberté. Qu’il s’agisse de la liberté en général, de divers épisodes de liberté ou d’entraves à celle-ci. Alors bonne lecture.


Nous nous opposons par tous les moyens qui nous semblent justes, à tout ce qui se place sur le chemin de notre liberté. Pour cette raison, nous voulons en finir avec l’Etat, avec tous les États. Nous voulons en finir avec l’économie et nous débarrasser de toute forme d’autorité, qu’elle soit institutionnelle, formelle ou informelle, physique, morale ou mentale. Bien sûr, il ne s’agit pas d’un jeu consistant à pisser plus loin que tout le monde : abolir toute forme d’autorité, dans nos bouches, ne signifie pas abolir l’autorité de soi sur soi-même. Entendre par là, notre capacité à contrôler avec justesse nos sentiments et nos passions au gré des événements, à faire preuve de discernement dans nos façons de s’associer librement avec nos semblables.

Ce monde que nous portons dans nos cœurs est incompatible avec celui-ci. Et toutes les tentatives du passé ont montré qu’il ne servait à rien d’essayer d’expérimenter la liberté totale dans son coin sans avoir préalablement détruit l’autorité. On s’amuse, on s’amuse, mais un jour ou l’autre, un propriétaire viendra réclamer ses terres, un flic ou un gendarme viendra défoncer la porte, la société se venge toujours de ses marges. Pour ces quelques raisons nous voulons détruire la société, par l’intelligence si possible, et par la force si nécessaire. Tout ce qui affaiblit le pouvoir, le déstabilise, l’abolit et qui ne perd pas de vue le monde débarrassé de toute domination que nous portons dans nos cœurs, tout cela est bon, c’est de cela que se nourrit ce journal. Oui, nous sommes révolutionnaires, et nous n’avons pas peur de le dire. Il n’est question d’aucune clandestinité, nous sommes prompt à porter nos idées avec nous dans la rue, à faire nos propositions de rupture avec l’existant à quiconque veut bien prendre son temps pour discuter. La police a beau nous harceler, nous incarcérer, nous tuer, nous sommes des millions à travers le monde à combattre l’ordre, de mille manières différentes, anarchistes ou non, révoltés avant tout. Notre but n’est pas de faire peur, il n’est pas non plus de se donner une bonne image ni d’être respectables, notre but est la transformation du monde et des rapports qui régissent les relations entre humains. Nous voulons uniquement vivre nos existences libérées de toute contrainte extérieure, des chefs, des flics, des juges, des profs, des citoyens et de toutes les autres canailles. Peut être bien que faire peur à nos ennemis ne nous dérange pas plus que ça, certes, mais cela n’est en aucun cas un but profond de notre action.

Avec ce journal, nous essayons modestement de contribuer à la pollinisation de la révolte contre l’existant, à la discussion et à la diffusion de nos idées, souvent appelées « anarchistes ». Et si nous souhaitons imposer notre liberté à quiconque aurait pour volonté de l’entraver, nous ne souhaitons pas particulièrement imposer l’anarchie à quiconque n’en voudrait pas. De toute manière, l’anarchie est affaire de relations consenties, de libre-association des individus et d’entraide, autant de choses qui nécessitent la réciprocité et la volonté de mettre la main à la patte sans y être forcé par une autorité quelconque, fut-elle anarchiste.

