2 mars 2012 5 02 /03 /mars /2012 21:55

 

Encore un article "rétro" qui permet une mise en perspective de ce qu'ont initié les Bush père et fils et montre la continuité de ce programme que constitue la présidence d'Obama.Et oui, je persévère dans mon rôle de vilaine conspirationniste qui m'amuse de plus en plus en fait depuis que je suis confrontée à la stupidité de l'anticonspirationnisme primaire...  le voici donc de droite puisque je dénonce la poursuite d'un seul et même programme quelles que soit les alternances du pouvoir... et pré-néo-nazie, puisque je me sens mieux dans les bois que dans les villes... je rigole et j'assume et verse une petite larme à lidée de ce qu'est devenue la gauche....

Et je reviens sur une hypothèse que jai formulée il y a quelques années et que cet article semble confirmer... la volonté d'instaurer un Nouvel Ordre Mondial, que cet ordre soit une dictature technocratique de la forme "gouvernance économique" ne fait aucun doute... mais ce programme a pris du retard parce qu'il a rencontré des résistances imprévues. La question que je pose : quels sont ces résistances et comment les renforcer ?

 

Daniel Ellsberg : l’homme le plus dangereux des Etats-Unis revient...

"Un coup d’état a eu lieu !"
Daniel Ellsberg, c’est l’homme qui en rendant public des documents secrets du pentagone déclencha le scandale des Papiers du Pentagone (Pentagon Papers) en 1971, une affaire d’Etat qui contribua à condamner la guerre du Vietnam aux yeux de l’opinion publique américaine.
35 ans plus tard, Daniel Ellsberg s’inquiète des dérives autoritaires de l’exécutif, et appelle ses concitoyens à faire barrage à la coterie qui s’est saisi des leviers de l’Etat et s’apprête à nouveau à entraîner le pays dans une guerre catastrophique contre l’Iran.

L’affaire d’Etat que constitua le Pentagon Papers à une époque où les médias américains ne craignaient pas d’affronter une administration "en guerre", participa de la fin de la guerre du Vietnam.

Les documents "secrets" jetés en place publique étaient accablants pour le Pentagone, mettant en lumière le systématisme des mensonges dans la communication de l’administration Nixon sur la question vietnamienne... Le New-York Times publia les "papiers du Pentagone" durant une quinzaine de jours, rendant fou Kissinger qui déclara Daniel Ellsberg "L’homme le plus dangereux des Etats-Unis"... L’affaire s’acheva devant la Cour suprême, mais les dégâts furent considérables en termes d’opinion publique et de méfiance des médias : l’administration Nixon ne s’en remit jamais vraiment.

Les années suivantes virent la fin du désastre vietnamien et l’affaire du Watergate, qui conduisit Nixon à quitter le pouvoir en 1974... Il est à noter que l’autre figure du Pentagon Paper, le sénateur Mike Gravel, est aujourd’hui à 77 ans le 8e candidat démocrate dans la course à l’élection présidentielle de 2008. Si ses chances d’obtenir l’investiture restent symboliques, il n’en étrille pas moins Hillary sur la question iranienne dans les débats des primaires du Parti démocrate...

Daniel Ellsberg

"Un coup d’Etat a eu lieu."
A Coup Has Occurred
(20 septembre 2007)
Publication originale Consortium News, traduction Contre Info

"Je pense qu’il n’y a pas de priorité plus urgente que de prévenir une attaque contre l’Iran qui s’accompagnerait, je le crois, d’un nouveau changement dans l’exercice du pouvoir aux Etats-Unis ayant pour effet de nous conduire vers ce que j’appellerai un état policier.

S’il se produit un nouveau 11-Septembre sous ce gouvernement, cela signifiera qu’ils utiliseront à plein l’appareil policier qui a été patiemment construit, largement en secret tout d’abord, mais finalement révélé, connu et accepté par les élus démocrates du Congrès et par les Républicains.

Restera t-il un domaine où la surveillance de la NSA sur les citoyens pourrait encore s’accroître ? Ils peuvent ou pas avoir atteint les limites de leurs capacités technologiques aujourd’hui. Mais si ce n’est pas le cas, cela le deviendra après un nouveau 11-Septembre.

Je crois qu’après des représailles iraniennes en réponse à une attaque américaine, nous assisterions à une escalade des attaques contre l’Iran, qui serait également accompagnée par une suppression totale de l’opposition dans ce pays, y compris avec des camps de détention.

Il m’est assez difficile de dissocier ces deux circonstances. Elles pourraient advenir ensemble : soit un autre 11-Septembre ou une attaque contre l’Iran dont les réactions contre Israël, nos navires, nos troupes en Irak, et peut-être dans ce pays, justifieraient l’entière panoplie de mesures qui ont été préparées, légitimées, et jusqu’à un certain point promulguées sous la forme de lois.

Nous avons affaire au gouvernement à une équipe malfaisante très particulière, même du point de vue des Républicains. Mais je crois que les successeurs de ce gouvernement ne reviendront sans doute pas sur les entorses à la constitution. Ils en tireront avantage, les exploiteront.

Hillary Clinton décidera-t-elle de mettre fin aux agissements de la NSA après 5 ans de surveillance illégale ? Privera-t-elle le gouvernement de sa capacité de protéger les citoyens américains d’un éventuel terrorisme en se privant de tout ce que la NSA peut fournir comme informations ? Je ne le crois pas.

A moins que grâce à un changement - radical - dans le climat politique, ces mesures soient annulées avant que le nouveau gouvernement ne soit en place - et il n’existe aucun indice en ce sens - je ne vois pas cela se produire sous le prochain gouvernement, qu’il soit républicain ou démocrate.

Le prochain coup d’Etat

Permettez-moi d’être direct et de ne pas faire de phrases. Un coup d’Etat à eu lieu. Je me suis réveillé l’autre matin en me rendant compte qu’un coup d’état avait eu lieu. Il n’est pas seulement question d’un prochain coup d’Etat qui pourrait avoir lieu après un nouveau 11-Septembre. Car il s’agirait là du prochain, venant compléter le premier.

Durant les cinq dernières années, nous avons assisté à un assaut soutenu sur tous les fondements de notre constitution, que le reste du monde regardait comme une expérience modèle depuis 200 ans, grâce à ses procédures de contrôle, au rôle limité du gouvernement, à son Acte des droits fondamentaux, à la protection des droits de l’individu par le Congrès, sa justice indépendante, la possibilité de révoquer un président.

Par le passé, ces principes ont été violés par de nombreux présidents. La plupart des actes commis par Bush dans le domaine des surveillances illégales et autres avaient été accomplis sous la présidence de mon patron, Lyndon Johnson durant la guerre du Vietnam, comme l’emploi de la CIA, du FBI, de la NSA contre des citoyens américains.

Je pourrais citer une liste d’exemples remontant à la suspension par Lincoln de l’ Habeas Corpus durant la guerre civile, et encore avant, à la Loi sur les Etrangers et les Actes de Séditions au XVIIIe siècle. Mais je crois qu’aucun de ces présidents n’était du genre de ce qui décrit selon moi ce gouvernement : un ennemi intérieur de la constitution.

Je pense qu’aucun de ces présidents, malgré toutes ces violations de la loi qui auraient provoqué leur empêchement si elles avaient été connues - mais elles n’ont été révélées qu’après leurs mandats - ne représentait un défi comparable à celui d’aujourd’hui.

C’était le cas en ce qui concerne le premier mandat de Nixon, et certainement de Johnson, de Kennedy et d’autres. Ils méritaient d’être destitués, même s’ils n’ont pas été découverts à temps, mais je pense qu’il n’était pas dans leurs intentions, lors des crises qui ont motivé leurs actes, de transformer la nature de notre gouvernement.

Il devient de plus en plus clair, après chaque nouvel ouvrage publié, chaque indiscrétion, que Richard Cheney et son actuel chef de cabinet David Addington ont eu précisément ce projet à l’esprit dès le début des années 1970, et non pas depuis 1992, non pas depuis 2001. Il ont cru à la prééminence du pouvoir exécutif, sous un président - élu ou pas - bénéficiant de pouvoirs sans contrainte. Ils ne croient pas à la contrainte.

En déclarant ceci, je ne prétends pas qu’il s’agisse de traîtres. Je ne crois pas qu’ils aient en tête une quelconque allégeance à un pouvoir étranger, ou qu’ils aient le désir d’aider un pouvoir étranger. Je pense qu’ils ont en eux un attachement à ce pays, et à ce qu’ils imaginent de meilleur pour celui-ci. Mais ce qu’ils imaginent comme le meilleur est directement en contradiction avec la pensée des Pères Fondateurs et de la constitution.

Ils croient que nous avons désormais besoin d’un autre genre de gouvernement, sous la forme d’un pouvoir exécutif, gouvernant par décret, ce qui est le cas lorsque le président signe des ordonnances. Nous en parlons comme de veto, ce qui est une façon de les reconnaître comme anti-constitutionnelles, mais d’un autre côté nous nous contentons de dire que le président déclare qu’il « décide des lois à promulguer, qu’il légifère. » (...)


Les Fondateurs avaient raison

Je qualifie ces événements de crise, non seulement parce qu’il s’agit là d’une rupture dans les traditions, mais parce que je crois au plus profond de moi, et grâce à mon expérience que les Pères Fondateurs avaient raison sur ce point.

Il ne s’agit pas seulement de « notre façon d’agir » qui serait en cause. Les fondateurs de la République avaient une compréhension aiguë de la force corruptrice du pouvoir pour quiconque, y compris les Américains. Ils voulaient des procédures et des institutions qui puissent instaurer un contrôle du pouvoir, car en leur absence, l’alternative c’est ce que nous avons vécu ; des guerres comme le Vietnam, des guerres comme l’Irak, des guerres comme celle qui vient.

Ceci m’amène à mon second argument. Ce pouvoir exécutif, dirigé par Bush et Cheney, malgré l’opposition de la plupart des membres du gouvernement, même ceux des ministères, veut clairement une guerre contre l’Iran, qui se justifie selon les critères habituels de l’impérialisme. Critères acceptés non seulement par quasiment l’ensemble des membres de l’exécutif, mais aussi par la plupart des dirigeants du Congrès. Critères qui sont les intérêts de l’empire, la nécessité de préserver l’hégémonie américaine, notre droit et notre besoin de contrôler les ressources pétrolières du Moyen-Orient et ailleurs. Il y a là un consensus dans les cercles dirigeants.

Mais même selon ces critères, une attaque de l’Iran est une folie. Je dis cela tranquillement. Il ne s’agit pas de rhétorique. Bien sûr, c’est non seulement une agression, une violation des lois internationales, un crime majeur, mais c’est aussi, en termes de pouvoir impérial, une folie à cause de ses conséquences.

Cela rend-il cette attaque impossible ? Non, évidemment. Plus encore, cela ne la rend même pas invraisemblable.

Deux raisons concourent à cela en dehors d’une acceptation pour diverses raisons par le Congrès - Démocrates et Républicains confondus - par l’opinion, par les médias.

Tout d’abord nous avons libéré la Maison-Blanche - président et vice-président - de potentiellement toute limitation posée par le Congrès, la justice, les médias et autres.

Ensuite, les hommes à la tête du gouvernement qui jouissent de ces pouvoirs sans limites sont des fous. Pas complètement certes, mais ils n’en reste pas moins qu’ils ont des croyances folles.

La question devient alors, que pouvons-nous faire ? Nous nous dirigeons vers une folle entreprise, pas à coup sûr, mais sans doute. Je voudrais être réaliste en la circonstance, et nous encourager à faire ce que nous devons, ce qui doit être fait. En ayant pleine connaissance des faits. Rien n’est impossible.

Ce dont je parle, cette dérive vers un Etat policier, vers une attaque contre l’Iran, n’est pas acquis. Rien n’est encore certain aujourd’hui. Mais je pense que c’est probable, plus vraisemblable qu’invraisemblable, que dans les 15 ou 16 mois qui restent à ce gouvernement, nous assisterons à une attaque de l’Iran. Probablement. Et quoi que nous fassions.

Et nous ne parviendrons sans doute pas à influencer le Congrès. Et le Congrès n’empêchera sans doute pas le président de le faire. Voilà vers quoi nous nous dirigeons, et c’est une perspective dangereuse, très dangereuse.

Quoi qu’il en soit, je pense qu’il nous appartient d’accroître les faibles chances de prévenir ceci durant les 15 prochains mois, sans parler de ce que nous aurons à faire pour le restant de nos jours.

 

Restaurer la République

Réinstaurer un gouvernement constitutionnel et l’améliorer prendra du temps. Je pense que si nous n’entreprenons pas ce travail aujourd’hui, il ne débutera pas sous le prochain gouvernement.

Sortir d’Irak prendra beaucoup de temps. Mais prévenir une action contre l’Iran, prévenir un nouveau coup d’Etat après un 11-Septembre, une autre attaque, ce sont les tâches pour aujourd’hui qui ne peuvent être différées. Cela nécessitera un courage moral et politique que nous n’avons que peu vu se manifester jusqu’à présent.

Il y a dans cet auditoire une concentration très inhabituelle de gens qui ont changé de vie, changé de situation, perdu la plupart de leurs amis, et ont pris le risque de se voir désigner par le terrible nom de « traître », de « faibles devant le terrorisme », le genre de qualificatifs que les politiciens veulent éviter à tous prix.

Comment ferons-nous pour qu’encore plus de gens au gouvernement et dans la société changent leurs vies de façon radicale dans un contexte de crise ? Comment convaincrons-nous Nancy Pelosi et Harry Reid, par exemple ? Quel genre de pressions, quel genre d’influences devront être mises en œuvre pour amener le Congrès à faire son travail ? Il ne s’agit pas d’ailleurs seulement de les faire travailler. Il s’agit de leur faire respecter le serment qu’ils ont prêté en prenant leur fonction.

J’ai prêté serment de nombreuses fois. Comme lieutenant des Marines, comme fonctionnaire du département de la Défense, comme fonctionnaire du département d’Etat et comme fonctionnaire des Affaires étrangères. J’ai prêté le même serment que celui qui est prononcé par tous les membres du Congrès, tous les fonctionnaires des Etats-Unis, et tous les officiers de l’armée américaine.

Et ce serment n’est pas effectué envers un commandant en chef, un führer. Pas plus qu’à des officiers supérieurs. Ce serment engage à protéger et défendre la constitution des Etats-Unis.

Ce serment je l’ai violé chaque jour durant des années au département de la Défense, sans m’en rendre compte, lorsque je me taisais, lorsque je savais que l’on mentait à l’opinion publique au sujet de la guerre, comme on lui a menti pour l’Irak, et comme on lui ment pour la guerre contre l’Iran.

Je savais que j’avais les preuves de ces mensonges, et je ne les ai pas produites. Je ne respectais pas alors mon serment - ce que j’ai fait plus tard.

