Andrew Gavin Marshall
Le 7 Janvier 2013
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http://andrewgavinmarshall.com/2013/01/07/corporate-culture-and-global-empire-food-crisis-land-grabs-poverty-slums-environmental-devastation-and-resistance/
- Traduit de l’anglais par Résistance 71 -
Le pouvoir des entreprises est immense. La plus grosse des corporations au monde est la Royal Dutch Shell, qui n’est surpassée en richesse que par 24 nations sur terre. Des 150 plus grandes entités économiques au monde, 58% sont des grosses entreprises multinationales. Les entreprises sont totalitaires de manière institutionnelle, le résultat de la résistance du pouvoir à la révolution démocratique, qui fut accepté par la sphère politique, mais refusé par la sphère économique, ainsi empêchant une véritable société démocratique. Les corporations sont motivées par une religion appelée “profits à court terme”. La société entrepreneuriale, une société de capitalisme d’état, s’est épanouie aux Etats-Unis et a géré la transition de la société américaine au début du XXème siècle, de la même manière que les fascistes et les communistes gérèrent les transitions à travers l’Europe. Avec chaque guerre mondiale, la société américaine, son pouvoir politique et économique, a augmenté en influence globale et à la fin de la seconde guerre mondiale, cette société entrepreneuriale fut exportée partout dans le monde.
Ceci représente un empire. L’armée américaine, les agences de renseignement et l’appareil de sécurité de l’état opèrent avec l’intention de servir les intérêts des grosses entreprises américaines et maintenant de plus en plus transnationales et de l’état américain. Guerres, coups d’état, campagnes de déstabilisation, soutien de dictateurs, de tyrans, génocides et oppression sont les produits de l’interaction de l’occident avec le reste du monde.
Dans le même sens que “dieu fit l’Homme à son image”, les corporations ont refaçonné les sociétés en vue de leurs propres intérêts et avec la même arrogance. De grosses entreprises et des banques ont créé ou pris le contrôle de think tanks, de fondations (charitables), d’institutions éducatives, des médias, des relations publiques, de la publicité et des autres secteurs d’activité de la société. Par leur contrôle des institutions, elles étendent leurs idéologies de pouvoir, et les variances en leur sein, à la population, aux autres élites, à la classe “éduquée”, la classe moyenne, les pauvres et la classe laborieuse. Aussi loin que les idées exprimées soutiennent le pouvoir, c’est “acceptable”. Il est possible de critiquer, mais l’analyse institutionnelle n’est pas permise. Les idées qui s’opposent au pouvoir institutionnel sont “idéologiques”, “idéalistes”, “utopiques” et ultimement… inacceptables.
La culture de ces entreprises domine notre société occidentale. Etant de manière inhérente des institutions totalitaires, la culture et ses institutions, deviennent de plus en plus totalitaires. Ceci est la réponse du pouvoir économique privé pour détricoter les succès ayant eu lieu au cours de l’histoire humaine et qui sont venus par une croissance démocratique au sein de la sphère politique. Les corporations et les banques recherchent le contrôle et consument tout sur leur passage, afin de dominer sans partage et sans fin.
La seule raison pour laquelle les corparations furent et sont capables d’être l’institution culturelle de référence aux XXème et XXIème siècles, est à cause de leur puissance économique. Celle-ci est dérivée de l’exploitation: des ressources, de l’environnement, du travail, des consommateurs. Elle est renforcée par la répression: le boulot de l’état dans la société de capitalisme d’état, venant avec des aides massives et des mesures de protectionnisme pour protéger corporations et intérêts financiers. Alors que le pouvoir entrepreneurial s’étendait dans le monde, la destruction rapide de l’environnement et des ressources s’accéléra et les puissances occidentales ont délocalisé la dévastation environnementale que nos sociétés de consommation requèrent, dans les pays du soi-disant tiers-monde. Nous consommons, ils souffrent; un mariage d’inconvénience que nous appelons “civilisation”. Les entreprises et l’état gardent le reste du monde dans un état de pauvreté et de répression notoire, essayant éternellement de bloquer l’inévitable révolution globale pour créer une société humaine qui agit… humainement. Nous étions occupés à acheter plein de trucs et nous ne pouvions pas être dérangés.
