Suite de Honduras, de quel côté sont les Etats-Unis? 1 - Le blog de Anne Wolff
Comment le coup d’état militaire a-t-il influé sur tout ceci ? Additionnez la corruption rampante de l’état hondurien, le crime qu’il débride et couvre, sa répression brutale des opposants, et il apparaîtra qu’il est impossible que la culpabilité de la situation incombe exclusivement au narcotrafic et aux gangs. Le crime organisé et le trafic de drogue est intrinsèquement lié au régime criminel de Porfirio Lobo et des oligarques honduriens.
Finalement, l’alliance entre les USA et un régime aussi brutal et antidémocratique que celui du Honduras a fait l’objet d’un questionnement à Washington. Howard Berman, le démocrate au sommet de la hiérarchie dans le Comité des Affaires Etrangères de la Chambre des Représentants, envoya en novembre une lettre à la secrétaire d’état Harpie (désolée NdT) Hillary Clinton. Dans celle-ci, il demandait si les USA étaient en train d’armer un régime dangereux en Amérique Centrale. 94 membres de la Chambre, incluant de nombreux leaders démocrates ont signé le 9 mars une lettre patronnée par le représentant Jan Schakowsi dans laquelle est demandé– spécialement eu égard à la situation de la vallée de Aguan – la suspension de l’aide militaire et policière au Honduras. Le 5 mars, 7 sénateurs avaient signé une lettre présentée par Barbara Mikulski, dans laquelle était exprimée une préoccupation pour l’augmentation des violations des droits humains dans ce pays.
Non que le Congrès se soit levé rapidement avec un démarrage sur les chapeaux de roues. Les Activistes du Secours Rouge du Honduras et leurs alliés sont venus insistant pendant trois ans sur ce thème, obtenant un appui au niveau de la base et faisant pression pour être écoutés à Washington et au Honduras. (Eclaircissement : l’auteure de l’article est membre de ce réseau). Le Département d’Etat a reconnu qu’il existe des « issues » (Problèmes ? NdT) de droits humains au Honduras et que l’appareil de sécurité de l’état est en crise, mais jusqu’ici n’a pas dénoncé l’administration de Lobo pour répression et corruption. L’ambassade US à Tegucigalpa à répondu aux doléances exprimées par des militants des droits humains pour qu’une enquête soit menée concernant le CAM pour des activités en tant qu’escadrons de la mort disant que « malheureusement, la capacité des autorités hondurienne pour faire valoir la loi est limitée » et que le gouvernement US aide son pair centraméricain à « améliorer ces capacités. »
Comme justification de leur appui au gouvernement du Honduras, les fonctionnaires US soutiennent que celui-ci a besoin que les USA l’aide à régler ses problèmes. Etant donné la claire absence de volonté de changement manifestée par Lobo et son gouvernement, cette justification, est pour le moins, ingénue. Le vice-président Jo Biden affirma durant sa récente visite au Honduras que « les USA étaient absolument engagés à continuer à travailler avec ce pays pour gagner la bataille contre le narcotrafic ». Invoquant l’Initiative de Sécurité Régionale pour l’Amérique Centrale, Biden promit d’augmenter les fonds pour aider militaires et policier dans la frileuse aide de 107 millions de $.
La visite de Biden se produisit au milieu d’une montée de critiques contre la politique anti-drogue des Etats-Unis. Le président de Colombie Juan Manuel Santos et Otto Père Molina du Guatemala se prononcèrent publiquement en faveur d’une dépénalisation de la consommation de drogues, dénonçant l’échec des politiques militaires impulsées par Washington
Quelles sont les causes de la politique agressive de l’administration Obama ? Les Usa considèrent depuis longtemps que le Honduras, sont état client le plus captif d’Amérique Latine, est d’une grande importance stratégique régionale. De même que durant la décade de 1980, quand il servit de bases pour les opérations de guerre contre le Nicaragua, ce pays est un centre idéal pour les opérations militaires en Amérique centrale. L’année passée, il reçut plus de 50 millions de $ en contrats du Pentagone, incluant 24 millions pour transformer les baraquements de la base aérienne de Soto Cano, élevés en 1954, en installations permanentes. La valeur stratégique de cette unité réside dans ce qu’elle est l’unique base aérienne entre les USA et l’Amérique Latine. En 2011, 62 % des fonds attribués par le Ministère de la Défense à l’Amérique Centrale aboutirent au Honduras.