J’ai souvent dit que le lieutenant Ehren Watada, qui est aujourd’hui poursuivi pour avoir refusé les ordres de déploiement en Irak qu’il jugeait à raison inconstitutionnel et relevant d’une guerre d’agression, est le seul officier de l’armée des Etats-Unis qui a pris au sérieux son serment.

Le président viole clairement ce serment. Tous ceux qui sont sous ses ordres et qui comprennent de quoi il s’agit - ils sont très nombreux - violent leurs serments. Voilà les exigences que nous devrions poser.
 

Courage parlementaire

Sur le plan politique, en ce qui concerne les Démocrates, je crois que nous devrions demander aux dirigeants à la Chambre et au Sénat - et également aux Républicains - que leur unique priorité ne soit plus d’être réélus ou de conserver une majorité démocrate pour que Pélosi soit maintenue en fonction au Parlement et Reid au Sénat.

Je ne prétends pas que les politiques pourraient ignorer cette question, ou qu’ils devraient changer entièrement de comportement ou ne plus s’en préoccuper.

Bien sûr, il y a là pour eux une préoccupation majeure, mais ils agissent comme si c’était là leur seul souci. Celui de la poursuite des affaires courantes. « Nous avons une majorité, ne la perdons pas, conservons-la, conservons nos présidences aux deux chambres. » Mais qu’ont fait pour nous ces deux présidences dans les deux dernières années ?

Je suis choqué de lire aujourd’hui que les Républicains menacent de faire de l’obstruction si nous restaurons l’Habeas Corpus. La remise en cause de l’Habeas Corpus avec l’aide des Démocrates ne nous a pas ramené à l’époque de la domination anglaise sur la colonie américaine. C’est une contre-révolution qui nous a ramené 700 ans en arrière.

Je crois que nous devons trouver le moyen de leur faire respecter leur serment de préserver la constitution, qui mérite d’être défendue, car c’est à travers le pouvoir que cette constitution donne au Congrès que nous pouvons protéger le monde des fous qui sont au pouvoir à la Maison-Blanche et qui ont l’intention d’attaquer l’Iran.

Les généraux qui ont compris que ce serait une catastrophe ne se sont pas non plus pas manifestés. Il peut s’agir de gens qui ont par le passé risqué leur vie au Vietnam ou ailleurs, comme Collin Powell, et ne risqueraient pas leurs carrières ou leur accointances avec la présidence.

Tout ceci doit changer. Et c’est l’exemple de gens comme ceux qui sont rassemblés ici, qui d’une certaine façon rappellent à nos élus qu’ils ont, en tant qu’humain et en tant que citoyen, le pouvoir d’agir et de trouver en eux-mêmes le courage de protéger ce pays et le monde.

Merci."

-----------------------------------

L’affaire du "Pentagon Papers" en français / english


La série TV "Pentagon Papers" (2003) a retracé l’affaire des "Papiers du Pentagone". L’acteur James Spader y prêtait ses traits à Daniel Ellsberg.

 

Source : Daniel Ellsberg : l'homme le plus dangereux des Etats-Unis revient... - AgoraVox le média citoyen

Partager cet article
Repost0
29 février 2012 3 29 /02 /février /2012 11:24

 

 

 

**LE QATAR *L'OR DU MAL*


Unique pays wahhabite hors l’Arabie saoudite, l’émirat qatari est une péninsule de 11 437 Km2 soit un peu plus que la Corse, indépendant depuis 1971, peuplé d’un million et demi d’habitants dont seuls 200 000 sont des qataris de souche ! Pétrole et gaz naturel y abondant (3e producteur mondial), le revenu par tête de pipe y est l’un des plus élevés au monde, nul ne payant d’impôts, tous disposent de transports et d’un système de santé gratuits… aucun Qatari - parce que riche avant de naître - ne se voit donc contraint de travailler pour gagner son pain à la sueur de son front, la main d’œuvre servile s’en charge.

Une pétro-monarchie absolue [dirigée depuis 1995 par l’émir (commandeur) Hamad bin Khalifa al-Thani, lequel a déposé son père en profitant de son séjour en Suisse, ce dernier ayant au préalable évincé son cousin en fév. 1972] sans parti politique et moins encore sans l’esquisse d’une once de symbole démocratique, les révolutions arabes n’ont apparemment en rien affecté le pouvoir… même s’il existe de tout évidence des contre-pouvoirs actifs dans la péninsule comme semble l’indiquer un coup d’État avorté en juillet 2009. Un pays où les quatre cinquième de la population n’étant pas des nationaux, les minorités iranienne, chiite, pakistanaise, arabe pourraient quelque jour avoir la velléité de réclamer les droits élémentaires dont elles se voient privées aujourd’hui.

Al-Jazira - La Péninsule.

Fort d’une réserve de 700 mds de $ en fonds souverain, l’émirat à eu l’astuce géniale de se doter en 1996 d’un prodigieux outil d’influence international avec la CNN du Monde arabe, al-Jazira la bien nommée puisque son nom signifie l’île… chaîne de télévision d’information en continu - anglo et arabophone - al-Jezira est sans contestation possible le canal satellite le plus influent du monde musulman. Il n’en demeure pas moins qu’al-Jazira couvre tous les pays sauf un… le Qatar !

Mais le temps est désormais révolu où les Yanks faisaient bombarder et assassiner ses journalistes 2, depuis tout est rentré dans l’ordre du Meilleur des Mondes Globaux, et comme WikiLeaks nous le confirme, al-Jezira s’est opportunément placé sous la bannière étoilée et gratifiante de la diplomatie armée nord-américaine… ce qui ne l’empêche nullement de relayer les communiqués d’Al-Qaïda, assurant par ce biais à la nébuleuse terroriste un canal de communication hors pair. L’Émir à ce propos, en janvier 2010, admettait benoîtement devant le Conseil de coopération du Golfe, que l’outil politique al-Jezira lui était utile à se ménager les bonne grâces de l’organisation takfiriste ! Mais al-Qaïda et la CIA, n’est-ce pas du pareil au même 3 ?

Quand le « Printemps arabe » se déclenche, le Qatar dispose ainsi de tous les atouts pour y jouer un rôle déterminant : une chaîne satellitaire suivie par 50 millions de téléspectateurs, des soutes pleines à craquer de pétrodollars et des liens étroits avec les futurs dirigeants islamistes durs qui vont s’imposer à l’issue de processus démocratiques destinés à donner le change.

Al-Jazira est basée, à Doha, la capitale du Qatar. C’est également le Qatar qui a « hébergé » le CentCom, le commandement opérationnel américain ayant supervisé l’invasion de l’Irak en mars 2003.

Tête de pont et fer de lance de la diplomatie armée nord-américaine.

à suivre*Égypte, Tunisie, Libye, Syrie... un rôle central dans les révolutions arabes.

Lors de la révolution de palais de 1995, les gardes du corps égyptiens qui assuraient la protection rapprochée de l’émir déchu s’étaient vilainement battus jusqu’au bout. Al-Thani s’est alors convaincu qu’ils avaient suivi des ordres pris au Caire… Hosni Moubarak sera par conséquent la première cible de l’Émirat à l’heure des révoltes arabes. De son côté, le Raïs égyptien Moubarak n’appréciait guère que le Qatar multiplie les missions de bons offices au Liban ou au Soudan, sa chasse gardée diplomatique. Dès les premières émeutes populaires au Caire, al-Jazira prend fait et cause pour la foule. Au fait des méthodes et techniques éprouvées empruntées aux journalistes occidentaux, les correspondants d’al-Jezira gonflent outrageusement le nombre des manifestants et la violence de la répression, suscitant un surcroît de colère et de révolte dans les opinions publiques arabes par le truchement de son auditorat… Le prédicateur islamiste, vedette de la chaîne, l’Égyptien Youssef al-Qaradawi, exilé à Doha depuis cinq décennies, animateur de l’émission à très large audience « La Charia et la Vie » excite alors les foules à bouter dehors le « Pharaon » ... La messe est dite !

Passons rapidement sur la Tunisie. Une chose est certaine : le financement d’Ennahda, nouveau parti islamiste au pouvoir par le Qatar est un secret de Polichinelle. Le 2 janvier dernier, Rached Ghannouchi son chef -qui se déplace considérablement sans excepter les États-Unis of course -et apporte un soutien sans réserve à la noble cause du Conseil national syrien - était à nouveau reçu au Qatar appelé à lui fournir les moyens nécessaires pour « que la Tunisie nouvelle puisse devenir un exemple en matière de progrès et de démocratie authentique sur la base des valeurs de l’Islam et de ses enseignements ». Pourquoi pas, mais que ce message soit envoyé depuis le Qatar, bastion du radicalisme wahhabite, laisse quand même songeur, pour ne pas dire pantois !

Pour ce qui est le Libye, le cas est exemplaire. Selon le Figaro 6 novembre 2011, Doha aurait engagé 5000 commandos des Forces spéciales qataries sur le front libyen ! Il ne s’est donc pas agi d’un soulèvement populaire, voire d’une cruelle guerre civile, mais bien – comme tout le laissait supposer - d’une intervention armée extérieure et d’une guerre sans uniforme ! « Chargées d’épauler les rebelles, les troupes de Doha se sont d’abord déployées à Tobrouk puis ensuite à l’ouest dans le djebel Nefoussa, où le chef d’état-major qatarien, le général Hamad ben Ali al-Attyiah s’est rendu à plusieurs reprises ». La participation du Qatar au cours de l’intervention menée contre la Jamahiriya libyenne, aura été ainsi particulièrement plus conséquente qu’avouée et ne se sera pas limitée au soutien logistique et aérien revendiqué de prime abord… l’émirat ayant mis quand même à disposition de l’Otan huit Mirage 2000 sur les douze qu’ils possèdent ! Mais les guerres modernes ne sont-elles pas avant toute chose, voire essentiellement, des guerres du mensonge, ne serait-ce que par omission ?

D’après d’autres sources [27-12-2011 Le Nouvel Observateur] : « Les Qatariens sont arrivés avec des valises remplies d’argent, ce qui leur permit de retourner des tribus », ajoutons de recapitaliser les groupes et factions djihadistes [notamment les surgeons du Groupe islamique combattant en Libye - GIGL] en sommeil depuis leur répression par Kadhafi il y a une petite dizaine d’années, mais dont certains éléments libérés en 2008 on joué un rôle central dans la chute de la Jamahiriya, tel Abdelhakim Belhaj, chef de troupes de chocs qui firent tomber Tripoli, puis commandant militaire de la capitale libyenne avant de partir – selon toute vraisemblance 5.

Dans un entretien accordé à la chaîne panarabe Al Arabiya, le président démissionnaire du bureau exécutif du Conseil national de transition libyen, Mahmoud Jibril, avait corroboré que les pétrodollars qataris avaient servi à alimenter « les rivalités et les motifs de désaccords existant entre les rebelles et les divers courants gérant l’après Kadhafi, dans le but explicite de diviser et de monter les uns contre les autres les frères libyens » 6. Au total ce sont 400 millions de $ qui auraient été versés par l’émirat. Quand on aime, on ne compte pas !

Pour ne pas conclure sur le très sanieux chapitre libyen, il s’agit de garder en mémoire que les Qataris ont largement favorisé, approvisionné et abondé les groupes islamistes 7. Dans le Djebel Nefoussa, au sud de Tripoli, les Moukhabarat, les services spéciaux qataris en liaison directe avec leur Cheikh, ont présidé à la distribution très sélective des missiles antichars généreusement offerts par la France. Ce n’est pas moins de neuf cargaisons qui furent ainsi réparties au seul profit des combattants islamistes. Une partie des armes devait par la suite s’évanouir dans la nature en complément des « 10 000 missiles sol-air » engloutis dans les sables libyens selon l’amiral Giampaolo Di Paola, chef du Comité militaire de l’Otan assurant la coordination entre les différents états-majors opérationnels en Libye.

Or, à présent, c’est le Qatar - qui sait apparemment à merveille tirer les marrons du feu - qui a pris le relais de l’Otan sur le sol libyen, en assurant la suite des opérations puisque contrairement à ce que n’en dit pas la grande presse, la situation y est encore loin d’être complètement stabilisée… État de fait qui confirme indirectement le rôle central que le Qatar a occupé dans le déroulement des opérations d’une guerre qui n’a jamais dit son nom 8 !

Désormais, il sera parfaitement loisible de voir dans le Qatar un « acteur majeur » de la scène orientale et plus encore, à travers les liens politiques et économiques tissés avec la France, un protagoniste de l’espace euroméditerranéen. « Un cas unique ! Nous avons assisté à la naissance d’une puissance régionale de la taille d’une tête d’épingle » s’était exclamé le chantre belliciste Bernard-Henri Lévy… et même une « puissance internationale » faudrait-il ajouter en tant que - ultima ratio - bras armé du Pentagone et agitateur au service du Département d’État dans les banlieues du Tiers-Monde hexagonal.

Reste qu’il est parfaitement cocasse – et pas uniquement pour les esprits chagrins – de voir une monarchie réellement absolue, animée par un puritanisme religieux fanatique, œuvrer au triomphe de la démocratie… ou de ce que l’on nomme tel !

Le PSG, les banlieues, l’émir et le Sarkoland.Le Qatar a depuis longtemps emboîté le pas aux Yanks en matière d’ingérence dans les affaires intérieures hexagonales : son ambassadeur n’a-t-il pas annoncé en décembre la création d’un fonds d’investissement de 50 millions € en vu de financer des projets économiques portés par des habitants des banlieues de France ? Dix élus périurbains - cinq hommes, cinq femmes, parité oblige – ont de la sorte été invités au Qatar où ils ont été reçus à l’instar de chefs d’État (futurs peut-être) par l’émir Cheikh Hamad Ben Khalifa Al Thani dans le but officiel d’établir des partenariats économiques entre l’émirat et les quartiers populaires où des entrepreneurs se disent « victimes de discrimination et bloqués » 9.

Le Qatar en France : un État dans l’État et le généreux financier de nos politiques.

Une question se pose crûment : les fonds souverains qataris sont-ils en passe d’acheter la France en pièces détachées à l’instar de ces organisations sionistes qui s’implantèrent en Palestine - pour finir par y créer un État, pour l’heure toujours sans frontières ! - en rachetant morceau par morceau, des terres, des lopins, des domaines, des champs et des maisons à qui voulaient leur vendre ?

Commençons par l’achat en gros et en détail de notre classe politique. Des faits et ils sont évocateurs ! Nos politiques sont tous autant qu’ils sont, de modernes jet-setteurs passant le plus clair de leurs temps dans les avions pour aller se dorer la pilule qui à Marrakech, qui en Tunisie (Alliot-Marie), qui en Égypte (Juppé) et ne parlons pas de notre agité-du-bocal ! En vrac parmi les habitués de l’émirat : Villepin, Delanoë, Douste-Blazy, Dati, Royal, Amara, Guéant, Debré, Larcher, Védrine, Mitterrand, Morin, Chevènement, Baudis, Lang 10. Pas un qui manque à l’appel !