Lorsque les médias nous décrivent telle une horde de barbares assoiffés de sang, comme des terroristes, ils ne font qu’entretenir un fantasme qui fait bien leur affaire. On pourra alors attribuer des pratiques répandues et vieilles comme le monde à de petits groupes d’agitateurs iconoclastes reconnus afin de pouvoir les isoler, et d’une pierre deux coups, de pouvoir bannir ces pratiques en les qualifiant de criminelles, hors-la-loi ou terroriste. Nous parlons bien sur de toutes les formes de rétributions sociales vieilles comme la domination : L’attaque, la vengeance sociale, le sabotage, l’incendie, l’émeute ou le scandale en font partie. Les insurrections ne sont pas menées par quelques bandes d’anarchistes organisés en tant que tel, mais par des foules de révoltés. A travers l’histoire, les anarchistes ont toujours participé aux révoltes et aux insurrections de leur temps, mais ils n’ont jamais cherché à en prendre la tête, ils ont toujours lutté à l’intérieur comme à l’extérieur de toute révolution afin de se débarrasser des chefs. Nous ne sommes pas des adorateurs de la violence, celle-ci n’est qu’un moyen adapté pour parvenir à nos fins, elle est nécessaire mais elle n’est en rien une fin en soi.

Si tu n’es pas prêt à remettre en question cette vie de merde, alors nul besoin que ce journal n’effleure même que ton groin. Si tu es prêt à mettre ta vie en jeu pour protéger la domination, alors tu es un problème et nous devrons nous combattre jusqu’à ce que l’un de nous cède, et nous ne cédons pas. Si par contre, tu es prêt à te mettre en jeu pour en finir avec ce triste monde fétide, et bien alors, peut être bien que ce journal t’intéressa parce qu’il y est question de rage, de liberté, de la guerre sociale en cours depuis toujours. Il est le produit de la libre-association de quelques anarchistes dans le but ponctuel de sa conception et de sa diffusion. Il s’agit d’emmerder nos ennemis, de pointer du doigt les responsables de notre oppression et de donner de la force à nos amis, amants, compagnons, frères et sœur de lutte qui se sentent isolés dans cette vallée de larmes.

Voilà, peut être comprends-tu mieux maintenant ce que nous voulons faire avec ce bout de papier. Qui sait, peut être pouvons nous nous entendre pour conspirer contre ce monde, quitte à jeter quelques coups d’épée dans le vent comme Don Quichotte, quitte à en finir une bonne fois pour toute avec le pouvoir.

On ne sait jamais.

« Que le poète transforme sa lyre en poignard !
Que le philosophe transforme sa sonde en bombe !
Que le pêcheur transforme sa rame en une formidable hache.
Que le mineur sorte des antres étouffantes des mines obscures armé de son fer brillant.
Que le paysan transforme sa bêche féconde en une lance guerrière.
Que l’ouvrier transforme son marteau en faux et en haches.
Et en avant, en avant, en avant ! »

Renzo Novatore, 1921

[Extrait de Lucioles n°5, bulletin anarchiste du Nord-Est de Paris, novembre/décembre 2011.]

 

Source : Une vie sans Etat ni argent ni autorité au-dessus de nos têtes ? - Base de données anarchistes

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7 décembre 2011 3 07 /12 /décembre /2011 21:31

 

, par David Graeber - Guardian
18 octobre 2011

La révolte de la génération perdue, promise à une vie d’austérité pour régler la facture de la crise financière, a d’ores et déjà l’immense mérite de reposer avec force les questions de fond soulevées en 2008 lorsque le système était à un doigt de s’effondrer. Questions aussitôt refermées par une classe politique dont le principal objectif est apparemment de restaurer l’état ancien des choses - à la plus grande satisfaction de cette mince élite qui prospère sur les déséquilibres minant nos sociétés. David Graeber est anthropologue, militant engagé dans les mouvements altermondialiste. Il enseigne aujourd’hui à Londres après que avoir été évincé de Yale.


par David Graeber, 25 septembre 2011, The Guardian

Pourquoi des manifestants occupent-ils Wall Street ? Pourquoi les étincelles de cette occupation - malgré la récente répression policière - ont-elles gagné en quelques jours toute l’Amérique, donnant envie à des centaines de personnes d’envoyer des pizzas, de l’argent, du matériel et, aujourd’hui de lancer leurs propres mouvements appelés OccupyChicago, OccupyFlorida, dans OccupyDenver ou encore OccupyLA ?