Les intérêts des entreprises US sont également énormes. Elles embrassent des investissements dans les secteurs miniers et hydroélectriques, les opérations bananières de Dole et Chiquita (qui emploient 11 000 personnes et sont en expansion) et les manufactures de vêtements, pièces automobiles et autres éléments, qui donnent de l’emploi à 110 000 personnes, inclus les 3 000 travailleurs de la fabrique de système de distributions électrique de Lear de San Pedro Sula.
De fait, le coup d’état militaire rendit possible ce que les Honduriens appellent « le second coup d’état », un agenda économique d’investissement transnational opérées par les élites du pays, qui aujourd’hui ont les mains libres pour faire ce qu’elles veulent. Au sommet de leurs priorités se rencontrent la privatisation des fonctions publiques basiques. Au congrès il y a un projet de loi pour privatiser les systèmes d’électricité, l’eau courante et les ports. En attaque ouverte aux puissants syndicats d’enseignants, le congrès a approuvé en mars de l’année passée une loi qui ouvre la porte à la privatisation de toutes les écoles du pays.
Cet agenda comporte l’assaut sur les droits du travail. En novembre 2010, entra en vigueur une loi qui encourage les employeurs à transformer des emplois permanents en emplois temporaires ; sous ces nouvelles conditions de droit du travail, les travailleurs perdraient leur droit aux soins de santé et à s’organiser en syndicats. Une plainte présentée sous l’égide de l’Accord Centraméricain de Libre Commerce (CAFTA) par AFL-CIO devant le département d’état des USA en mars, décrit une série de violations systématiques des droits du travail les plus élémentaires depuis le renversement de Zelaya. Ces violences incluent le renvoi de centaines de travailleurs pour avoir essayé d’organiser des syndicats, le non-paiement de salaires minimums et même de tout salaire, point. Les travailleurs Honduriens, conclut le document, ont pâti d’une réduction de leurs droits qui sont ignorés et violés en toute impunité.
Autre exemple encore plus extrême des abus est la loi dite de « villes modèles », approuvées en juillet de l’année passée. Cette loi permet la création de sones économiques autonomes dans lesquelles la constitution et les lois du Honduras n’auront pas cours, ni non plus les plus élémentaires règles du contrôle gouvernemental. Dans ces dites sones, les investisseurs transnationaux opèrent de fait comme des états indépendants. (Tiens, tiens, même modèle pour Euro-Véga en Espagne ! NdT)
La politique du département d’état US envers l’Amérique Latine est toujours conduite aujourd’hui par des experts de l’époque de Georges Bush, qui travaillent en étroite collaboration avec la droite Cubano-américaine. Les leaders de celle-ci, à leur tour ont célébré le coup d’état au Honduras comme un succès qui marque le retrait des gouvernements démocratiques de gauches et centre-gauche, qui sont arrivés au pouvoir dans toute l’Amérique Latine, durant les quinze dernières années. Se faisant écho de ces raisonnements, le candidat républicain Mitt Rommey critiqua Obama, en décembre pour son appui supposé à Zelaya durant le coup d’état. « Pendant que le Honduras voulait virer sont président pro-marxiste, notre président l’appuyait » disait Rommey.
La responsabilité finale, toutefois, revient au président Obama et à la secrétaire Clinton, qui sont en train d’utiliser le Honduras pour réaffirmer le pouvoir des USA dans l’hémisphère Sud.