Maintenant, ce qui a été fait aux gens dont nous occupons maintenant le territoire, ou qui que ce soit dans le monde, est en train de nous être infligé de manière interne. Tout est à vendre ! Les corporations n’ont jamais fait autant de profits, elles engrangent les centaines de milliards et milliers de milliards de dollars en réserves de liquidité, argent qui n’est pas investi, attendant simplement que vos standard de vie aient été réduits de manière signifiante rendant ainsi votre force de travail et vos ressources bien meilleur marché et donc ultimement, toujours plus bénéficiable pour les mêmes. Ceci est appelé “austérité” ou “réformes structurelles”, des euphémismes politiques pour appauvrissement et exploitation.
Les corporations, les banques et les états ont causé ces dernières années une crise alimentaire massive, spéculativement montant les prix à des records de hausse chaque année depuis 2007. Avec quelques milliards de personne dans le monde vivant avec moins de 2 dollars par jour. La majorité de la population mondiale, dépense ses revenus en nourriture. L’augmentation des prix alimentaires, causés de manière spéculative (les gros joueurs dans ce domaine étant Goldman Sachs, Morgan Stanley et Barclays) a poussé des dizaines de millions de personnes dans toujours plus de pauvreté et plus de malnutrition. Environ un milliard (1/7 de la population mondiale) de personnes vivent dans des bidonvilles et ceci croît rapidement. D’énormes bidonvilles urbains sont développés depuis l’impérialisme des états occidentaux et des corporations et sont imposés au reste du monde, poussant les gens à l’exode rural et les amenant toujours plus nombreux dans les villes, soit à cause de la pauvreté induite ou contraints par les bombes et les violences armées. Le tout étant facturé aux sponsors du terrorisme de l’état occidental impérialiste. Nous avons soutenu et soutenons toujours de petites élites sans scrupules dans les pays que nous dominons ou avons dominé à travers le monde et maintenant nous venons juste de réaliser le cynisme de la règle d’une toute petite “élite” qui domine nos vies personnelles. Leur fonction sociale est celle du parasite: de sucer le sang de la société mondiale.
Les augmentations des prix alimentaires ont aidé à générer une énorme saisie des terres, l’occident (ainsi que les puissances du Golfe et d’Asie) s’appropriant de vastes zones de terres arables, ainsi que l’eau, de par le monde et ce pour une bouchée de pain. Cette saisie a été la plus notoire en Afrique, où ces dernières années, essentiellement des investisseurs occidentaux se sont accaparés des terres dont la superficie est proche de celle de l’Europe de l’Ouest. Ces terres contiennent non seulement de vastes richesses, comme l’eau, le Nil étant à vendre ! mais c’est également le lieu d’habitation de centaines de millions de gens et mondialement, il y a environ 2,5 milliards de personnes impliquées dans le fermage de petite envergure. Ceci est primordialement effectué au travers de terres communautaires, quelque chose que l’occident, avec son culte du “droit divin à la propriété privée”, ne comprend absolument pas. Ainsi dans la loi d’état et d’entreprise internationale, que nous avons créée, nous décrétons que la terre communautaire et utilisée doit devenir la propriété légale de l’état. Nos “investisseurs”: banques, hedge funds, fonds de pensions, entreprises multinationales et états, signent des accords avec des états corrompus du monde pour nous donner des contrats d’exploitation de 40 à 100 ans pour de vastes terres arables, payant peu ou parfois même pas du tout de loyer. Ensuite, “les terrains vides”, comme nous les appelons, sont nettoyés (de leur ‘vide” soyons-en certains..), chassant les gens vivant sur ces terres depuis des générations et qui dépendent de la terre pour leur subsistance. Ces gens sont forcés de se déplacer vers les villes et finissent dans les nombreux bidonvilles prévus à cet effet.