Il existe des raisons évidentes. Nous assistons au début de l’affirmation revendicative d’une nouvelle génération d’Américains, une génération qui fait face à la perspective de terminer ses études sans trouver d’emploi, une génération sans avenir, mais lestée d’une dette exigible énorme. La plupart de ceux que j’ai rencontré viennent de la classe ouvrière ou sont d’origine modeste. Ce sont de jeunes gens qui ont fait exactement ce qu’on leur a demandé : étudier, entrer à l’université, et qui sont maintenant non seulement pénalisés pour cela, mais aussi humiliés - promis à une vie où ils seront traités comme des mauvais payeurs, des réprouvés.

Est-ce vraiment surprenant qu’ils aient envie de s’expliquer avec les magnats financiers qui leur ont volé leur avenir ?

Tout comme en Europe, nous observons ici le résultat d’un colossal échec social. Ces occupants sont exactement le genre de gens débordant d’idées, dont l’énergie devrait être favorisée par une société en bonne santé, afin d’améliorer la vie de chacun. Au lieu de quoi, ils la consacrent à imaginer le moyen de mettre à bas l’ensemble du système.

Mais l’échec définitif ici, est celui de l’imagination. Ce à quoi nous assistons peut également être considéré comme la revendication d’ouvrir enfin le débat que nous étions tous censés mener après 2008. Après le quasi-effondrement du système financier mondial, il y eut un moment où tout semblait possible.

Tout ce que l’on nous avait dit durant la dernière décennie s’était avéré être un mensonge. Les marchés ne se régulent pas eux-mêmes ; les créateurs d’instruments financiers ne sont pas des génies infaillibles, et les dettes n’ont pas vraiment besoin d’être remboursées. En fait, l’argent lui-même s’est révélé être un instrument politique : des milliers de milliards de dollars pouvant être créé ou disparaître du jour au lendemain si les gouvernements ou les banques centrales le jugeaient nécessaire. Même le magazine The Economist titrait : « Capitalisme : était-ce une bonne idée ? »

Il semblait que le temps était venu de tout repenser : la nature même des marchés, l’argent, la dette ; de se demander à quoi sert réellement une « économie ». Cela a duré peut-être deux semaines. Puis, manifestant l’un des plus énormes manque de courage de l’histoire, on s’est bouché les oreilles et on a tenté de ramener les choses au plus près possible de leur état antérieur.

Ce n’est peut-être pas surprenant. Il devient de plus en plus évident que la véritable priorité de ceux qui ont gouverné le monde durant ces dernières décennies n’a pas été la création d’une forme viable de capitalisme, mais plutôt de nous convaincre que la forme actuelle du capitalisme est le seul système économique envisageable, que ses défaut sont sans importance. Et nous voilà tous stupéfait lorsque l’ensemble du système tombe en morceaux.

Aujourd’hui, nous savons que la crise économique des années 1970 n’a jamais entièrement disparu. Elle a été escamotée par le crédit bon marché et un pillage massif à l’étranger - ce dernier, au nom de la « crise dette du tiers monde ». Mais les pays du Sud ont riposté. Le « mouvement altermondialiste », a finalement été couronné de succès : le FMI a été chassé de l’Asie et de Amérique latine, tout comme il est désormais chassé du Moyen-Orient. A la suite de quoi, la crise de la dette est revenue à domicile, en Europe et en Amérique du Nord, porteuse de méthodes identiques : déclarer l’état la crise financière, nommer des technocrates prétendument neutres pour la gérer, et se livrer ensuite à une orgie de pillage au nom de « l’austérité ».

La forme de résistance qui a émergé ressemble étonnamment à l’ancien mouvement altermondialiste : on observe un rejet de la politique des partis traditionnels, la même aspiration à une diversité radicale, la même importance accordée à l’invention de nouvelles formes de démocratie venue d’en bas. Le principal changement, c’est la cible : alors qu’en 2000, ce mouvement visait la puissance sans précédent des nouvelles bureaucraties planétaires (OMC, FMI, Banque mondiale, l’ALENA), des institutions sans mandat démocratique qui n’existent que pour servir les intérêts du capital transnational, c’est aujourd’hui l’ensemble de la classe politique de pays comme la Grèce, l’Espagne et, désormais, les Etats-Unis - qui sont contestées exactement pour les mêmes raisons. C’est pourquoi les manifestants hésitent souvent à formuler des revendications, car cela pourrait impliquer la reconnaissance de la légitimité des politiques auxquels ils s’opposent.