Trois semaines après son élection, en 2007, le premier chef d’État arabe reçu à l’Élysée est l’émir al-Thani. Celui-ci, le 14 juillet suivant, assistait au défilé de nos troupes au côté du président de la République. Lorsque M. Sarkozy occupait la place Beauvau, il avait eu à connaître de la formation des forces de sécurité qataries, d’où des contacts privilégiés… Ce serait par ailleurs le Qatar qui serait intervenu de façon décisive dans la libération en août 2009 du libyen al-Megrahi, l’un des auteurs présumés de l’attentat de Lockerbie, puis surtout, en juillet 2007, dans celle des infirmières bulgares détenues en Libye ; pourtant, curieusement, ce furent Cécilia Sarkozy et son mari qui en récoltèrent tous les lauriers.

De la même mauvaise manière quand le président français - en bonne compagnie : celle du Premier ministre britannique David Cameron et du plumitif Bernard-Henri Lévy alors promu Ministre bis des Affaires étrangères et de la Guerre - paradent à Tripoli le 14 septembre, après la mort ignominieuse - pour les vainqueurs – du Raïs déchu, le grand allié qatari est exclu du triomphe… Et il en concevra un ressentiment durable à l’égard du chef de l’État français 11. Précisons que le Qatar joua un rôle discret, pour ne pas dire occulté - mais essentiel car unique dans le monde arabe - dans la destruction libératoire de la Lybie assortie de ses 150 000 morts « humanitaires », lesquels auront évité, il est vrai, par leur sacrifice « un véritable bain de sang » 12 ! Il en sera vraisemblablement de même, lorsque les nouveaux Alliés anglo-franco-turco-quataris en auront fini avec la Syrie, mais la démocratie est à ce prix et l’on ne peut faire d’omelette sans casser des œufs, n’est-ce pas ?

Pour revenir à la noria de personnalités françaises qui vont chercher quelque fraîcheur à l’ombres des méga buildings et palmiers qataris, réservons une mention spéciale aux membres ou ex membres du gouvernement : Claude Guéant missi dominici de M. Sarkozy, Fadela Amara et Rachida Dati qui, lorsque cette dernière était encore Garde des sceaux, se rendait deux ou trois fois par mois à Doha ! Il est vrai, ceci expliquant cela, que sa sœur est ou était l’une des proches collaboratrices du procureur général du Qatar… On comprend mieux ainsi les bâillements de la susdite sur les travées du Parlement européen de Strasbourg et ses savoureux fourchages de langue dus évidemment aux décalages horaires ! Chirac président effectua neuf visites officielles dans l’émirat, un client avantageux et assidu du cabinet de conseil de l’ancien Premier ministre Villepin dont les déplacements se font apparemment sur les avions personnels de l’émir !

On jugera également du poids de l’émirat dans la vie politique française, sachant qu’à partir de 2008 il s’est vu octroyer des privilèges fiscaux tout à fait exorbitants - par la grâce des votes de la Chambre et du Sénat – afin de faciliter ses investissements dans notre belle République bananière 13. Ainsi les investissements immobiliers qataris ne sont pas imposables sur les plus-values et ses ressortissants en France ne sont pas astreints à l’ISF durant les cinq premières années de résidence. Notons que le groupe d’amitié France/Qatar ne compte pas moins de 49 députés à l’Assemblée nationale... en contrepartie Doha a passé avec Paris des accords pour la formation de ses marins et de ses policiers, ce pourquoi le Qatar devrait voir la création d’annexes de certaines de nos grandes Écoles telles HEC, Saint-Cyr ou l’École nationale de la magistrature… mais de là à dire que le palais de Élysée et celui de Doha seraient cul et chemise, subsiste un pas que nous ne saurions franchir !

Quant aux liens économiques…

Les entreprises françaises sont comme de bien entendu représentées en force dans l’émirat, au premier rang desquelles Total, GDF-Suez (5,8%), EDF, Veolia, Vinci, Air Liquide, EADS, Technip… Reste que le Qatar en tant que détenteur d’un prodigieux fonds souverain – la Qatar Investment Authority - dont les avoirs tournent autour de 700 milliards de dollars, s’intéresse de près à nos secteurs stratégiques : par exemple le groupe d’industries de défense et de presse Lagardère (7,6 %), Veolia (5%), de Suez Environnement (1%), Vinci (5,8%), ou la compagnie maritime d’affrètement CMA CGM, et plus encore à Areva et au nucléaire. Fin 2010, ce n’est qu’in extremis que fut bloquée par le gouvernement – et non par la présidence évidemment - l’entrée du Qatar dans le capital du groupe nucléaire français. Un activisme boursier et des offres d’achat représentatifs de l’agressivité et du volontarisme des mercenaires de l’ingénierie financière qui conseillent la famille régnante du Qatar ou œuvrent au service de ses hommes d’affaires.

Un cas intéressant : l’immobilier et le patrimoine.

L’immobilier donne également une assez bonne mesure de l’influence et des ambitions qatarie en Hexagonie : l’émir possède personnellement à Marnes-la-Coquette, dans les Hauts-de-Seine, une résidence couvrant 4.000 m2 ainsi que l’hôtel d’Évreux, place Vendôme, assorti des deux autres hôtels particuliers y attenant. Quant au fonds souverain émirati, il s’est octroyé à Paris plusieurs grands hôtels tels le Royal Monceau... ou encore le Majestic de Cannes.

Plus emblématique encore, le cas de l’Hôtel Lambert, fleuron du patrimoine parisien du XVIIe siècle sis à la pointe est de l’île Saint-Louis, acquis en 2007 des mains des héritiers de Guy de Rothschild par le propre frère de l’émir et dont les travaux de « restauration » (lire aménagement façon pétromonarchique) ont fait beaucoup de bruit, et pour cause. Des travaux considérables et illégaux qui ont suscité une polémique, or pour l’étouffer, Christine Albanel ministre de la Culture (dont le digne prédécesseur, Jean-Jacques Aillagon, faisait accrocher en sept. 2008 un homard rouge géant à Versailles au plafond de la Salle des batailles), s’est à l’époque bien gardée de saisir la Commission nationale des monuments historiques mais avait créé de toutes pièces un Comité scientifique ad hoc… Passez muscade !

2012 l’année du Qatar en France ?

D’un côté l’émirat comble de bonheur des supporteurs du PSG en recrutant joueurs et entraîneur à prix d’or, de l’autre, il offre à Arnaud Lagardère une magnifique assurance-vie en devenant le premier actionnaire de l’empire familial (7,6 %) ! Quant à la chaîne qatari al-Jazira, celle-ci vient d’acquérir la majeure partie des droits de retransmission de la Ligue des champions de 2012 à 2015, soit quatre lots sur cinq relatifs aux droits audiovisuels de la Ligue des champions pour la France sur la période 2012-2015. 14

Amorcé en 2006, le rachat du PSG par Qatar Sports Investments, a conclu au final quinze ans de rapprochement et d’intrication d’intérêts politiques et économiques entre la France et le Qatar 15. À l’origine, Jacques Chirac avait eu l’habileté – ou un pragmatisme en béton teinté d’un franc mépris pour l’état de droit en général - d’avoir été en 1995 le premier chef d’État a reconnaître officiellement l’émir al-Thani qui venait justement de pousser dehors son propre père parce que jugé inapte à la gestion de son micro et richissime royaume… Quant à Nicolas Sarkozy, il a pour sa part, en quelque sorte, assuré la continuité du service public – certes d’abord au profit du despotisme sportif - en se démenant pour faire aboutir la reprise du club par l’émirat. Chantal Jouanno, alors ministre des Sports, avait failli payer cher et se faire virer pour avoir déclaré publiquement - la folle - qu’elle eût préféré des investisseurs français !

Pour compléter le tout, Doha a obtenu – à coup de dessous de tables ! - l’organisation de la Coupe du Monde 2022. Le recrutement de Zinedine Zidane – il aurait reçu dit-on entre un et dix millions €… ce que l’intéressé s’est bien gardé de contredire - en tant qu’ambassadeur d’un pays n’ayant jamais organisé un tournoi international de ce type et de cette envergure, aura été aussi un maître coup en matière de communication. Au demeurant, le Royaume-Uni et l’Allemagne auront contesté une décision - pourtant rationnelle selon les critères en vigueur de nos jours : la loi d’airain du pognon - et demandé de façon assez peu réaliste que le choix en faveur de Doha soit réexaminé… Qui vivra verra !

Notons que l’intérêt du Qatar pour le « foot » déborde largement la Coupe du monde, l’acquisition du PSG et d’une brochettes de joueurs peoplisés et dorés sur tranche parce que mieux payés que les plus super traders de salle de marchés… Ainsi les clubs de football européens deviennent des proies qui tombent les unes après les autres : Malaga en Espagne et le FC Barcelone, maintenant le Paris Saint-Germain avons-nous dit, le seul grand club de la capitale française dont Nicolas Sarkozy - comme par hasard – est, ou est supposé être, un fervent supporteur.

Alors, le PSG, les banlieues, l’Émir et le Sarkoland ?!

Que recherche le Qatar en France ? L’analyse de sa stratégie d’influence reste à faire, à commencer par comprendre quels sont les effets directs et indirects que recherche le Qatar par le biais d’un tel activisme ? Activisme d’ailleurs irréductible à une simple compulsion frénétique… Au fond le Qatar n’est-il pas une sorte de chancre se nourrissant des chairs mortes qui l’entourent ? Au demeurant force est de constater que la présence et l’influence du Qatar en France grandissent de façon démesurée. L’annonce d’un fonds d’investissement au profit exclusif des banlieues, « oubliées et délaissées », intervient quelques jours à peine après l’acquisition par le Qatar, via la chaîne al-Jazira Sport, de quatre des cinq lots des droits audiovisuels de la Ligue des champions pour la France sur la période 2012-2015. Il se répète enfin, et de façon particulièrement insistante, que l’Élysée n’aurait pas ménagé ses efforts – comme si cela constituait une priorité dans la conjoncture actuelle ! - pour convaincre l’émir de donner au PSG les moyens de ses nouvelles ambitions. Mais en contrepartie de quoi ?

Washington en terrain conquis : politique d’ingérence et d’influence !

Les banlieues françaises sont aujourd’hui des cibles prioritaires de l’influence culturelle américaine… au vu au su de tous et sans que nul ne songe à s’en offusquer, bien au contraire. Le Japon, l’Inde et la Chine se partagent à vil prix les dépouilles de notre ex empire industriel, la Grande Amérique quant à elle, nous passe sur le ventre et guigne les faveurs de nos banlieues musulmanes. Tout cela est cependant en parfaite cohérence avec la vague de pouvoirs islamistes militants qui s’installent inexorablement sur le pourtour méditerranéen avec la bénédiction ou l’aide de Washington et de son bras armé qatari.

Depuis le printemps 2008 l’Administration américaine envoie, par le truchement de sa représentation diplomatique à Paris, ses chasseurs de talentsrecruter des Young leadersou leur équivalent dans les banlieues françaises, mais dorénavant non plus parmi les futures élites autochtones. Des actions dites d’influence culturelle qui sont largement montées en puissance avec l’arrivée à Paris d’un nouvel ambassadeur en août 2009 16.

Dès 2008 les Américains s’intéressent en effet à nos banlieues et surtout à leurs responsables musulmans : des séjours dans l’Amérique de Bush et d’Obama, son digne successeur, sont organisés au profit d’associatifs qui en reviennent conquis. Une opération de séduction qui vise aussi ceux qui sont entrés dans notre paysage existentiel sous la dénomination de « Jeunes », éléments phares de nos cités, entrepreneurs intrépides et capitalistes naturels qui prospèrent dans l’économie noire et les trafics illicites ( ?) de drogues réputées douces. Des lycéens et des collégiens du 9-3 ont été à ce titre généreusement invités à dîner par l’ambassadeur d’alors, Craig Robert Stapleton et son épouse dans l’imposant hôtel particulier du Faubourg-Saint-Honoré abritant l’ambassade des ÉUA.

Le maire communiste de Vénissieux, banlieue lyonnaise, André Gérin se déclarait encore à cette époque « curieux de connaître la posture du gouvernement français et du président de la République sur ces actions. Un problème se pose d’un point de vue de l’autorité de nos institutions et de l’indépendance de la France vis-à-vis des États-Unis ». Une bonne question restée depuis sans réponse et c’est bien là que le bât blesse.

En mars 2008 un colloque « Médias et nouvelles générations urbaines : exclusion ou intégration ? » organisé en partenariat avec l’ambassade américaine et le groupe de média américain Trace, nous apportait quelques éléments de réponses en illustrant la collusion sans équivoque entre le Département d’État et nos institutionnels : y figuraient entre autres, Jean-Louis Missika (vice président de Free et ancien haut fonctionnaire du Secrétariat général du gouvernement), Robert Namias (président de l’information de TF1) et Philippe Tassi (directeur général de Médiamétrie), et Claude Grunitzky, Français d’origine togolaise habitant à New York, fondateur de la chaîne de culture urbaine Trace TV et auteur de « Transculturalismes » ayant fait carrière sur la promotion des métissages urbains… « Les États-Unis [disait-il] savent que le rêve américain est bien présent dans les consciences collectives [des banlieues] et veulent l’entretenir… Les évènements à l’ambassade rue du Faubourg-Saint-Honoré sont fréquents où sont invitées des personnalités culturelles, souvent Africaines, issues de l’immigration, qui s’expriment sur les États-Unis » !

À présent, merci au décrié Wikileaks 17 qui a rendu public un rapport du 19 janvier 2010 destiné à Mme Clinton, Secrétariat d’État américain et rédigé par l’actuel ambassadeur des É-U en France, Charles Rivkin, sous le titre évocateur « Embassy Paris. Minority engagement strategy - Stratégie d’engagement envers les minorités » dont le chapitre 4 se propose de « lancer un programme agressif de mobilisation de la jeunesse[des banlieues] ». En substance : « l’Ambassade de Paris met en œuvre une stratégie d’approche des Minorités notamment musulmane… Notre objectif est de mobiliser la population française à tous les niveaux afin d’amplifier les efforts de la France pour réaliser ses propres idéaux égalitaires, ce qui par suite fera progresser les intérêts nationaux américains. Alors que la France est à juste titre fière de son rôle moteur dans la conception des idéaux démocratiques et dans la promotion des droits de l’homme et de l’État de droit, les institutions françaises ne se sont pas montrées elles-mêmes assez souples pour s’adapter à une démographie de plus en plus hétérodoxe ».

Le 2 avril 2010, Charles Rivkin 18 en déplacement à Bondy à la rencontre des jeunes de banlieue, leur déclarait solennellement « Chez moi, c’est différent. Tu peux être africain, indien, mais tu es avant tout américain. […] J’aime parler avec tous les Français. Je sais, et je suis sûr, que le prochain leader français est en banlieue ». On appréciera (diversement) la prétention – voire l’arrogance – américaine à nous donner des leçons de savoir-vivre républicain. Mais cela vient de loin, les GI’s débarqués sur les côtes normandes, quand ils ne lutinaient pas les french girls après avoir carbonisé les villages au phosphore, jetaient nos camembert car ceux-ci entraient, à leur grand dégoût dans la catégorie du « putride » !

