12 septembre 2013 4 12 /09 /septembre /2013 13:13

 




10 septembre 2013

par Hedelberto López Blanch

Les manifestations massives qui se déroulent depuis quelques semaines dans les villes de Colombie sont liées à la situation d’abandon et de faim dont souffre la population de ce pays à la suite de la signature, en 2012, d’un Traité de Libre Echange (TLE) avec les Etats-Unis.



Pratiquement aucun recoin de ce pays andin n’a été à l’abri des effets désastreux produits par ce TLE. Cet accord couronne l’œuvre entreprise par les gouvernements antérieurs afin de porter à leurs ultimes conséquences le système néolibéral et de privatisation impulsés par Washington, la Banque Mondiale (BM) et le Fonds Monétaire International (FMI).

Le peu de temps passé depuis sa signature a donné raison aux analystes qui prédisaient qu’avec l’entrée en vigueur du Traité - le 15 mai 2012- , la fuite des capitaux s’accélérerait, ainsi que la destruction de l’environnement, les privatisations de services essentiels comme l’enseignement, l’au, l’électricité et la santé. Les inégalités et le travail précaire ont augmenté tandis que la production alimentaire s’est réduite avec l’entrée de produits subsidiés provenant des Etats-Unis. On assiste, enfin, à une perte de souveraineté économique et politique du pays.

Grève Nationale Agraire et Populaire

Les grèves, les manifestations et les blocages de routes actuels dépassent en ampleur la mobilisation des mois de février et mars derniers et se sont caractérisées par leur massivité et combativité. Elles sont menées à bien des paysans, des producteurs agraires et des secteurs solidaires comme la santé, les transports et l’enseignement.

Dans plus de 25 départements, des petits producteurs de pommes de terre, de lait, de café, d’oignons et d’autres produits, ont cessé leurs activités et manifestent contre les dégâts provoqués par le TLE, la remise de vastes surfaces de terres aux multinationales minières et le peu d’aides reçues du gouvernement pour tenter pallier aux dommages. Parmi les régions où la mobilisation est la plus intense figurent Boyacá, Nariño, Catatumbo Cundinamarca, Antioquia, Valle del Cauca, Santander, Norte de Santander, sud de Bolívar, Casanare, Arauca, Meta, Caquetá, Putumayo, Cauca, Nariño, Huila et Tolima.

Mais le gouvernement « démocratique » de Santos a répondu aux revendications de la même manière que son prédécesseur Álvaro Uribe, autrement dit par la militarisation des principales voies terrestres et par la répression policière et militaire contre les participants aux mobilisations. Quelques jours avant la grève, les autorités avaient lancé une puissante campagne destinée à terroriser la population. Elles ont annoncé à travers tous les médias qu’elles mèneraient à bien une « opération implacable » avec l’armée et la police pour contrecarrer les « émeutiers ». Ces menaces ont été effectivement appliquées puisqu’on a utilisé contre les participants tous les types d’armes et de gaz lacrymogènes, ainsi que l’arrestation de dirigeants et de manifestants.

Il n’est pas moins exact non plus que la répression, le peu d’informations diffusées dans le pays sur les protestations et l’interdiction faite aux manifestants (de la part de l’armée) de se déplacer d’un département à un autre pour coordonner les actions, sont parvenues par la force des choses à maintenir sous contrôle l’extension de cette lutte.

TLE : Cheval de Troie de l’impérialisme

Les efforts destinés à conclure ce pacte néolibéral ont commencé avec le gouvernement précédent d’Álvaro Uribe, qui avait fait de son adoption une véritable obsession politique, obsession qui fut poursuivie par l’actuel président Juan Manuel Santos.

Dès son adoption, les 1.531 pages (ainsi que de nombreux appendices) du TLE signé par Washington et Bogota ont pris force de loi garantie par une série de règles internationales. En conséquence, aucun organisme de l’Etat colombien n’a le droit d’approuver quoi que ce soit qui contredise ce texte. Seuls les tout-puissants Etats-Unis peuvent réaliser des modifications, et toujours en leur faveur.

Ainsi, en signant le premier chapitre sur la propriété intellectuelle, la Colombie s’est engagée à respecter quatre autres accords internationaux qui favorisent la pénétration et la liberté de mouvement des multinationales étasuniennes dans le pays, sans devoir rendre des compte face à des plaintes pour causes environnementales, pour des suppressions d’emploi ou pour des violations des droits humains.

Comme résultat, on a assisté à une invasion de capitaux étrangers dans tous les secteurs de l’économie et de la société : entreprises, banques, mines, électricité, téléphonie, santé, alimentation, éducation, environnement (flore, faune, eaux). Après la mise en vigueur du Traité, du fait des avantages qu’il octroi aux grandes compagnies étrangères, il y a eu une augmentation effrénée des importations et une réduction des investissements et des productions nationales. Le gouvernement importe de grandes quantités de viande, de poulets, de lait, d’oignons, de café, de riz et de maïs. Les marchés se sont remplis de marchandises à bon marché provenant de l’étranger, ce qui entraîne la ruine des paysans, des mineurs, des camionneurs et de petits entrepreneurs.

Au milieu du mois de juillet dernier, un rapport officiel précisait qu’au cours de ces dernières années on a privatisé la Banque Populaire et le Colpatria, presque toutes les grandes et moyennes industries étatiques, les compagnies d’électricité de Boyacán, Pereira, Cundinamarca, Santander, Norte de Santander, Meta et Termocandelaria ; les mines et l’immobilier, les services d’eau potable, la gestion des égoûts, la santé, les assurances et l’enseignement.

On a également vendu à des prix dérisoires de vastes étendues de terrains pour l’extraction des minéraux et pour la construction de centrales hydroélectriques, avec tous les dommages qui en découlent pour les populations originaires et pour l’environnement.

Sage fut la décision prise par plusieurs gouvernements latino-américains de s’opposer, au cours du IIIe Sommet des Amériques de 2005 en Argentine, à la Zone de Libre Echange des Amériques (ZLEA) qui était impulsée par les Etats-Unis. Cependant, ce projet est appliqué bilatéralement avec la néfaste approbation de Traités de Libre Echange par le Chili, la Colombie, le Pérou et d’autres gouvernements. Ceux qui en sortent perdants, ce sont les peuples qui se dressent aujourd’hui pour leurs revendications.

Source :
http://www.rebelion.org/noticia.php... 
Traduction française pour Avanti4.be : Ataulfo Riera

Via : Traité de Libre Echange : Le coup de grâce pour les Colombiens

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12 septembre 2013 4 12 /09 /septembre /2013 12:20

Publié le 5 septembre 2013 par Bernard

(ADITAL – ALAI – REBELION) (09-13)

Le gouvernement est perplexe, il ne parvient pas à comprendre la force avec laquelle la paysannerie a brisé le long silence de la domination. Pour les classes dominantes il semble incroyable que les humbles puissent résister, se rebeller. Pour le pouvoir il sera toujours difficile de comprendre les raisons et les attentes de « ceux d’en bas ».

Le 8 août 2013 la MIA, qui regroupe de nombreuses organisations paysannes, remet au Ministère de l’Agriculture l’annonce du « Paro Nacional Agrario y Popular » ( arrêt des activités dans les secteurs agraires et populaires) présentant une revendication en six points pour le mouvement social. Le Ministère n’en tient pas compte, mais les groupes paramilitaires réagissent violemment par courrier électronique, avec des menaces de mort à l’intention des responsables de la manifestation. Le gouvernement colombien a coutume d’assimiler toute manifestation de protestation à une insurrection armée.

Pourquoi cette grève ?
Elle a débuté le 19 août. Après 20 ans d’application de politiques néolibérales les paysans disent au gouvernement qu’ils n’en peuvent plus. Les problèmes du secteur agraire vont de la concentration des terres, de leur sous-utilisation, de l’absence d’appui de l’Etat pour les petits producteurs ( assistance technique, prix, crédits, infrastructures…) jusqu’à la perte de la souveraineté alimentaire, la livraison du marché interne aux multinationales et la disparition de la paysannerie comme résultat des traités de Libre Commerce. Les paysans demandent que cesse l’abandon dans lequel ils vivent, le non-respect des accords passés avec le gouvernement, l’éradication des champs de coca sans plan de substitution, bref le « désastre généré par les traités de Libre commerce ».

L’effet des TLC (Traités de Libre Commerce)
Selon Vía Campesina, qui exprime sa solidarité avec tous ces paysans en lutte,  « Les principales conséquences de la signature de ces traités par l’Etat Colombien se manifestent dans l’indice élevé de la concentration des propriétés terriennes, la spoliation des paysans de leurs terres,  la violation systématique de leurs droits, et l’aggravation de la violence exercée par une partie de la force publique. La protestation sociale est criminalisée et on renforce un modèle minier-énergétique  qui favorise de grandes multinationales et appauvrit de plus en plus la paysannerie. Dans ce pays si riche, 8 millions de personnes souffrent de la faim, selon la FAO. L’attitude du gouvernement rend le dialogue impossible et affaiblit la démocratie ».

Le « paro ».
La grève est dirigée « contre les TLC, pour la défense de l’économie paysanne, de la souveraineté et de l’autonomie alimentaire ». Elle  se  manifeste par des occupations de locaux, des blocages de routes, des regroupements dans une douzaine de départements colombiens. Le Mouvement pour la Dignité réunit près de 5 millions de paysans, deux cent mille travailleurs de santé, producteurs de café, de cacao, de pommes de terre, des milliers de mineurs, des camionneurs, 87 ethnies indigènes  et 4 millions d’afro-colombiens. Il dénonce l’oubli historique et le non-respect par le gouvernement des accords signés pour l’amélioration des conditions rurales, l’accès à la propriété de la terre et la reconnaissance des territoires des paysans.

Le « paro nacional, agrario y popular » débuté le 19 août a comme scénario le refus du président colombien Manuel Santos d’établir un dialogue avec les mouvements sociaux qui permette de surmonter la grave crise du secteur rural, principalement due aux politiques néolibérales comme l’approbation et la mise en œuvre des TLC.

La répression.
Dès le premier jour le mouvement est réprimé avec cruauté et les exactions de la police sont multiples. Les vidéos  circulant dans les réseaux sociaux montrent la police dérobant des vivres, urinant sur les denrées alimentaires des manifestants, frappant des gens dans leur propre maison,  détruisant éventaires et logements… L’indignation sociale s’accroit encore quand le président Santos osa déclarer que « cette grève nationale n’existe pas », ce qui contredit la féroce répression exercée, en particulier par la participation des forces de l’ESMAD (Bataillon mobile anti-émeutes).

En fait le gouvernement s’affronte à une mobilisation de proportions telles que le pays n’a pas connues dans son histoire récente. Dans  la santé, les travailleurs dénoncent des lois qui facilitent le négoce des entreprises gérant la santé; ils dénoncent le manque de médicaments et la mauvaise qualité des infrastructures de santé. Le gouvernement aurait attendu plus de 3 ans sans payer les fournisseurs, générant ainsi une dette de  plusieurs millions de dollars. Les fraudes sont légion, la corruption n’est pas sanctionnée. Les manifestants exigent en outre la suspension de la Loi de Réforme de la Santé, et un vrai débat sur les politiques d’extraction minière et d’éradication des cultures illicites.

Les camionneurs demandent la révision des prix des carburants, le respect par le gouvernement des accords passés avec le secteur des transports, la décentralisation de la Superintendance des Ports et Transports, et la restriction d’entrée dans le pays des poids lourds par la frontière équatorienne.

Le secteur agraire, caféiculteurs, riziculteurs, éleveurs de bétail, demande la mise en place de mesures pour contenir la crise de la production agro-pastorale, des garanties réelles pour l’exercice des droits politiques de la population rurale, et des investissements en santé, logement, éducation, services publics et chemins pour les populations rurales et urbaines.

Le cas du Catatumbo.(dép. Santander)
(Le río Catatumbo est un fleuve du nord-ouest de la Colombie, affluent du lac Maracaibo)
Le 11 juin avait débuté le conflit du Catatumbo, autour de l’éradication manuelle des plants de coca. Il impliqua 15 000 paysans, avec des manifestations et blocages de routes. Commencé pacifiquement, ce conflit avait engendré, au bout de 54 jours de grève,  la mort de 4 agriculteurs et plus de 50 blessés.