Lorsque cette histoire sera finalement écrite, il est probable que cette vague de protestations - à commencer par le printemps arabe - sera vue comme la première salve des soubresauts de la dissolution de l’empire américain. Après trente années de propagande implacable, au détriment de la substance, et d’élimination de tout ce qui pourrait ressembler à une base politique pour l’opposition, on pourrait juger les perspectives pour ces jeunes manifestants plutôt sombres. Il est d’autre part assuré que les riches sont déterminés à se saisir d’une part aussi grande que possible de ce qui reste du butin et de jeter aux chiens toute une génération de jeunes gens afin d’y parvenir. Mais l’histoire n’est pas de leur côté.

Nous serions avisés de nous souvenir de l’effondrement des empires coloniaux européens. Cet évènement n’a absolument pas conduit à ce que les riches réussissent à s’attribuer la part du lion, mais au contraire à la création de l’État-providence moderne. Nous ne pouvons présager de ce qui va sortir du cycle actuel. Mais si les occupants de Wall Street réussissent finalement à briser cet étau vieux de 30 ans qui enserre l’imagination humaine, comme ce fût le cas dans les premières semaines après Septembre 2008, tout sera de nouveau sur la table - et les protestataires de Wall Street et des grandes villes américains nous auront fait le plus grand cadeau que quiconque puisse offrir.

David Graeber est anthropologue. Il enseigne aujourd’hui au Goldsmiths College, à l’université de Londres, après avoir été professeur associé d’anthropologie à l’université de Yale.

 

Source : ContreInfo :: Occuper Wall Street, ré-imaginer le monde, par David Graeber - Guardian          

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7 décembre 2011 3 07 /12 /décembre /2011 20:42

 

 

Lettre ouverte du MCPL à Madame Cormier, responsable d’équipe à l’agence Pôle emploi de Rennes Poterie

Publié, le mardi 6 décembre 2011 


Rennes, le 05 décembre 2011

Hodie mihi, cras tibi.

Madame Cormier,

Le 14 novembre 2011, à 13 h 15, un entretien collectif était organisé dans votre agence Pôle emploi de Rennes Poterie. Cet entretien obligatoire, à destination des enseignants chômeurs, visait d’une part à leur rappeler que le pays n’avait plus besoin de leurs services (l’Éducation Nationale étant devenue le champ de ruines que l’on sait), et d’autre part à les orienter poliment vers des dispositifs de reclassement grotesques nommés cible-emploi ou trajectoire-emploi, dont le suivi est assuré par des sous-traitants privés, afin qu’ils puissent ambitionner au plus vite les dernières sous-offres des secteurs dits en tension (restauration, bâtiment, services), et goûter aux joies de la flexibilité, des cadences infernales et des salaires de quatre sous.

Ayant eu vent de l’existence de cette mascarade, c’est tout naturellement que le MCPL (Mouvement des Chômeurs et Précaires en Lutte) a tenu à s’y présenter, afin de voir à quelle sauce les personnes convoquées allaient être mangées ce jour-là, et afin de leur faire connaître l’existence, à Rennes, d’un collectif de soutien et d’organisation des chômeurs.

