28 août 2010 6 28 /08 /août /2010 14:09

 

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Jean-Pierre Petit-Gras
mardi 24 août 2010.
 

« Ils sont entrés chez moi, mais j’ai eu le temps de détaler, par derrière. » Valentín esquisse un sourire. Il y a trois mois environ, 150 individus, armés jusqu’aux dents et se présentant comme membres de la Familia, le cartel le plus important du Michoacán, ont envahi le village de Coire. Ils n’ont pas caché leurs intentions : i

ls venaient pour tuer Valentín.


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Car le jeune homme, après s’être activement opposé il y a quelques années au programme gouvernemental PROCEDE [1], destiné à privatiser les terres collectives des populations indigènes, avait été l’un des plus fervents partisans du soutien aux habitants de la communauté voisine d’Ostula, lorsque ceux-ci ont décidé, en juin 2009, de récupérer le millier d’hectares de terres volées dans les années 1960 par les « petits propriétaires » du bourg de La Placita. Les pistoleros n’ont donc pas pu mettre la main sur Valentín. Ils se sont contentés de menacer ses trois enfants (trois, six et huit ans) avec leurs fusils d’assaut, « on va flinguer ton père », et ont emmené son jeune frère. Ils l’ont torturé pour essayer de lui soutirer des informations, puis l’ont relâché au bout de deux jours.



Nous avons finalement pu rencontrer les comuneros d’Ostula. Quatorze mois après la récupération, et l’installation de plusieurs dizaines de jeunes couples sur les terrenos comunales, le bilan est lourd. Treize hommes tués, et quatre levantados, enlevés sans espoir de les retrouver vivants.

Peu à peu, nous saisissons mieux d’autres données du conflit. La plage d’Ostula (rebaptisée Xayakalan) servait depuis des années au débarquement de mystérieux chargements, en provenance de Colombie ou d’Amérique centrale. « Tout le monde dans la communauté savait que le trafic était protégé par les militaires. » Pas seulement parce que le casernement de la Marine se trouve là, trop près pour que les allées et venues puissent lui échapper. « Souvent, les soldats descendaient sur la plage, pour surveiller les opérations, afin que les colis ne se perdent pas. »

 

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À côté de Valentín, le regard franc et décidé, deux commandants de la garde communale d’Ostula. Celle-ci a été créée par les habitants des villages, lassés de subir agressions et assassinats sans que les coupables ne soient inquiétés. Ils savaient que la récupération de Xayakalan ne se ferait pas sans heurts. Ils ont donc renoué avec les anciennes coutumes de l’autodéfense indigène. Et cette police-là n’est pas une force étrangère à la population, brutale et corrompue, au service des leaders politiques, des trafiquants et gros propriétaires. Elle est formée et contrôlée par les habitants de la communauté indigène.

 

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C’est d’ailleurs ce qui inquiète les autorités. Voilà pourquoi, quelques jours avant l’opération des pistoleros contre Coire, un millier de soldats et de policiers sont entrés dans les maisons, à la recherche d’armes, sans même un mandat de perquisition. Ils ont emmené deux des membres de la police communautaire, prétendant les avoir arrêtés lors d’un contrôle routier.

 

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La complicité entre militaires et pistoleros est on ne peut plus claire. Les uns désarment la population, les autres enlèvent et assassinent. Mais les médias aux ordres retiendront une tout autre version : les indigènes se livrent au trafic, et tous ces morts sont victimes de règlements de comptes. Il faut donc militariser la zone, la pacifier [2] et la livrer au développement. Comme par hasard, la région est riche en ressources minières, la construction d’un port est en projet. De plus, les paysages sont splendides. L’immense plage vierge, bordée de hauts cocotiers, attend déjà les grues et les bétonnières.

 

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Mais, nous l’avons déjà écrit, ces hommes et ces femmes rudes et solidaires, indigènes nahuas du Pacifique, ne sont pas à vendre. Pour eux, se séparer de la terre qui nourrit les corps, conserve la mémoire des villages, abrite les âmes des ancêtres et garantit l’avenir des enfants, c’est accepter une vie au rabais.

Quand ils ont décidé de reprendre leurs terres, les comuneros d’Ostula, Coire et Pomaro savaient qu’ils commettaient une folie. Francisco de Asís Manuel, le président des biens communaux, le leur avait répété. C’était juste avant son enlèvement.

 

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Aujourd’hui, essayant de briser l’épais silence médiatique, la communauté indigène de Santa María Ostula réclame le retour de ses membres séquestrés, la vérité et la justice sur les assassinats, le démantèlement des groupes paramilitaires du narco, le châtiment des fonctionnaires gouvernementaux qui les protègent, le respect de l’intégrité de ses terres communales, le respect de sa police communautaire et sa garde communale.

Avec ceux du Chiapas, de l’Oaxaca, du Guerrero, du Chihuahua et d’ailleurs, avec les ejidatarios de San Salvador Atenco, les Nahuas de la côte Pacifique du Michoacán nous disent que l’humanité peut rester digne et libre.

 

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Jean-Pierre Petit-Gras

[1] Ce programme consiste à proposer aux indigènes titulaires d’une parcelle, dans le cadre de la propriété communale (collective), d’en devenir propriétaires. Avec un titre de propriété, leur dit-on, vous pourrez emprunter aux banques... L’objectif est double : détruire l’organisation communautaire des indigènes, en niant leur conception de la terre-mère, inaliénable et sacrée, pour ensuite s’emparer des parcelles hypothéquées.

 

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[2] Cette « pacification » a fait 29 000 victimes depuis la prise de fonction du président Calderon. Pour celui-ci, tous ces morts sont « la poussière que l’on fait en passant le balai ». Pour les observateurs attentifs, un grand nombre d’entre eux sont tombés pour avoir voulu défendre leur terre et leur dignité.

 

 

SOURCES :

Comité de solidarité avec les peuples du Chiapas en lutte

 

REINERORO

 

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Sur le site  Comité de solidarité avec les peuples du Chiapas en lutte

Commission pour la défense des biens communaux de Santa María Ostula

Des groupes paramilitaires, soutenus par les forces armées gouvernementales, mènent une guerre contre l’autonomie communale à Ostula, dans le Michoacán

 

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mercredi 25 août 2010

Au peuple du Mexique et aux peuples du monde,
Aux médias,

Au travers de ce communiqué nous voulons dénoncer la guerre que des groupes paramilitaires, couverts par les forces armées du gouvernement, ont déclenchée contre notre communauté ces der nières semaines, afin d’en finir avec notre lutte et notre organisation autonome.

* Le 4 mai, plus de mille hommes armés appartenant à l’Armée mexicaine, à la Police fédérale et à la Marine du Mexique ont encerclé le chef-lieu municipal de Santa María Ostula, soi-disant pour rechercher des armes.

* Le 7 mai, un groupe paramilitaire d’environ 150 personnes qui disaient être de La Placita, Michoacán, est entré fortement armé dans les communautés d’Ostula et d’El Coire (...)

 


Communiqué de la Commune autonome de San Juan Copala, 22 août 2010

Nouvelle embuscade meurtrière contre la Commune autonome de San Juan Copala

lundi 23 août 2010

 

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Aux peuples d’Oaxaca, du Mexique et du monde,
Aux organismes de droits humains,
Aux organisations sociales,
À l’Autre Campagne,
À l’Armée zapatiste de libération nationale,

Avec douleur, avec rage, mais avec la dignité de savoir qu’on marche dans la vérité en suivant la décision du peuple qui commande de ne plus se taire, nous nous adressons à vous pour vous dire qu’à nouveau notre sol indigène est la proie du chagrin pour la mort d’hommes dignes et justes, qui ont rêvé d’un monde meilleur. C’est pour avoir voulu faire de ce rêve une réalité, pour que nos enfants puissent avoir une vie meilleure, qu’on massacre le village de San Juan Copala.