Les paysans demandaient que l’éradication soit suspendue jusqu’à ce qu’on dispose d’une alternative digne de permettre la vie des familles qui travaillent dans ces cultures devenues illicites. Le gouvernement doit étudier des programmes de substitution à ces cultures. Le 22 août est signé l’accord pour la suspension momentanée de l’éradication manuelle des cultures illicites. Des alternatives seront définies dans la Table ronde de dialogue du 28 août: les composantes énumérées comme mécanismes de compensation pour chaque unité familiale sont : l’assistance alimentaire, la nutrition, l’emploi rural, les projets productifs, les subventions.

Perspectives.
Les paysans colombiens demandent que cesse l’abandon dans lequel ils vivent, que les accords passés avec le gouvernement soient respectés, que l’éradication des plants de coca soit précédée d’un plan de substitution et que soit affronté le « désastre généré par les traités de Libre Commerce ».
Le dialogue de paix entre gouvernement et guérilla dure depuis presque une année. Le contexte actuel ne risque-t-il pas de compromettre une fois de plus le résultat attendu ? Le responsable des FARC dans la négociation avec le gouvernement a demandé « que l’on ne criminalise pas le droit à la protestation sociale », et il propose aussi la révision des Traités de Libre Commerce. Enfin, la guérilla a envoyé « un salut solidaire aux étudiants, aux travailleurs de la santé, aux floriculteurs, aux riziculteurs, aux autres producteurs paysans et à tous ceux qui ont élevé leur voix contre l’injustice. »

Source : COLOMBIE : La grève nationale « agraire et populaire ». | Comité Amérique Latine du Jura

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11 septembre 2013 3 11 /09 /septembre /2013 20:45

 

Préoccupée comme beaucoup d’entre nous pas les conséquences possibles d’une intervention officielle franco-étasunienne  en Syrie, tant comme cause d’’aggravation de la situation dramatique du peuple syrien que pour ses possibles retombées régionales et internationales, je n’ai pas eu l’occasion d’aborder le sujet pourtant si important des mouvements sociaux et manifestations qui se produisent depuis la fin du mois d’août en Colombie.

Il faut bien dire que les publications à ce sujet en français font cruellement défaut, pourtant si la mauvaise conscience occidentale à tant besoin d’user du devoir de protéger pour se rassurer sur elle-même, soutenir le peuple colombien victime depuis des décennies du terrorisme d’état serait une cause toute trouvée.

J’ai publié auparavant un texte qui était un appel lancé  par les mouvements sociaux du peuple Colombien aux peuples d’Europe, leur demandant leur soutien pour empêcher la mise en place du traité de libre-échange Colombie-Europe qui serait cause de nouvelles souffrances pour ce peuple martyr tout en étant fort avantageux pour l’Europe –laquelle celle des peuples ou des nantis, la question reste posée…

Mais les braves Européens n'entendent les appels à la solidarité que quand cela les arrangent ou quand les harangues de leurs gourous médiatiques les y convient.

Voici un texte en français qui donne une bonne vision des causes des manifestations agraires actuelles dans tout le pays, mouvement qui a été rejoint par de nombreux autres secteurs en attendant des informations plus détaillées.

 

 

Colombie : Vends ta terre ou c’est ta veuve qui le fera

A l’heure où les paysans colombiens se mobilisent, le CCFD-Terre Solidaire, lance "Vends ta terre ou c’est ta veuve qui le fera", un web documentaire qui retrace la lutte pour la défense de leur terre
Philippe Revelli / mercredi 11 septembre 2013
 

Photographe, journaliste, ecrivain, réalisateur ; collaborateur du Monde Diplomatique et du CCFD-Terre Solidaire.

De par sa superficie et ses ressources, la Colombie est l’un des pays d’Amérique latine les plus convoités par des investissements à grande échelle. Ces investissements se traduisent par des accaparements de terres pour la production de monocultures d’exportation qui mettent en péril l’accès des paysans au foncier. Depuis une dizaine de jours un mouvement paysan de grande ampleur se mobilise à travers tout le pays, soutenu par une part de plus en plus importante de la population. Au cœur de leurs revendications : l’instauration de prix planchers, la sécurisation de l’accès à la terre et la révision des politiques et des accords internationaux qui menacent leurs activités.

« L’entrée en vigueur du traité de libre-échange entre la Colombie et l’Union européenne en juillet dernier est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Avec le démantèlement des barrières douanières, les petits paysans colombiens sont directement concurrencés par un secteur agricole européen plus mécanisé et subventionné. Ce qui aura pour conséquence une chute des prix des productions locales et donc une baisse supplémentaire des revenus des paysans. Une nouvelle menace qui vient s’ajouter à la longue liste des dynamiques internationales favorisant l’accaparement des terres et la ruine de l’agriculture familiale. Les paysans colombiens sont également parmi les premières victimes des politiques en matière d’agrocarburants portées par les Etats-Unis et l’Union européenne. Suite à ces politiques, la Colombie s’est lancée en 2008 dans une course effrénée à la production d’huile de palme, entrant dans le Top 3 des producteurs mondiaux. Avec pour conséquence des impacts dévastateurs : destruction de l’environnement, accaparements des terres, déplacement de population et volatilité croissante des prix sur les marchés régionaux et internationaux. Le 9 septembre prochain, le Parlement européen doit réviser la politique en matière d’agrocarburants. La voix des paysans colombiens parviendra-t-elle jusqu’à Strasbourg ? », explique Maureen Jorand, chargée de mission souveraineté alimentaire au CCFD-Terre Solidaire

Colombie : Violence, terre et territoire

Si la violence est un ingrédient indissociable de l’accaparement des terres, nulle part sans doute autant qu’en Colombie, elle ne se manifeste dans toute sa terrible brutalité.

Aux origines du conflit armé : la terre

Au lendemain de l’assassinat du leader populiste Carlos Galan (1949), la Colombie, déchirée entre libéraux et conservateurs, s’enfonce dans la violence. Dans les régions montagneuses du centre du pays, des groupes de paysans libéraux prennent les armes pour défendre leurs terres contre les milices conservatrices. Parmi eux, un certain Pedro Marin, il a dix-huit ans. Quelques années plus tard, sous le nom de guerre de Manuel Marulanda, il sera l’un des fondateurs de la guérilla des FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie). Il en sera l’un des chefs jusqu’à sa mort, en 2008. Fidèle à ses racines rurales, l’insurrection armée a fait de la réforme agraire une revendication fondamentale et des milliers de paysans, chassés de leurs terres, rejoindront ses rangs.

Aujourd’hui encore, la question agraire demeure une des clés du conflit armé et figure à la première place de l’agenda des négociations de paix qui, en août 2012, se sont ouvertes à la Havane entre le gouvernement du président Juan Manuel Santos et la guérilla des FARC.

Qui sont les accapareurs ?

Toute l’histoire de la Colombie est marquée par la violence exercée contre les paysans par de grands propriétaires terriens, qui se sont constitué à leurs dépens de vastes domaines souvent consacrés à l’élevage extensif – ceux-ci couvrent aujourd’hui quelque 39 millions d’hectares, alors que seulement 5 millions d’hectares sont dédiés à l’agriculture.

Les multinationales bananières sont également présentes de longue date sur le territoire colombien. Dans « Cent ans de solitude », le romancier Gabriel Garcia Marquez évoque déjà le massacre de plusieurs centaines de travailleurs des bananeraies de la région de Santa Marta. Et aujourd’hui, en Uraba, c’est encore sur le territoire de communautés paysannes que les compagnies cherchent à étendre leurs opérations.

« Plus récemment, et surtout depuis la dernière décennie, explique le sociologue Jairo Estrada, on assiste à la mise en œuvre d’un modèle économique « extractiviste ». Exploitation minière – charbon, or – ou d’hydrocarbures, construction de centrales hydroélectriques, de zones franches ou activités agro-industrielles – surfant notamment sur la vague des agrocarburants – sont autant d’activités orientées vers l’exportation et pour lesquelles d’immenses portions du territoire sont concédées à des investisseurs étrangers ». Et tandis que le président Santos déclare que la Colombie a pour vocation de « nourrir le monde », le pays est aujourd’hui un importateur net d’aliments et l’agriculture familiale et vivrière est le parent pauvre des programmes de développement, quand elle n’est pas tout simplement sommée de laisser la place.

De l’accaparement des terres au contrôle du territoire

« Avec cette évolution, reprend Jairo Estrada, on passe d’une logique d’appropriation de la terre à une logique de contrôle du territoire. Et c’est dans ce contexte que doivent être analysés les choix stratégiques effectués par l’état-major au nom de la lutte contre-insurrectionnelle, ainsi que la collusion entre l’armée et les groupes paramilitaires ». Au cours des vingt dernières années, plus de 5 millions de personnes ont été déplacées par suite du conflit armé et quelque 8 millions d’hectares ont été arrachés aux communautés paysannes et indigènes. « La guerre menée contre l’insurrection armée, analyse Jairo Estrada, apparaît dès lors comme un prétexte à l’exercice de la violence mise au service d’un projet politico-économique. Un projet qui passe par le « nettoyage » et le contrôle du territoire afin de pouvoir garantir la sécurité des investissements étrangers ».

Stratégies paysannes de défense et de récupération des territoires

Dans ce sombre paysage, les communautés rurales ne restent cependant pas les bras croisés et tentent, à leur tour, de construire une autre territorialité, paysanne celle-là. Communautés de paix, zones humanitaires, conseils communautaires, zones de réserve indigène ou paysanne... pacifiques et citoyennes, ces initiatives sont généralement le fait de groupes chassées par la violence et qui s’organisent pour défricher et coloniser de nouvelles terres ou retourner chez eux. Certaines – communautés de paix, zones humanitaires – se placent sous la protection morale de l’opinion publique et d’organismes internationaux de défense des droits humains. D’autres – conseils communautaires (voir encadré), zones de réserve paysanne ou indigène – font appel à des figures juridiques existantes. « Mais dans tous les cas, insiste Jairo Estrada, il s’agit d’une construction depuis la base, une construction sociale du territoire, qui existe en amont de sa reconnaissance légale ». Dans ces communautés, des rapports humains basés sur la solidarité sont la règle, et des modes de production alliant savoirs traditionnels et modernité de l’agroécologie sont mis en œuvre. Elles deviennent ainsi des foyers de résistance où l’on revendique la souveraineté alimentaire et le respect de l’environnement, et s’affirment comme alternative à un libéralisme déprédateur.

Notas :

Philippe Revelli [1]

[1] Partenaire du CCFD-Terre Solidaire, l’Association des conseils communautaires du Bas Atrato (ASCOBA) a été fondée en 2003. Elle fédère 58 conseils communautaires – organes représentatifs des communautés afro-colombiennes – et 7 coopératives de production et de crédit, bénéficiant ainsi à quelque 15.000 personnes. Soutenue par le CINEP (autre partenaire du CCFD-Terre Solidaire), l’association œuvre à renforcer les mécanismes de solidarité communautaire dans une stratégie de résistance civile pacifique, apporte une assistance aux victimes de la violence, contribue à la revalorisation du patrimoine culturel afro-colombien, sensibilise aux menaces que représentent les méga-projets miniers ou agro-industriels, agit pour la défense et de la récupérations des territoires communautaires reconnus par la loi de 1993, dite « de négritude » – cette mobilisation pour la récupération des terres communautaires a récemment valu à plusieurs dirigeants d’ASCOBA de recevoir des menaces de mort de la part de groupes paramilitaires.

 

Source : Colombie : Vends ta terre ou c’est ta veuve qui le fera

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24 mai 2013 5 24 /05 /mai /2013 15:53

 

 

 

En Colombie, 19 OOO enfants sont portés disparus, comme Jhon Danilo Alvarado, âgé de 13 ans,  qui partit de chez lui le 9 avril 2001. Il a pris l’autobus de 10 heures du matin depuis San Carlos, Antioquia, à destination de Medellin. A cette époque, la municipalité était le lieu de violents affrontements entre guérilleros et paramilitaires, et il était courant que les groupes enlèvent des gamins sur les routes pour les intégrer à leurs files. Jhon avait l’habitude d’envoyer un message à sa mère pour lui dire qu’il était bien arrivé.

Et soudain, ce jour-là, Flor Marina Alvarado ne reçut pas l’appel attendu. Ce fut la dernière fois qu’elle vit son fils et jusqu’ici elle n’a pas retrouvé la tranquillité, ni   reçu d’informations de la part du gouvernement sur ce qui est arrivé à son fils. « S’il est mort, en prison, avec la guérilla ou les paramilitaires, je n’en ai pas la moindre idée, je ne retrouverai la paix que quand aurai eu des nouvelles » dit-elle.