« Rééduquer, réinformer le public français me semble être la tâche la plus fondamentale aussi bien que la plus urgente pour la politique démocratique américaine en France, et dans ce domaine presque rien d’efficace n’a encore été fait ». Ainsi donc s’exprimait Sydney Hook, membre fondateur en 1950 à Paris du Congrès pour la Liberté de la Culture l’un des faux-nez de la CIA, dans le rapport de 1949 « Report on the International Day of Resistance to Dictatorship and War » ! L’Amérique ne nous avait pas seulement envahis, selon sa propre terminologie qui n’a jamais mentionné une quelconque « libération », elle entendait en outre nous « rééduquer »… elle y est d’ailleurs presque parvenu vu l’actuelle atonie de la France populaire.

Bref, l’immixtion dans la nos affaires et nos zones périurbaines ainsi que le but clairement affiché d’y découvrir les prochains Obama « rebeu », est impressionnant pour qui n’est pas totalement aveuglé en raison d’une contemplation trop assidue et addictive du cyclope télévisuel. Plus précisément, il s’agit d’un exercice inédit de soft power - autrement dit une opération minutieusement planifiée, suivie et évaluée de manipulation des minorités ethno-confessionnelles - qui ne saurait se développer sans la complicité active, ou la veulerie, de nos dirigeants et des oppositions compradores.

Autre temps, autres mœurs. Autrefois chasser en plein jour en terre étrangère eut été difficilement imaginable et même dangereux : un État étranger court-circuitant les institutions d’un pays pour venir recruter sans intermédiaire ses agents d’influence, incroyable et jamais vu mais aujourd’hui banal - notre siècle n’est-il pas celui de tous les miracles ? - dans un pays lobotomisé, alcoolisé au Vingt Heure et apparemment – ce qu’à Dieu ne plaise - en état de quasi mort cérébrale.

 

 

En savoir plus, quelques textes qui nous informent :le qatar or du mal

Mais aussi sur les mécanismes d'une acculturation volontaire

Acculturation et hollywood production, projet rivkin

Partager cet article
Repost0
17 février 2012 5 17 /02 /février /2012 18:53

 

Destruction massive

Interview de Jean Ziegler par Éric Toussaint


 


1) Quel lien faites-vous entre l’endettement des pays et la faim qui tenaille une partie très importante de la population de cette partie du monde ?

Avant de répondre à votre question, je voudrais dire l’étendue du désastre.

Le massacre annuel de dizaines de millions d’être humains par la faim est le scandale de notre siècle. Toutes les cinq secondes, un enfant âgé de moins de dix ans meurt de faim, 37 000 personnes meurent de faim tous les jours et 1 milliard – sur les 7 milliards que nous sommes – sont mutilés par la sous-alimentation permanente… cela sur une planète qui déborde de richesses !

Le même rapport sur l’insécurité alimentaire dans le monde de la FAO qui donne les chiffres des victimes dit que l’agriculture mondiale dans l’étape actuelle de ses forces de production pourrait nourrir normalement (2 200 calories / individu adulte par jour) 12 milliards d’êtres humains, donc presque le double de l’humanité actuelle.

Au seuil de ce nouveau millénaire, il n’existe donc aucune fatalité, aucun manque objectif. Un enfant qui meurt de faim est assassiné.

Pendant huit ans, j’ai été rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l’alimentation. Ce livre est le récit de mes combats, de mes échecs, de mes occasionnelles et fragiles victoires, de mes trahisons aussi.

Le problème des affamés n’est pas la disponibilité générale des aliments sur terre, mais leur propre accès à la nourriture, essentiellement leur manque de moyens monétaires pour les acquérir.

La faim structurelle est celle qui tue quotidiennement à cause des forces de production insuffisamment développées dans les campagnes de l’hémisphère sud.

La faim conjoncturelle, par contre, frappe lorsqu’une économie s’effondre brusquement, par suite d’une catastrophe climatique ou la guerre.

Je viens à votre question. Le lien entre la dette et la destruction par la faim est particulièrement évident dans le combat contre la faim conjoncturelle.

Entre 2008 et 2010, le Programme alimentaire mondial a perdu pratiquement la moitié de son budget : il était de 6 milliards de dollars en 2008, il est de 3,2 milliards aujourd’hui. Les États industriels se sont massivement endettés pour refinancer leurs banques… et ont biffé ou fortement réduit leurs contributions au PAM. Or, le PAM est chargé de l’aide alimentaire urgente en cas de catastrophe climatique ou de guerre.

Conséquence : le Programme alimentaire mondial ne peut plus acheter suffisamment de nourriture pour l’aide d’urgence en cas de famine : comme aujourd’hui dans la Corne de l’Afrique où les fonctionnaires de l’ONU refusent chaque jour l’entrée à des centaines de familles, réfugiées de la faim, devant les 17 camps d’accueil installés dans la région. La dette est responsable de la destruction de centaines de milliers d’êtres humains.

2) Dans la même perspective, quel lien établissez-vous entre la crise bancaire et économique qui a éclaté en 2007-2008 dans les pays les plus industrialisés et la crise alimentaire mondiale quasi-simultanée ?

La crise financière de 2007/2008 provoquée par le banditisme bancaire a eu notamment deux conséquences.

La première : Les fonds spéculatifs (hedge funds) et les grandes banques ont migré après 2008, délaissant des marchés financiers pour s’orienter vers les marchés des matières premières, notamment celui des matières premières agricoles. Si l’on regarde les trois aliments de base (le maïs, le riz et le blé), qui couvrent 75 % de la consommation mondiale, leurs prix ont explosé. En 18 mois, le prix du maïs a augmenté de 93 %, la tonne de riz est passée de 105 à 1 010 dollars et la tonne de blé meunier a doublé depuis septembre 2010, passant à 271 euros. Cette explosion des prix dégage des profits astronomiques pour les spéculateurs, mais tue dans les bidonvilles des centaines de milliers de femmes, d’hommes et d’enfants.

Une deuxième conséquence est la ruée des hedge funds et autres spéculateurs sur les terres arables de l’hémisphère sud.

Selon la Banque mondiale, l’année dernière, 41 millions d’hectares de terres arables ont été accaparés par des fonds d’investissements et des multinationales uniquement en Afrique. Avec pour résultat, l’expulsion des petits paysans. Ce qu’il faut dénoncer, c’est le rôle de la Banque mondiale, mais aussi celui de la Banque africaine de développement, qui financent ces vols de terre. Pour se justifier, elles ont une théorie pernicieuse qui est de dire que la productivité agricole est très basse en Afrique. Ce qui est vrai. Mais ce n’est pas parce que les paysans africains sont moins compétents ou moins travailleurs que les paysans français. C’est parce que ces pays sont étranglés par leur dette extérieure. Ils n’ont donc pas d’argent pour constituer des réserves en cas de catastrophes ni pour investir dans l’agriculture de subsistance. Il est faux de dire que la solution viendra de la cession des terres aux multinationales.

Ce qu’il faut faire, c’est mettre ces pays en état d’investir dans l’agriculture et de donner à leurs paysans les instruments minimaux pour augmenter leur productivité : les outils, l’irrigation, les semences sélectionnées, les engrais...

Exemple : 3,8 % des terres arables d’Afrique sont irriguées. Sur tout le continent, il n’existe que 250 000 animaux de trait et quelques milliers de tracteurs seulement. Les engrais minéraux, les semences sélectionnées sont largement absents.

3) Quelle est la thèse centrale de votre livre Destruction massive ?

La faim est faite de faim d’homme et peut-être éliminée par les hommes.

Les principaux ennemis du droit à l’alimentation sont la dizaine de sociétés transcontinentales privées qui dominent presque complètement le marché alimentaire. Elles fixent les prix, contrôlent les stocks et décident qui va vivre ou mourir puisque seul celui qui a de l’argent a accès à la nourriture. L’année dernière, par exemple, Cargill a contrôlé plus de 26 % de tout le blé commercialisé dans le monde. Ensuite, ces trusts disposent d’organisations mercenaires : l’Organisation mondiale du commerce, le Fonds monétaire international et la Banque mondiale. Ce sont les trois cavaliers de l’Apocalypse. S’ils reconnaissent que la faim est terrible, ils estiment que toute intervention dans le marché est un péché. A leurs yeux, réclamer une réforme agraire, un salaire minimum ou le subventionnement des aliments de base, par exemple, pour sauver les vies des plus pauvres est une hérésie. Selon les grands trusts qui, ensemble, contrôlent près du 85 % du marché alimentaire, la faim ne sera vaincue qu’avec la libéralisation totale du marché et la privatisation de tous les secteurs publics.

Cette théorie néolibérale est meurtrière et obscurantiste. L’Union soviétique a implosé en 1991 (c’était une bonne chose). Jusque-là, un homme sur trois vivait sous un régime communiste et le mode de production capitaliste était limité régionalement. Mais en vingt ans, le capitalisme financier s’est répandu comme un feu de brousse à travers le monde. Il a engendré une instance unique de régulation : le marché mondial, la soi-disant main invisible. Les États ont perdu de leur souveraineté et la pyramide des martyrs a augmenté. Si les néolibéraux avaient raison, la libéralisation et la privatisation auraient dû résorber la faim. Or, c’est le contraire qui s’est produit. La pyramide des martyrs ne cesse de grandir. Le meurtre collectif par la faim devient chaque jour plus effrayant.

Mais, malgré son titre - Destruction massive - mon livre est un livre d’espoir.

Il n’y a pas d’impuissance en démocratie. II existe des mesures concrètes que nous, citoyens et citoyennes des États démocratiques d’Europe, pouvons imposer immédiatement ; interdire la spéculation boursière sur les produits alimentaires ; faire cesser le vol de terres arables par les sociétés multinationales ; empêcher le dumping agricole ; obtenir l’annulation de la dette extérieure des pays les plus pauvres pour qu’ils puissent investir dans leur agriculture vivrière ; en finir avec les agrocarburants... Tout cela peut être obtenu si nos peuples se mobilisent. J’ai écrit Destruction massive, géopolitique de la faim pour fortifier la conscience des citoyens. Je le répète, pendant que nous discutons, toutes les cinq secondes, un enfant de moins de dix ans meurt de faim. Les charniers sont là. Et les responsables sont identifiables.

De plus, de formidables insurrections paysannes – totalement ignorées par la grande presse en Occident – ont lieu actuellement dans nombre de pays du Sud : aux Philippines, en Indonésie, au Honduras, au nord du Brésil. Les paysans envahissent les terres volées par les sociétés multinationales, se battent, meurent souvent, mais sont aussi parfois victorieux.

Georges Bernanos écrit : « Dieu n’a pas d’autres mains que les nôtres  ».

L’ordre cannibale du monde peut être détruit et le bonheur matériel assuré pour tous. Je suis confiant : en Europe l’insurrection des consciences est proche.

4) Depuis des années, notamment en tant que vice-président du Comité consultatif du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, vous agissez afin que soit adopté un pacte international ou un autre instrument légal international qui garantisse les droits des paysans à l’échelle planétaire. Où est-on arrivé aujourd’hui ?

Le projet d’une convention internationale protégeant les droits des paysans (droit à la terre, droit aux semences, droit à l’eau, etc.) sera soumis en juin au Conseil de Droits de l’homme. Elle matérialise le principe de l’obligation extraterritoriale des États. Concrètement : l’État français pourrait être tenu pour responsable des violations des Droits des paysans camerounais ou béninois par les sociétés de Vincent Bolloré ou de Vilgrain.

La bataille est indécise.

5) En quoi les analyses et les actions du CADTM peuvent-elles être utiles pour contribuer au combat pour le droit à l’alimentation et, au-delà, pour un changement radical de cap en matière de droits humains ?

L’obscurantisme néolibéral empoisonne la plupart des gouvernements et une majeure partie de l’opinion publique. Les analyses et les combats du CADTM sont essentiels. Jean-Paul Sartre écrit : « Connaître l’ennemi, combattre l’ennemi ». Cette double exigence est magnifiquement assumée par le CADTM.


 Articles de Jean Ziegler publiés par Mondialisation.ca

 Articles de Éric Toussaint publiés par Mondialisation.ca

« La faim est faite de faim d’homme et peut-être éliminée par les hommes »

Partager cet article
Repost0
28 janvier 2012 6 28 /01 /janvier /2012 10:22

 

 

L’Afrique n’a jamais été indépendante, même pas pseudo-indépendante ! Qu’on se le dise une fois pour toute ! Les éclairés le savent depuis très longtemps, même déjà avant les indépendances.

 

La «décolonisation » des années 60 n’a été qu’une sinistrissime continuation de la tragédie africaine. Les colonisés ont été systématiquement et profondément dépouillés de leurs critères pour une vie décente. Au 19ème siècle déjà, on envoyait les missionnaires qu’on avait chargé d’endormir la conscience du peuple, pour mieux l’assujettir et le soumettre. Voyez le discours du roi Léopold II aux missionnaires patriotes en partance. Lénine n’avait pas tort de déclarer que la religion c’est l’opium du peuple.

Leurs traditions si opposées de celles des occidentaux, ainsi que leurs croyances, noyées dans la soumission au Tyran par la terreur, les africains se retrouvent comme sous hypnose, aujourd’hui asphyxié par une dette qui ne leur appartient aucunement, à la botte de dirigeants qui ne sont que leurs pires ennemis, relégués dans une misère qui n’a pas de nom. Ils peinent aujourd’hui à rassembler leurs forces pour assurer la subsistance minimale quotidienne de leur famille. L’ajustement structurel décrété par les puissances extérieures soi-disant aidantes, est en train de tuer l’Afrique. 

Pourtant, la dette, quelle qu’en soit le propriétaire, est déjà payée depuis longtemps, à travers les pillages systématiques du sous-sol africain. Qu’on se le dise. Aucun africain aujourd’hui ne doit accepter de payer cette fameuse dette ! Et pourtant il la paie, et en même temps ledit pillage continue de plus belle.

Les africains sont aujourd’hui délibérément affamés, et leur dignité piétinée, par l’Occident toujours plus insatiable, par l’intermédiaire de régimes installés par l’Occident, puisés dans la réserve de vautours nourris par la France notamment. Ce sont des gens avides, assoiffés de gloire, de femmes faciles et de voitures de luxe. L’Occident leur donne leur sucette de récompense, et le tour est joué. Leur immoralité n’est qu’une question d’offre et de demande, cultivée avec soin par les blancs de service.