Nous dénonçons le fait qu’hier après-midi, à nouveau, le pervers qui est au pouvoir a massacré nos frères par l’entremise de ses jaunes. Cette fois-ci, trois compañeros sont morts et deux autres ont été blessés (...)


Mexique : le long calvaire des Triquis de San Juan Copala

Jean-Pierre Petit-Gras
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vendredi 20 août 2010

Oaxaca, 15 août 2010.

Sur le Zócalo, une douzaine de femmes triquis ont installé un plantón. Un campement précaire, qu’elles occupent en permanence avec quelques enfants, dont certains en bas âge. Des banderoles appellent à soutenir le municipio autonome de San Juan Copala, assiégé depuis bientôt un an par les paramilitaires de l’UBISORT.

Comment une telle situation est-elle possible ? Pourquoi cette guerre contre un village indien, comme au bon vieux temps des westerns ? À la différence qu’ici les viols, les tirs de fusils d’assaut, les morts, la frayeur, les yeux hagards des enfants ne sont pas destinés à revisiter, pour les glorifier, les vieux massacres qui ont accompagné la création de la nation nord-américaine. Ici, en ce mois d’août 2010, dans l’État d’Oaxaca, on tue pour de bon. Les paramilitaires sont postés sur les routes d’accès aux communautés dont les habitants réunis en assemblée générale ont décidé, en janvier 2007, de ne plus reconnaître les autorités imposées par le PRI du gouverneur Ulises Ruiz, et de mettre en place leur propre institution d’autogouvernement, le municipio autónomo. (...)

 

A lire aussi : La Commune: Les paramilitaires passent a l'attaque au Mexique

                        Oaxaca, la guerre souterraine - [Divergences, Revue libertaire internationale en ligne] 

 

LA ViOLENCE NE S'EXERCE PAS QU'AU CINEMA - IMC Nantes

 


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Voix d’Oaxaca construisant l’autonomie et la liberté (VOCAL)

Oaxaca : guerre à l’autonomie

CQFD, mai 2010
mardi 17 août 2010

Entretien avec Ángel Cosme, de VOCAL

CQFD : VOCAL émane-t-il des barricades ?

Cosme : En partie, oui. VOCAL émane de l’esprit communautaire des peuples indigènes et de l’esprit antiautoritaire de la jeunesse urbaine, qui s’est exprimé autour des barricades. VOCAL se crée en 2007 et entre dans l’APPO en 2008 pour contrebalancer l’influence grandissante des groupes politiques, qui conçoivent l’APPO comme un cartel d’organisations, alors que nous pensons qu’elle doit être une assemblée d’assemblées, avec des délégués représentant des paroles collectives. Quand nous avons inauguré la CASOTA en 2008, nous avons parlé de reconstruire notre barricade. La CASOTA est un espace autogéré, en plein centre historique. S’y mêlent des ateliers, des débats, de la musique, un bar, un dispensaire populaire...


Les femmes en résistance de San Juan Copala installent un campement de protestation

lundi 16 août 2010

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San Juan Copala, Oaxaca, Mexique.

Aux médias honnêtes,
À l’Autre Campagne,
Aux organisations sociales et de droits humains,
À la digne nation triqui,

Compañeras, compañeros, les femmes triquis de San Juan Copala s’adressent à vous pour faire connaître par notre propre voix la douleur que le puissant dicte comme destin pour les indigènes de ce pays. Aujourd’hui, nous voulons dire aussi à ces seigneurs de l’argent que nous nous rebellons, que nous nous soulevons, et qu’avec colère nous les dénonçons. Que le monde sache que dans ce pays les indigènes sont en résistance (...)

 

A lire aussi : La revue des ressources : Mexique : marée noire, violence paramilitaire à San Juan Copala  

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Brigade européenne de solidarité avec les z apatistes au Chiapas

Communiqué final de la Brigade

 

dimanche 1er août 2010

Dans notre caminar preguntando (avancer en questionnant) des collectifs européens participant au réseau de solidarité avec les zapatistes, nous avons proposé de former une brigade pour affirmer notre soutien à leur projet de construction de l’autonomie, pour dénoncer les politiques de contre-insurrection des mauvais gouvernements qui tentent de le détruire et pour faire connaître ces réalités dans nos villages, nos quartiers, nos luttes. Il s’agit de continuer à construire la rencontre de nos rebellions, en échangeant des expériences grâce à une relation directe de solidarité et de compañerismo.

Construction de l’autonomie

Sur notre chemin, nous avons vu et partagé les solides et importantes avancées qui sont les fruits de la lutte zapatiste. (...)

 

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Campagne "Miles de rabias, un corazón : vivan las comunidades zapatistas"

Pique-nique de solidarité avec les communautés zapatistes

Samedi 24 juillet de 14 heures à 18 heures aux Buttes-Chaumont
jeudi 22 juillet 2010

Pique-nique de solidarité avec les communautés zapatistes
Samedi 24 juillet de 14 heures à 18 heures aux Buttes-Chaumont

En réponse à la campagne lancée il y a peu "Miles de rabias, un corazón : vivan las comunidades zapatistas" (Mille rages, un cœur : Vive les communautés zapatistes ! le texte de l’appel est en lien ci-dessous), le Comité de solidarité avec les peuples du Chiapas en lutte a décidé d’organiser un pique-nique le samedi 24 juillet de 14 heures à 18 heures aux Buttes-Chaumont. (...)

 

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Ké Huelga Radio

Le Mexique en sang. Les médias libres contre la tyrannie invisible

Article XI
dimanche 18 juillet 2010

Le Mexique est en sang. Parallèlement à la soi-disant "guerre contre les narcos", nous voyons se teinter de vert olive le territoire de notre pays. La militarisation fait partie de la guerre mondiale que les États-Unis ont engagée après le 11 Septembre, en se fabriquant de nouveaux ennemis : le terrorisme et le narcotrafic. En totale harmonie avec ses maîtres du Nord, le gouvernement mexicain s’est lancé dans sa propre guerre, en créant un État policier et en criminalisant la protestation sociale.

La militarisation débouche sur des formes de contrôle social qui n’ont rien à envier à celles qu’utilisaient les dictatures des années 1970 : des caméras vidéo aux salles de torture, en passant par les disparitions et les massacres, le régime fait usage de tout ce qui est en son pouvoir pour mettre en place de nouvelles conditions d’esclavage. (...)

 

 

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Les dernières péripéties de la vie mexicaine

Georges Lapierre
jeudi 15 juillet 2010

Bien le bonjour,

Les dernières péripéties de la vie mexicaine, caravane de soutien à Copala, décisions prises par la Haute Cour de justice concernant Atenco et l’entreprise Luz y Fuerza del Centro, démantelée par le président de la République, les élections du gouverneur d’Oaxaca, nous incitent à réfléchir sur l’état de la vie politique au Mexique. Comme il arrive souvent, ce qui était jugé archaïque se présente soudain comme l’avant-garde de la modernité. Le Mexique, en passant brutalement du parti unique à la démocratie parlementaire néolibérale, n’a pas à s’embarrasser des formes dépassées, mais qui continuent à peser dans l’imaginaire collectif, d’une vie politique et parlementaire fondée sur l’opposition gauche/droite et sur un pacte social s’appuyant sur la reconnaissance par l’État des institutions de la société civile. (...)

 

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20 juillet 2010 2 20 /07 /juillet /2010 12:37
Les animateurs de la radio mexicaine Ké Huelga nous ont fait parvenir ce texte. Passionnant, il fait le point sur la situation ensanglantée d’un pays où règne la loi du plus fort - au plan économique comme militaire. Et il explique aussi combien le travail essentiel mené par cette petite radio militante est aujourd’hui gravement menacé par la répression gouvernementale. Le point.
Le Mexique en sang, les médias libres contre la tyrannie invisible

jeudi 15 juillet 2010, par Ké Huelga Radio

 

Bref contexte, par A11 : Ké Huelga ("Quelle Grève") est une radio mexicaine née au cours des massives grèves étudiantes de 1999. Basée à Mexico, elle a grandi dans et pour les mouvements sociaux, acharnée à faire entendre les sans-voix et à dénoncer l’ordre néolibéral aux manettes. « Ils ne parviendront pas à faire taire nos pensées et nos voix », écrivaient-ils déjà en 2007, face à des menaces les ayant forcé à délaisser les ondes pour un temps (tout en continuant à diffuser sur Internet).