A présent les restes osseux de  4 172 enfants non identifiés ont été exhumés afin de faire des recherches d’identité en croisant les résultats d’analyse avec les données concernant les 19 000 disparus et des confrontations d’ADN avec celui des parents. C’est un défi technologique, mais surtout la condition pour que certaines familles puissent enfin faire leur deuil.

En ce qui concerne la participation des FARC à de telles exactions, par manque d’information précises et redondances de contre-informations contradictoires, je réserve mon opinion. Par contre j’ai pu consulter assez de documents qui se recoupent pour n’avoir aucun doute quant au terrorisme d’état comme partie prenante de cette guerre permanente de basse intensité maintenue dans le pays au nom des intérêts et de la sécurité des E.U entendre de la corporation des transnationales qui accaparent les territoires et richesses du pays. C’est presque 6millions de paysans qui ont été expulsés pour leur faire place.

En Colombie les disparitions forcée ne concernent pas que les enfants. Il y a 2 ans, le 23 mai 2011, l’ONU estimait leur nombre à plus de 57 200. La même année un rapport du Ministère Public donnent les chiffres de 173.183 assassinat et 34.467 disparitions forcées commis par les paramilitaire pendant une période de 5 ans. Et l’accession de Santos au pouvoir n’a pas mis un terme à ces crimes. Au contraire, en mai 2012 la Ligue des Droits de l’Homme (coordination Colombie –Europe) constate une constante augmentation. Et de nombreux cas ne sont pas rapportés par craintes des tentatives d’intimidations qui font partie de ce terrorisme d’état. Certaines de ces forces d’exterminations parastatales ont été formées par les conseillers des Opérations Spéciales étasuniennes dans le cadre du plan Colombie.

S’additionne le scandale des faux-positifs. Ainsi une maman voit partir sa fille avec un copain pour une fête dans un autre village, les deux s’éloignent sur leur vélo. Ils ne reviendront pas vivants. Assassinés, déguisés en guérilleros ils viennent grossir le nombre de ceux qui permettent le coup double pour les paramilitaires remplir les quotas qui leur donnent des avantages en nature ou financiers, et de donner consistance à la guérilla en multipliant les morts que l’on affublera d’un uniforme des FARC. Après leur coup d’état, les putschistes du Honduras qui sont venus prendre les conseils d’Uribe en matière d’extermination de la rébellion populaire, utiliseront des méthodes similaires. Un journaliste, assassiné sera ainsi retrouvé vêtue de ce même uniforme, une des stratégies des putschistes étant de prétendre qu’ils avaient agis entre autre parce que Zelaya, le président renversé tolérait la présence des FARC sur le territoire. Une assertion qui se fonde dans des documents retrouvés sur l’ordinateur d’un commandant des FARC, Paul Reyes, assassiné, documents qui ne seront jamais publiquement produits. Ils furent des milliers de jeunes gens, de paisibles paysans à être ainsi assassinés leurs corps jetés dans des charniers communs ou dissimulés souvent à jamais.

Les disparitions ont de terribles conséquences pour les proches, outre la douleur qui en résulte et les angoisses permanentes qu’elles suscitent, elles brisent des familles. L’un veut oublier alors que l’autre s’obstine jusqu’à l’obsession, les enfants se sentent délaissés par des parents qui ne pensent plus qu’aux disparus, multipliant ainsi le nombre des victimes et plongeant un pays dans un véritable état de douleur, de terreur permanent.

En Colombie, comme au Honduras (où ils sont 40 000 en fonction) les armées privées de mercenaires directement au service des transnationales et des grands propriétaires terriens, jouent un rôle grandissant dans ces processus d’extermination de la dissidence, des rebelles aux expulsions et dans le maintien d’un climat d’angoisse permanente, terrorisme.

Ce sont les mêmes corporations qui sévissent en Colombie, au Honduras, au Bangladesh, transnationales elles ne connaissent pas de frontières et ne veulent surtout pas être importunées par les besoins des populations locales. Seules les dernières résistances d’opinions publiques fort érodées font que Vinci qui paye  des assassins pour éliminer ceux qui s’opposent à ces projets en Russie, se contente de faire blesser par les forces de l’Ordre ex-nationale les résistants de Notre-Dame-des-Landes. Il ne s’agit ni de scrupules, ni d’éthique mais bien de stratégie. Il est donc important face à la mise à mal de nos dernières libertés de bien comprendre jusqu’où vont les mêmes quand rien ne vient contrecarrer leur action et que les gouvernements en sont les dociles complices comme en Colombie. Et il  semble bien que Hollande soit un complice immodérée de ce système de corporations qui a pour ambition de dominer le monde.

La Colombie s’est fait une spécialité des assassinats sélectifs. Depuis sa fondations en 1985, 5OOO militants de l’Union Patriotica, parti formé de la gauche qui s’écartant de la lutte armée voulait négocier une paix démocratique et durable dans la légalité, ont été assassinés par des paramilitaires au service du gouvernement et des groupes de narcotrafiquants ; et ce n’est qu’une toute petite partie des assassinats politiques dans le pays, ce sont des dizaines de milliers de personnes, paysans, ouvriers, intellectuels en lutte qui ont été massacré dans cette mouvance. Et les chiffres augmentent chaque jour, hier c’est la sœur d’un curé activiste pour la paix qui a été assassinée, il avait reçu des menaces venant de groupes paramilitaires,  on a retrouvé le  corps en partie calciné de sa sœur dans sa cabane incendiée, un message en lettre de sang disait « Fuera guerillero » Casse-toi guérillero ». Il y a actuellement plus de 9 500 prisonniers politiques dans le pays et il bat les records mondiaux d’assassinats de syndicalistes dans le monde en concentrant chaque année plus de 50 % du total de ces crimes dans le monde.

C’est aussi le modèle récemment donné par Obama de pays latino particulièrement démocratique, l’exemple qu’à ces yeux devrait suivre de gré ou de force les « « « dictatures » » » socialistes. Une démocratie proche de la version originaire athénienne où la politique est le loisir des riches délivrés du travail par le labeur des esclaves et la soumissions de leurs voisins. Le seul « « « progrès » » » les femmes ne sont plus reléguées dans le gynécée ce qui nous permet de bénéficier des Tatcher, Clinton et autres Merkel.

En terminant ce texte, j’ai une pensée triste pour tous ceux dont je n’ai pas parlé, qui sont morts assassinés, torturés, ceux qui sont emprisonnés, expulsés de leur terre, enfermés dans des sites de travail qui sont de véritables camps entourés de barbelés, surveillés par les mercenaires évoqués plus hauts, pour les sans-abris de Bogota assassinés par des groupe d’extrême-droite, les cousins d’Aube Dorée.. pour le peuple résistant du Honduras soumis à un traitement similaire depuis que le régime Obama y a  organisé en coup d’état en 2009, sa première action significative envers l’Amérique Latine. Et à présent par la bouche de Kerry, nous savons que cette fois la guerre est officiellement, à nouveau, déclarée aux forces vives de l’Amérique Latine, au gouvernement qui les incarne ou les favorisent. Je ne peux traduire tous ces faits chaque jour, mais alors qu’aujourd’hui de pauvres os, des restes anonymes d’enfant sont exhumés, que  l’horreur sort de ses tombes de misère et de haine, je voulais rappeler que la Colombie souffre, est déchirée, ne cesse d’appeler l’opinion publique à l’aide.

Rappeler aussi qu’il y a un peuple debout, un peuple en lutte, un peuple qui ne se laisse pas intimider et porte haut la voix des damnés de la terre. Un millions de personnes ont manifesté à Bogota, en faveur de la Paix, le mois dernier. Partout la résistance est présente. Elle va des groupes armés aux paysans unis dans des expériences communales, toujours menacées, toujours agressées, souvent démantelées. Et comme partout sur ce continent de l’espoir, il y a du cœur, de l’intelligence et du courage à revendre.

 

En guise de conclusion je reprends celle du texte dAtilio Boron  L’empire n’a pas pu empêcher l’Unasur

C’est la meilleure synthèse, directe, claire et nette que j’ai rencontré de la donne actuelle. L’Amérique Latine est en état de guerre globale permanente de « « « basse » » »  intensité depuis des décennies provocant l’assassinat systématique des forces d’espoir et la poursuite discrète mais efficace du génocide des peuples natifs. Pour ceux qui ne veulent pas d’une nouvelle donne mondiale comme partage de domination et d’influence entre l’ancienne et des nouvelles grandes puissances Russe ou Chinoise, mais bien d’un monde communal où les habitants de la Terre tiennent fermement en main les rênes de leur destin, elle est aussi le continent de l’espoir. Comme telle, exemple pour le monde d’un modèle inédit de pouvoir populaire, et en tant que région riche de terre et d’eau et ressources naturelles elle est l’enjeu d’une guerre un lieu clé pour l’avenir du monde qui traverse une période d’instabilité, prélude à une transformation radicale. Des liens forts ce sont tissés entre les peuples du continent et d’autres se renforcent avec les peuples d’Afrique et d’Asie, l’Europe de plus en plus critiquée, s’exclut de ce rhizome par son nombrilisme, son individualisme et l’attitude résolument colonialiste d’une grande partie de la population. Pourtant à l’heure de la grande bataille nous ne serons pas épargnés, pris en cisaille entre l’avidité des transnationales et le ressentiment des peuples dont nous avons détruits avec violence, mépris et insolence les habitants, les pays, les modes de vie, nous risquons de payer très cher ce manque d’humanité.

 

(…) l’époque que nous traversons fera que la lutte de nos peuples pour l’auto-détermination nationale et la construction d’une vraie démocratie sera ardue et prolongée.  

(…)Nous savons que les impérialistes ne se considéreront pas comme vaincus très facilement car leur défaite sera non seulement politique mais affectera de manière décisive un mode de vie basé sur le gaspillage et l’agression de la nature, qui est insoutenable à moyen terme. Ils se défendront becs et ongles et rien ne les arrêtera ; tout crime, atrocité ou acte de barbarie sera justifié en faisant appel aux prétextes et rationalisations traditionnels : la défense de la liberté, la démocratie, la justice. Et l’Amérique latine, région absolument prioritaire, sera la zone où se livreront ses premiers combats et aussi l’ultime, le final et décisif.

Les premiers, parce que les impérialistes peuvent se résigner à perdre l’Afrique, l’Asie et même l’Europe, mais jamais l’Amérique latine, et sur ces terres ils déchargeront tout leur infernal appareil militaire sur ceux qui seront perçus comme posant les plus élémentaires questions sur leur oppression. L’ultime combat, parce que détruites ses bases de soutien dans d’autres régions du monde, ils chercheront un refuge dans nos pays, se faisant les champions de l’insularité américaine, qui prétendument, mettra l’empire à l’abri de toute incursion terrestre de forces ennemies extracontinentales.

Pour cela, la lutte doit continuer sans aucune pause. La « bataille des idées » est un des scénarios de cette lutte. Pas le seul, mais elle est très importante. Ce livre prétend être une modeste contribution à cette entreprise.

Atilio Boron

 

Anne Wolff

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1 mai 2013 3 01 /05 /mai /2013 20:54

 

Les zapatistes sont toujours là !
Jérôme Baschet
mardi 30 avril 2013.
 

Loin des leaders charismatiques et des causes purement exotiques, les zapatistes refont parler d’eux. Des habitants de San Cristóbal de Las Casas tirent un premier bilan de la récente action d’éclat - bien que silencieuse - des communautés rebelles du Chiapas [1].