Les intérêts matériels des uns et des autres – des français et des allemands en l’occurrence – se retrouvent dans les bureaux des FMI/BM/BAD. Aucun d’eux ne peut jamais avoir la moindre attention de trahir l’autre, puisqu’alors lui-même perdrait ainsi sa part du gâteau si juteux ! L’incendie de l’Institut Goethe à Lomé en est pour les allemands le prix à payer. Ce n’est qu’une peccadille à côté des bénéfices du pillage collectif, auquel participent d’ailleurs activement les Nations Unies sous le couvert grandiose de rapports rutilants et épurés,  et d’ « aide humanitaire » à tout vent, et sous toutes les formes imaginables ! Pourquoi alors l’Afrique n’avance-t-elle pas, sauf dans ses « performances économiques » ? Pourquoi la qualité de vie en Afrique dégénère-t-elle depuis un temps, au nez et la barbe des africains hypnotisés ? Que de questions auxquelles seuls les Africains doivent répondre, si on leur laisse le pouvoir de s’exprimer bien sûr !

Non… même le monde occidental avec ses trois rangées de dents comme les requins blancs, méprisent ouvertement la dignité humaine des africains, croyant que ceux-ci sont trop bêtes pour comprendre. C’est vrai que l’anesthésie injectée agit déjà depuis longtemps. Mais quelques uns sont restés vigilant. C’est ceux-là donc qu’il faut arroser maintenant, par le biais de la jeunesse notamment, de manière consciente, attentive et intensive, pour leur permettre de multiplier leurs forces. Ils sont chargés d’une mission très importante : faire renaître une Afrique perdue, retrouver les vraies valeurs africaines, les traditions qui leur sont propres et qui leur conviennent, qui leur permettront de renouer avec une vie sereine, extrêmement riche sur le plan humain, solidaire, et avec la chaleur qu’ils se donnent si spontanément. La notion africaine du progrès n’est pas la même que celle des occidentaux, et elle a le mérite surtout de leur appartenir.

Les pays dit « riches » de l’Occident n’ont jamais eu de telles valeurs, puisque toujours uniquement concentrés sur le progrès technologique à outrance, oubliant les vraies valeurs de la vie et le véritable progrès social si vital dans une société.

L’Occident est très malade, et voué à la faillite tôt ou tard. La course aux armements et aux technologies de pointe, qui servent tout juste à entretenir les oppositions internationales et la terreur entre les uns et les autres, est un cadre logique qui ne peut être que voué à l’échec. La seule chose qui leur réussit véritablement c’est le pillage développé avec finesse, et systématisé, du continent africain. Une telle agressivité ne servira à terme qu’à appauvrir l’esprit et les bras du perpétuel agresseur.

A bon entendeur !

 

 

16 septembre 2008
Juliette Abandokwe

Textes de Juliette

 

Source : L'Afrique assassinée par l'Occident et les UE, FMI, BM, BAD, ONU et consort - Aujourd'hui c'est aujourd'hui!

Partager cet article
Repost0
27 janvier 2012 5 27 /01 /janvier /2012 19:38

 

 


Le gouvernement américain est si prétentieux qu’il est devenu une caricature d’hypocrisie. Leon Panetta, un ancien membre du congrès qu’Obama a nommé directeur de la CIA et maintenant chef du Pentagone, vient juste de dire aux marins à bord du porte-avions USS Enterprise, que les Etats-Unis maintiennent une flotte de 11 porte-avions afin de projeter une puissance maritime contre l’Iran et de convaincre l’Iran que “cela est mieux pour eux d’essayer de négocier avec nous par la diplomatie” ( “it’s better for them to try to deal with us through diplomacy.” 

)

S’il faut 11 porte-avions pour gérer l’Iran, combien Panetta projette t’il d’en avoir pour contrer la Russie et la Chine ? Mais pour en venir au point plus important, l’Iran a essayé de “négocier au moyen de la diplomatie”. La réponse de Washington n’a été que menaces de guerre et d’attaques militaires, accusations infondées et irresponsables que l’Iran essaie de construire une arme nucléaire, sanctions et embargo pétrolier. Les accusations de Washington font écho à celles d’Israël et sont en contradictions avec ses propres agences de renseignement et l’Agence Internationale pour l’Energie Atomique (AIEA). Pourquoi Washington ne répond-elle pas à l’Iran de manière civilisée, avec diplomatie ? Réellement, lequel de ces deux pays est la plus grande menace pour la paix ?

Washington envoie le FBI fouiller les maisons d’activistes pacifistes et met au travail un grand jury pour créer un cas légal contre eux pour avoir aider un ennemi nébuleux en protestant contre les guerres de Washington. Le département de la sécurité de la patrie (NdT: le fameux DHS, la stasi, securitate de l’empire du goulag levant) lâche ses cerbères pour brutaliser les manifestnts pacifiques du mouvement d’occupation de Wall Street. Washington fabrique une procédure légale contre Bradley Manning, Julian Assange et Tarek Mehanna, qui annihile le premier amendement de la constitution en mettant au même niveau la liberté de parole avec le terrorisme et l’espionage. Le maire de Chicago et ancien chef du personnel de la Maison Blanche d’Obama, Rahm Israel Emmanuel, pousse une ordonnance qui interdit et rend illégal les manifestations publiques dans la ville de Chicago; et la liste continue. Au milieu de tout cela, la ministre des affaires étrangères Hillary Clinton et d’autres hypocrites de Washington accusent la Russie et la Chine de museler la dissidence.

L’hypocrisie grotesque de Washington passe inaperçue dans les “médias” ainsi que dans les débats pour la candidature républicaine à la présidence. Le ministère de la Justice corrompu d’Obama fait semblant de ne rien voir quand les brutaux cerbères de la fonction policière commettent des violences gratuites contre des citoyens qui paient les salaires immérités de ces sauvages.

Mais c’est dans le domaine des crimes de guerre que Washington montre la pire des hypocrisies. Les bigots suffisants et prétentieux de Washington continuent de toujours rassembler les chefs des états faibles, dont les pays étaient affligés par des guerres civiles et les envoient se faire juger comme criminels de guerre. Dans le même temps, Washington massacre impunément et de manière indiscriminée un grand nombre de civils dans six ou plus pays, se déchargeant de ses propres crimes de guerre comme étant des “dégâts collatéraux”. Washington  viole sa propre loi et la loi internationale en torturant des gens.

Le 13 Janvier 2012, Carol Rosenberg du journal McClatchy rapporta que le juge espagnol Pablo Rafael Ruz Gutierrez a relancé l’enquête sur le programme de torture de Washington sur les prisonniers de Guatanamo Bay. Le jour d’avant, les autorités britanniques ouvraient une enquête sur les personnes kidnappées et rendues à la CIA en Libye pour torture.
http://www.kansascity.com/2012/01/13/3369419/spanish-judge-reopens-guantanamo.html

Rosenberg rapporte que bien que le régime Obama ait refusé d’enquêter sur les crimes évidents du régime Bush, et on pourrait même ajouter sur ses propres crimes, “d’autres pays sont toujours intéressés de déterminer si les pratiques anti-terreur de l’ère Bush ont violé la loi internationale.”

Il n’y a aucun doute sur le fait que Bush / Cheney / Obama ont laminé la constitution des Etats-Unis d’Amérique, la loi statutaire américaine et la loi internationale. Mais Washington ayant mis à bas la justice, a décidé que la puissance est le droit. Aucun gouvernemernt étranger n’enverra ses forces aux Etats-Unis pour aller chercher de force les criminels de guerre et les placer devant une cour de justice.

La cour contre les crimes de guerre de La Hague est réservée pour la parodie de justice de Washington. Aucun gouvernement ne paiera Washington plusieurs centaines de millions de dollars pour qu’elle leur remette Bush, Cheney, Obama et leurs mignons de la façon dont les Etats-Unis ont acheté Milosevic à la Serbie afin de créer le spectacle nécessaire d’un tribunal pour crimes de guerre afin de justifier l’agression ouverte de Washington sur la Serbie.

Aucun gouvernement ne peut-être parfait, parce que tous les gouvernements sont composés d’humains, spécifiquement ces humains les plus attirés par le pouvoir et l’argent. Quoi qu’il en soit, au cours de ma vie, j’ai assisté à une dégradation extraordinaire de l’intégrité du gouvernement des Etats-Unis. Nous avons atteint le point où nous ne pouvons plus croire en rien de ce que nous dit le gouvernement. Pas même les statistiques sur le chômage, le taux d’inflation, la croissance du PIB, et encore moins ses raisons pour faire ses guerres, son état policier et ses politiques étrangère et intérieure.

Washington a maintenu l’Amérique en guerre pendant plus de 10 ans tandis que les Américains perdaient leurs emplois et leurs maisons. La guerre et une économie chancelante ont fait exploser la dette nationale et une banqueroute larvée est mise sur le dos de la sécurité sociale et du Medicare.

La poursuite de la guerre continue. Le 23 Janvier, les états membres de l’UE, marionnettes serviles de Washington, ont accepté le désir de Washington et imposé un embargo sur le pétrole iranien, malgré les plaidoyers de la Grèce, un membre de l’UE. La ruine finale de la Grèce viendra donc des prix plus élevés du pétrole dûs à l’embargo, comme le gouvernement grec le comprend.

L’embargo est un acte dangereux. Si la marine états-unienne essaie d’intercepter un pétrolier transportant du pétrole iranien, une guerre à grande échelle pourrait s’en suivre. Ceci, comme beaucoup le pensent, est le but de Washington.

Il est très facile pour un embargo de devenir un blocus, ce qui constitue un acte de guerre. Rappelons-nous comment la “zone d’exclusion aérienne” décidée au dessus de la Libye par le conseil de sécurité de l’ONU fut facilement transformée par les Etats-Unis et ses marionnettes de l’OTAN en une attaque militaire sur la Libye et ses forces armées et les centres de population qui soutenaient Kadhafi.

Alors que les “démocraties” occidentales deviennent de plus en plus hors la loi, le masque légal que porte l’impérialisme se déchire et avec lui le film ténu de moralité qui a été utilisé pour masquer les ambitions hégémoniques. Avec l’Iran encerclé et avec deux des flottes américaines dans le golfe persique, une autre guerre d’agression semble inévitable.

Les experts disent qu’une attaque sur l’Iran par les Etats-Unis et l’OTAN interrompra le ravitaillement de pétrole dont le monde a besoin. La motivation folle pour une hégémonie est si forte, que les Etats-Unis et ses marionnettes ne montrent aucune hésitation à mettre leurs propres économies déjà chancelantes à encore plus haut risque en augmentant les coûts énergétiques.

La guerre à l’étranger et l’austérité à la maison voilà la politique qui est imposée aux “démocraties” occidentales.


Article original en anglais : Drowning In Hypocrisy: War Abroad, Austerity at Home, publié le 25 hanvier 2012.

Traduction : Résistance 71


Dr. Paul Craig Roberts économiste, il était l’assistant secrétaire au trésor de l’administration Reagan (secrétaire d’état aux finances chez nous), éditeur associé au Wall Street Journal, Senior Research Fellow de la Hoover Institution, Stanford University, il tînt la chaire William E. Simon Chair de Politique Economique, Center for Strategic and International Studies, Georgetown University. Il est l’auteur et le co-auteur de neuf livres et a témoigné devant des commissions d’enquête du congrès américain en trente différentes occasions.


Paul Craig Roberts est un collaborateur régulier de Mondialisation.ca.  Articles de Paul Craig Roberts publiés par Mondialisation.ca
Source : Noyade dans l’hypocrisie: guerre au delà des frontières et austérité en-deçà

 

Partager cet article
Repost0
16 janvier 2012 1 16 /01 /janvier /2012 09:25

 

Une petite objection à cet article, c'est que trop centré sur l'économisme classique, il ne fait pas place aux techniques prédatices de l'économie virtuelle qui instaurent volontairement des mécanismes de déstabilisation pour capturer des secteurs entiers de l'économie réelle et une part croissante de territoires y compris de ceux faisant partie des biens communs. Le levier de la dette est d'autant plus efficace qu'il permet de produire de l'argent virtuel pour accaparer des biens réels... Cette restriction faite...bonne lecture.


Dan GLAZEBROOK

La crise économique qui a commencé en 2008 et que la presse occidentale nous a dûment décrite comme imprévisible et complètement imprévue était en fait tout sauf cela. En effet le cycle capitaliste d’expansion et de récession s’est répété si souvent pendant des siècles que son existence est ouvertement admise par tous les économistes, y compris ceux de la pensée régnante, qui l’appellent par euphémisme, le "cycle des affaires". Seuls ceux qui tirent profit de notre ignorance de cette dynamique — les profiteurs milliardaires et les laquais qu’ils se paient dans les médias et au gouvernement — essayent de le nier.

Une dépression se produit lorsque la "production dépasse la demande" c’est à dire quand les gens n’ont plus les moyens d’acheter tout ce qui est fabriqué. C’est inévitable dans un système capitaliste où les moyens de production sont privatisés parce que la classe laborieuse mondiale dans son ensemble n’est jamais assez payée pour pouvoir acheter tout ce qu’elle fabrique collectivement. Les produits non vendus commencent donc à s’accumuler et les installations de production — usines, etc, — sont fermées. Les employés sont licenciés, leurs revenus diminuent et le problème s’aggrave. C’est exactement ce qui se passe en ce moment sous nos yeux.

Dans de telles circonstances les opportunités d’investissements profitables se tarissent — les détenteurs de capital ne trouvent plus d’endroits sûrs où placer leur argent. Pour eux, c’est la crise — et non le chômage, la famine, la pauvreté, etc (qui après tout demeurent un trait endémique de l’économie capitaliste mondiale même pendant les "périodes de boum" quoiqu’un peu atténué). Les gouvernements sous leur contrôle — par l’intermédiaire des médias qu’ils possèdent, de la spéculation sur la monnaie et du contrôle de l’économie — s’efforcent alors de leur trouver de nouveaux domaines d’investissement rentables.

Une manière de le faire est de détruire les services publics et de créer de la sorte des opportunités d’investissement dans les compagnies privées qui les remplacent. Dans l’Angleterre des années 1980, Margaret Thatcher a privatisé l’acier, le charbon, le gaz, l’électricité, l’eau et beaucoup d’autres choses encore. Cela a rapidement plongé des millions de personnes dans le chômage à mesure que les usines et les mines fermaient et sur le long terme cela a provoqué l’augmentation massive des prix des services de première nécessité. Mais cela a eu l’effet désiré —cela a fourni des opportunités d’investissements rentables (pour ceux qui avaient du capital à placer) à un moment où de telles opportunités étaient rares et a créé une source de fabuleux profits sur le long terme. Cet été par exemple, l’ancienne compagnie de gaz publique Centrika a encore augmenté ses prix de 18% pour arriver à 1,3 milliards de livres de profit. Cette hausse provoquera la mort de milliers de retraités qui ne pourront pas se chauffer cet hiver, mais le gaz —comme tout ce qui existe dans le système capitaliste — n’est pas là pour fournir de la chaleur mais pour augmenter le capital.