Aujourd’hui, Ké Huelga lance un appel. Pour dénoncer la grave situation de ce Mexique "en sang", où les voix discordantes sont menacées. Et parce que cette radio évidemment non commerciale - « Là où les médias commerciaux disent "audience", nous disons "camarades" », écrivent-ils plus bas - , est dans l’impasse économique : elle a besoin d’un coup de main pour survivre (pour faire un don, c’est ici) et en appelle à la solidarité. Dans tous les cas, nous t’incitons fermement à laisser traîner tes oreilles sur les ondes de Ké Huelga, radio rafraichissante et combative, fond sonore parfaitement adapté à la lecture de cet article.

Le Mexique est en sang. Parallèlement à la soi-disant "guerre contre les narcos", nous voyons se teinter de vert olive le territoire de notre pays. La militarisation fait partie de la guerre mondiale que les États-Unis ont engagée après le 11 Septembre, en se fabriquant de nouveaux ennemis : le terrorisme et le narcotrafic. En totale harmonie avec ses maîtres du Nord, le gouvernement mexicain s’est lancé dans sa propre guerre, en créant un État policier et en criminalisant la protestation sociale.

La militarisation débouche sur des formes de contrôle social qui n’ont rien à envier à celles qu’utilisaient les dictatures des années 1970 : des caméras vidéo aux salles de torture, en passant par les disparitions et les massacres, le régime fait usage de tout ce qui est en son pouvoir pour mettre en place de nouvelles conditions d’esclavage. À la barbarie des décapitations, des disparitions de corps, enroulés dans des couvertures (encobijados) ou dissous dans la soude (pozoleados) et autres pratiques sauvages dont les médias se servent pour alimenter la peur de la société, viennent s’ajouter les "technologies avancées" de l’espionnage électronique (téléphone et Internet), ainsi que les propositions d’importation de mercenaires « qui sont, eux, parfaitement capables » d’exterminer les criminels. De la sorte, la peur et le silence se présentent comme les recettes magiques sorties des manuels de la guerre psychologique pour habituer les médias à « l’autocensure ». Ainsi, la population est également de moins en moins sensible à la violence étatique ou paramilitaire qui s’exerce à l’encontre des mouvements sociaux.

Il peut sembler excessif de parler de "nouvel esclavage", mais tel est le pari des puissants : les grands chefs d’entreprise, mexicains ou étrangers, le gouvernement des États-Unis et les néolibéraux du Mexique sont déterminés à faire tomber tous les obstacles qui les empêchent d’augmenter leurs profits et leur contrôle sur notre pays. Il s’agit de s’approprier les richesses naturelles et d’exploiter encore plus les travailleurs mexicains. Il y a pléthore d’exemples en la matière. Voyons de près l’étendue de l’offensive des patrons et des hommes politiques contre l’ensemble de la population :

Militarisation

Bien qu’il n’y ait jamais eu au Mexique un "État de droit", nous constatons aujourd’hui que l’armée applique dans tout le pays la loi du plus fort. L’armée et ses unités déguisées en bleu, la police fédérale, sont désormais l’unique soutien du projet néolibéral au Mexique. L’effondrement des institutions clés telles que les pouvoirs de l’Union (l’État fédéral), l’éducation et la santé, ainsi que la profonde crise économique qui a éclaté en 2008, ont eu pour résultat une proposition unique des hommes politiques : « la mano dura », la main de fer, quels que soient leurs visages - Felipe Calderón, Enrique Peña Nieto ou Marcelo Ebrard. Du Chihuahua au Chiapas et de News Divine à San Juan Copala, les bottes des militaires occupent, harcèlent, torturent et tuent les populations qui vivent dans les territoires dont il faut s’assurer le contrôle. Le soi-disant combat contre le narcotrafic est prétexte à des interventions dans des États comme le Michoacán, le Guerrero, Oaxaca, le Chiapas, où l’on criminalise toute lutte sociale visant à défendre son territoire, en taxant ces luttes de « façades de la guérilla », et imposant ainsi la loi du garrot.

En finir avec les droits sociaux

Au Mexique, produit de la Révolution inachevée de 1910, il existe des limites minimales à l’exploitation des travailleurs et à l’abandon du pays aux mains des étrangers. Ce sont ces derniers obstacles que l’offensive actuelle essaie de lever. Que nous parlions de la situation catastrophique de l’éducation nationale ou du service électrique, de la dévastation des campagnes ou de la privatisation de l’eau, l’ensemble des droits conquis au cours de décennies de luttes est en voie de liquidation. Nul n’oublie que le soulèvement zapatiste fut provoqué par la contre-réforme de l’article 27 de la Constitution. Nous vivons aujourd’hui la privatisation de l’énergie électrique par le biais de la liquidation d’entreprises propriété de l’État et du coup brutal et illégal porté au SME (syndicat des travailleurs du service électrique). Les menaces transgéniques contre nos semences autochtones ne cessent également de croître.

L’éducation souffre de l’asphyxie budgétaire qu’illustre bien le drame de millions de jeunes qui ne trouvent ni emploi ni place dans les écoles. Quant à la sécurité sociale, mieux vaut ne pas en parler, car les pensions sont entrées dans la roulette de la spéculation financière par le biais des AFORES (administrations de fonds pour la retraite), et les hôpitaux et cliniques démantelés vivent au quotidien le manque de moyens et de médicaments. Et, cerise sur le gâteau, en avril 2010, le parti de la droite pure et dure, le PAN (Parti d’action nationale), a proposé une contre-réforme de la Loi fédérale du travail, laquelle cherche à abolir les droits fondamentaux des travailleurs comme le contrat collectif, la stabilité de l’emploi, la durée de la journée de travail et même le droit élémentaire à percevoir un salaire en échange de son travail.

Abandon du pays entre les mains du grand capital
La guerre en cours a un objectif fondamental : que les énormes richesses du pays soient exploitées par le grand capital. À qui profite la Loi Monsanto et les permis accordés pour semer des transgéniques ? À Monsanto, Cargill, Syngenta, etc. À qui profite l’extinction de Luz y Fuerza [1] ? À Iberdrola, AES, Mitsubishi, etc. Et il en va de même dans les mines, l’énergie éolienne, les infrastructures, le secteur financier, etc., où des entreprises du monde entier profitent des largesses de Calderón pour « attirer des investissements ». Les barons locaux méritent une mention spéciale, avec Carlos Slim à leur tête, car ils ont réussi à s’emparer d’une grosse part du gâteau. Le fait que Slim soit l’homme le plus riche du monde ne doit pas occulter les grandes affaires des Zambrano (Cemex), des Azcárraga (Televisa), des Hernández (Maseca), et tutti gli altri. Tandis que cette poignée de voleurs s’offre des vies de roi, 50 millions de Mexicains vivent dans la pauvreté et des centaines de milliers émigrent vers le Nord en quête d’une vie meilleure, pour n’y trouver que la mort aux mains de la migra (la patrouille frontalière états-unienne), le désert ou les groupes anti-migrants.