Depuis la grande marche du 13 Baktun, ce jour du 21 décembre 2012 où plus de quarante mille zapatistes ont occupé silencieusement plusieurs villes du Chiapas, la marmite maya n’a cessé de bouillir. Dans les villages tzeltales, tzotziles, tojolabales et choles, on s’affaire. Dans les Caracoles, on construit de nouveaux bâtiments, de nouvelles places. Les réunions se succèdent. On consulte, on redistribue les tâches. « Beaucoup de travail », rapportent les bases d’appui zapatistes. « On se prépare depuis longtemps... », « Ça va bientôt commencer... »

Par Rémi - 564.6 ko

Par Rémi

Nombreux sont ceux qui, à San Cristóbal de Las Casas, vivent dorénavant entre soulagement, euphorie et attente. Les adhérents de la Sixième Déclaration de la Selva Lacandona, lancée par l’EZLN en 2005, échangent leurs impressions : « Enfin ! Il était temps ! Ça fait un moment qu’on attendait ça ! », s’exclame Paolo, célébrant la fin de quatre années de silence quasi complet de l’Ejercito zapatista et de repli relatif des communautés indiennes. « Ils ont brisé le blocus médiatique, et cela de manière surprenante, imaginative, en associant politique et poésie ; c’est pour cela qu’ils ont réussi à toucher le cœur des gens. » Pour Jasmín, habitante de San Cristóbal, c’est « une bouffée d’air frais, dans un moment de désespérance pour le pays, avec le retour du PRI. [2] Je suis émue de penser qu’ils peuvent toujours construire des réseaux d’espoir. Ils ont des propositions. Ils ont avec eux plein de jeunes qui n’étaient pas là en 1994. Ils ont beaucoup avancé avec l’autonomie. » « C’est le moment d’apprendre de l’expérience des communautés zapatistes, de leur générosité, de leur force, s’enthousiasme son amie Noémi. C’est incroyable ce qu’ils arrivent à faire avec si peu de moyens. Ce qu’ils sont capables de montrer, nous n’en avons pas encore mesuré la valeur. »

Bien sûr, les doutes et l’inquiétude sont à fleur de peau. Forte d’une longue expérience due à sa participation à des mouvements de lutte en Amérique centrale, Victoria reste dubitative : « On attend toujours de comprendre où ils veulent en venir ! » Paolo, lui, craint qu’ils ne s’enferrent à nouveau « dans le petit jeu du pugilat avec la gauche électorale », qui a tant contribué à l’isolement des zapatistes après l’Autre campagne de 2006. Pour Jasmín, le risque est que la société civile mexicaine ne soit pas à la hauteur des propositions zapatistes. Mais Victoria, pour le coup, met ses doutes de côté : « La société civile va peut-être enfin se mobiliser, après toutes les invitations qu’ils nous ont faites. Je pense que cela va arriver... »

Depuis l’impressionnante mobilisation surprise du solstice d’hiver, les communiqués de l’EZLN se succèdent à un rythme quasi quotidien. Rien à voir avec l’abstinence communicative des années précédentes, dont on comprend aujourd’hui qu’elle ne témoignait pas d’une décomposition de l’EZLN - comme les médias et les intellectuels bien-pensants l’avaient un peu trop vite proclamé - mais d’un travail silencieux de préparation. Tantôt il s’agit de facéties du sup Marcos qui se croque, à moitié nu, sous une pluie de flèches lancées par ses critiques. Tantôt c’est un très officiel communiqué adressé au président de la République et à son gouvernement, rebaptisés Ali Baba et les quarante voleurs, comportant seulement le dessin d’un vigoureux doigt d’honneur au président Peña Nieto, en réponse au lancement très médiatique de sa croisade nationale contre les pauvres... pardon, contre la faim, et ce, rien moins qu’à Las Margaritas, l’une des villes occupées par l’EZLN en 1994 et, à nouveau, à la fin de l’an dernier. Une vraie provocation, à la lisière de la zone d’influence zapatiste ! Tantôt, encore, l’EZLN annonce la nomination d’un deuxième sous-commandant en la personne de l’ex-lieutenant-colonel tzeltal Moisés, signe d’une importante réorganisation interne. Le tout accompagné, à chaque fois, de clips, pour le plaisir de la danse, pour faire un tour du monde des références musicales zapatistes, ou encore de dessins animés politico-humoristiques [3].

De cette nouvelle étape de la lutte zapatiste, qui se dévoile en prenant son temps - ce qui met à l’épreuve bien des impatiences occidentales -, ce que l’on sait est déjà substantiel. Les deux organes nés de la Sixième déclaration de la Selva Lacandona, en 2005, l’Autre Campagne, rassemblant organisations et collectifs mexicains, et la Zesta Internacional - qui aurait dû mener à l’organisation d’une nouvelle rencontre « intergalactique » - fusionnent dans ce qui se dénomme désormais « La Sexta » : non pas une organisation centralisée, mais un réseau de luttes anticapitalistes. Il est mis fin ainsi à une séparation entre les actions propres au Mexique et celles qui se déroulent ailleurs. Il n’y a plus même lieu de parler du « national » et de « l’international » : la Sexta nouvelle version se donne un seul terrain d’action, la planète Terre. Certes, la dimension internationale du mouvement zapatiste n’est pas nouvelle et remonte à la Rencontre intercontinentale pour l’humanité et contre le néolibéralisme de 1996. Mais, pour une organisation comme l’EZLN, dont le nationalisme viscéral a pu déconcerter nombre de sympathisants européens, c’est un pas considérable. De fait, le sous-commandant Marcos ne signe plus ses messages de son traditionnel « Depuis les montagnes du Sud-Est mexicain », mais « Depuis n’importe quel recoin de n’importe quel monde »...

Les communiqués soulignent qu’il n’est plus guère nécessaire de débattre du Non qui nous rassemble, à savoir un anticapitalisme conséquent, « en bas à gauche » et hors de la voie étatique et électorale. Il convient désormais de nous concentrer sur les Oui, sur ce que nous voulons construire. D’où les questions : « Quel monde voulons-nous ? », « Que faut-il faire ? », « Comment ? », « Quand ? » et « Avec qui ? » Ce qui suppose, par exemple, d’intensifier la réflexion sur ce que peut être un monde post-capitaliste, dès à présent. Et d’insister sur le fait que ces Oui ne sont pas acquis et qu’ils se construiront collectivement.

De la façon de procéder, on ne sait pas tout encore. Cette tâche, proposée dans un premier temps principalement aux adhérents de la Sexta, associera des personnes du monde entier et des bases d’appui zapatistes dans les villages du Chiapas qui, manifestement, désirent partager leur expérience de dix ans d’autogouvernement. Ils ont du reste rédigé un manuel intitulé Gouvernement autonome (tome I et II). En tout cas, une grande fête est annoncée, en août, pour célébrer une décennie de Conseils de bon gouvernement. « Il est temps que nous fassions vraiment le monde que nous désirons, insiste le sous-commandant Moisés. Ici, on entend dire souvent : “Quand le pauvre croira dans le pauvre, nous pourrons chanter liberté”. Sauf qu’ici, non seulement nous l’avons entendu mais nous sommes en train de le mettre en pratique. Voilà le fruit que veulent partager nos compañer@s. »

Avec ces propositions, les zapatistes jouent le tout pour le tout. Ils sont prêts à risquer ce qu’ils ont patiemment construit depuis 1994. Avec les dix ans des Juntas [4], les trente ans de la fondation de l’EZLN, puis les vingt ans du soulèvement armé, l’année 2013 sera une année décisive pour les zapatistes et pour la Sexta. Et pour nous tous ?

Notes

[1] Lire CQFD n° 107.

[2] Parti révolutionnaire institutionnel, qui a tenu le pouvoir pendant des décennies jusqu’en 2000.

[3] Comme celui, inspiré de Thomas C. Douglas, où des souris, heureuses de leur belle démocratie, glissent dans l’urne un bulletin pour élire un chat blanc ou un chat noir. Voir là !

[4] Juntas de buen gobierno : organes d’autogouvernement dont se sont dotées les communautés rebelles.

Paru dans CQFD n°109 (mars 2013), par Jérôme Baschet, illustré par Rémi

http://www.cqfd-journal.org/Les-zapatistes-sont-toujours-la

 

Source :
Comité de solidarité avec les peuples du Chiapas en lutte

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28 février 2013 4 28 /02 /février /2013 23:06

 

 


One Billion Rising Bogotá: bailes, danzas colombianas y círculos de meditación para decirle NO a la violencia de género

Noelia Vizcarra Mir - Feminicidio.net - 18/02/2013

Colombia, Bogotá - En Bogotá (Colombia) un grupo de amigas han sido las organizadoras de la jornada One Billion Rising. Para ello han convocado, a través de la redes sociales, a más de un centenar de personas de todas las edades que se han acercado a la Plaza de Usaquén para bailar y manifestarse contra la violencia que sufren las mujeres en todo el mundo.

Las personas asistentes han bailado la coreografía del V-Day varias veces a petición popular y debido al buen ambiente generado.

Además se han realizado numerosas actividades como danzas colombianas o círculos de relajación y meditación para "conectar con el corazón de otras mujeres y hombres que estaban reunidos en otras partes del mundo por el mismo motivo".

Después un cantautor llamado Mauricio ha interpretado varias canciones con su guitarra y un trío compuesto por varias personas de la organización han tocado y cantado bullerengue. En ese momento toda la plaza Usaquén se ha animado a bailar y cantar estas canciones que "huelen a mujer", como ellos mismos decían.

Todas las actividades se han desarrollado bajo una pancarta que ha sido decorada a lo largo de la tarde, en la que se podía leer: "manifiéstate, baila, levántate para decir NO a la violencia de género".

 

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28 février 2013 4 28 /02 /février /2013 14:05

 

 

jeudi 10 janvier 2013, par admi2


 

Avant d’être raffinée, l’huile de palme est rouge sang.

 

Rouge sang comme celui de centaines de familles colombiennes assassinées et expulsées de leurs terres par la famille Dávila Abondano, du groupe colombien Daabon, principale fournisseur en huile de palme bio de la société française Brochenin SA, distributeur européen.

Depuis près de 20 ans, on sait en Colombie que cette puissante famille politique et d’affaires est intimement liée au paramilitarisme et au narcotrafic (en 2007, la famille Dàvila a acheté des terres à l’oncle de Pablo Escobar, prête-nom de ce dernier). On sait que la région du Magdalena où se trouvent ses plantations est le berceau et sous étroit contrôle paramilitaire. On sait que de 2002 à 2010, la culture de la palme a été le fer de lance du « développement durable » du président Uribe, on sait aussi que pendant ses 2 mandats le paramilitarisme a été a son apogée, en toute impunité, et que 5 millions d’hectares ont été spoliés –à feu et à sang- aux petits agriculteurs dans les régions à forte présence paramilitaire.
Le témoin d’un retentissant procès contre le paramilitarisme, alias Pitirri, déclarait : « Certains tuaient, les autres achetaient (des terres) et les derniers les légalisaient » .

On estime que 221 maires, 4000 conseillers municipaux et 9 gouverneurs départementaux ont été élus grâce à l’appui et à « l’intervention » des paramilitaires et que les membres de la famille Dávila ainsi que leurs hommes de paille ont acquis nombre de ces postes publiques grâce à cette « intervention ».

Mais, en France on ne voit rien, on ne dit rien, on n’écoute rien et on reste sourd à cette monstrueuse réalité colombienne.

Gigantesque naïveté commerciale, cynisme ou fruit de la « raison financière » comme il y a une « raison d’État » et qui engendre cette omerta ?

D’alter Eco en passant par Biobleud, Soy, Biocoop , Body Shop et bien d’autres, votre huile, vos biscuits, vos pâtes à tartiner, vos quenelles, votre pain de mie, vos chips-apéritif, votre savon et dizaines d’autres produits ont été fabriqués avec l’huile de palme Daabon, dans une région où la violence est reine et où le sang a imbibé la terre des plantations de palmes.

Un exemple : selon Tristan Lecomte (fondateur et dirigeant d’Alter Eco) , l’huile bio achetée par Alter Eco provient d’Aracata et est importée par Brochenin. Mais sait-il seulement qu’entre 2001 et 2003, près de 15 massacres ont eut lieu à Aracata durant lesquels plusieurs dizaines d’hommes et de femmes ont été torturés, massacrées à la machete et à la tronçonneuse, brûlés dans des fours crématoires !

Pour sa part, le responsable de la certification internationale d’ Ecocert, Michel Reynaud, se défend de telles accusations et ose déclaré dans un article de presse : « Nous avons un bureau en Colombie et travaillons depuis 1995 avec Daabon qui n’est pas un nouveau venu dans la bio, explique-t-il. Nous allons régulièrement sur place, mais au vu des allégations, nous avons en plus mené un audit, avec deux auditeurs dont un indépendant et nous n’avons pas trouvé de preuves. »

Toutes les Ong’s des droits de l’homme et d’études sur la violence, la presse alternative et certaines revues colombiennes regorgent d’articles et d’enquêtes sur les méfaits de cette sinistre famille ! Mais les membres d’Ecocert-Colombie n’ont pas trouvé de preuves ! Ils semblent qu’ils ne lisent pas non plus la presse !