Au sud de la planète, la privatisation a été plus féroce encore. les organismes comme le FMI et la Banque Mondiale ont utilisé le levier du mécanisme de l’extorsion par la dette (selon lequel les taux d’intérêt étaient indexés sur des prêts impossibles à rembourser contractés par des dirigeants corrompus sur l’ordre des gouvernements occidentaux et qui ont rarement bénéficié aux populations) pour forcer les gouvernements d’Asie, d’Afrique et d’Amérique Latine à réduire des dépenses publiques aussi essentielles que l’éducation et la santé ainsi que les subventions à l’agriculture. C’est une des principales causes de l’incroyable taux de mortalité infantile, des décès dus à des maladies évitables et de l’épidémie de Sida qui sévit en Afrique. Mais cette fois encore le but recherché par ceux qui orientent la politique a été atteint : de nouveaux marchés ont été créés et ceux qui possédaient d’énormes réserves de capitaux pouvaient désormais les investir dans des entreprises privées qui offraient les services que l’état n’assurait plus. Cela a donné une nouvelle vie au système du profit et le spectre de son effondrement a été écarté une fois de plus.

Lorsque la Banque Mondiale a fait fermer le service de rationnement et de distribution de grain du gouvernement indien, elle a mis fin à un système qui fournissait du grain à un prix raisonnable à tous les citoyens indiens et elle a permis aux compagnies privées de venir vendre leur grain à des prix infiniment supérieurs (parfois 10 fois plus cher). Un grand nombre d’Indiens n’ont pas pu acheter de grain et 200 millions de gens sont actuellement menacés de famine en Inde, mais les multinationales qui détiennent les stocks de grain ont fait des profits énormes — et c’est ça l’essentiel.

Cette série de privatisations à partir des années 1980 a cependant été si exhaustive que lorsque la crise de 2008 est arrivée, il ne restait que quelques fonctions étatiques à privatiser. Créer des opportunités d’investissement est devenu beaucoup plus difficile qu’il y a 30 ans parce qu’une grande partie de ce qui est potentiellement lucratif est déjà exploité au maximum.

En Europe ce qui reste des services publics est démantelé en toute hâte par les dirigeants politiques de droite, trop heureux de privatiser ce qu’il en reste, et ceux qui spéculent sur la monnaie se servent de leur pouvoir de nuisance pour détruire les pays qui tentent de résister. David Cameron, dans le droit chemin de ce qui a été imposé au Sud de la planète ces dernières dizaines d’années, se dépêche d’ouvrir le Service National de la Santé britannique aux entreprises privées et de réduire massivement les budgets des services publics en faveur des plus démunis comme les personnes âgées et les chômeurs.

Au Sud de la planète il ne reste malheureusement presque plus rien que l’Occident puisse encore privatiser car le FMI a depuis longtemps forcé les pays qu’il tenait en son pouvoir à renoncer complètement à leurs services publics.

Mais il y a une chose qui, si elle était entièrement privatisée dans le monde, engendrerait des profits à côté desquels les profits réalisés sur des nécessité de base comme la santé et l’éducation paraîtraient ridicules. Il s’agit de la fonction la plus centrale et essentielle de l’état, sa seule raison d’être, en fait : la sécurité.

Les multinationales de sécurité privée sont un des rares secteurs en croissance dans une époque de récession globale où l’augmentation du chômage et de la pauvreté génèrent le chaos et l’agitation sociale et où ceux qui ont de la fortune se demandent comment protéger leurs biens et leur vie. De plus, comme l’économie chinoise progresse à pas de géants, la supériorité militaire est en passe d’être le seul "avantage compétitif" de l’Occident — le seul domaine dans lequel sa compétence est vraiment supérieure à celle de ses rivaux. Transformer cet avantage en opportunités d’investissements et de profits à grande échelle est aujourd’hui une des tâches principales des leaders occidentaux.

Selon un article récent du Guardian, la firme de sécurité privée anglaise Group 4 est désormais "le plus grand employeur du secteur privé en Europe" avec 600 000 employés — 50% de plus que le total des forces armées françaises et anglaises combinées. Avec une croissance de 9% dans son département "nouveaux marchés" l’année dernière, l’entreprise a "déjà bénéficié des soulèvements en Afrique du Nord et au Moyen-Orient". La Libye est une aubaine pour Group 4 maintenant que la sécurité n’y est plus de tout assurée probablement pour des dizaines d’années grâce à la destruction par l’OTAN des forces armées et de tout l’appareil d’état du pays. Comme la guerre entre les factions rebelles rivales a remplacé l’état de droit et qu’il n’y a aucun espoir qu’une police gouvernementale puisse fonctionner dans un avenir proche, les Libyens qui ont réussi à atteindre des positions de pouvoir ou de richesse auront sûrement besoin de s’assurer les services d’entreprises privées de sécurité pendant encore de nombreuses années.

Quand Philip Hammond, nouveau Secrétaire à la Défense britannique et homme d’affaires multi-millionaire, a suggéré que les entreprises britanniques "fassent leur valises pour aller en Libye" il ne pensait pas seulement aux entreprises spécialisées dans la reconstruction et le pétrole, il voulait aussi parler des entreprises privées de sécurité.

Les entreprises militaires privées deviennent aussi d’énormes multinationales — la plus célèbre est la compagnie étasunienne Blackwater, rebaptisée Xe Services après que son nom soit devenu synonyme des massacres commis par ses forces en Irak. Aux Etats-Unis, Blackwater a déjà relayé l’état dans beaucoup de ses fonctions régaliennes — elle a facturé ses services au Département de la Sécurité Intérieure 1000 dollars par jour et par personne à la Nouvelle Orléans après l’ouragan Katrina par exemple. "Quand vous avez un courrier urgent, utilisez-vous le service postal ou FedEx ?" a demandé Erik Prince, le fondateur et président de Blackwater. "Le but de notre entreprise est de faire dans le domaine de la sécurité ce que FedEx a fait pour la distribution du courrier". Un autre officiel de Blackwater a déclaré que "aucun d’entre nous n’aime l’idée de tirer profit de la dévastation. C’est tout à fait déplaisant. Mais c’est la réalité. Les docteurs, les hommes de loi, les employés des pompes funèbres et même les journalistes, gagnent tous leur vie parce que des choses pénibles se produisent. C’est pareil pour nous, il faut bien que quelqu’un fasse ce travail".

Cela devient dangereux quand le climat économique est tel que la gouvernement le plus puissant du monde croit devoir faire de son mieux pour créer de telles opportunités pour ses entreprises. Pendant la guerre froide, l’armée étasunienne a oeuvré (et continue à oeuvrer) pour maintenir le Sud de la planète dans la pauvreté en attaquant tout gouvernement qui essayait sérieusement d’améliorer le sort du peuple et en imposant des dirigeants qui écrasaient les syndicats et tenaient la population en respect. Cela a crée des opportunités d’investissement parce que cela a maintenu la plus grande partie de la force de travail mondiale dans des conditions si désespérées qu’elle était prête à travailler pour rien. Mais maintenant ça ne suffit plus. En période de récession, le fait que la main d’oeuvre soit bon marché ne sert plus à rien si personne n’achète plus vos produits. Pour créer des opportunités pour leurs entreprises — un grand marché mondial pour ses services militarisés — les gouvernements occidentaux doivent faire régner non seulement la pauvreté mais la dévastation. Le chaos est le meilleur moyen de transformer leur compétence en matière de sécurité en une opportunité commerciale susceptible de devenir une voie royale d’investissements au moment où toutes les autres sources de profit se tarissent.

Comme le Times l’a écrit récemment, "dans l’Irak d’après guerre, la branche d’affaires qui a fait un bond spectaculaire n’est pas le pétrole. C’est la sécurité". En Irak comme en Afghanistan, une situation d’insécurité et de guerre civile chronique et persistante a été créée par une méthode très précise. D’abord on détruit complètement le pouvoir gouvernemental existant. Ensuite on rend impossible le recours aux compétences locales pour reconstruire l’état en empêchant les anciens officiels de travailler pour le nouveau gouvernement (un procédé qu’on a baptisé en Irak la "dé-Ba’athisation). En même temps, on bannit l’ancien parti au pouvoir — la formation politique la plus importante et la mieux organisée du pays — et comme il ne peut plus jouer aucun rôle dans le processus politique, il n’a d’autre choix que de prendre les armes pour avoir de l’influence, condamnant de ce fait le pays à la guerre civile. Ensuite on attise le sectarisme le plus virulent ainsi que les divisions existantes qu’elles soient religieuses, tribales ou ethniques, la plupart du temps par des opérations clandestines des services secrets occidentaux. Enfin on privatise toutes les ressources, ce qui engendre des niveaux dangereux de chômage et d’inégalités chroniques. La situation est sans issue car ceux qui ont un diplôme ou une qualification — et qui ont aussi des moyens et des relations — émigrent, laissant derrière eux une pénurie catastrophique en main d’oeuvre qualifiée et une société qui a encore moins de chance de sortir du chaos.

L’instabilité ne s’arrête pas aux frontières du pays qui a été détruit. Dans un effet domino d’un superbe cynisme, par exemple, l’agression contre l’Irak a aussi contribué à déstabiliser la Syrie. Trois quart des 2 millions d’Irakiens qui fuyaient la guerre en Irak se sont réfugiés en Syrie accentuant la pression sur l’économie syrienne qui est une des causes principales de l’agitation actuelle dans ce pays.

La destruction de la Libye sera aussi un important facteur de chaos dans la région. Selon la Mission de soutien à la Libye de l’ONU "la Libye avait accumulé de grandes quantités de Manpads (des missiles anti-aériens) provenant de tous les pays qui en fabriquaient. Bien que des milliers d’entre eux aient été détruits pendant les 7 mois d’opérations de l’OTAN, on craint de plus en plus que ces systèmes de défense portables n’aient été pillés et ne prolifèrent tout comme les munitions et les mines, augmentant de la sorte le risque potentiel d’instabilité locale et régionale". Par ailleurs, un grand nombre de pays africains instables jouissent actuellement d’une paix fragile garantie par des forces de paix dans lesquelles les troupes libyennes jouaient un rôle central. Le retrait de ces troupes pourrait bien nuire au maintien de la paix. De plus la Libye de Kadhafi avait généreusement contribué à des projets de développement africains ; une politique qui ne sera certainement pas reconduite par le CNT — avec là encore des conséquences potentielles de déstabilisation.

Il est clair qu’un politique de destruction et de déstabilisation n’alimente pas seulement le marché de la sécurité privée mais aussi les ventes d’armes — et dans ce domaine aussi les Etats-Unis, la Grande Bretagne et la France sont encore leaders. En fait une politique de dévastation au moyen de guerres éclairs est en parfaite adéquation avec les trois objectifs stratégiques à long terme des planificateurs occidentaux :

1. Accaparer une part aussi grande que possible des ressources mondiales qui commencent à diminuer, et surtout le pétrole, le gaz et l’eau. Le gouvernement d’un pays dévasté est à la merci d’une puissance occupante en matière de contrats. La Libye de Kadhafi, par exemple, avait réussi à passer des accords sur le pétrole notoirement exigeants avec les puissances occidentales — en profitant de la hausse du pétrole en 1973 et à nouveau en 2009 au point d’être accusé par le Financial Times de "Nationalisme des Ressources". Mais le nouveau gouvernement du CNT de Libye a été choisi pour sa servilité aux puissances étrangères — et il sait que le pouvoir lui serait ôté s’il cessait de servir leurs intérêts.

2. Empêcher le développement du Sud de la planète, principalement en détruisant tous les pouvoirs régionaux indépendants (comme l’Iran, la Libye, la Syrie, etc) et en déstabilisant, isolant et encerclant les puissances mondiales montantes (en particulier la Chine et la Russie).

3. Surmonter ou limiter l’impact de l’effondrement économique en utilisant leur supériorité militaire pour créer et conquérir de nouveaux marchés par la destruction et la reconstruction des infrastructures et l’élimination de la compétition.

Cette politique de dévastation totale se différencie des politiques menées pendant la guerre froide par les puissances occidentales. Pendant la guerre froide, la stratégie centrale était la même mais les méthodes différaient. On déstabilisait et envahissait régulièrement les états indépendants du Sud de la planète mais habituellement avec l’objectif d’y installer des "dictateurs complaisants". C’est ainsi que Lumumba a été renversé et remplacé par Mobutu ; Sukarno par Suharto ; Allende par Pinochet ; etc, etc. Mais le danger de cette politique "d’imposer un homme fort" était que ces hommes forts pouvaient se rebeller. Saddam Hussein en a été l’exemple parfait. Après avoir été soutenu pendant une dizaine d’année par l’Occident, il a attaqué le Koweït, un laquais de l’Occident. Les gouvernements que l’on contrôle peuvent facilement devenir incontrôlables. Cependant, aussi longtemps que les Occidentaux ont eu besoin des services que lui procuraient les armées de ces leaders (pour protéger leurs investissements, réprimer les travailleurs, etc) ; ils les ont soutenus. La crise économique qui sévit aujourd’hui en Occident nécessite des mesures plus drastiques. Et grâce au développement des entreprises privées de mercenaires et de sécurité, les armées de ces hommes forts deviennent de plus en plus inutiles.

Le Congo est un bon exemple. Pendant 30 ans, les puissances occidentales ont soutenu la loi d’airain de Mobutu Sese Seko sur le Congo. Puis, au milieu des années 1990, elles l’ont laissé renverser. Cependant, au lieu de laisser les forces de la résistance congolaise prendre le pouvoir et établir un gouvernement, elles ont sponsorisé une invasion du pays par l’Ouganda, le Rwanda et le Burundi. Bien que ces pays aient largement retiré leurs milices, l’Occident a continué à sponsoriser des milices qui ont empêché le pays de connaître un seul instant de paix en 15 ans, ce qui a engendré le plus grand massacre depuis la seconde guerre mondiale : environ 5 millions de morts. Comme le gouvernement est dans l’incapacité totale de fonctionner, les entreprises occidentales qui pillent les ressources du Congo ont pu le faire à peu près gratuitement. Bien que le Congo soit le plus grand fournisseur de coltane et de cuivre, entre autres métaux précieux, le montant total des taxes perçues par le pays sur ces produits en 2006-2007 a été d’à peine 32 millions de livres. C’est sûrement beaucoup moins que n’importe quel marionnette néo-coloniale aurait exigé.

Cela change complètement le sens du mot "gouvernement". Au Congo, les efforts du gouvernement pour stabiliser et développer le pays ont été réduits à néant par les stratégies de déstabilisation de l’Occident et de ses hommes de main. En Afghanistan, tout le monde sait que la signature du gouvernement ne signifie rien en dehors de Kaboul, et encore. Mais justement c’est ça le but. Le rôle des gouvernements imposés à l’Afghanistan, l’Irak et la Libye, comme celui qu’on essaie d’imposer à la Syrie, n’est pas de gouverner ni de fournir aux populations ce dont elles ont besoin — et pas même la sécurité minimale. Ils sont là pour donne une apparence de légitimité à l’occupation d’une pays et pour octroyer des contrats d’affaires au pouvoir colonial. Ils n’ont absolument aucune autre fonction, du moins aux yeux de leurs sponsors.

