Dawn Paley
Source originelle e Anglais “Drug War Capitalism”
Le Capitalisme narco
La face cachée du modèle colombien
Pendant des générations, les communautés indigènes et paysannes de Colombie ont défendu la propriété collective de leurs terres, soudain les troupes paramilitaires les ont obligées à fuir. Ce phénomène est décrit brièvement par David Maher et Andrew Thompson.
“…les forces paramilitaires continuent d’avancer dans un processus d’accumulation de capital à travers le déplacement forcé de communautés en zone d’importance économique. Une grande partie des habitants de Colombie continuent à devoir abandonner leurs terres, parce qu’elles sont déplacées de leur foyer par la force, satisfaisant l’appétit vorace des corporations multinationales étrangères (principalement des Etats-Unis) pour le territoire Colombien, en même temps que le programme économique néolibéral s’enracine dans la société colombienne.[i]
En 2001, les paramilitaires furent responsable de la moitié des déplacements forcés en Colombie. Les groupes de guérilla causèrent 20% des cas alors que les paramilitaires et la guérilla ensemble un autre 22%[ii] de plus. Les groupes paramilitaires non seulement tiennent la plus grande partie de la responsabilité, mais ils sont également toujours plus efficaces dans leurs instigations au déplacement forcé[iii].
En Colombie, la paramilitarisation est également bénéfique pour les entreprises transnationales qui désirent démanteler les organisations syndicales:”
« La violence paramilitaire-estatal est un des aspects du soutien prolongé des EU à la campagne de contrinsurrection, elle maintient comme objectif systématique des groupes civils, de même que des organisations syndicales, qui sont considérés comme une menace contre la « stabilité » politique et économique qui favorise le développement néolibéral de la Colombie. Ceci a converti la Colombie en un lieu attractif pour les investisseurs étrangers vu que les mauvaises conditions de travail et les bas salaires maintiennent de hauts indices de marges bénéficiaires. »[iv]
Les cas bien documentés de la société bananière Chiquita Brands, de la société minière Drummond et du géant pétrolier BP, ont tracé les liens entre les groupes paramilitaires et les entreprises transnationales[v] des Etats-Unis. En Mars 2007 dans un tribunal de Washington, DC, des représentants de Chiquita Brands furent déclarés coupables d’avoir effectués des paiements au groupe paramilitaire Autodéfense Unie de Colombie. (AUC)[vi]
“Chiquita a effectué plus de 100 paiements aux AUC pour une valeur de $1,7 millions », selon le Département de Justice des EU. « Chiquita Brands a versé de l’argent maculé de sang à des terroristes comme Carlos Castaño pour protéger ses propres intérêts financiers » selon la firme d’avocats qui représente les victimes.
L’expérience (jusqu’ici)
La collusion directe entre les transnationales étasunienne et les groupes paramilitaires est souvent difficile à prouver, et quand les preuves apparaissent, en général, elles ne sont pas découvertes rapidement.
Mais nous savons déjà qu’un groupe de compagnies du Texas est accusé de complicité avec les Zeta pour importation illégale de combustible volé. [vii](Les Zetas sont le bras armé du Cartel du Golfe, qui opère dans le Nord-Est du Mexique. Les deux groupes se divisèrent en 2010, et depuis les Zetas se sont convertis essentiellement en un groupe narco-paramilitaire, malgré que dans les médias on se réfère souvent à eux comme à un cartel de la drogue.)
“Les Zetas sont une force paramilitaire”, me dit, dans une entrevue réalisée l’été passé, le Dr William Robinson, auteur de « Une théorie du capitalisme global », « A la base, il s’agit de la création d’un paramilitarisme joint à une militarisation formelle, ce qui est un modèle Colombien. »
Les Zetas sont actifs dans diverses parties du Mexique, particulièrement Tamaulipas, Nuevo Leon et Veracruz, ils sont également coupables des massacres de Jalisco et à el Petén, Guatemala. Encore qu’ils ne soient pas l’unique groupe paramilitaire au Mexique, c’est certainement le groupe qui reçoit de loin la plus grande attention des medias.
“Il ne faut pas perdre de vue que Santos, le Président colombien, de même que [ le président du Guatemala, Otto] Pérez Molina, veulent amplifier le Plan Colombie, ce qui ne signifie pas seulement le renforcement de la lutte contre le narcotrafic, sinon qu’en réalité cela signifie sa conversion en une forme de paramilitarisme dans le but de générer un nouveau type de contrinsurrection, non contre les mouvements sociaux mais contre les communautés indigènes » dit Maximo Ba Tiul, analyste Maya Poqomchi et professeur habitant au Guatemala.
S’il y a bien une hésitation de la part des journalistes à relier des couvertures de “guerres contre les drogues” avec les luttes autour des ressources naturelles, il y a une liste croissante de lieux où ces thèmes – et les leçons de la guerre des EU contre la drogue en Colombie – peuvent être explorés plus avant.
- Les résidents de Ciudad Mier, une petite communauté de Tamaulipas, la quitte en masse à cause de la violence paramilitaire. La ville se trouve sur grande poche de gaz, ce qui cause en grande partie de la violence de l’état.
- Dans la vallée de Juarez, considérée comme le lieu le plus dangereux du Mexique, les assassinats et les menaces ont obligé beaucoup de gens a quitter les lieux. Au même moment a été construit un nouveau passage frontalier entre les EU et le Mexique.
- A Santa Maria Ostula, une petite communauté indigène Nahuatl de la côte du Mexique, pour le moins 28 personnes ont été assassinées (alors que quatre autres ont disparu) par la violence paramilitaire et estatale depuis 2009. Stratégiquement situé, leur territoire se trouvait dans une zone riche en minerais.