Chez Biocoop, qui commercialise, par le biais de la société importatrice Brochenin SA, même son de cloche : « Pour le moment, nous n’avons pas de preuves avérées d’un côté comme de l’autre, nous sommes donc en train d’interroger les acteurs de la filière pour avoir tous les éléments nécessaires », précise la responsable de la communication. Ont-ils interrogé les familles spoliées ? Les veuves ? Les orphelins ?

Évidemment, l’huile de palme Daabon/Brochenin est bio, respectueuse de l’environnement, etc. Elle est même certifié Ecocert , Proforest , WWF, FSC, RSPO, etc.

Et comme l’affirme une attestation officielle de Brochenin en 2010 « aucune déforestation n’a été constatée… ces terres servaient déjà à l’élevage bovin dans les années 70… depuis 2008, la plantation a mis en place dès le début de sa certification bio, une politique interne de préservation de l’environnement… L’inventaire de toutes les espèces animales sur la plantation est un indicateur fiable des zones de conservation définies à l’intérieur de la plantation ».

Oui, sauf l’espèce animale « humaine ». Celle-ci ne fait pas partie des indicateurs de Brochenin SA.

Alors, est-ce que l’huile de palme bio et d’origine colombienne est mauvaise pour notre santé ? Pour les arbres ? Pour les bovins ? Pour les petits oiseaux ?

Oui… peut-être.
Mais elle est surtout mortelle, létale pour ceux qui sont en début de la chaîne de production. Et pour ceux dont on a spolié la terre.

Il serait temps de nous faire des bains d’yeux, de porter notre regard sur l’autre rive de l’atlantique et de s’en préoccuper sérieusement.

Personnellement, je ne consomme pas l’huile de palme colombienne. Car même si elle a été raffinée, je vois encore et toujours sa couleur rouge sang.

CHEMA COSTA

Les spoliations du sol et du sous-sol, ainsi que la « réorganisation » interne de l’accès à leurs richesses par les multinationales et la classe politique et économique colombienne, ont préparé le terrain et coïncidé avec les négociations et premières signatures des accords de Traités de Libre Commerce –TLC- entre la Colombie, les États-Unis, le Canada et l’Union Européenne –UE, entre autres.

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Sources et pour en savoir plus (qu’Ecocert !) :

http://justiciaypazcolombia.com/Por...

www.lexpress.fr/.../faut-il-boycott...

www.novethic.fr/...huile_palme_bio_...

http://www.verdadabierta.com/justic...

http://colombiainternacional.uniand...

http://retornoalaspavas.wordpress.c...

http://www.periferiaprensa.org/inde...

http://www.brochenin.com/fr/jules-b...

http://www.elespectador.com/impreso...

http://www.eltiempo.com/archivo/doc...

http://www.eltiempo.com/archivo/doc...

http://www.eltiempo.com/archivo/doc...

http://www.elespectador.com/noticia...

http://www.cambio.com.co/portadacam...

http://www.swissinfo.ch/spa/noticia...,_bajo_sospecha_.html ?cid=29684216

http://www.cambio.com.co/portadacam...

Responsabilidad Social Empresarial en Contexto de Conflicto Armado : El Caso del Grupo Daabon en la Producción de Palma de Aceite / Indepaz.org.co

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12 février 2013 2 12 /02 /février /2013 23:08

 

 

lundi 11 février 2013, par Carlos Beas Torres

C’est clair que je ne suis pas Florence. Je m’appelle Miguel Juan Hilaria et je suis mixe, ayuuk comme nous disons nous autres. Avant j’étais un paysan, maintenant je suis seulement un détenu. Cela fait huit ans que je suis enfermé dans une prison d’Oaxaca, dans la localité de Matias Romero, depuis qu’il m’ont accusé à tort d’avoir assassiné un pauvre là-bas du côté de l’ejido Francisco Javier Jasso.

Pour établir ma culpabilité ils m’ont torturé et je fus obligé par le sous-procureur Wilfrido Almarez de signer une feuille blanche, dont j’ai su ensuite que c’était ma confession. Ils m’ont frappé et humilié pendant des heures dans les bureaux du ministère public qui sont à Tehuantepec, où ils m’avaient emmené sans même me montrer un ordre d’arrestation. Je ne parle pas bien le castillan, et à force de coups, de cris et même de crachats ils m’ont forcé à apposer ma signature et mes empreintes digitales sur une feuille. Aucun avocat et aucun traducteur ne m’accompagnait. C’est la loi pour nous autres.

Le jour suivant, comme un paquet, tout maculé et endolori, ils m’emmenèrent à la maison d’arrêt de Matias. À cause des coups reçus je ne pouvais m’arrêter de pisser du sang. Ma famille avisa l’organisation et rapidement ils m’envoyèrent un médecin qui s’occupa de moi, je restais dans le cirage dix jours. Et bien que la commission des droits de l’homme ait prouvé que j’avais été torturé, que l’unique témoin ait déclaré que les flics l’avaient menacé pour qu’elle témoigne, le juge me condamna à trente ans de prison.

Durant ces longs jours d’enfermement, que j’ai passé à tisser des hamacs, je n’ai cessé de me souvenir de cette maudite matinée où j’allais m’occuper de ma milpa [1] et où je trouvais le bétail du riche qui mangeait tranquillement la milpa que j’avais semée. Énervé, j’attachais les animaux pour que le riche en venant les récupérer me paie les dégâts. Et il arriva, bien remonté : « Putain d’Indien, ça va te coûter cher ! Pour qui tu te prends, va-nu-pieds ! » Moi je montais sur mes grands chevaux et je lui dis, non, je lui criais : « Fais ce que tu veux mais je ne rends pas tes animaux tant que tu n’as pas payé les dégâts. » Et comme je voulais, il me jeta quelques billets et se récupéra les trois bœufs en question, non sans m’avoir encore menacé.

Et le riche mit rapidement sa menace à exécution, que sa fille Janet était agent du ministère public, et me colla la mort d’un voisin qui avait une aventure avec la femme d’un autre. Cette Janet était aussi dans la politique et menait campagne pour le fameux Ulises Ruiz et quand celui-ci eut gagné le gouvernement la femme gagna en pouvoir et grâce à ses contacts réussit à ce que les magistrats me jettent en prison.

Mon procès fut une sale affaire, à plusieurs reprises mon avocat demanda à ce que l’on entende le mari offensé, qui était le véritable auteur du meurtre que l’on m’imputait, mais jamais ils ne le convoquèrent. Et comme la vie d’un Indien ne vaut rien dans ce pays, je récoltais des années espérant jour après jour que l’on reconnaisse l’injustice dont j’ai été victime et qui me tient ici, brisé, malade, et loin de ma famille.

Ici dans la prison il y a une majorité de pauvres. Ils racontent leur histoire. La majorité disent qu’ils n’eurent pas d’argent pour payer un avocat, certains qu’ils ne parlaient pas bien le castillan, qu’ils ne savent même pas pourquoi ils sont prisonniers. Beaucoup évoquent des mauvais traitements et des abus de pouvoir. Il y a un autre Indien, un Mixtèque, qui dit que le riche le dénonça abusivement pour viol, et qu’à présent il s’est emparé de ses terrains. La vérité est que sur cette terre il n’y aucune justice.

Non, je ne suis pas Florence. Juste un Indien de plus. Juste un pauvre de plus à être incarcéré, comme beaucoup dans ce pays. Beaucoup pour ne pas parler le castillan, ou pour ne pas avoir d’argent pour payer l’avocat ou acheter la justice. Non, je ne suis pas Florence, je suis juste Miguel Juan, Indien mixe. De moi le président de France n’a jamais entendu parler, je ne suis pas sorti sur l’écran pour avoir séquestré ou tué. Je suis prisonnier pour avoir pris soin de ma milpa, pour défendre mes droits et ma vie. Je ne vaux rien, cela les juges me l’ont dit, les policiers et le ministère public. Je suis juste Miguel Juan Hilaria, Indien détenu dans un pénitencier de l’État d’Oaxaca.

Carlos Beas Torres
Traduit par Alèssi Dell’Umbria.
Source du texte original :
La Jornada, 9 février 2013.

Notes

[1] La milpa, le champ de maïs.

 

Source : Je ne suis pas Florence - la voie du jaguar

via Mes coups de coeur

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8 février 2013 5 08 /02 /février /2013 23:22

Colombie: La répression et la terreur d’État se "consolident" à La Marina, Chaparral (Tolima)

José Antonio Gutiérrez D.

Traduit par Pascale Cognet
Edité par Fausto Giudice Фаусто Джудиче فاوستو جيوديشي

 

Le Sud du Tolima a été touché par le conflit social et armé comme peu de zones de Colombie l’ont été, avec une longue histoire de conflits agraires qui remonte aux années 30.

Le territoire  de La Marina, commune de Chaparral, connaît depuis quelques années une militarisation croissante, par le biais des zones dites de consolidation militaire, qui a intensifié la violence du conflit [1].C’est là qu’opèrent la Fuerza de Tarea Conjunta Vulcano [NdT:Force conjointe d’action Volcan] et le 17ème Bataillon d’Infanterie "José Domingo Caicedo" de la Sixième Brigade de l'armée de terre.


Carte des mégaprojets dans le Tolima : or, pétrole, irrigation, routes et barrages

Guerre sale et mégaprojets

Cette force militaire a mené une campagne anti-insurrectionnelle intense dans un des bastions des FARC-EP [2], dont le Front 21 est actif dans cette zone et l’armée a décidé de l’éradiquer par le biais d’une guerre sale et en terrorisant la population civile. Pour cela, le Bataillon Caicedo a utilisé tous les moyens légaux et illégaux à sa disposition, s’alliant étroitement aux paramilitaires. Au début de 2012, six militaires de ce bataillon ont été arrêtés avec d’autres mafieux pour appartenance à la bande "Los Urabeños", dédiée à des tâches de harcèlement politique, de contre-insurrection et  de "nettoyage social" ainsi qu'au narcotrafic [3]. Les "Aigles Noirs", qui opèrent également  dans la zone n’ont jamais été inquiétés par les autorités. Les paysans du coin disent que, dans le même style que les anciens "chulavitas" [membres de groupes paramilitaires des premières années de la Violencia, NdT], ce seraient les soldats du Bataillon Caicedo en personne qui sortent cagoulés et en civil pour intimider la population. On entend de toutes parts des rumeurs comme quoi "les paracos [paramilitaires] vont arriver, que s’ils ne partent pas ils seront massacrés à la tronçonneuse… sous la consolidation militaire, les enfants grandissent dans la peur".



Check-point militaire sur une route de Chaparral à La Marina

À La Marina, tout le monde dit que derrière cette militarisation et para-militarisation se cachent des intérêts qui vont au-delà de la simple contre-insurrection. On dit que l’objectif n’est pas seulement de déloger  les guérilleros mais aussi tous les paysans qui résistent au projet hydro-électrique qui doit être développé dans la zone vers la fin mars ; c'est-à-dire qu’il s’agit de «  nettoyer » le territoire de façon à ce que ce projet puisse avancer sans rencontrer la moindre résistance qu’elle soit armée ou civile.
 
Une paysanne de la zone raconte:
«  Il n’y avait jamais eu autant de militaires, autant d’arrestations, on était bien tranquilles. Mais en 2008, on a commencé à parler d’un projet hydro-électrique au fil de l’eau, par tunnel, qui serait réalisé par une entreprise de Medellin appelée ISAGEN…il y en a qui disaient que cela allait changer le cours de l’eau et assécher la terre, mais l’Etat disait que le sous-sol lui appartenait et pas à nous, que peu importait que nous ayons ou non notre ferme. Nous avons vu ce qui s’est passé à San José de Las Hermosas, où ils ont fait la même chose et des fermes qui donnaient 125 quintaux de café à l’année, maintenant ne récoltent plus rien. Ils veulent en faire quatre de plus à Rio Blanco… mais nous, on n’a rien à dire, on n’a qu’à ravaler notre salive si on n’est pas content ».
Les paysans et habitants du coin, inquiets face à cette situation, informés de ce qui s’était passé à Las Hermosas avec le projet hydro-électrique, ont constitué une association appelée Asoembeima ; l’association paysanne du secteur, ASTRACATOL (membre de la FENSUAGRO) s’est également prononcée contre ce projet. Dès lors a commencé une histoire de persécution qui n’en finit pas.