Les « gringos » à la rescousse

Comme jamais au cours de l’histoire, le gouvernement de Felipe Calderón a remis les rênes du pays entre les mains de l’État et de l’armée des États-Unis. Le Mexique est en train de devenir un protectorat yankee. Les décisions cruciales se prennent sous la tutelle de nos « généreux » voisins, qui distribuent dollars et armes en gros tout en accroissant leur influence sur la vie du pays. Ne serait-ce qu’en 2010, la réalisation de manœuvres militaires conjointes, la visite d’une délégation militaire avec à sa tête la secrétaire d’État Hillary Clinton et l’ordre donné par la secrétaire de la Sécurité intérieure, Janet Napolitano, de retirer l’armée de Ciudad Juárez sont autant de preuves de l’identité de ceux qui tiennent les rênes du Mexique. Le gouvernement actuel s’est totalement soumis aux dictats des gringos, synthétisés dans l’Initiative Mérida et dans leurs intentions récentes qui ont pour but de mettre en place un "Plan Colombie" au Mexique. L’assistance militaire (armes, moyens financiers, entraînement) sera complétée par l’action directe des soldats et des mercenaires des États-Unis dans notre pays, qui jouiront bien évidemment d’une totale impunité.

Dans ce panorama, les moyens massifs de non-communication jouent un rôle essentiel. Il n’est jamais superflu de rappeler la participation active des médias commerciaux à des campagnes de déstabilisation en de nombreux lieux du monde : El Mercurio au Chili, contre le gouvernement de Salvador Allende ; The Daily Cleaner en Jamaïque, contre le gouvernement de Michael Manley ; La Prensa au Nicaragua, contre les sandinistes ; les médias d’extrême droite au Venezuela, contre le gouvernement d’Hugo Chávez ; les télévisions du Honduras, contre le gouvernement de Manuel Zelaya.

Il faut faire mention à part de la « couverture » de l’invasion des États-Unis en Afghanistan et en Irak, opération propagandiste grâce à laquelle les grandes chaînes de désinformation des États-Unis, particulièrement Fox News, se sont employées à « créer l’ennemi » dont baby Bush avait besoin pour mettre la main sur cette région du monde. De la même manière, la Société interaméricaine de la presse (SIP) et le Fonds national pour la démocratie (NED) sont des instruments d’intervention médiatique de la CIA en Amérique latine. Tous ces exemples montrent la centralité des médias pour la domination sociale que nous subissons.

 [2]

Le Mexique a été un « laboratoire » de premier niveau pour expérimenter les techniques de contrôle social par le truchement de moyens massifs de non-communication. Dès l’époque de Díaz Ordaz, le modus operandi de ces acteurs a été défini. Dans un document interne du gouvernement mexicain des années 1960, versé aux Archives générales de la nation, nous pouvons lire : «  Par l’action de la propagande politique nous pouvons concevoir un monde dominé par une tyrannie invisible qui adopte la forme d’un gouvernement démocratique. » Des paroles vieilles de presque un demi-siècle et qui malheureusement sont toujours d’actualité. Le conditionnement et la manipulation sont l’antique et toujours efficace recette des médias commerciaux pour nous maintenir bien sages pendant que le pays se désintègre.

Et cela ne se limite pas aux moments de crise, mais atteint même notre quotidien. Les moyens massifs de non-communication modèlent nos vies à travers leurs messages : ils dictent nos modes de comportement, nous disent ce que nous devons faire, quand et comment ; ils fixent la hiérarchie de l’acceptable, ce qui est bon et ce qui ne l’est pas, élèvent ou renversent les personnalités publiques, etc. Sur le terrain de la lutte sociale, ces médias se comportent comme des armées de mercenaires au service du plus offrant et comme les gardiens efficaces de l’ordre établi. La "pensée stratégique" des médias est guidée par les techniques de conduite et de manipulation de la mal nommée "opinion publique". Et il ne saurait en être autrement puisque nous savons que derrière la soi-disant "objectivité" des communicants, les liens du pouvoir se tissent en de solides réseaux : ainsi nous savons que Bill Gates, le patron de Microsoft, est un important actionnaire de Televisa, et que Carlos Slim est l’un des patrons du New York Times.

Au cours des vingt dernières années, les politiques et les patrons des médias ont établi une alliance stratégique de profit mutuel : le contrôle de la population, garanti par les médias et qui permet que des voleurs et des assassins gouvernent notre pays, est récompensé par les décisions gouvernementales qui maintiennent le duopole Televisa-TV Azteca sur tout le pays. Tandis que les médias se présentent comme le théâtre de la démocratie et de la diversité, un regard sur les propriétaires des entreprises de radio et de télévision nous montre qu’une poignée d’acteurs contrôle la diffusion de messages qui renforcent le contrôle social.

Les concessions de chaînes de télévision sont partagées entre Televisa et TV Azteca, lesquelles contrôlaient, en 2008, 401 stations, représentant un peu plus de 87 % de la totalité des chaînes. Cela génère des négoces multimillionnaires : en 2008 Televisa a encaissé des recettes supérieures à 39 milliards de pesos (70 % des recettes de la télévision ouverte) ; TV Azteca a eu des recettes non négligeables de 9 milliards de pesos. À la radio, la situation n’est pas très différente. Le Groupe ACIR contrôle 30 stations d’émission dans 26 villes du Mexique et le Groupe Radio Centro en fait de même avec plus de 100 stations ; ces groupes radiophoniques représentent 50 % de l’audience de Ciudad Monstruo (Cité-Monstre : la Ville de Mexico). Quelle diversité ou objectivité peut-il y avoir lorsque l’immense majorité des stations de radio et des chaînes de télévision sont contrôlées par quatre entreprises ? Dans de telles conditions monopolistiques, la communication, devenue une marchandise, se modèle et se vend au plus offrant.

Les médias, et en particulier la télévision, constituent le principal lien de communication de notre pays. Historiquement, l’État mexicain s’est consacré à deux choses : laisser aux mains des entreprises privées l’espace de la communication et réprimer les initiatives par lesquelles la société essaie de casser le monopole médiatique. Braver un tel monopole est une tâche essentielle pour transformer notre pays. C’est pourquoi les médias libres, associatifs, communautaires sont des acteurs stratégiques de la lutte sociale.

L’histoire récente parle de l’importance des médias libres. En 1994, les premiers réseaux - à travers Internet - ont aidé à arrêter la guerre contre l’EZLN (Armée zapatiste de libération nationale) et les communautés indigènes en résistance. La diffusion des actions répressives dans la région d’Atenco et de la résistance opiniâtre des peuples d’Oaxaca en 2006 ont représenté une avancée importante pour les médias libres, qui ont appris à ménager des espaces pour ceux qui luttent contre le capital et ses gouvernements.

Tout d’abord au mois de mai, face au lynchage médiatique des paysans du Frente de Pueblos en Defensa de la Tierra de San Salvador Atenco, les médias libres ouvrirent un espace pour dénoncer les tortures et les violences subies par les détenus des deux sexes, et ont transmis les appels à la solidarité avec les prisonniers. Peu de temps après, pendant l’été et l’automne 2006, les médias libres et réappropriés ont occupé une place essentielle dans la résistance des peuples de la région d’Oaxaca : Radio Plantón, station d’émission des enseignants démocratiques, Radio Universidad, qui finit par devenir le dernier bastion du mouvement de l’Oaxaca, l’occupation de stations et même une chaîne de télévision, le travail de médias libres tels qu’Indymedia Oaxaca et d’autres initiatives, tous ont permis à ces populations de lutter efficacement contre le mensonge, au point que leur résistance ne put être brisée que par la brutale répression de la Police Fédérale.

Actuellement, face à la décomposition du régime et à la militarisation, les médias libres représentent les seules fenêtres par lesquelles se glissent des lambeaux de réalité capables de contrer les mensonges de la propagande gouvernementale. En défiant le monopole médiatique, les médias libres frappent l’un des piliers du contrôle social de notre pays. Et c’est pour cela qu’ils sont durement poursuivis, en particulier ceux qui atteignent une diffusion massive, comme les radios.
En effet les radios libres ont payé un lourd tribut en vies humaines et ont vu leurs efforts démantelés par l’action des autorités. Sur ce terrain aussi, on perçoit le durcissement du régime.

