Au coeur du Sahel nigérien, loin de tout «goudron», des milliers de Peuls nomades Wodaabe se réunissent chaque année pour un vaste rassemblement cérémoniel : la Geerewol. Sept jours et sept nuits durant, suivant le cycle du soleil, deux lignées adverses se confrontent à tour de rôle dans la danse, avec pour seul accompagnement la litanie envoûtante de leurs chœurs polyphoniques?
Qui sait en effet que la geerewol est une véritable guerre rituelle, qui oppose alternativement, sept jours durant, deux lignages adverses dans le chant et la danse ?
Mais que l’enjeu profond de telles cérémonies est en fin de compte de se séparer pacifiquement, après s’être mutuellement délivré une reconnaissance de conformité culturelle ?
Ritualiser le conflit pour mieux préserver la paix et l’unité en leur propre sein…
C’est la stratégie que ces nomades ont inventée. Car la guerre, la vraie, celle qui se livre par les armes pour la conquête du pouvoir ou d’un territoire, leur histoire n’en porte pas trace
Que sait-on finalement des Peuls Wodaabe ?
De cette pensée religieuse antérieure à l’islam dont leurs danses cérémonielles sont peut-être l’un des derniers témoignages ?
De leur sens spectaculaire du discours rituel, et plus généralement, de cet art de la parole et de la diplomatie qu’ils valorisent par-dessus tout ?
De la dimension absolument grandiose de leurs chœurs polyphoniques, dont seule une véritable cérémonie mobilisant des centaines de danseurs saurait rendre compte ?
Que sait-on enfin du rôle de ces vastes rassemblements annuels dans la lutte quasidésespérée de ces gens pour préserver leur identité de pasteurs nomades ?
…Outre cette sempiternelle image d’un peuple qui voue un culte à la beauté masculine ?
Un désir partagé de transmission
Dans cette société de tradition orale, politiquement non centralisée, il n’existe pas de spécialistes détenteur d’un savoir sur la tradition.
Normalement, le savoir rituel doit se mériter : un père ne le transmet à ses fils que dans la mesure où ceux-ci manifestent clairement le désir d’apprendre
Au-delà de son caractère “esthético-scientifique”, l’intention profonde qui motive ce film est donc de proposer une immersion en profondeur dans le monde des Wodaabe afin de montrer la façon dont un peuple menacé et spatialement dispersé parvient à traverser le temps : malgré les défis posés par un environnement tout particulièrement hostile, malgré
aussi leur extrême pauvreté, les Wodaabe savent que leur survie réside avant tout dans
leur capacité à se mobiliser collectivement, au-delà même des intérêts de l'individu et de
sa lignée, pour la transmission de leurs rites et leur culture, de leurs croyances et leurs
valeurs.
Wodaabe, le plus beau des combats :
Un documentaire de 52 minutes de Sandrine Loncke
Note de réalisation
Le film est la reconstitution progressive d’une dramaturgie rituelle centrée sur la quête collective d’une unité sociale et culturelle.
Il débute dans l’univers déshérité du campement d’Ouba, puis suivant le fil de sa pensée, nous fait peu à peu basculer dans le monde symbolique de la vie cérémonielle, pour s’achever de façon paroxystique sur la dernière danse de l’aube, celle qui consacre par une dernière élection le « plus beau » des danseurs. À l’issue de son récit, Ouba décide finalement de transmettre à son fils les chants identitaires qui lui permettront de « ne pas oublier qui il est ». Par la voix d’Ouba et desacteurs cérémoniels (danseurs, jeunes femmes, responsables des jeunes, anciens), lespectateur comprend progressivement que le théâtre rituel qui se joue sous ses yeux est le lieu par excellence où se perpétue l’identité de tout un peuple.
À l’issue du film, il aura ressenti l’énergie insensée de ces gens, pourtant si démunis, à forger ensemble une esthétique collective qui fonde l’unité culturelle du groupe, pour mieux garantir sa survie.
La dernière Geerewol de l’aube.
Le spectateur devra cependant attendre la dernière danse geerewol de l’aube pour en comprendre toute la signification voilée. Car ce n’est que lorsque le visage des danseurs s’embrase face au soleil naissant que se fait toute la “lumière” : comme nous le confiera Ouba, « la geerewol, c’est la prière des Wodaabe. Si nous renonçons à cela, alors, ce sera fini pour nous »
Soure : TERRE ET ARC EN CIEL: Wodaabe : Peuls nomades du Niger ( la Geerewol)
http://www.gitpa.org/Peuple%20GITPA%20500/GITPA%20500-5_plusFILMOloncke.pdf