La "consolidation" contre les paysans: délation rémunérée et fausses démobilisations

Les paysans considèrent que c’est avec l’arrivée du lieutenant John Jairo Vélez à  La Marina en 2010, qu’a commencé une politique systématique de harcèlement à leur encontre, ils se plaignent  que des mandats d'arrestation aient commencé à pleuvoir contre eux et que du jour au lendemain, ils se sont tous retrouvés suspectés d'être des miliciens [civils sympathisants des FARC, dont ils constituent des bases d'appui, NdE].
 
Appliquant le célèbre maxime “Diviser pour régner”, l’Etat s’est employé à opposer entre eux les membres de la communauté pour pouvoir développer son plan anti-insurrectionnel de contrôle social et de mégaprojets. Ils ont d’abord commencé par les réseaux d’informateurs, cherchant ainsi à diviser la communauté en semant le doute et la méfiance en son sein.
 
Reinel Villabón, ancien inspecteur de police à La Marina  et dirigeant de SINTRAGRITOL (Syndicat des travailleurs Agricoles de Tolima) raconte que « le plus grave c’est qu’on est en train de fabriquer des démobilisés pour pouvoir traîner en justice les gens qui travaillent. D’après la Constitution, la peine de mort n’existe pas mais dans la réalité, on sait bien qu’elle existe. Parce que bombarder des gens en train de dormir, ou bien les attraper, dire que ce sont des miliciens et les tuer, c’est appliquer la peine de mort ». Sur les fausses démobilisations, rappelons que c’est précisément dans le sud du Tolima que s’est forgée la démobilisation massive d'au moins deux fausses structures qu'on a fait passer pour des guérilléros : le soi-disant Bloc Cacica La Gaitana et la prétendue colonne Norma Patricia Galeano [4]. Ce ne sont que deux cas parmi les plus connus et reconnus mais il y en a beaucoup d’autres d’après Villabón :
Jugez vous-même, ils sont arrivés une fois chez un Monsieur qui est muletier, que je connais et ils lui ont dit ’démobilisez-vous et on vous donne un petit peu d’argent’ et si les gens refusent de participer à cette comédie, alors on leur dit qu’ils en subiront les conséquences…la radio du Bataillon Caicedo faisait des signalements de gens, en donnant des noms, et les enjoignant à se démobiliser….le lieutenant John Jairo Vélez a donné un numéro de téléphone à Chaparral pour les dénonciations, le   rendez-vous avait lieu dans le parc. Ils ont ainsi proposé à une femme très pauvre de la coopérative, Lucero Váquiro, d’améliorer ses conditions de vie et elle a fini par dénoncer beaucoup de gensˮ.
Une paysanne nous explique qu’ils connaissaient Lucero Váquiro depuis toujours, qu’elle n’avait jamais été ni milicienne, ni guérillera. Elle nous dit que tout ça était une vaste farce et que par nécessité économique, elle a commencé à dénoncer tous ceux qu’elle a pu. Elle ajoute que sur les 30 soi-disant démobilisés qu’on utilise aujourd’hui pour entamer des procès contre les paysans, pas un seul n’est un ancien guérillero. Un autre paysan dit : « ils achètent des témoins ici, des fainéants à qui on offre de l’argent pour dénoncer n’importe qui, s’il n’y avait pas ce foutu système de récompenses, rien de cela n’arriverait ».

La "consolidation"  contre les paysans: l’assassinat

Toute cette politique de répression et de terreur contre la communauté ne s’est pas arrêtée à la délation. Le 30 mars 2011 deux paysans, Gildardo Garcia et Héctor Orozco, ont été assassinés alors qu’ils se rendaient de Chaparral à La Marina, au niveau d’Espiritu Santo à Albania. L’assassinat s’est produit entre deux barrages du Bataillon Caicedo et jusqu’à aujourd’hui il reste totalement impuni. Qui étaient les deux personnes assassinées ? D’après Villabón, c’était «  des gens bien, des travailleurs. C’était des paysans qui cultivaient des haricots, des mûres, du café, des tomates arbustives et des narangilles. Garcia était membre d’ASTRACATOL. Ils l’ont appelé à Orozco pour une fausse démobilisation, il a refusé. Comme il avait une petite boutique à San Fernando, sur les hauteurs de la Marina, ils l’ont accusé d’aider la guérilla parce qu’il leur vendait des choses ».
 
Cela faisait un an qu’ils harcelaient Héctor Orozco. Les militaires le recherchaient, ils le traitaient de milicien, « camarade » sans lui montrer d’ordre de capture, et en plus ils l’appelaient pour qu’il participe à une fausse démobilisation. Au poste, ils ont commencé à le harceler en lui demandant pour qui il achetait les marchandises. D’après sa femme, « le lieutenant Vélez était celui qui s’acharnait le plus, quand il le voyait il lui disait qu’il avait déjà eu 47 guérilleros, qu’il lui en fallait trois de plus et qu’il s'offrirait des vacances bien méritées. Il l’autorisa seulement à se déplacer entre Chaparral et La Marina, uniquement sur ce tronçon. Il lui demandait pourquoi il alimentait la guérilla, ils ont commencé à nous rationner et à nous affamer, jusqu’à ce qu’il lui donne trois mois de délai pour renoncer à ASTRACATOL et devenir informateur. Comme il a refusé, ils l’ont assassiné ».
 
Selon Villabón, celui qu’ils voulaient assassiner vraiment, c’était Orozco, mais en contrôlant Gildardo Garcia et en voyant son nom de famille, ils l’ont tué aussi : «  Voyez, ici le lieutenant Vélez a déclaré que tous les Garcia étaient un objectif militaire, parce que l’un d’entre eux était parti dans la montagne avec la guérilla. Alors toute la famille Garcia est recherchée, on leur met la pression, on les tue. Auparavant, ils avaient torturé et assassiné Don Tiberio Garcia dans le hameau Brisas de San Pablo ».

On a rapporté aussi le cas de faux positifs dans la zone: le 3 juin 2007, l’armée et le Gaula [Groupe d’action unifiée pour la liberté personnelle, unité anti-kidnapping de l'armée colombienne entraînée par les USA, NdT] ont assassiné Jaro Eber Morales à Santa Ana (ainsi que trois autres personnes) en prétendant que cela s’était passé lors d'un affrontement armé ; le 19 juillet 2007 ils ont également assassiné Camilo Avila  et Don Jesus Maria Rianos au carrefour de Rio Blanca en venant de La Marina.

Chaque capture de guérillero fait l'objet d'une mise en scène comme ici, en novembre 2011, la capture de ‘Fabián’ ou ‘El Calvo’ (Le Chauve), présenté comme deuxième commandant de la colonne mobile ‘Daniel Aldana’ des FARC, suivie de celle des 5 paysans accusés de faire partie des milices bolivariennes d'appui aux FARC.

La "consolidation" contre les paysans: les arrestations

En novembre 2011, sous l’inculpation de « rébellion et financement de groupes terroristes », on arrête les frères Edwin Lugo Caballero et José Norbey Lugo Caballero,  Arcesio Díaz, Aycardo Morales Guzmán, Saan Maceto Marín et Fredynel Chávez Marín (ce dernier originaire de Las Hermosas). Tous appartenaient à ASTRACATOL, c’étaient des personnes qui s’étaient mises en avant pour la défense des droits des paysans et du territoire. Ils arrêtent aussi Alexander Guerrero Castañeda, président de l’Assemblée d’Action Communale de La Marina ainsi qu’Armando Montilla Rey, membre de l’Assemblée d’Action Communale de La Esperanza, du Rio Blanco.
 
Selon l’avocate Karen Tapias, de la Fondation Lazos de Dignidad chargée de défendre les prisonniers d’ASTRACATOL, il s’agit d’un dossier particulièrement léger et rempli d’irrégularités : « Avant tout, les 30 témoins de l’accusation sont supposés être des réinsérés. Cependant, des guérilleros qui ont plus de dix ou vingt ans dans les FARC-EP, qui se trouvent en prison, disent ne pas les connaître, et qu’ils sont en train d’utiliser des civils à qui cela procure des avantages économiques. Il est certain que ces soi-disant démobilisés ont bénéficié d’avantages économiques, éducatifs  ou en logements ». Pompilio Diaz, père d’Arcesio Diaz, un des détenus, a dit qu’ils avaient « acheté son fils pour cinq millions de pesos » [2000 €].
 
L’avocate dit que” le texte de l’accusation est basé sur un témoignage supposé d’une personne que l’on n’a pas identifiée…nous n’avons pas la certitude que le témoignage ait existé ou bien s'il ait été inventé par la police judiciaire, il n’y pas de preuve qu’une personne appartenant à l’insurrection ou à la population civile soit venue faire la dénonciation… José William Devia Moreno, en charge de l’investigation, a dit qu’il a reçu le témoignage mais qu’il n’a jamais vu la source humaine ».
 
D’après Tapias, ces procès sont d’une nature éminemment politique. « C’est quelque chose qui existe depuis quelque temps, mais qui a augmenté maintenant parce qu’il y a un besoin particulier, avec la construction de ce barrage et que les gens qu’on accuse en ce moment d’appartenir au Front 21 sont tous des paysans qui se sont élevés contre ce projet. De plus, ASTRACATOL est associée à la Marche Patriotique et nous connaissons tous les stigmatisations dont fait l’objet ce mouvement, il ne s’agit pas de faits isolés ». Le père d’un des détenus en est conscient quand il rappelle que « les soldats savent que mon fils n'a rien à se reprocher, mais ils disent que c’est la faute de la famille qui est mouillée, parce que nous faisons partie de la Marche Patriotique ».
 
Les audiences du procès contre les 8 détenus reprendront le 25 janvier à Ibagué, avec les 25 témoins de la défense [audience reportée au 14 février, NdE]. Pendant ce temps-là, ces prisonniers supportent des conditions déplorables dans la prison de Picaleña, où règnent un manque d’eau pratiquement constant, des abus de pouvoir de la part des gardiens, ainsi qu’une carence en soins médicaux. Il est nécessaire de mobiliser toute la solidarité parce qu’il ne s’agit pas ici d’un cas judiciaire mais d’une attaque frontale contre le peuple qui s’organise.

 

La "consolidation" militaire comme forme de violation permanente contre la population

La dégradation de la situation, fruit de la militarisation par la consolidation, touche même les rangs de l’Armée. Quatre soldats de La Marina, qui étaient en train de faire leur service, ont également été arrêtés en septembre 2011, pour collaboration supposée avec l’insurrection. Vilman Useche Pava, Wilmer Javier Pérez Parra, Isidro Alape Reyes et Jason Orlando Castañeda ont été arrêtés alors qu’ils étaient en service sur la base de Piedras à Ibagué. Leurs accusateurs sont les  faux démobilisés eux-mêmes qui accusent les prisonniers d’ASTRACATOL et des JAC [Juntas de Acción Comunal =Groupes d'Action Communale, comités d'habitants ayant une existence légale, NdE]. En ce moment, l’armée lance toute une série d’ordres de capture contre des infirmiers et des médecins pour une supposée collaboration avec l’insurrection et parce qu’ils soignent les guérilleros. Il y a également des ordres de capture de commerçants, supposés aider financièrement l’insurrection et de faire du commerce avec les guérilleros; on menace aussi les proches des guérilleros et on les arrête pour crimes de sang ; une véritable offensive contre toute personne qui exprimera une opinion à l’encontre des 7 projets hydro-électriques en cours dans le sud du Tolima.
 
Pour Tapias, il existe une situation humanitaire grave, où l’on observe “un contrôle des aliments qui entrent dans la zone comme de tout autre type de vivres et de médicaments, c’est l’armée qui décide de ce que mange la population et dans quelle proportion, et quels sont ses besoins en médicaments… par le biais de l'émetteur radio du Bataillon Caicedo de l’armée nationale on désigne des personnes de la région par leur nom et prénom comme étant des miliciens du Front 21 des FARC, sans qu’il existe de procédures juridiques à leur encontre  et ils sont invités à se démobiliser. Ils font du porte-à-porte, offrent de l’argent à la population et demandent qui sont les guérilleros dans la zone…nous avons entendu des dénonciations qui lient les paramilitaires à  l’armée, c’est une situation extrêmement grave »
 
Quand on demande aux paysans si l’armée a apporté la sécurité au village, les paysans sont virulents: « Ce que l’armée a apporté, c’est la violence, surtout les soldats professionnels qui viennent tous d’ailleurs. Les garçons d’ici qui sont dans l’armée ne s’en mêlent pas, ils ne veulent pas se battre, ce sont ceux  qui viennent de l’extérieur qui réellement apportent la violence. » Tous se plaignent quedepuis que l’armée est arrivée, on a cherché à opposer les voisins entre eux et on a semé la discorde avec le système des informateurs. Ils ont aussi utilisé d’autres méthodes comme d’envoyer des colis au nom des paysans avec des tracts pour obtenir des récompenses pour augmenter les suspicions que tel ou tel paysan sert d’informateur et dégrader le climat de cette façon en augmentant la méfiance. Dans cette atmosphère, ils espèrent rendre difficile l’organisation et la résistance des paysans aux expropriations.
 