En accord avec la législation sur les médias, qui ne propose pas de statut défini pour les radios libres ou communautaires, la transmission sans autorisation est passible d’amende et de réquisition de l’équipe. Durant des décennies, c’est ainsi qu’agissait le gouvernement. Cependant, à partir de 2007-2008, l’administration de Felipe Calderón a changé de stratégie et, au moyen d’un recours juridique illégal, accuse ceux qui transmettent sans autorisation de « dommages aux biens nationaux », délit puni de douze ans de prison et de 50 mille pesos d’amende. Deux procédures sont en cours, dans lesquelles des camarades ont été accusés de ce délit "original" : Rosa Cruz, de la radio communautaire Purhépecha Uekakua, qui transmettait à la puissance de 5 watts depuis le village d’Ocumicho (État du Michoacán), et Héctor Camero, membre de la Radio Terre et Liberté de Monterrey (État du Nuevo Leon).

Malgré sa dureté, l’arsenal juridique n’occupe que la deuxième place face à l’utilisation des interférences [3], aux assassinats et agressions physiques contre ceux qui mettent en place des radios libres ou communautaires.

Dans la région d’Oaxaca, du Chiapas et dans le District fédéral, l’interférence d’une fréquence radio plus puissante a été amplement utilisée par les gouvernements locaux ou par le gouvernement fédéral pour tenter de faire taire les radios libres ou communautaires :

- Radio Insurgente, station d’émission de l’EZLN, a été interférée à Chenalhó.

- Radio Plantón et Radio Universidad à Oaxaca ont été interférées pendant le mouvement de 2006. Actuellement Radio Plantón est obligée de sauter d’une fréquence à l’autre pour éviter d’être interférée. Dans le Guerrero, Radio Ñomndaa a vu sa portée réduite par la présence à Acapulco d’un signal empêchant que La Palabra del Agua (La Parole de l’eau) soit entendue à Ometepec, la ville la plus proche de Xochistlahuaca.

- À Ciudad Monstruo, Regeneración Radio (105.3 FM) et La Voz de Villa (91.7 FM) ont été bloquées par la transmission de messages ésotériques et de la musique grupera depuis 2009. À l’occasion, l’interférence prend la forme d’une action anti-insurrectionnelle comme cela se produisit à Cancún pendant les mobilisations contre la réunion de l’OMC (2003), lorsqu’un bateau de guerre mouillant dans le port bloqua tous les espaces vides afin d’en éviter l’usage par les radios libres.

- La Ké Huelga Radio a subi quatre interférences au cours de ses onze années d’existence. Pendant la grève estudiantine de 1999 et en 2000, par le bruit d’une sirène ; actuellement au moyen de deux signaux : une station "anonyme" qui transmet des messages ésotériques et de la musique grupera, et Radio Josna, une station liée au PRI de l’État de Mexico qui transmet depuis Ciudad Neza. En juin 2010, les deux interférences ont cessé. Cependant, nous n’écartons ni la possibilité d’une action répressive de l’État contre la Ké Huelga, ni le retour des interférences.

Interférer un signal radio qui n’a pas de but commercial constitue une franche négation du droit universel à la libre expression.
Moins fréquents, les assassinats et les agressions physiques ont également durement touché les médias libres. Rappelons le douloureux souvenir de l’assassinat de Felícitas Martínez et de Teresa Bautista, voix du peuple triqui et animatrices de la radio La Voix qui rompt le silence, qui furent brutalement assassinées en avril 2008. Les camarades de Radio Ñomndaa ont également subi des peines de prison (David Valtierra en 2007), des tentatives de démantèlement (2008) et des bastonnades (Obed Valtierra en 2009).

Face au projet capitaliste qui, au moyen de la terreur, de la force militaire et des mensonges de la propagande, prétend créer un paradis pour les riches et leurs domestiques de la classe politique, maintenir un projet de libre communication n’a pas été une tâche aisée. Notre radio, la Ké Huelga (huelga : grève), née à la faveur de la grève étudiante de 1999 contre la privatisation de l’éducation, a eu comme vocation principale d’ouvrir un espace de communication massive pour toutes les personnes et les organisations qui luttent pour transformer leur vie. Pendant onze années nous avons interagi avec des centaines d’expériences de lutte et de résistance du Mexique et du reste du monde. Notre permanence dans le cadran de la FM et sur Internet a permis que beaucoup de camarades se soient approprié l’espace et l’occupent pour diffuser leurs idées et initiatives. Cela a été possible grâce à l’appropriation des technologies nécessaires pour transmettre l’engagement de centaines de personnes qui ont participé au projet durant ces onze années.

Conçue comme un espace de communication et d’échange, la radio Ké Huelga a ouvert des possibilités de dialogue et de rencontre qui mettent en question deux mécanismes fondamentaux du contrôle social : la non-communication et le silence médiatique. À la « Ké », nous expérimentons une communication où ceux qui parlent au micro ne sont (ni ne se considèrent comme) des "spécialistes", et nous sommes persuadés que la pratique de la communication n’a de sens que si ceux qui écoutent rompent avec la passivité et partagent la parole. Cela est évident dans le cas des luttes sociales qui trouvent dans notre radio le moyen de faire connaître leurs exigences et leurs initiatives. D’une façon plus quotidienne, la « Ké » permet que différentes expressions culturelles, sociales, politiques, et même individuelles, « sin tiempo en el aire » (sans temps à l’antenne), aient des possibilités de découverte mutuelle. Là où les médias commerciaux disent « audience », nous disons « camarades ».

La Ké Huelga est aussi un espace où nous apprenons à lutter en nous appropriant des connaissances que le capitalisme réserve à ses moyens de communication, et surtout en entrant en contact avec d’autres qui, comme nous, essaient de changer ce monde qui se désintègre de manière accélérée, nous menaçant de nous réduire à être les simples spectateurs de notre propre mort.

En dépit des avancées acquises, nous nous trouvons aujourd’hui dans une situation délicate : au milieu d’une criminalisation croissante de la lutte sociale, les médias libres sont menacés de répression. Défendre et étendre les espaces de liberté face au pouvoir est une tâche pour tous et toutes. Nous t’invitons à participer à la défense de la Ké Huelga en occupant un espace de la programmation, en contribuant à la diffusion du projet, en collaborant financièrement ou avec des équipements, ou de toute autre manière que tu considéreras opportune.


Ciudad Monstruo, juillet 2010
Ké Huelga Radio
Libre, sociale et contre le pouvoir
http://kehuelga.org/diario
kehuelga@kehuelga.org

Notes

[1] Note A11 : Luz Y Fuerza Del Centro, gigantesque entreprise nationalisée de distribution d’électricité, datant des années 1960, a été liquidée en octobre 2009 par le gouvernement. Pour les hispanophones, plus d’information sur le sujet ici.

 

[2] Œuvre du graffeur activiste Banksy.

[3] Note A11 : en radio, l’interférence désigné la superposition de deux ou de plusieurs ondes. Cela correspond en fait à une forme de parasitage, de brouillage de l’émission.

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14 mai 2010 5 14 /05 /mai /2010 16:47
déc 03 2009

Les véritables objectifs de l’accord militaire entre les Etats-unis et la Colombie

L’accord militaire entre les USA et la Colombie est la base et le début d’un large programme d’opérations en tout genre en Amérique du Sud. Un document officiel du ministère de la défense aérienne de la Force Aérienne U.S. révèle que la base militaire américaine de Palanquero en Colombie est « la garantie de pouvoir mener un large éventail d’opérations en Amérique du Sud. » Cette affirmation contredit l’explication donnée par le président Álvaro Uribe et le Département d’État U.S. sur l’accord signé le 30 Octobre entre ces deux pays.

L’Armée colombienne, bras armé des intérêts US en Amérique du Sud

Le gouvernement Colombien et les Etats-Unis ont soutenu publiquement que cet accord de coopération militaire et les futures opérations menées en Colombie étaient exclusivement destinés à la lutte contre le trafic de drogue et le terrorisme intérieur (FARC). Le président Uribe a réitéré de nombreuses fois (même lors de la réunion UNASUR à Bariloche en Argentine) que l’accord militaire avec Washington n’affectera pas ses voisins. Toutefois, le présent document de l’U.S. Air Force affirme le contraire et indique que les véritables intentions et les objectifs derrière ce traité bilatéral, sont de mener des opérations militaires sur tout le sous-continent américain afin de lutter contre «… la menace constante des gouvernements anti-américains dans cette Région».