Il va sans dire que cette politique de dévastation transforme les pays qui en sont victimes en enfers. Après plus de 30 de déstabilisation occidentale et 10 ans d’occupation, l’Afghanistan a les plus mauvais indices dans toutes les statistiques disponibles sur le développement avec une espérance de vie de 44 ans, et un mortalité des enfants de moins de 5 ans de un sur quatre. Mathew White, un professeur d’histoire qui vient de publier une étude des pires atrocités commises dans l’histoire dit dans sa conclusion qu’il ne fait pas de doute que "le chaos est beaucoup plus meurtrier que la tyrannie". C’est une parole de vérité que beaucoup d’Irakiens peuvent confirmer.

Dan Glazebrook

Dan Glazebrook écrit pour le Morning Star et il fait partie de l’équipe éditoriale des publications OURAIM. 

Pour consulter l’original : http://dissidentvoice.org/2011/12/the-west-aims-to-turn-the-...

Traduction : Dominique Muselet pour LGS

URL de cet article 15603
http://www.legrandsoir.info/l-occident-s-emploie-a-installer-le-chaos-au-sud-de-la-planete-dissident-voice.html
Partager cet article
Repost0
7 janvier 2012 6 07 /01 /janvier /2012 09:51

par Amy Goodman

 

« Comme l’a déclaré l’élu du Congrès John Lewis, le droit de vote est attaqué..., par une tentative délibérée et systématique d’empêcher les électeurs âgés, les plus jeunes et les membres des minorités... d’exercer leur droit constitutionnel, » soulignait récemment l’Attorney General Eric Holder, à qui incombe la mission de garantir ce droit. Sous la pression des Républicains, 34 Etats ont introduits des législations exigeant que les électeurs produisent des documents dont la plupart des américains défavorisés sont en général dépourvus, ne serait-ce que pour des questions de coût. Ce qui revient à remettre en cause par des voix détournées la règle « une personne, une voix », conclut la journaliste Amy Goodman.

 

Par Amy Goodman, Democracy Now, 28 décembre 2011

Cette semaine, tous les regards sont tournés vers l’Iowa, cet État rural qu’un méli-mélo de prétendants républicains arpente en quête, sinon de victoire, du moins d’élan dans la course à l’investiture présidentielle du parti. Cependant les Républicains livrent en coulisse une autre bataille, non pas les uns contre les autres, mais contre les électeurs de ce pays. Les législateurs et les gouverneurs des différents États promeuvent des lois restreignant l’accès à l’isoloir, des lois qui lèseront surtout les personnes de couleur, les personnes à bas revenus, ainsi que les plus jeunes et les plus âgés.

L’association nationale pour l’avancement des gens de couleur (NAACP) vient de publier une étude sur ce problème, intitulée « Défendre la Démocratie : s’opposer aux nouveaux obstacles au droit de vote en Amérique ». On y lit que « le cœur de la récente campagne d’obstruction au vote, c’est une série de clauses restrictives contraignant les électeurs à produire un document officiel comportant une photo. En un effort coordonné, les législateurs de trente-quatre États ont introduit des lois imposant ce genre d’exigences. Nombre de ces lois ont été calquées sur des projets conçus par l’American Legislative Exchange Council (ALEC) - un groupe de pression conservateur dont le fondateur déclare : "Notre poids dans les élections croît assez nettement lorsque le peuple vote moins". »

Il est intéressant de noter que la droite, longtemps opposée à tout type de carte d’identité nationale, est ravie d’imposer des exigences d’identification photographique au niveau des États. Pourquoi ? Ben Jealous, président de la NAACP, décrit [ces] lois comme « une solution sans problème. ... Cela ne rendra pas le vote plus sûr. L’effet sera d’introduire la première barrière financière entre les gens et leur suffrage depuis que nous avons aboli la taxe par tête [’poll tax’]. »

Nul besoin de chercher longtemps pour trouver des gens concernés par ces nouvelles lois excluant des électeurs. Darwin Spinks, un vétéran de la Seconde guerre mondiale âgé de 86 ans, s’est rendu au service des immatriculations pour obtenir une pièce d’identité pourvue d’une photo afin de pouvoir voter (les permis délivrés aux conducteurs de plus de 60 ans sont dépourvus de photos), Après avoir fait la queue, on lui a expliqué qu’il devrait payer 8 dollars. Exiger d’un électeur qu’il doive payer pour pouvoir voter est inconstitutionnel depuis que la « poll tax » a été considérée comme illégale en 1964. À Nashville, Thelma Mitchell, 93 ans, avait une carte d’identité émise par l’État, qu’elle avait utilisée pendant trente ans pour accéder, comme nettoyeuse, au bâtiment de l’assemblée de l’État. Cette carte lui avait donné accès au bureau du gouverneur pendant des décennies, mais on lui a dit que dorénavant, ce n’était pas suffisant pour lui ouvrir les portes du bureau de vote. Elle et sa famille envisagent d’engager un recours légal - une tournure des événements déplorable pour une femme qui est plus âgée que le droit de vote des femmes dans ce pays.

Les gens âgés ne sont pas les seuls visés par ces obstacles au vote. Le Brennan Center for Justice de la New York University School of Law évoque des « lois rendant extrêmement difficile et risqué pour les groupes de volontaires de mener des campagnes d’incitation à s’inscrire sur les listes de vote, des lois exigeant des électeurs de présenter des photos d’identité spécifiques ou des documents de citoyenneté... des lois restreignant le vote anticipé et le vote à distance, des lois compliquant l’inscription sur les listes locales pour les étudiants et militaires en service actif, et plus encore. »

L’Attorney General Eric Holder s’est exprimé à ce sujet, rappelant les enjeux : « nos efforts sont un hommage aux générations d’Américains qui ont pris des risques extraordinaires, se sont volontairement confrontés à la haine, aux préjugés et à l’ignorance - ainsi qu’à des matraques, des lances à incendie, des balles et des bombes - pour s’assurer que leurs enfants, et tous les citoyens américains, aient la possibilité de participer à l’action de leur gouvernement. Le droit de vote n’est pas seulement la pierre angulaire de notre système de gouvernement, il est la pierre angulaire de notre démocratie. »

Cette semaine encore, le Département de la Justice a bloqué une nouvelle loi en Caroline du Sud exigeant que chaque électeur présente une photo d’identité au bureau de vote, au motif que, selon les données fournies par [cet] État, les électeurs des minorités avaient statistiquement 20 pour-cent plus chance de ne pas avoir de photo d’identité conforme.

Selon certaines estimations, la population totale qui pourrait être empêchée de voter par cette série de législations dépasse les cinq millions d’électeurs, dont la plupart voteraient sans doute pour le Parti démocrate. Les efforts pour saper la participation électorale ne proviennent pas de mouvements citoyens de base. Au contraire, leur financement dépend de gens comme les frères Koch, David et Charles. C’est pourquoi des milliers de personnes, NAACP en tête, ont marché sur le siège new-yorkais de Koch Industries il y a deux semaines, avant de rejoindre une manifestation pour le droit de vote devant les Nations Unies.

Malgré l’attention des médias sur les primaires en Iowa, le véritable résultat de l’élection présidentielle de 2012 dépendra vraisemblablement plus de la lutte entre les milliardaires mécènes en politique comme les Kochs et les milliers de personnes dans les rues, qui exigent que soit appliquée la règle « une personne, une voix ».

Lire aussi :

Discours de l’Attorney General Eric Holder

The reality is that - in jurisdictions across the country - both overt and subtle forms of discrimination remain all too common. And we don’t have to look far to see recent proof.

As Congressman John Lewis described it, in a speech on the House floor this summer, the voting rights that he worked throughout his life - and nearly gave his life - to ensure are, "under attack... [by] a deliberate and systematic attempt to prevent millions of elderly voters, young voters, students, [and] minority and low-income voters from exercising their constitutional right to engage in the democratic process." Not only was he referring to the all-too-common deceptive practices we’ve been fighting for years. He was echoing more recent concerns about some of the state-level voting law changes we’ve seen this legislative season

NAACP : Defending Democracy : Confronting Modern Barriers to Voting Rights in America

On December 5, 2011, the NAACP released a new report revealing direct connections between the trend of increasing, unprecedented African American and Latino voter turnout and an onslaught of restrictive measures across the country designed to stem electoral strength among communities of color.

The report, Defending Democracy : Confronting Modern Barriers to Voting Rights in America, details a plethora of voter suppression initiatives, most of them pushed in states with large African-American populations and where voting turnout has surged.


Publication originale Democracy Now, traduction Daniel Gerber pour Contre Info

Illustration : NAACP

 

Sources ContreInfo :: USA : le vote des minorités remis en cause par une offensive Républicaine, par Amy Goodman          

Les Dernières Nouvelles du Monde

Partager cet article
Repost0
31 décembre 2011 6 31 /12 /décembre /2011 19:05

 

Un nouveau G2 Chine-Russie serait le leader d'un Nouvel Ordre Mondial conséquence de l'attitude criminellle de l'Occident en Lybie, la Nouvelle Donne.... Bienvenue en 2012...

L'article tient la route....et ouvre des perspectives innatendues...


LES MORTS DE COTE D'IVOIRE ET DE LIBYE CREENT LE NOUVEL ORDRE MONDIAL

de Jean-Paul pougala(*)

En 1945 L'Organisation des Nations-Unies s'est créée après le choc de la deuxième Guerre Mondiale. Aujourd'hui, le nouvel ordre mondial est en train de se mettre en place après le lourd sacrifice de l'Afrique, après le choc des milliers de morts de côte d'Ivoire dont les 1200 villageois de Duékoué et des dizaines de milliers de morts Libyens, même si l'Otan a décidé d'insulter notre intelligence en parlant de zero mort et ce, après 26.323 sorties, 9.658 raids de bombardement, 7.700 bombes et missiles tirés par l'OTAN sur la Libye, avec la complicité des Nation-Unies qui étaient censées les protéger. L'ONG britannique Stop the War Coalition a certifié l'utilisation par l'OTAN des armes de destruction massive en Libye à travers les bombes et missiles contenant le fameux DU (depleted uranium), c'est de l'uranium appauvri, pour tuer le plus de personnes possibles. Daniele Cardetta dans le journal italien Articolo3, avance le chiffre de 60.000 morts. C'est le journal italien Nibiru2012 qui conclut que 60.000 morts sur une population libyenne de 6 millions sont 1% de la population décimée par l'Otan en Libye et que cela équivaudrait en proportion à 3 millions d'américains que des puissances étrangères viendraient décimer avec des bombes non conventionnelles. Et au lieu de mener la moindre enquête, l'Onu a tourné la tête ailleurs, vers Abidjan pour le méchant désigné le Président Gbagbo. C'est contre tout cela que la Chine a décidé de prendre les devants et de mettre sur pied un nouvel ordre mondial. Voici comment :

Lire la suite : La Voix des Opprimes - LES MORTS DE COTE D'IVOIRE ET DE LIBYE CREENT LE NOUVEL ORDRE MONDIAL

Partager cet article
Repost0
28 décembre 2011 3 28 /12 /décembre /2011 14:37

 

 

dimanche 27 novembre 2011

Serene Assir - Alakhbar

 

 

Après une semaine de protestations populaires culminant dans un rassemblement vendredi à la place Tahrir, les manifestants ont à nouveau réclamé le pouvoir au peuple, et les débats ont été relancés sur la meilleure voie à suivre pour un changement démocratique en Egypte face à l’actuel régime militaire et à la veille des élections parlementaires.
(JPG)
Des dizaines de milliers de manifestants ont convergé pour un autre rassemblement de masse sur la place Tahrir ce vendredi, pour réclamer la fin du régime militaire, à quelques jours des premières élections législatives depuis la chute de Hosni Moubarak - Photo : Ali Garboussi

 

Le Caire - Place Tahrir, le cœur de la révolution égyptienne s’est remis à battre avec une ferveur révolutionnaire ce vendredi, alors que la place débordait de centaines de milliers de personnes unies dans leur détermination à mettre fin à la dictature militaire. Des milliers de personnes se sont aussi rassemblées dans d’autres villes d’Egypte, dont Alexandrie et Ismaïlia.

Beaucoup sont restés bien au-delà du coucher du soleil pour exprimer leur désir de voir les fruits d’une révolution qui a apporté autant d’espoir qu’elle a fait couler de sang. Dans la seule semaine dernière, une répression sanglante par les forces de police à fait des dizaines de morts et des centaines - voire des milliers - de blessés.

« Tantawi, va-t’en ! A bas Tantawi, tout comme Moubarak ! » Les manifestants réunis sur la place applaudissent, faisant référence au président du Conseil suprême des Forces armées (SCAF).

L’ambiance était festive dans tout le centre du Caire, où la foule s’oppose catégoriquement à la nomination par le SCAF du nouveau Premier ministre par intérim Ganzouri Kamal.

Pendant ce temps, le souvenir trop récent de la répression brutale exercée par l’armée et la police au cours de la semaine, couplé avec l’imminence des élections législatives lundi, ont approfondi les débats au sein du camp révolutionnaire.

Une étudiante en sciences politiques Nermeen, âgée de 21 ans, est arrivéé à la place Tahrir au début de la journée. Fière de prendre part à la réconquête de cette place emblématique, elle était incertaine sur la façon dont le mouvement de protestation continuera à se développer, au-delà de la rue et dans la vie politique.

« Nous avons évincé Moubarak en prenant la rue, mais nous devons faire beaucoup plus que protester si nous voulons débarrasser l’Egypte de la domination militaire », a déclaré Nermeen. « Je me demande juste si nous savons vraiment ce contre quoi nous sommes. Les armées sont violentes par définition. Nous devons proposer des alternatives, sinon nous serons amenés dans une impasse. »

Les préoccupations de Nermeen ont été reprises tout au long de la journée par les militants et les manifestants appartenant à de nombreux milieux politiques. Chez tous, il y a un fort sentiment que les participants à la révolution qui a secoué le monde ont compris qu’ils étaient à nouveau au seuil de la réalisation d’un véritable et nouveau bouleversement.

« Les Égyptiens ont été contraints d’abandonner la vie politique depuis 60 ans, donc récupérer notre place dans la vie publique n’est pas simple », a déclaré Alaa Shukrallah, un médecin, militant politique et membre d’une nouvelle coalition de gauche, l’Alliance populaire socialiste. « Nous sommes à un stade où les gens ont vraiment besoin que la révolution se réalise pleinement. »

Une nouvelle proposition qui a émergé de la Place Tahrir a avancé l’idée de créer un conseil de transition dirigé par trois candidats à la présidence : Abdel Moneim Aboul Futouh, un ancien membre de l’aile la plus libérale des Frères musulmans, le nassérien Hamdeen Sabbahi et l’ancien responsable de l’Agence international de l’énergie atomique, Mohamed El-Baradei. Quelques heures plus tard, lors d’une entrevue à la télévision égyptienne, Sabbahi a déclaré qu’un gouvernement de salut national devait être mis en place, et tel qu’il puisse être accepté par les manifestants de la place Tahrir.