Villabón Leal  nous dit : “avec la consolidation, le problème du déplacement s’aggrave, parce que les paysans ne peuvent plus cultiver parce qu’on les bombarde, on leur lance des bombes, on mitraille les  cimes et les vallons,  on vous repère, on vous contrôle comme si on était dans une  prison, avec des appareils numériques pour relever les empreintes, avec des photos... le seul but de la consolidation territoriale, c’est de faire entrer les multinationales ».Fernando Chacón, dirigeant d’ASTRACATOL à Chaparral est aussi d’accord avec cette analyse quand il dit que le climat de terreur constante avec les mitraillages et les bombardements, doublé de persécution que l’on fait subir aux organisations sociales a à voir avec le fait de « vider cette zone stratégique de ses paysans pour leurs projets de pseudo-développement , qui enrichit seulement quelques-uns, venus d’ailleurs…pour cela, ils veulent en finir avec notre culture, avec notre manière de vivre, notre personnalité de paysans ».
 
Ce qui est certain, malgré tout, c’est que les paysans font preuve d’une admirable résistance pour ne pas disparaître. Les organisations paysannes se renforcent dans tout le pays, malgré la militarisation, la persécution et la menace. Les organisations restent debout, en pleine rigueur de consolidation territoriale. Il est de notre devoir de continuer à brandir la bannière de la solidarité et de n' oublier ni les prisonniers, ni les paysans qui continuent à exiger une réforme agraire, au nom de la devise Terre et Liberté, si vieille et si actuelle.
 

Notes

[1] Pour connaître quelques antécédents sur la situation à La Marina, lire une interview précédente de Javier Orozco de la Commission Asturienne en  2010 http://anarkismo.net/article/21147

[2] Dans la commune de Chaparral les guérillas communistes ont agi depuis 1949, elles étaient à l’origine des groupes d’autodéfense paysanne face à la violence des gros propriétaires.

 [3] http://www.lanacion.com.co/2012/03/15/militares-integraban-banda-delictiva/

http://www.qhuboibague.com/blog/2012/03/15/los-urabenos-delinquian-en-el-tolima.html

http://www.elnuevodia.com.co/nuevodia/actualidad/judicial/136807-genesis-y-homicidios-de-la-bacrim-del-batallon-caicedo

[4] http://www.elpais.com.co/elpais/colombia/noticias/del-cacica-gaitana-unica-desmovilizacion-falsa-ex-guerrillero

 





Merci à Tlaxcala
Source: http://tinyurl.com/aa6269w
Date de parution de l'article original: 18/01/2013
URL de cette page: http://www.tlaxcala-int.org/article.asp?reference=9102

 
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6 février 2013 3 06 /02 /février /2013 16:45

 

 

 

 

Eux et nous

V. La Sexta

 

"En bas et à gauche, là est le coeur"



mercredi 30 janvier 2013, par EZLN, SCI Marcos
 

Armée zapatiste de libération nationale
Mexique.
Janvier 2013.
Destinataires : les compañer@s adhérent·e-s à la Sixième Déclaration de la forêt Lacandone (la Sexta) dans le monde entier.
Expéditeurs : les zapatistes, femmes et hommes, du Chiapas, Mexique.
 
 
 
 
Compañeras, compañeros et compañeroas,
Compas du Réseau contre la répression et pour la solidarité,

Recevez toutes, tous, le salut des femmes, des hommes, des enfants et des vieillards de l’Armée zapatiste de libération nationale, les plus petits de vos compañeros.
Nous avons décidé que notre première parole spécialement adressée à nos compañer@s de la Sexta soit donnée à connaître depuis un espace de lutte, comme c’est le cas du Réseau contre la répression et pour la solidarité. Mais les paroles, les sentiments et les pensées qui se dessinent ici ont comme destinataires aussi ceux qui ne sont pas présents. Et surtout, ils sont pour elles et eux.
*
Nous voudrions vous remercier du soutien que vous avez apporté à nos communautés, à nos compañeros bases de soutien zapatistes et aux compas adhérents prisonniers au Chiapas durant tout ce temps.
Nous gardons dans notre cœur vos paroles d’encouragement et la main collective qui a étreint la nôtre.
Nous sommes sûrs que l’un des points à traiter dans votre réunion sera, ou a déjà été, le démarrage d’une grande campagne en soutien au compa Kuy, pour dénoncer l’agression dont il a été l’objet et demander justice pour lui et tous les blessés à la même date, et pour exiger la liberté absolue de tous les gens arrêtés dans la ville de Mexico et à Guadalajara à l’occasion des protestations contre l’imposition d’Enrique Peña Nieto comme titulaire de l’exécutif fédéral.
Ce n’est pas le seul point, mais il est important aussi que cette campagne envisage de réunir des fonds pour soutenir le compa Kuy dans les frais d’hospitalisation, et dans ceux de sa future récupération, que nous, les zapatistes, nous espérons proche.
Pour soutenir cette campagne financière, nous envoyons une petite somme en espèces. Bien que petite, nous vous demandons de l’ajouter à ce que vous récoltez pour notre compañero de lutte. Dès que nous pourrons rassembler davantage, nous le ferons parvenir à la personne que vous désignerez pour ce travail.
*
Nous avons voulu profiter de cette réunion que vous tenez, non seulement pour saluer votre acharnement, mais aussi et surtout pour saluer, à travers vous, tous les compas au Mexique et dans le monde qui ont maintenu fermement ce lien qui nous unit et que nous appelons la Sexta.
Sachez que ça a été un honneur de vous avoir pour compañeroas.
Nous savons que cela a l’air d’un adieu, mais ça ne l’est pas. Ça signifie seulement que nous donnons pour terminée une étape sur le chemin que nous indique la Sexta, et que nous pensons qu’il y a à faire un nouveau pas.
Nous avons eu à subir bien des déboires, parfois ensemble, parfois chacun dans sa géographie.
À présent, nous voulons vous expliquer et vous communiquer quelques changements dans notre démarche par laquelle, si vous êtes d’accord et que vous nous accompagnez, nous reviendrons, mais d’une autre manière, au long compte de douleurs et d’espoirs qui avant s’est appelé l’Autre Campagne au Mexique et la Zezta internationale dans le monde, et qui à présent sera simplement La Sexta . Maintenant, nous irons plus loin, jusqu’à…
Le temps du Non, le temps du Oui
Compañeras, compañeros,
Une fois définis qui nous sommes, notre histoire passée et actuelle, notre place et l’ennemi que nous affrontons, comme c’est mis en forme dans la Sixième Déclaration de la forêt Lacandone, il reste à terminer de définir pour quoi nous luttons.
Une fois définis les « non » , il faut finir de dessiner les « oui » .
Et pas seulement, il manque aussi d’autres réponses aux « comment », « quand », et « avec qui ».
Vous savez tous que notre pensée n’est pas de construire une grande organisation avec un centre dirigeant, un commandement centralisé, un chef, qu’il soit individuel ou collégial.
Notre analyse du système dominant, de son fonctionnement, de ses forces et faiblesses, nous a conduits à signaler que l’unité d’action est possible si on respecte ce que nous appelons « les modalités » de chacun.
Et cette histoire de « modalités » n’est pas autre chose que les connaissances que chacun d’entre nous, individuellement ou collectivement, tire de sa géographie et de son calendrier. C’est-à-dire de ses douleurs et de ses luttes.
Nous, nous sommes convaincus que tout essai d’homogénéité n’est rien d’autre qu’une tentative fasciste de domination, même si elle se cache sous un langage révolutionnaire, ésotérique, religieux, ou assimilé.
Quand on parle d’« unité », on omet de signaler que cette « unité » est sous le commandement de quelqu’un ou quelque chose, individuel ou collectif.
Sur le fallacieux autel de « l’unité », non seulement on sacrifie les différences, mais on cache aussi la survivance de tous les petits mondes de tyrannies et d’injustices dont nous souffrons.
Dans notre histoire, la leçon se répète encore et encore. Et à chaque tour que fait le monde, la place de l’opprimé, du méprisé, de l’exploité, du spolié est toujours pour nous.
Ce que nous appelons « les quatre roues du capitalisme », exploitation, spoliation, répression et mépris, se sont reproduits tout au long de notre histoire, avec différents noms sur l’étiquette, mais nous sommes toujours les mêmes en dessous.
Mais le système actuel en est arrivé à un stade de folie extrême. Sa soif de déprédation, son mépris absolu pour la vie, sa jouissance de la mort et de la destruction, son entêtement à installer l’apartheid pour tous les différents, c’est-à-dire tous ceux d’en bas, sont en train de mener l’humanité à sa disparition comme forme de vie sur la planète.
Nous pouvons, comme quelqu’un pourrait le conseiller, attendre patiemment que ceux d’en haut finissent par se détruire eux-mêmes, sans remarquer que leur orgueil dément conduit à la destruction de tout.
Dans leur soif d’être toujours plus haut, ils dynamitent les étages d’en bas, les fondations. L’édifice, le monde, finira par s’effondrer et il n’y aura personne à accuser comme responsable.
Nous, nous pensons que oui, quelque chose va mal, très mal. Mais que si, pour sauver l’humanité et la maison bien maltraitée qu’elle habite, quelqu’un doit s’en aller, ce doit être, il faut que ce soit, ceux d’en haut.
Et nous ne nous référons pas à l’exil des personnes d’en haut. Nous parlons de détruire les relations sociales qui rendent possible que quelqu’un soit en haut au prix que quelqu’un d’autre soit en bas.
Nous, les hommes et les femmes zapatistes, nous savons que cette grande ligne que nous avons tracée sur la géographie du monde n’a rien de classique. Que cette histoire d’« en bas » et d’« en haut » dérange, incommode et irrite. Oui, et ce n’est pas la seule chose qui irrite, nous le savons bien, mais pour l’instant c’est de cette incommodité-là que nous nous occupons.
Nous pouvons être dans l’erreur. Sûrement que nous le sommes. Voici qu’apparaissent déjà les policiers et les commissaires de la pensée pour nous juger, nous condamner et nous exécuter… Pourvu que ce soit seulement dans leurs écrits flamboyants et qu’ils ne cachent pas une vocation de bourreaux derrière celle de juges.
Mais c’est ainsi que nous, les zapatistes, femmes et hommes, voyons le monde et ses modalités :
Il y a du machisme, du patriarcat, de la misogynie, ou quel que soit le nom qu’on lui donne, mais c’est une chose d’être une femme d’en haut, et une autre totalement différente de l’être d’en bas.
Il y a de l’homophobie, oui, mais c’est une chose d’être un homosexuel d’en haut et une tout autre de l’être d’en bas.
Il y a du mépris pour les gens différents, oui, mais c’est une chose d’être différent d’en haut et une autre de l’être d’en bas.
Il y a la gauche comme alternative à la droite, mais c’est une chose d’être de gauche en haut et quelque chose de complètement distinct (et opposé, ajoutons-nous) de l’être en bas.
Mettez votre identité dans ce paramètre que nous signalons et vous verrez ce que nous vous disons.
L’identité la plus trompeuse, à la mode à chaque fois que l’État moderne entre en crise, est celle de « citoyenneté ».
Ils n’ont rien en commun, et bel et bien tout d’opposé et de contradictoire, le « citoyen » d’en haut et le « citoyen » d’en bas.
Les différences sont poursuivies, acculées, ignorées, méprisées, réprimées, spoliées et exploitées, c’est vrai.
Mais nous, nous voyons une différence plus grande encore qui traverse ces différences : l’en haut et l’en bas, ceux qui ont et ceux qui n’ont pas.
Et nous voyons que cette grande différence a quelque chose de substantiel : l’en haut se trouve au-dessus de l’en bas ; celui qui a, il possède parce qu’il dépouille ceux qui n’ont pas.
Toujours d’après nous, cette histoire d’en haut et d’en bas détermine nos regards, nos paroles, notre écoute, nos pas, nos douleurs et nos luttes.
Peut-être y aura-t-il une autre occasion pour expliquer davantage notre pensée là-dessus. Pour l’instant, nous dirons seulement que regards, paroles, écoutes et pas de ceux d’en haut tendent à la conservation de cette division. Bien sûr que cela n’implique pas l’immobilité. Le conservatisme paraît très loin d’un système qui découvre des façons plus nombreuses et meilleures d’imposer les quatre blessures dont souffre le monde d’en bas. Mais ces « modernisations » ou « progrès » n’ont d’autre objectif que de maintenir en haut ceux d’en haut de la seule façon possible, c’est-à-dire sur ceux d’en bas.
Le regard, la parole, l’écoute et les pas d’en bas, d’après nous, sont déterminés par les questions : Pourquoi ainsi ? Pourquoi eux et elles ? Pourquoi nous ?
Pour nous imposer des réponses à ces questions, ou pour éviter que nous les posions, on a construit de gigantesques cathédrales d’idées, certaines plus ou moins élaborées, la majorité si grotesques que non seulement cela surprend que quelqu’un les ait élaborées et que quelqu’un y croie, mais aussi qu’on ait construit des universités et des centres d’études et d’analyse fondés sur elles.
Mais il apparaît toujours un-e trouble-fête pour ruiner les festivités successives de la culmination de l’histoire.
Et cet-te malappris répond à ces questions par une autre : « Pourrait-il en être autrement ? »
Cette question pourrait bien être celle qui déclenche la rébellion dans son acception la plus large. Et elle pourrait l’être parce qu’il y a un « non » qui l’a accouchée : ça n’a pas de raison d’être ainsi .
Excusez-nous si ce confus détour vous a irrité-e-s. Mettez-le sur le compte de notre modalité, ou de nos us et coutumes.
Ce que nous voulons dire, compañeras, compañeros, compañeroas, c’est que ce qui nous a appel-e-s à la Sexta a été ce « non » rebelle, hérétique, grossier, irrévérencieux, gênant, dérangeant.
Nous en sommes arrivé-e-s là parce que nos réalités, nos histoires, nos rébellions nous ont conduits à ce « ça n’a pas de raison d’être ainsi » .
Cela, et le fait que, de manière intuitive ou élaborée, nous avons répondu « oui » à la question « pourrait-il en être autrement ? ».
Il reste à répondre aux questions qui se bousculent après ce « oui »  :
Comment est cette autre manière, cet autre monde, cette autre société que nous imaginons, que nous voulons, dont nous avons besoin ?
Que faut-il faire ?
Avec qui ?
Nous devons chercher les réponses à ces questions si nous ne les avons pas. Et si nous les avons, nous devons nous les faire connaître entre nous.
*
Dans ce nouveau pas, mais sur le même chemin de la Sixième Déclaration de la forêt Lacandone, en tant que zapatistes que nous sommes nous allons essayer d’appliquer quelque chose de ce que nous avons appris dans ces sept années, et nous allons opérer des changements dans le rythme et la rapidité du pas, oui, mais aussi dans la compagnie.
Vous le savez, l’un des nombreux et grands défauts que nous avons, nous les femmes et hommes zapatistes, c’est la mémoire. Nous nous rappelons qui s’est trouvé quand et où, ce qu’il a dit, ce qu’il a fait, ce qu’il a tu, ce qu’il a défait, ce qu’il a écrit, ce qu’il a effacé. Nous nous rappelons les calendriers et les géographies.
Qu’on ne nous interprète pas mal. Nous ne jugeons personne, chacun-e construit comme il ou elle peut son alibi pour ce qu’il-elle fait ou défait. La bête marche de l’histoire dira si cela a été une réussite ou une erreur.
Pour notre part, nous vous avons vu-e-s, nous vous avons écout-e-s, de tou-te-s nous avons appris.
Nous avons vu ceux qui se sont approchés seulement pour tirer un profit politique propre de l’Autre Campagne, ceux qui sautillent d’une mobilisation à une autre, séduits par les masses et palliant ainsi leur incapacité à engendrer quelque chose par eux-mêmes. Un jour, ils sont anti-électoraux, un autre jour ils déploient leurs drapeaux dans les mobilisations à la mode ; un jour ils sont enseignants, le lendemain étudiants ; un jour ils sont indigénistes, l’autre ils s’allient avec les grands propriétaires et les paramilitaires. Ils appellent le feu justicier des masses, et ils disparaissent au premier jet d’eau des chars antiémeute.
Nous ne recommencerons pas à marcher avec eux.
Nous avons vu qui sont ceux qui apparaissent quand il y a des tribunes, des interlocuteurs, une bonne presse, de l’attention, et qui disparaissent à l’heure du travail sans bruit mais nécessaire, comme le savent la majorité de ceux qui écoutent ou lisent cette lettre. Pendant tout ce temps, notre regard et notre écoute n’ont pas été pour ceux qui se trouvaient en haut de la tribune, mais pour ceux qui l’ont construite, ceux qui ont fait à manger, qui ont balayé, monté la garde, conduit les véhicules, distribué les tracts, qui se sont défoncés, comme on dit. Nous avons aussi vu et entendu ceux qui sont grimpés sur les autres.
Nous ne recommencerons pas à marcher avec eux.
Nous avons vu qui sont les professionnels des assemblées, leurs techniques et tactiques pour bousiller des réunions de telle sorte qu’eux seuls, et ceux qui les suivent, restent pour approuver leurs propositions. Ils distribuent les défaites partout où ils apparaissent en dirigeant les tables de modérateurs, en écartant les « snobs » et les « petits-bourgeois » qui ne comprennent pas que dans l’ordre du jour se joue l’avenir de la révolution mondiale. Ceux et celles qui voient d’un mauvais œil n’importe quel mouvement qui ne se termine pas par une assemblée sous leur direction.
Nous ne recommencerons pas à marcher avec eux.
Nous avons vu qui sont ceux qui se présentent comme des combattants pour la liberté des prisonniers et prisonnières dans les événements et les campagnes, mais qui nous ont demandé d’abandonner les prisonniers d’Atenco et de continuer le parcours de l’Autre Campagne, parce qu’ils avaient leur stratégie et leurs événements programmés.
Nous ne recommencerons pas à marcher avec eux.
*
La Sexta est un appel zapatiste. Appeler n’est pas unir. Nous ne prétendons pas unir sous une direction, ni zapatiste ni de n’importe quelle autre filiation. Nous ne cherchons pas à coopter, recruter, supplanter, avoir l’air, faire semblant, tromper, diriger, subordonner, utiliser. La destination est la même, mais la différence, l’hétérogénéité, l’autonomie des modalités du cheminement, sont la richesse de la Sexta, sont sa force. Nous offrons et nous offrirons le respect, et nous demandons et demanderons le respect. À la Sexta, on adhère sans autre condition que le « non » qui nous convoque et l’engagement de construire les « oui » nécessaires.
*
Compañeroas, compañeros, compañeras,
De la part de l’EZLN nous vous disons :