 

Cet accord autorise l’accès et l’utilisation des sept installations militaires dans les villes de Palanquero, Malambo, Ptolémaïs, Larandia, Apiay, Cartagena et Malaga. En outre, il permet « l’accès et l’utilisation d’autres installations et emplacements » sur tout le territoire colombien, sans restrictions. Il donne aussi l’immunité total aux ressortissants civils et militaires ainsi qu’aux entrepreneurs étasuniens qui entreront sur le territoire colombien et permet aux Etats-Unis d’utiliser tout type d’installation dans le pays, y compris les aéroports commerciaux, ce qui signifie donc l’abandon total de la souveraineté colombienne.

 

Le document de la Force aérienne souligne l’importance de la base militaire de Palanquero et parle de la nécessité d’investir 46 millions USD pour l’amélioration de la piste d’atterrissage, ainsi que l’achat de divers autres équipements afin de transformer cette base et en faire un centre de coopération pour la sécurité (CSL). «L’établissement d’un CSL est nécessaire pour soutenir notre stratégie comme centre de commandement militaire local et démontrer ainsi notre rattachement et la relation (partenariat) avec la Colombie. Le développement de ce CSL nous donne une occasion unique pour développer toute une gamme d’opérations dans cette région cruciale pour nos intérêts ; région où la sécurité et la stabilité sont sous la menace constante des rebelles terroristes financés par le trafic de drogue, de la présence de gouvernements anti-américains, de la pauvreté endémique et de catastrophes naturelles fréquentes …»

 

Il n’est pas difficile d’imaginer quels sont les gouvernements en Amérique du Sud qui sont considérés par Washington comme « anti-américain ». Les déclarations agressives répétées, contre le Venezuela, la Bolivie, l’Equateur, en fait les pays intégrants l’ALBA démontrent bien que ces nations sont perçues par Washington comme une menace « constante ».

Par définition, dénommer un pays « anti-américain » c’est le considérer comme un ennemi de l’Amérique. Dans ce contexte, il est logique de penser que les Etats-Unis pourraient réagir militairement face à tant d’« ennemis » en présence.

 

LA LUTTE CONTRE LE TRAFIC DE DROGUE EST SECONDAIRE

 

Selon le document, « L’accès à la Colombie permettra d’approfondir les relations stratégiques avec les États-Unis. La forte relation de coopération sur la sécurité est aussi l’opportunité de procéder à toute une gamme d’Opérations en Amérique du Sud, notamment en soutenant les capacités de lutte contre le trafic de drogue.»

Là, il est clair que la lutte contre ce trafic est une question secondaire. Ce fait contredit l’explication donnée par les deux gouvernements qui ont essayé de prétendre que l’objectif principal était de lutter contre les FARC et le trafic de drogue. Le document de la Force aérienne continentale priorise les opérations militaires nécessaires pour lutter contre la « menace constante » des gouvernements anti-américains de la région.

 

PALENQUERO EST LE MEILLEUR SITE POUR UNE PORTÉE CONTINENTALE

 

Le document de la Force aérienne explique que « Palanquero est sans doute le meilleur endroit pour investir dans le développement des infrastructures au sein de la Colombie. Son emplacement central se trouve à portée des zones opérationnelles dans la région … … et sa position isolée … aide à minimiser la visibilité de la présence militaire américaine. L’intention est d’utiliser l’infrastructure existante … pour améliorer la capacité des USA à répondre rapidement en cas de crise et assurer un accès régional aux troupes militaires étasuniennes… Palanquero garantie la mobilité et l’accès à l’ensemble du continent sud-américain à l’exception du Cap Horn … »

commandos-venezuela

Exercice des commandos vénézuéliens

 

ESPIONNAGE ET GUERRE

 

D’autre part, le document de la Force aérienne confirme que la présence militaire américaine en Colombie a également comme but de renforcer ses capacités d’espionnage et de renseignement afin de permettre aux forces armées américaines d’augmenter leurs capacités pour exécuter correctement une guerre en Amérique du Sud. « Le développement de la base de Palanquero permettra d’approfondir les relations stratégiques et les intérêts entre les États-Unis et la Colombie… La base opérative permettra également d’augmenter notre capacité à mener des opérations de renseignement, d’espionnage et de reconnaissance (ISR), elle permettra d’améliorer notre couverture globale, les besoins en logistique, d’améliorer les relations avec nos partenaires, d’améliorer la coopération sur la sécurité et d’accroître notre capacité de réaction en cas d’une guerre éclair.»

 

 

 

Ce document dévoile donc les véritables intentions derrière l’accord militaire entre Washington et la Colombie: se préparer pour une éventuelle guerre en Amérique latine. L’actualité de ces derniers mois illustre les tensions croissantes entre la Colombie et le Venezuela. Il y a peu, le gouvernement vénézuélien a intercepté trois espions du Département administratif de Sécurité Colombien, (DAS : Agence d’espionnage et de renseignement)  aujourd’hui en passe d’être remplacé par une nouvelle entité, et qui révéla plusieurs opérations en cours visant à déstabiliser Cuba, l’Equateur et le Venezuela. Les fonctionnaires du DAS capturés avaient en leur possession des documents sur les Opérations Phoenix, Salomon et Falcon, respectivement. Il y a quelques semaines, 10 corps ont été également trouvés morts dans l’Etat de Tachira près de la frontière avec la Colombie. Après avoir mené des recherches, le gouvernement vénézuélien a découvert qu’ils appartenaient à des hommes intégrants un groupe paramilitaire colombien qui s’était infiltré en territoire vénézuélien. Cette infiltration de paramilitaires colombiens fait visiblement partie d’un plan de déstabilisation contre le Vénézuela. Encore plus récemment, il y a quelques jours le Venezuela a détruit trois postes frontières qui n’avaient pour but que de faciliter le passage du narcotrafic selon les autorités de Caracas.

 

Chevalier Jedi, pour Mecanopolis

Buenos Aires, novembre 2009

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NB : Ce document du Département de la Force aérienne américaine, traduit et adapté par Chevalier Jedi dans cet article, a été rédigé en Mai 2009 dans le cadre de la justification du budget pour 2010 et envoyé par le Pentagone au Congrès. Il s’agit d’un document officiel de l’Armée de l’Air et réaffirme la véracité du Livre blanc: La stratégie de Global Air Mobility Command de U. S. Air Force, qui a été dénoncé par le président Chavez lors de la réunion UNASUR à Bariloche en Argentine le 28 août 2009. Il peut être télécharger ici : Fiscal Year (FY) 2010 Budget US Air Force



SOURCE : Mecanopolis » Trafic de drogue

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10 mai 2010 1 10 /05 /mai /2010 21:27
Impardonnable : mon petit tour d'articles consacrés à la Colombie et au Farc de ce matin ne reprenait pas ce texte. Je vous renvoies au blog de Reineroro pour un compléments d'infos à ce sujet et bien d'autres

Dimanche 09 Mai 2010 à 17:43

Publié par reineroro dans AMERIQUE LATINE

Colombie : Silence on tue !

Par Primitivi 

Relais d’un article venant de Colombie envoyé par mail, à propos de la situation alarmante et du terrorisme d’État dans le nord Santander.