Vivant sous les fusils US, les Honduriens ont dénoncé une récente militarisation de leur pays. Dans un article durissime intitulé « Obéissance », Cofadeh répondit à la visite de Biden en déclarant ; »La guerre contre les drogues n’est qu’un prétexte pour étendre l’occupation militaire US dans le pays et pour bloquer la vague de changement politique impulsée par la résistance nationale »
Après avoir supporté trois ans de répression, les militants de cette vague de résistance montrent quelques signes de fatigue. Toutefois les gens continuent à protester dans les rues, ce qui demande beaucoup de courage, étant donné que les marches sont réprimées, au moins par des gaz lacrymogène et des matraques. Rien que dans la dernière semaine de mars, les conducteurs de bus et taxis, lesbiennes et gays, travailleurs des usines d’énergie, professeurs et élèves ont manifesté sur la voie publique. Un peu avant, un autre groupe avait occupé les fameuses ruines mayas de Copan pour protester contre une loi qui donne aux municipalités le contrôle sur les sites historiques
Après le coup d’état, tous ces éléments avaient convergé dans la formation du Front National de Résistance Populaire (FNRP). Le Front existe encore, quoique l’excitation des premières années à perdu de son brio. Ses participants incluent le mouvement indigène, les peuples afro-indigènes Garifuna (descendant des Caraïbes NdT), le mouvement des gays, lesbiennes, bisexuels et transsexuels, féministes, avocats et juges, et une myriade d’autres groupes de résistance, appuyée par une culture de médias alternatifs. Zelaya fut autorisé à rentrer au pays en mai de 2011, son épouse Xiomara Castro de Zelaya, est l’actuelle candidate présidentielle de LIBRE, le nouveau parti fondé par le FNRP. Le 1er mai, de centaines de milliers de personnes sont descendues dans les rues pour manifester dans des marches organisées par LIBRE et les trois principales fédérations syndicales.
La résistance en plus fleurit dans la culture populaire. Pour donner un délicieux exemple : dans la veillée de l’année nouvelle, les Honduriens confectionnent des figurines qui représentent toutes les choses mauvaises qui leur sont arrivées au cours de l’année qui s’achève et ensuite les brûlent de manière rituelle. La première année après le coup d’état, les figurines du dictateur Micheletti se voyaient de toutes parts, l’année suivante, le plus représenté fut Lobo. Cette année, les manifestants ont construit des maquettes de taille réelle des autos de la police qu’ils ont remplis de mannequins qui représentait le fils assassiné de la rectrice et son ami. D’autres maquettes montraient des tanks conduits par Lobo et l’administrateur de la corrompue entreprise nationale de l’énergie électrique. Les quotidiens honduriens ont porté ces images dans tous les coins du pays.
Pour le peuple du Honduras et ses alliés aux USA et dans le reste du monde le chemin à parcourir est très difficile. Il n’y a pas de solutions simples. Les défenseurs des droits humains, depuis Cofadeh à l’ONU et la Commission Interaméricaine des Droits Humains ont réclamé au gouvernement qu’il prenne des mesures pour garantir les droits les plus basiques. Ils réclament également la fin de la répression politique, des gaz lacrymogènes, des écoutes téléphoniques, du harcèlement et des exécutions clandestines, ainsi que l’application de la loi et des droits du travail, l’assainissement des prisons, l’élimination des éléments criminels de la justice, de la police et de l’armée et la mise en marche d’une véritable réforme agraire.
Comment se feront ces changements, si le président Lobo et le congrès, intimement liés au trafic de la drogue et au crime organisé – et abrités derrière le parapet des USA - n’ont pas la volonté politique le les mettre en œuvre ? Les membres de l’opposition signalent que l’unique manière c’est de reconstruire l’état hondurien depuis la base, au moyen d’une assemblée constituante semblable à celles qui ont eu lieu dans d’autres pays d’Amérique Latine dans les récentes années.
Entre temps, Cofadeh et les autres voix notables) de la société hondurienne demandent à grands cris que les USA et les autres pays suspendent leur aide aux forces armées et policières. « Arrêtez d’alimenter la bête, clamait la rectrice Julietta Castellano en novembre.
De fait nous sommes revenus aux années 80, quand le président Ronald Reagan, appuyait les gouvernements de droite contre les mouvements démocratiques de l’Amérique Latine. Les conséquences du renversement de Zelaya ont été incommensurables : comme dirait Tirza Flores Lana, une ex juge d’appel de San Pedro Sula démise ainsi que d’autres juges pour son opposition au coup d’état : « Le coup d’état a détruit la démocratie naissante que nous étions occupés à construire avec de grands efforts au Honduras, et nous revivons le fantôme des dictatures militaires dans toute l’Amérique Latine »
Traduction française Anne Wolff