1. Pour l’EZLN, il n’y aura plus une Autre Campagne nationale et une Zezta internationale. À partir de maintenant nous cheminerons aux côtés de ceux que nous inviterons et qui nous accepteront comme compas, aussi bien sur la côte du Chiapas que sur celle de Nouvelle-Zélande.

C’est ainsi que le territoire de notre action est à présent clairement délimité : la planète nommée « Terre », située dans ce qu’on appelle le système solaire.
Nous serons maintenant ce que nous sommes naturellement : « La Sexta ».

2. Pour l’EZLN, être de la Sexta ne requiert pas d’affiliation, ni de cotisation, ni d’inscription sur une liste, d’original ou de copie d’une identification officielle, de reddition de comptes, d’être à la place du juge, ou du jury, ou de l’accusé, ou du bourreau. Il n’y a pas de drapeaux. Il y a des engagements et des conséquences de ces engagements. Les « non » nous appellent, la construction des « oui » nous met en mouvement.

2. (bis ? NdT) Ceux qui, avec le resurgissement de l’EZLN, espèrent une nouvelle période de tribunes, et de grandes concentrations, et les masses mettant le nez à la fenêtre de l’avenir, et les équivalents à la prise du Palais d’hiver, seront déçus. Il vaut mieux qu’ils s’en aillent une bonne fois. Qu’ils ne perdent pas leur temps, et ne nous fassent pas perdre le nôtre. La marche de la Sexta est à longues enjambées, pas pour les nains de la pensée. Pour des actions « historiques » et « conjoncturelles », il y a d’autres espaces où certainement ils trouveront leurs aises. Nous, nous ne voulons pas changer seulement de gouvernement, nous voulons changer de monde.

3. Nous réaffirmons qu’en tant qu’EZLN nous ne nous allierons à aucun mouvement électoral au Mexique. Notre conception a été claire là-dessus dans la Sexta, et il n’y a aucune variation. Nous comprenons qu’il y en ait pour penser qu’il est possible de transformer les choses d’en haut sans devenir pour autant un de plus de ceux d’en haut. Pourvu que les désillusions qui en découleront ne les amènent pas à se transformer en ce contre quoi ils luttent.

4. Notre parole pour vous proposer des initiatives organisationnelles, politiques et de diffusion sera EXCLUSIVE pour ceux qui nous le demanderont et que nous accepterons, et envoyée par le courrier de la page électronique aux adresses que nous avons. Elle apparaîtra aussi sur la page d’Enlace zapatista (Liaison zapatiste), mais on ne pourra accéder à son contenu complet que grâce à un mot de passe qui changera continuellement. Ce mot de passe, nous vous le ferons parvenir d’une façon ou d’une autre, mais il sera facile à déduire pour qui lit avec attention ce qui se voit, et pour qui a appris à déchiffrer les sentiments qui deviennent des lettres dans notre parole.
Chaque individu-e, groupe, collectif, organisation, ou quel que soit le nom que chacun-e se donne, a le droit et la liberté de passer cette information à qui il jugera bon de le faire. Tou-te-s les adhérent-e-s à la Sexta auront le pouvoir d’ouvrir la fenêtre de notre parole et de notre réalité à qui ils-elles voudront. La fenêtre, pas la porte.

5. L’EZLN vous demande de la patience pour vous faire connaître les initiatives que, durant sept ans, nous avons mûries, et dont le principal objectif sera de vous mettre en contact direct avec les bases de soutien zapatistes de la façon qui, à mon humble avis et selon ma longue expérience, est la meilleure, c’est-à-dire : comme des élèves.

6. Pour l’instant, nous vous anticipons que ceux qui le peuvent et qui le veulent, et qui seront invités expressément par la Sexta-EZLN, commencent à mettre de côté du pognon, du blé, de la money, ou quel que soit le nom de la monnaie de change dans chaque partie de la planète, pour être en mesure de voyager vers les terres zapatistes à des dates à préciser. Plus tard, nous vous donnerons plus de détails.
Pour terminer cette missive (qui, comme c’est évident, a le défaut de ne pas avoir de vidéo ou de chanson pour l’accompagner et compléter sa version lue), nous voulons envoyer la meilleure de nos embrassades (et nous n’en avons qu’une) aux hommes, femmes, enfants et vieillards, groupes, organisations, mouvements ou quel que soit le nom que chacun•e se donne, qui pendant tout ce temps ne nous ont pas éloignés de leurs cœurs, ont résisté et nous ont soutenus en tant que compañeras, compañeros et compañeroas que nous sommes.

Compas,
Nous sommes la Sexta.
Ça va être très dur.
Nos douleurs ne seront pas moindres en nous ouvrant à ceux qui souffrent par le monde. Le chemin sera plus tortueux.
Nous bataillerons.
Nous résisterons.
Nous lutterons.
Nous mourrons peut-être.
Mais une, dix, cent, mille fois, toujours nous vaincrons, toujours.

Pour le Comité clandestin révolutionnaire indigène
Commandement général de l’Armée zapatiste de libération nationale
la Sexta
-EZLN.

Sous-commandant insurgé Marcos.

Chiapas, Mexique, Planète Terre.
Janvier 2013.

P-S Par exemple, le mot de passe pour voir cet écrit sur la page (d’Enlace zapatista) est, comme c’est évident, « marichiweu », comme ça, en minuscules, et en commençant à gauche.
 
 
Traduit par el Viejo.
Source du texte original :
Enlace Zapatista
 
 
 

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Gilles Deleuze, février 1977.

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