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10 mai 2010 1 10 /05 /mai /2010 09:48

 

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Je vous invite à visiter le blog d'Esteban  Le Tacle,  vous y trouverez de nombreux articles consacré à la Colombie, les preuves d'une désinformation systèmatique tant au sujet des FARC, que des paramilitaires et de la vraie nature du narco-trafic. Un reportage de 2 heures sur les Farcs réalisé par une équipe internationale et sous-titré par Esteban (merci à lui)

COLOMBIE : INSURRECTION DU XXIe SIÈCLE - LES FARC-EP -

 

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  Comprendre ce qui ce passe en Colombie est un élément essentiel pour appréhender les rapports de forces et enjeux en Amérique latine. Je me garderais bien de me prononcer à ce sujet. En bonne petite occidentale qui ait passé une majorité de mon existence dans un monde "cul dans le beurre" il m'est difficile de comprendre les necessité pour une rébellion populaire de prendre les armes et je me garde bien de me prononcer en ce qui concerne la Colombie dont je ne sais à peu près rien.

 

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Esteban sur son blog nous donne quelques précieux éléments pour comprendre la désinformation systèmatique, voire l'intoxication que pratiquent les médias occidentaux concernat la situation en Colombie, cela ne suffit pas à faire de nous des personnes bien informées mais nous met en garde : ne pas prendre pour des faits les montages médiatiques.

 

 

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Ce qui m'avait frappé lors de la libération d'Ingrid Bétancourt, un élément repris dans ce reportage m'interpelle, la personne débarquant à l'aéroport et suivie par les médias dans les jours, les semaines qui suivent n'a rien à voir avec la mourrante qui nous est présentée par les médias à la fin de sa détention. Miracle ou arnaque ?

Vous trouverez sur mon blog quelques articles complémentaires :

La résistance en Colombie

Ces articles donne des témoignages de situations vécues

   

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Colombie: un attentat interne

La question des bases US en Colombie et sur le même thème :

Après l'Irak la Colombie ?

et

Le déploiement des bases militaires des Etats-Unis en Colombie

Sept poignards au coeur de notre Amérique Latine

 


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Essentielle la piste des luttes indigènes et voici un fil à suivre en ce qui concerne une autre forme de la résistance Colombienne dont je me sens personnellement plus proche. De nombreux liens avec des vidéos qui retrace la marche des indigène Colombiens sur Bogota fin 2008

La Minga : résistance colombienne

 

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PS : le lien que m'envoie Reineroro dans son commentaire

Et ici pour ceux que ça intéresse Colombie,Histoire du Terrorisme d'Etat

http://leweb2zero.tv/video/reineroro_22481f18903c91e

3 vidéos ...

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26 août 2009 3 26 /08 /août /2009 10:06
Une série de témoignages, de celui d'un prêtre travaillant au sein de la population à un communiqué de membres des Farc en passant par celui du Conseil Norvégien pour les Réfugiés, des portraits de personnes déplacées, de leur vie quotidienne, qui nous dressent un tableau vivant de la situation en Colombie. Articles sur le même sujet sur le blog la Coopérative éditoriale

1 Témoignages des victimes et des acteurs du conflit en Colombie la coopérative 26
2 Le monde paysan résiste à l'état narco-capitaliste la coopéative 46
3 Semance de résistance en Colombie La coopérative 21
4 Les enfants travailleurs de Colombie La coopérative 28

La Colombie est un enjeu majeur pour les forces capitalistes. D'abord, gigantesque réserve de ressources naturelles, dans un moment de contraction des marchés et de retour aux valeurs sures des matières premières, ce grand et beau pays, si riche de part sa nature, ses écosystèmes, ses fleuves et ses forets, ses montagnes et ses plaines, court le risque d'être éventré encore plus qu'il ne l'est par les bulldozers et contaminé par toutes sortes de vendeurs de mort. Les populations qui vivent de et avec ces ressources, les indiens qui y ont encore leurs sanctuaires sacrés, les paysans qui savent cultiver la terre, sont déplacés ou massacrés. A l'autre bout de la chaine du capitalisme, celui-ci ne s'embarrasse pas des déclarations verbeuses des salons d'occident.
D'autres parts, la guerre civile qui n'a réellement jamais cessé de puis les guerres de colonisation, rien n'annonce qu'elle prenne fin, au contraire. La guérilla campesina, qui malgré le flot de propagande et les terribles attaques appuyées par la technologie et les effectifs nord-américains garde sa force intacte. Et c'est bien la seule capable de freiner le projet macabre des élites capitalistes en même temps que c'est bien la seule formation politique qui propose un projet de société différent. Et pas seulement arcbouté sur les vieux livres marxistes, bien qu'ils prennent dans ce pays divisé en castes plus qu'en classes une résonance puissante, la guérilla synthétise la culture campesina, la culture « indienne », le passé des esclaves, la lutte contre l'inégalité de classe et de race, en un sens elle seule représente le vrai visage de la Colombie. Certes, pour l'instant, on ne voit que ces armes.




Témoignages des victimes et des acteurs du conflit en Colombie.


État de Norte Santander, Cúcuta, frontière avec le Venezuela.


Don Reynaldo est le fondateur de la fondation Albergue de paso para desplazados y población vulnerable el Buen Jesus. Le titre, un peu long, a l’avantage d’éclaircir les motivations du bonhomme quant à son implication sociale dans le quartier. Les populations vulnérables en question sont les anciens en situation d’extrême pauvreté et les enfants abandonnés. Cúcuta détient le triste record du taux le plus élevé de séropositifs et porteurs du virus VIH en Colombie.

Nous sommes assis avec don Reynaldo à son petit bureau, dans la cour de la maison qu’il loue dans un quartier populaire de la ville. Derrière, les enfants préparent des décorations pour noël, des petits sacs faits de tissus récupérés et des poupées de toutes les couleurs. Beaucoup d’entre eux sont séropositifs. Certains ont été abandonnés par leur famille du fait de la maladie. Dans le reste de la maison, derrière chaque porte se repose un ancien sur un lit sommaire.



La fondation manque de place et de moyens. Aux yeux occidentaux peu habitués à la misère, cela pourrait paraître plus que rustique, si loin des standards d’hygiène des mondes aseptisés, mais la chaleur humaine et la force morale de don Reynaldo relativisent les murs sans peinture et les sols sans parquet. Aujourd’hui il ne pleut pas, il n’y a pas de boue et la chaleur de la matinée fait déjà perler des gouttes de sueurs sur les visages. Les ventilateurs sont réservés aux anciens, et la nuit les jeunes font leurs nids dans la cour avec les vieux matelas rangés contre le mur.

L’état n’aide pas la fondation, les oligarques préfèrent ne pas voir la situation du pays, ne pas enregistrer les cas de misère qui assombriraient les bilans de fin d’année. La mairie fait parfois don d’un peu de nourriture, de mauvaise qualité et en quantité insuffisante. Pas d’importance pour cet homme de foi, il frappe inlassablement à toutes les portes pour que les enfants et les anciens puissent bénéficier du minimum et ne pas traîner dans la rue. Il occupe les plus jeunes avec des dessins, des jeux, du sport, il les aide dans leurs devoirs, il implique des étudiants et des infirmiers, il dispense son catéchisme et assure lui-même des ateliers d’information sur le virus du sida. C’est un homme sain, à vous réconcilier avec Jésus, plus proche de Camilo Torres Restrepo (le curé guévariste) que de Benoît XVI (le curé révisionniste). Il se démultiplie, aide les parents à gérer leurs maigres ressources, à la fois banquier et comptable et sa bonne humeur cache presque l’effroi de ses paroles qui content la situation des ces populations vulnérables oubliées de la grande bourgeoisie.

En finissant le jus de fruit frais qu’ils nous a offert, il se projette dans le futur, imagine une fondation plus grande, plus salubre, il imagine la charité chrétienne des grandes familles de la ville, il rêve de dispenser des cours sur le sida dans les écoles et collèges du quartier, il prophétise des temps meilleurs pour les enfants, loin des pressions paramilitaires, des mafias qui recrutent dans la rue, et dans sa poignée de main ferme qui me salue sur le bas de la porte, je sens toute la force des hommes de bonne volonté qui luttent et lutteront, quoi qu’il arrive, pour une Colombie juste et en paix, c’est-à-dire dire pour le commencement d’un monde meilleur. Je sais que son projet de déménagement n’a finalement pas fonctionné, alors il reste encore dans ce logement pas très commode. L’aider, c’est aider tous ces enfants et tous ces vieux, toutes ces victimes du capitalisme, parce que dans les rues de la ville passent de grosses voitures que même en Europe il est difficile de se payer, et il n’y a aucun doute sur l’implication de leur conducteur dans de très sales choses. Les enfants, eux, et avec don Reynaldo, continuent de se battre chaque jour à fabriquer non seulement de petites poupées avec des tissus de récupération, de petits sacs vendus sur les marchés, mais avant tout ils se battent pour construire un avenir meilleur au milieu du marasme imposé par l’élite colombienne à son propre peuple.