Pour Alaa Shukrallah, l’idée de créer un conseil qui permettrait une transition immédiate du pouvoir depuis les militaires aux civils est une excellente idée. « Je pense que les gens sont d’accord pour que nous commencions à mettre en place des mécanismes pour traduire nos demandes en réalités », dit-il.

Mais la jeune manifestante Nermeen n’est pas d’accord, « parce que ces politiciens n’ont aucune légitimité réelle. Les gens qui ont une légitimité sont ici sur la place, pour protester. Nous devons faire nos propres choix, et nous devons parvenir à un consensus entre nous. N’est-ce pas cela la démocratie ? »

Arriver au point où la place Tahrir - et même le mouvement révolutionnaire du pays dans son ensemble - puisse déterminer un tel agenda semble difficile à ce stade. À tout le moins, un consensus réel de base sur les principales questions politiques mettra sans aucun doute plus de temps à se concrétiser que ce que l’échéancier électoral - avec les élections parlementaires imminentes - semble permettre. A deux jours de la première journée des élections, il est difficile d’évaluer dans quelle mesure les manifestants vont y participer ou les boycotter.

Shukrallah et Futouh Qura, également de l’Alliance populaire socialiste, sont opposés à la tenue d’élections comme il était prévu.

« La loi d’urgence est toujours en place. Nous n’avons aucune garantie qu’il n’y aura pas d’arrangements ou de corruption », affirme Qura. « Si nous nous rendons aux urnes aujourd’hui, nous ne ferions que remettre le pouvoir que nous avons conquis à des forces qui ne nous représentent pas. »

Mais Nermeen est en désaccord, sur la base que « nous devons prendre nos responsabilités. Je vais certainement voter si les élections ont lieu comme prévu. »

La ville reste parsemée de panneaux d’affichage faisant la promotion des candidats et de leurs slogans. En tout, 11 405 candidats sont en lice sur les listes électorales, pour 116 sièges au Parlement tandis que 2356 sont en lice pour 56 sièges individuels. Un total de 59 partis sont en compétition, dont 19 sont libéraux et 15 islamiques.

Mais des doutes sérieux subsistent quant à savoir si les élections se tiendront après les dizaines de tués dans des affrontements entre les forces de police et les manifestants au cours de la dernière semaine.

D’une façon générale, la jeunesse et la gauche, qui sont le moins représentés parmi les candidats au Parlement, sont les forces qui revendiquent le plus clairement que l’avenir de l’Egypte soit décidé dans la rue.

« Ce n’est vraiment pas le moment de s’occuper du Parlement », a déclaré Mohammed al-Hamidi, un jeune militant d’extrême-gauche, avocat et ancien membre du mouvement du 6 avril. « Le SCAF conspire contre la révolution. La pire erreur que nous pouvons faire est de tomber dans son piège, laissant ainsi des forces qui n’ont rien eu à voir avec la révolution, récupérer la lutte et des sacrifices du peuple. »

Énergique et éloquent, al-Hamidi, âgé de 23 ans, est particulièrement préoccupé par les Frères musulmans qui tentent de rouler dans le sillage de la révolution. Bannis sous le régime de l’ancien président Hosni Moubarak, les dirigeants de la Confrérie [des Frères Musulmans] n’ont pas approuvé les manifestations de masse sur la place Tahrir ce vendredi. Ils ont au contraire organisé une manifestation à al-Azhar au Caire, pour protester contre les menaces d’Israël de démolir le passage vers la mosquée al-Aqsa à Jérusalem. Environ 2000 personnes ont pris part au rassemblement.

« Les Frères Musulmans agissent de façon opportuniste en profitant de la révolution, sans la soutenir, » dit al-Hamidi. « Maintenant que l’ancien régime est parti, ils veulent prendre le pouvoir. Mais ce n’est pas pour ce quoi nous avons lutté. »

Des déclarations récentes du SCAF ont cherché à détourner l’attention du combat mené par al-Hamidi et des milliers d’autres jeunes, affirmant que les forces de sécurité n’avaient pas utilisé des tirs à balles réelles contre les manifestants. « L’Egypte ne peut pas être réduite à la place Tahrir et à la rue Mohammed Mahmoud », a déclaré le général Malla lors d’une conférence de presse le 24 novembre.

La déclaration du général semble perdre tout son sens comparée à la force de l’expérience vécue par tous ceux qui sont déterminés à défendre la révolution, même au risque de leur vie.

« Pendant les récents affrontements, nous avons été assiégés dans l’hôpital de campagne des bénévoles au centre-ville du Caire », a déclaré al-Hamidi, cette fois avec un tremblement dans sa voix sonore.

« Nous nous sommes précipités vers l’hôpital parce que des amis avaient besoin de soins médicaux immédiats. La police a alors bouclé l’entrée et lancé des grenades lacrymogènes dans l’hôpital de campagne. Ceci est un crime. »

« Nous ne vendrons pas la révolution », a déclaré al-Hamidi. « Nous avons déjà emporté trop de succès pour nous arrêter maintenant. Nous sommes à quelques pas de l’achèvement. Nous avons juste besoin de continuer. »

26 novembre 2011 - Alakhbar - Vous pouvez consulter cet article à :
http://english.al-akhbar.com/conten...
Traduction : Naguib

 


Source : [Info-Palestine] -  Révolution égyptienne : le pouvoir au peuple 

 

Partager cet article
Repost0
19 décembre 2011 1 19 /12 /décembre /2011 16:47

 

 

 

Jean Ziegler : « Les spéculateurs devraient être jugés pour crime contre l’humanité »

Par Elodie Bécu (19 décembre 2011)

Les ressources de la planète peuvent nourrir 12 milliards d’humains, mais la spéculation et la mainmise des multinationales sur les matières premières créent une pénurie. Conséquence : chaque être humain qui meurt de faim est assassiné, affirme Jean Ziegler, ancien rapporteur spécial de l’ONU pour le droit à l’alimentation. Il dénonce cette « destruction massive » par les marchés financiers. Des mécanismes construits par l’homme, et que l’homme peut renverser. Entretien.

Basta ! : Craignez-vous que la crise financière amplifie celle de la faim dans le monde ?

Jean Ziegler : Tous les cinq secondes, un enfant de moins de 10 ans meurt de faim. Près d’un milliard d’humains sur les 7 milliards que compte la planète souffrent de sous-alimentation. La pyramide des martyrs augmente. À cette faim structurelle, s’ajoute un phénomène conjoncturel : les brusques famines provoquées par une catastrophe climatique – comme en Afrique orientale, où 12 millions de personnes sont au bord de la destruction – ou par la guerre comme au Darfour. En raison de la crise financière, les ressources du Programme alimentaire mondial (PAM), chargé de l’aide d’urgence, ont diminué de moitié, passant de 6 milliards de dollars à 2,8 milliards. Les pays industrialisés ne paient plus leurs cotisations car il faut sauver la Grèce, l’Italie et les banques françaises. Une coupe budgétaire qui a un impact direct sur les plus démunis. Dans la corne de l’Afrique, le PAM est contraint de refuser l’entrée de ses centres de nutrition thérapeutique à des centaines de familles affamées qui retournent dans la savane vers une mort presque certaine.

Et les financiers continuent de spéculer sur les marchés alimentaires. Les prix des trois aliments de base, maïs, blé et riz – qui couvrent 75 % de la consommation mondiale – ont littéralement explosé. La hausse des prix étrangle les 1,7 milliard d’humains extrêmement pauvres vivant dans les bidonvilles de la planète, qui doivent assurer le minimum vital avec moins de 1,25 dollar par jour. Les spéculateurs boursiers qui ont ruiné les économies occidentales par appât du gain et avidité folle devraient être traduits devant un tribunal de Nuremberg pour crime contre l’humanité.

Les ressources de la planète suffisent à nourrir l’humanité. La malnutrition est-elle seulement une question de répartition ?

Le rapport annuel de la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) estime que l’agriculture mondiale pourrait aujourd’hui nourrir normalement [1] 12 milliards d’humains, presque le double de l’humanité. Au seuil de ce nouveau millénaire, il n’y a plus aucune fatalité, aucun manque objectif. La planète croule sous la richesse. Un enfant qui meurt de faim est assassiné. Il n’est pas la victime d’une « loi de la nature » !

Au-delà de la spéculation, quelles sont les autres causes de la faim dans le monde ?

Tous les mécanismes qui tuent sont faits de main d’homme. La fabrication d’agrocarburants brûle des millions de tonnes de maïs aux États-Unis. L’océan vert de la canne à sucre au Brésil mange des millions d’hectares de terres arables. Pour remplir un réservoir de 50 litres de bioéthanol, vous devez brûler 352 kg de maïs. Au Mexique ou au Mali, où c’est l’aliment de base, un enfant vit une année avec cette quantité de maïs. Il faut agir face au réchauffement climatique, mais la solution ne passe pas par les agrocarburants ! Il faut faire des économies d’énergies, utiliser l’éolien, le solaire, encourager les transports publics.

Autre élément : le dumping agricole biaise les marchés alimentaires dans les pays africains. L’Union européenne subventionne l’exportation de la production européenne. En Afrique, vous pouvez acheter sur n’importe quel étal des fruits, des légumes, du poulet venant d’Europe à quasiment la moitié du prix du produit africain équivalent. Et quelques kilomètres plus loin, le paysan et sa famille travaillent dix heures par jour sous un soleil brûlant sans avoir la moindre chance de réunir le minimum vital.

Et la dette extérieure des pays les plus pauvres les pénalise. Aucun gouvernement ne peut dégager le minimum de capital à investir dans l’agriculture, alors que ces États ont un besoin crucial d’améliorer leur productivité. En Afrique, il y a peu d’animaux de traction, pas d’engrais, pas de semences sélectionnées, pas assez d’irrigation.

Enfin, le marché agricole mondial est dominé par une dizaine de sociétés transcontinentales extrêmement puissantes, qui décident chaque jour de qui va vivre et mourir. La stratégie de libéralisation et de privatisation du Fonds monétaire international (FMI), de la Banque mondiale et de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a ouvert la porte des pays du Sud aux multinationales. La multinationale Cargill a contrôlé l’an dernier 26,8 % de tout le blé commercialisé dans le monde, Louis Dreyfus gère 31 % de tout le commerce du riz. Ils contrôlent les prix. La situation est la même pour les intrants : Monsanto et Syngenta dominent le marché mondial – donc la productivité des paysans.

Que faire face à cette situation ?

Ces mécanismes, faits de main d’homme, peuvent être changés par les hommes. Mon livre, Destruction massive, Géopolitique de la faim, malgré son titre alarmant, est un message d’espoir. La France est une grande et puissante démocratie, comme la plupart des États dominateurs d’Europe et d’Occident. Il n’y a pas d’impuissance en démocratie. Nous avons toutes les armes constitutionnelles en main – mobilisation populaire, vote, grève générale – pour forcer le ministre de l’Agriculture à voter pour l’abolition du dumping agricole à Bruxelles. Le ministre des Finances peut se prononcer au FMI pour le désendettement total et immédiat des pays les plus pauvres de la planète.

La crise de la dette européenne rend cette position plus difficile à envisager…

Elle complique la situation. Mais la taxe Tobin, quand elle a été proposée par Attac il y a quinze ans, était qualifiée d’irréaliste. Aujourd’hui, elle est discutée par le G20 ! Les organisations internationales sont obligées de constater la misère explosive créée par la hausse des prix des matières premières. Un chemin se dessine. Nous avons un impératif catégorique moral – au-delà des partis, des idéologies, des institutions, des syndicats : l’éveil des consciences. Nous ne pouvons pas vivre dans un monde où des enfants meurent de faim alors que la planète croule sous les richesses. Nous ne voulons plus du banditisme bancaire. Nous voulons que l’État à nouveau exprime la volonté du citoyen, et ne soit pas un simple auxiliaire des entreprises multinationales. Ces revendications créent des mouvements dans la société civile.

La crise ne risque-t-elle pas de provoquer une montée du populisme en Europe, plutôt qu’un nécessaire sursaut des consciences ?

La lutte est incertaine. Le chômage et la peur du lendemain sont les terreaux du fascisme. Mais il y a une formidable espérance à la « périphérie », comme le montrent les insurrections paysannes pour la récupération des terres que les multinationales se sont appropriées au nord du Brésil et du Sénégal, au Honduras ou en Indonésie. Si nous arrivions à faire la jonction, à créer un front de solidarité entre ceux qui luttent à l’intérieur du cerveau de ces monstres froids et ceux qui souffrent à la périphérie, alors l’ordre cannibale du monde serait abattu. J’ai d’autant plus d’espoir que l’écart entre Sud et Nord se réduit, parce que la jungle avance. La violence nue du capital était jusqu’ici amortie au Nord, par les lois, une certaine décence, la négociation entre syndicats et représentants patronaux. Aujourd’hui, elle frappe ici les populations humbles. Il faut montrer la voie de l’insurrection et de la révolte.

Propos recueillis par Élodie Bécu

À lire : Jean Ziegler, Destruction massive : Géopolitique de la faim, 2011, Éditions du Seuil, 352 pages, 20 euros.

Notes

[1] Selon les critères de l’Organisation mondiale de la santé : 2 200 calories par individu et par jour.

 

Source : Jean Ziegler : « Les spéculateurs devraient être jugés pour crime contre l'humanité » - Alimentation - Basta !

 

 

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Le blog de Anne Wolff
  • : Comprendre la globalisation, apprendre à y résister
  • Contact

Profil

  • Anne Wolff
  • Amoureuse de la vie, d'une fleur, d'un papillon, d'un arbre, du sourire d'un enfant, je m'oppose à tout ce qui conduit à la destruction systématique de ce que la nature a créé, de la vie, de la beauté du monde, de la tendresse et de la dignité
  • Amoureuse de la vie, d'une fleur, d'un papillon, d'un arbre, du sourire d'un enfant, je m'oppose à tout ce qui conduit à la destruction systématique de ce que la nature a créé, de la vie, de la beauté du monde, de la tendresse et de la dignité

No Pub

Malgré les publicités imposées dans sa nouvelles versions qui apparaissent sur ce blog,celui-ci reste un acte gratuit.

Recherche

Nouvelles formes du fascisme

"Le vieux fascisme si actuel et puissant qu’il soit dans beaucoup de pays, n’est pas le nouveau problème actuel. On nous prépare d’autres fascismes. Tout un néo-fascisme s’installe par rapport auquel l’ancien fascisme fait figure de folklore […].

Au lieu d’être une politique et une économie de guerre, le néo-fascisme est une entente mondiale pour la sécurité, pour la gestion d’une « paix » non moins terrible, avec organisation concertée de toutes les petites peurs, de toutes les petites angoisses qui font de nous autant de microfascistes, chargés d’étouffer chaque chose, chaque visage, chaque parole un peu forte, dans sa rue, son quartier, sa salle de cinéma."

 

Gilles Deleuze, février 1977.

Toutes Dernières Archives