- Dans les montagnes de la Sierra Madre au Nord du Mexique, les entreprises minières canadiennes opèrent dans des zones dans lesquelles jusqu’aux fonctionnaires du gouvernement craignent d’entrer à cause de la présence des narcotrafiquants armés.
- A El Petén, Guatemala, à cause de la présence des Zetas, les fonctionnaires du gouvernement ont militarisé la zone et déclaré un état d’urgence de 8 mois qui se terminera aux débuts de 2012. Des déclarations récentes indiquent qu’une nouvelle fièvre du pétrole se déroule dans la région.
La paramilitarisation peut également affecter les capitalistes locaux, régionaux et jusqu’à y compris nationaux, reliés à l’économie nationale en les obligeant à fermer leur magasins et commerces. Cela, à son tour, ouvre un espace pour que les entreprises transnationales et les investisseurs obtiennent l’accès aux secteurs de l’économie dominés auparavant par les capitalistes locaux.
Les entreprises majoritairement affectées par la violence, sont les plus petites et celles qui se situent dans les états du Nord du Mexique” écrit Guadalupe Correa Cabrera, un professeur de l’Université du Texas à Brownsville. « L’insécurité est préjudiciable dans une plus grande mesure aux petits et moyens producteurs, entrepreneurs et commerçants parce que le crime organisé « a plus de facilité de pénétration avec eux, qu’avec les directions des grandes entreprises lesquels dans la majorité des cas opèrent depuis l’extérieur du pays. »[viii]
En accord avec la Coparmex, une association d’entrepreneurs mexicains, 160 000 entreprises ont fermé à cause de l’insécurité en 2011.[ix] Une reconversion de l’économie s’opère au niveau national qui est favorable aux [grandes entreprises] et entraîne la conversion |des mexicains] en employés au lieu d’être entrepreneurs » dit Correa Cabrera durant une présentation en Basse Californie en février
Les précédents en Colombie et les évènements actuels dans d’autres lieux, suggèrent des domaines possibles d’approfondissement des investigations afin de mieux déterminer dans quelle mesure le Mexique et l’Amérique Centrale sont soumis à un modèle dans lequel, comme le rapportent David Maher et Andrew Thomson, la terreur paramilitaire “… continue à être instrumentalisée dans la création et le maintien des conditions, bas coût du travail et accès à la terre, sont propices à l’expansion du programme néo-libéral[x].
L’augmentation des études et investigations concernant les nouvelles politiques économiques favorisées par les politiques antis narcotiques des EU peuvent aider à révéler l’ampleur de la transformation économique qui s’est initiée au Mexique et en Amérique Centrale.
Les prochaines élections mexicaines ne promettent pas le soulagement de l’horreur et des violences de la guerre, qui le plus probablement se poursuivront durant au moins six autres années. « Tous les candidats à la présidence proposent de continuer à intensifier la guerre contre les mafieux », selon un article récent publié dans The Economist.[xi]
Sans une meilleure compréhension, les débats au sujet de la guerre au Mexique pourraient rester enfermées dans la rhétorique de la prohibition des drogues versus leur libéralisation. Ce type de débat est totalement erroné comme moyen de dénonciation et de mobilisation de la résistance à la « guerre contre les drogues », qu’il faut comprendre comme un moyen d’implanter un meilleur contrôle social et territorial sur les terres et les personnes dans l’intérêt de l’expansion capitaliste.
Dawn Paley est journaliste indépendante et co-fondatrice de la coopérative de médias de Vancouver, Canada. Son Twitter est @dawn. Cet article a été écrit en Anglais et publié dans sa version originale par Against the Current.
http://alainet.org/active/57242
APost traduction.
[i] Maher, David Thomson, Andrew. “The terror that underpins the ‘peace’: the political economy of Colombia’s paramilitary demobilisation process.” Estudios Críticos sobre el terrorismo, 4:1. (2011). pp 96.
[ii]
Ibánez, A., Vélez, C. “Civil Conflict and Forced Migration: The Micro Determinants and Welfare Losses of Displacement in Colombia.”, World Development, vol. 36, N º 4, 2008. pp 661.
[iii] Ibánez, A., Vélez, C“Civil Conflict and Forced Migration: The Micro Determinants and Welfare Losses of Displacement in Colombia.”, World Development, vol. 36, N º 4, 2008. pp 661.
[iv] Maher, David Thomson, Andrew. “The terror that underpins the ‘peace’: the political economy of Colombia’s paramilitary demobilisation process.” Estudios Críticos sobre el terrorismo, 4:1. (2011). pp 96.
[v] National Security Archive. “The Chiquita Papers.” 7 de abril de 2011. Consulté le 14 mai 2012 ici : http://www.gwu.edu/ ~ nsarchiv/NSAEBB/NSAEBB340/index.htm.
[vii] Paley, Dawn. “Gulf of Mexico Agreement: Increased Oil Cooperation in a Time of War.” Upside Down World. 25 février 2012. Consulté le 14 mai 2012
[viii] Correa Cabrera, Guadalupe. “Flujos de Inversión, Desarrollo Empresarial y Seguridad en México: Las Empresas Mexicanas y Extranjeras en la ONU Entorno Violento.” 1er Congreso Internacional: Gestión y Administración Empresarial Para El Siglo 21. février 2012. P. 18-19
[x] Maher, David Thomson, Andrew. “The terror that underpins the ‘peace’: the political economy of Colombia’s paramilitary demobilisation process.” Estudios Críticos sobre el terrorismo, 4:1. (2011). pp 103.