Malheureusement, Madame Cormier, le 14 novembre 2011 à 13 h 15, abusant de votre physionomie, vous vous êtes interposée physiquement pour nous empêcher de pénétrer dans votre salle de réunion et de nous mêler aux autres participants. Un des chômeurs présents ayant manifesté son incompréhension et sa colère, parce qu’il souhaitait justement que nous y fassions entendre notre voix, vous avez débarqué en furie dans la pièce, jouant les flics pour identifier celui qui avait eu l’outrecuidance de réclamer notre présence, avant de lui dire comme une vieille maîtresse : « Soit vous restez-là et vous vous taisez, soit vous m’accompagnez dans mon bureau ! »

Ce ne sont pas nos mots, Rita, ce sont les vôtres !

Pensez-vous vraiment, Madame Cormier, qu’un chômeur c’est seulement quelqu’un qui doit fermer sa gueule ? N’est-ce pas vous qui auriez été mieux inspirée de vous taire, ce jour-là, plutôt que de nous ressortir les uns après les autres tous vos clichés méprisants sur les cancres du marché du travail — les mêmes qui circulent aujourd’hui dans les hautes sphères de la direction nationale de Pôle emploi et du ministère de l’Effort National ?

Non mais écoutez-vous !

Alors comme ça, si vos foutus entretiens collectifs sont obligatoires, et sous peine de radiation — nous répétons : SOUS PEINE DE RADIATION —, ce serait parce qu’une majorité d’usagers n’aurait pas, selon vos propres termes, les « capacités intellectuelles » d’en évaluer tous les bienfaits ? Comme s’il n’était pas de notoriété publique que vos petites animations et vos dispositifs à deux balles n’étaient rien d’autre qu’une mise en scène grossière et ridicule pour persuader l’opinion publique que vous vous préoccupez réellement de notre sort, et du problème du chômage !

Quant aux autres, aux chômeurs récalcitrants, aux « philosophes » comme vous dites, aux rebelles, vous voudriez les envoyer faire un petit tour en « maçonnerie », hein ! parce que ça leur « ferait le plus grand bien » ? Est-ce vraiment l’idée que vous vous faîtes de la maçonnerie, Madame Cormier : un châtiment corporel et un instrument de rééducation politique ? Ou est-ce le sort que vous voudriez réservez à tous ceux qui ne goûtent pas vos entretiens collectifs, auxquels on les prie de participer en leur mettant le couteau sous la gorge : les travaux forcés ? On n’ose imaginer, à vous entendre, ce que vous devez penser des camps de travail obligatoire que le gouvernement nationaliste hongrois veut imposer aujourd’hui aux allocataires des presta-tions sociales (en grande partie Roms), sous la surveillance de policiers à la retraite ? On n’ose imaginer encore ce que vous devez penser des heures de travaux d’intérêt général que le gouvernement français veut imposer prochainement aux bénéficiaires du RSA, pour les punir de profiter honteusement du système ?

Mais c’est quand nous avons fini par évoquer le droit à l’accompagnement, qui est aussi pour nous une forme concrète et élémentaire de solidarité entre les chômeurs, que vous nous avez sorti le grand jeu. Ça vous aurait fait tellement mal au cul d’avoir à vous plier devant la loi, et de céder à notre requête, que vous avez simplement feint d’en ignorer l’existence — au point de contredire sous nos yeux l’une de vos subordonnées ! Et parce que nous refusions de lâcher le morceau, vous avez poussé la mauvaise foi jusqu’à nous demander textuellement (quel sang-froid !) : « Et bien montrez-le moi, ce document qui prouve que vous avez le droit d’accompagner cette personne ! » Belle preuve de zèle à l’égard de la maison : à quand une promotion à la direction régionale, Rita ? à quand la Légion d’honneur ? En vérité, Madame Cormier, vous auriez été bien avisée de relire l’article 24 de la loi 2000-321 du 12 avril relative au droit des citoyens dans leurs relations avec les administrations, qui stipule noir sur blanc que tout chômeur, dans ses rapports avec Pôle emploi, peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix.