Voilà ce que nous appelons “une utilisation productive de la terre”. Ensuite, bien sûr nous nous appliquons à la détruire, à évicérer l’environnement, à empoisonner, polluer, extraire, exploiter, piller et profiter de la manne; ou bien nous gardons la terre sans l’utiliser du tout, attendant juste qu’elle monte en valeur de profit. Même des universités américaines comme Harvard sont impliquées dans ce pillage des terres sans précédent en Afrique et ailleurs. Ceci constitue la plus grande saisie de terres de l’histoire depuis la “ruée sur l’Afrique” du XIXème siècle lorsque les Européens ont colonisé presque tout le continent. Quand nous utilisons la terre pour des “raisons productives”, nous disons que cela “va aider le climat” et “réduire les famines”. Comment ? Parce que nous allons produire de la nourriture et du biocarburant. Ce faisant, nous allons utiliser des quantités faramineuses d’engrais, de pesticides, d’insecticides, d’organismes génétiquement modifiés, nous allons faire usage d’une déforestation intensive, de la destruction de la biodiversité et implanter des techniques de fermage hautement mécanisées et lourdes en consommation de carburants. La nourriture que nous produisons, qui ne représente pas grand chose, car nous avons un plus grand intérêt dans le biocarburant, le commerce de bois précieux, les minerais, le pétrole, etc.. est ensuite exportée vers nos pays loin des pauvres qui baignent dans la misère et la famine. Ils perdent leurs terres, deviennent plus pauvres encore, avec en prime, une insécurité alimentaire croissante, la faim, la famine, la croissance des bidonvilles, l’augmentation de la mortalité, des maladies et de la violence. La pauvreté est la violence.
Voilà comment les états occidentaux, les corporations et les organisations internationales s’occupent du problème de la “faim”: en en créant encore plus. Et ironie du sort des plus sinistres, nous appelons tout cela avancer sur “la voie vers la durabilité”. Nous ne nous rendons pas bien compte que les intérêts du pouvoir ont une définition quelque peu différente de “durable”: ils combinent simplement les mots “durable” et “profitable” et l’appellent “durabilité”. Ce mot a déjà une signification pour la plupart des gens, nous n’avons fait que mal interprêter sa signification. Mais il y a des gens qui prennent ce concept très au sérieux, ceux qui font l’expérience des dégâts causés dans une société en banqueroute.
Nous sommes maintenant les témoins d’une grosse résistance à l’échelle mondiale, résistance essentiellement menée par les peuples indigènes, que ce soit en Afrique, en Amérique Latine, en Asie et maintenant en Amérique du Nord. Au Canada, le mouvement “Idle No More” commença avec quatre femmes autochtones de la province du Saskatchewan, qui ont décidées de se rencontrer et de discuter de leurs préoccupations au sujet de la “loi budgétaire” de Stephen Harper, le premier ministre, qui, entre autres, a réduit le nombre de rivières, de fleuves et de lacs protégés au Canada d’environ 2,5 millions (au 4 Décembre 2012) à quelque chose aux alentours de 62 (au 5 Décembre 2012). Maintenant, un très vaste mouvement de contestation, de plus en plus international et en expansion, mené par les natifs aborigènes du Canada, prend place. Il y a deux mois, cela commença avec quatre femmes qui ont eues une discussion…
Les nations indigènes du Canada sont en train de montrer aux Canadiens, et autres personnes dans le monde, comment résister au pouvoir. Ils ont eu pas mal d’entrainement. Pendant plus de 500 ans, nos sociétés occidentales ont opprimés et ont effacé les populations indigènes “à la maison” comme ailleurs. Les autochtones, comme toutes personnes opprimées, sont sur la ligne de front de la nature la plus répressive de notre société: Ils expérimentent et ont expérimenté l’exploitation, la dévastation environnementale, la domination et la décimation.. Avec les peuples natifs prenant la parole, pas seulement au Canada, mais à travers l’Amérique Latine, l’Afrique et ailleurs, il est plus que temps que nous autres en occident commencions à écouter. Il est toujours très important d’écouter ceux qui sont le plus opprimés; l’histoire de nos “victimes” est rarement écrite ou connue, du moins pas de nous. Les victimes elles se souviennent. Il est vraiment important que nous commencions à écouter.
Comment pouvons-nous espérer changer ou savoir quoi et comment changer nos sociétés si nous n’écoutons pas et n’apprenons pas de ceux qui ont l’expérience du pire de celles-ci ? Les peuples indigènes sont en train maintenant de nous donner une leçon de lutte démocratique. Si nous continuons sur notre voie actuelle, les communautés indigènes vont être complètement éliminées et les puissances qui gèrent notre société auront réussi à compléter un génocide commencé il y a 500 ans.
Nous devons donc nous poser la question: Ne devrions nous pas maintenant écouter ces gens, apprendre d’eux et les rejoindre dans la lute commune pour la justice et l’idée d’une société humaine ou… sommes-nous toujours trop occupés à acheter des trucs inutiles ?
Il serait peut-être temps que tous ensemble nous disions: Idle No More, Plus Jamais Inactif !
Source :
Resistance71 Blog