Vous nous direz que ce sont seulement trois mots en l’air de votre part ; mais ces trois mots révèlent bien l’image dégradée et dégradante que vous vous faites aujourd’hui des chômeurs et des laissés-pour-compte de la guerre économique, vous et tous les cadres de Pôle emploi ; ainsi que votre obstination à prendre les causes de la crise pour des remèdes miracles. Si ça va si mal pour les chômeurs, Rita, est-ce que c’est vraiment « la faute aux 35 heures », comme vous nous l’avez confié, donc au partage du temps de travail, ou est-ce que c’est à cause de cette idéologie rétrograde et arriérée des heures supplémentaires, de la baisse des salaires et du productivisme effréné, qui dégouline de vos bouches comme de celles de Laurent Wauquiez, de Laurence Parisot et des néo-esclavagistes du CAC40 ?

Surtout, Madame Cormier, n’avez-vous pas conscience, en nous parlant de la sorte, c’est-à-dire en nous prenant quand même un peu pour des cons, que vous aggravez de manière préoccupante la fracture qui sépare les usagers et les conseillers de Pôle emploi, et que vous exposez par là même ces derniers à la colère — bien légitime — de tous les chômeurs humiliés. C’est qu’il y a ceux qui cassent les pots, Rita ; et il y a ceux qui les payent...

De toute façon, Madame Cormier, le chômage c’est aussi ce qui vous pend au nez, à vouloir confier comme ça tous vos usagers à des organismes privés, qui se font des couilles en or sur leur dos et celui du contribuable. Et elles se frotteront bien les mains, ces boîtes de gestion de la misère, quand les salariés de Pôle emploi auront tous été mis au rancart pour restrictions budgétaires, comme les enseignants que vous infantilisez en leur imposant vos fichus entretiens collectifs. Vous vous retrouverez plus vite que prévu à nos côtés, Rita, pour partager une réjouissante séance de coaching organisée par l’un ou l’autre de vos partenaires privés — sur le banc des « déficients intellectuels » et des « analphabètes », comme vous dites.

Quoi qu’il en soit, ceux qui tiennent de tels propos sont nuisibles pour les chômeurs et les précaires, mais aussi pour toute la collectivité, et ils n’ont assurément rien à faire dans un service public de l’emploi ! Pardonnez-nous de vous rappelez cette évidence, Madame Cormier, mais Pôle emploi appartient surtout et d’abord à ses usagers ! Dans ces conditions, nous pourrions demander votre renvoi immédiat, et applaudir en voyant votre nom s’ajouter à la longue liste des demandeurs d’emploi, juste à côté des nôtres. Mais contrairement aux petits chefs et aux irresponsables de votre espèce, nous ne résoudrons jamais à radier qui que ce soit ; même une mauvaise comédienne comme vous, Madame Cormier. Nous nous contenterons donc d’exiger, auprès de qui de droit, que l’on vous trouve un autre poste, dans une autre agence ; un poste où vous ne serez plus en rapport ni avec des conseillers, ni avec des chômeurs — ce dont nous croyons que tout le monde trouvera à se féliciter.

Veuillez agréer, Madame Cormier, nos plus sincères salutations.

Le MCPL (Mouvement des Chômeurs et Précaires en Lutte)
mcpl2008@gmail.com
mcpl.revolublog.com
Réunion tous les mardis à 18h, 22 rue de Bellevue, Bus 3 – arrêt Jeanne d’Arc, RENNES

Nota Bene — Une copie de cette lettre a été adressée à tous les décideurs, élus, journalistes, médias, collectifs, susceptibles de se sentir concernés, à un moment ou un autre, par la question du chômage et de la précarité.

PDF - 84 ko
Lettre ouverte du MCPL à Madame Cormier, responsable d’équipe à l’agence Pôle emploi de Rennes Poterie

Il n’est de pire chômeur que celui qui se fait entendre - Mcpl

EMT, EMPTR, AFPR, etc., travail gratuit, travail forcé, appel à témoignages - MCPL

 

Source : CIP-IDF > Lettre ouverte du MCPL à Madame Cormier, responsable d’équipe à l’agence Pôle emploi de Rennes Poterie

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