Tragédies des déplacés – Doña Carmen

Doña Carmen vit avec sa famille dans le quartier de Niña Ceci, quartier populaire de Cúcuta, depuis 4 ans. Avant elle vivait dans une finca, à la campagne, travaillant la terre et vivant de ses mains, avec son mari et ses enfants. Un de ses fils a rejoint la guérilla, et après 3 ou 4 ans, elle ne sait pas très bien, il s’est enfui au Vénézuela pour des raisons qui restent obscures à ses yeux de mère. Là-bas il a été assassiné, sans qu’elle sache si cela fut le fait des paramilitaires, de la guérilla ou d’éléments infiltrés de l’armée nationale colombienne. Alors, des hommes sont venus la menacer, elle et sa famille, aux portes de la finca. La vie n’était d’ailleurs plus tenable. Une nuit, prise entre les tirs croisés d’un accrochage, toute la famille est restée couchée sur le sol pour éviter les balles. Son plus jeune fils en a été profondément marqué et ne put dormir pendant des mois, les cauchemars remplaçant les doux rêves des enfants. Un autre jour des hommes ont mis le feu à la maison, alors elle est partie avec sa famille et quelques affaires pour se réfugier plus loin sur une autre parcelle de terre. Mais les problèmes l’ont suivie. Là-bas aussi on savait pour son fils dans la guérilla assassiné au Venezuela. A nouveau menacée, elle a du partir avec toute sa famille, cette fois pour la ville. Il n’est pas difficile de savoir qui les a menacé, les sbires mercenaires de l’ordre capitaliste ; en Colombie il faut savoir interpréter les silences et les regards fuyants.

Pour beaucoup de paysans la guerre est une chose unique et peu importe l’écusson sur la veste du soldat, seulement importe les faits de guerre, les menaces, les armes braquées sur les tempes. De plus, pour bénéficier du minimum que l’état consent aux populations déplacées, il faut déclarer que la guérilla est la seule source de tous les malheurs. Ainsi l’état a de quoi alimenter sa propagande guerrière. Alors c’est ainsi, et pour eux peu importe, la tragédie reste la même, les larmes ne sont pas moins salées, les nuits ne sont pas plus douces.

La Croix Rouge lui a apporté une première aide d’urgence, des couvertures, une petite maison de transit, un peu d’argent pour se nourrir les premières semaines. La ville. Que faire ici pour ces paysans habitués à semer le maïs et la yuca, qui vivent au rythme du soleil ? Ici dans le béton rien ne pousse. Ici, dans l’agitation de la ville, les ennemis sont partout. Les paramilitaires nouvellement reformés sous le nom de aguilas negras (les aigles noirs) contrôlent la ville. La confiance est une denrée précieuse.

Des associations travaillent pour aider ces populations, pour les socialiser et les intégrer à la vie urbaine, pendant que l’état, lui, nie en bloc la réalité de la guerre, heureux et traître de clamer haut et fort que la pays est pacifié, tout juste s’il resterait quelques bandes de délinquants et de trafiquants ici et là... alors que le chiffre pour cette année 2008 est de 500 000 déplacés ! Des paramilitaires infiltrent même les cercles de victimes pour s’assurer que personne ne parle. Quelle tristesse et quelle souffrance, dans ce pays, qui, quoiqu’en dise les biens pensants démocrates, fut, est et reste une dictature.

Doña Carmen, elle, va de l’avant. Elle a monté un petit atelier de couture et le travail ne manque pas. Un de ses fils travaille à la fondation Creciendo Unidos de Cúcuta, fondation qui socialise les enfants travailleurs et les jeunes en situation de vulnérabilité. Il apprend le métier de boulanger. Avec ses amis, des jeunes eux aussi victimes du conflit, ils pensent monter une petite pizzeria. La fille de doña Carmen apprend la maroquinerie et tous deux continuent leur parcours scolaire. Le mari de doña Carmen, lui, reste plongé dans une dépression latente, comme beaucoup de déracinés de leur terre. Il traine un peu trop avec les hommes du quartier à tuer le temps avec une bière et il n’a pas voulu parler avec l’étranger de passage.

Témoignages de l’horreur paramilitaire - Doña Luz Mery

Doña Luz Mery, nous l’avons rencontrée dans la localité de Zulia, une municipalité peu éloignée de Cúcuta. Nous avons partagé un repas et elle nous a raconté son histoire. Par trois fois elle a essuyé les larmes qui roulaient sur ses joues avec son écharpe aux couleurs de la Colombie. Sa fille est morte un 20 juillet, sur le bas de sa porte, devant son petit frère et sa petite sœur, d’une balle tirée par deux hommes en moto. Deux autres hommes surveillaient de loin sur une autre moto. Les militaires de l’armée nationale qui était postés au bout du chemin assurent n’avoir rien vu. Quelques jours auparavant, sa fille, dont le sourire illumine la photo qu’elle me tend et qui ne la quitte jamais, avait refusé à des hommes en armes de partager une bière avec eux et ces derniers étaient partis en la menaçant de mort. L’exécution ne tarda pas, l’impunité continue.

Le chef paramilitaire du secteur, alias el gato (le chat), a reconnu d’un air distrait lors de son procès qu’effectivement la fille de doña Luz Mery figurait sur sa liste, comme on vérifie un livre de compte mortuaire. Luz Mery a vu le commanditaire de l’assassinat sans que rien ne change, ni pour sa douleur, ni pour la situation de la région, parce que les morts se succèdent. Elle m’informe des chiffres sordides de la veille, 14 personnes ont été assassinées cette nuit, dont deux dans des fincas éloignées de la ville, comme ce fut le cas pour sa fille. Pour l’année 2008, à Ocaña, une localité distante de quelques kilomètres, 50 jeunes ont été assassinés.

Avant cette tragédie, elle vivait aussi tranquille que l’on puisse vivre dans la campagne de Norte Santander, avec ses cultures et son élevage de 60 poulets, me dit-elle fièrement, les yeux encore humides de ces souvenirs douloureux. Aujourd’hui elle s’entasse avec le reste de sa famille dans une seule pièce insalubre, dans une finca éloignée où ses enfants doivent marcher chaque jour 3 heures pour se rendre à l’école.

Elle s’implique dans l’association Asofazul, avec d’autres victimes du conflit, pour leur apporter un soutien juridique, pour que les familles déplacées aillent au bout des démarches administratives qui leur donnent droit à de maigres compensations, comme les frais de cantine gratuits pour les enfants et une petite indemnisation.

Doña Luz Mery est une petite femme, une campesina, une âme forte quoique abattue par la douleur de la perte de sa famille, et à partager le souvenir de cet assassinat, souvenir qui maintenant est le mien, et le votre, à voir son courage à continuer à vivre et à aider les victimes, comme elle, de la barbarie des paramilitaires, le soleil se lève dans mon cœur face aux combats quotidiens de ceux qui se lèveront toujours, eux, contre l’inhumanité de ces tueurs au service de l’oligarchie.

Conseil Norvégien pour les Réfugiés.

En Colombie, il est plus facile pour les étrangers que pour les Colombiens de travailler dans la lutte pour le respect des droits de l’Homme. Ce n’est pas vraiment une question de facilité mais plutôt de sécurité. Le passeport et la couleur de peau protègent plus que la vaillance et la persévérance. C’est le sophisme colombien, beaucoup d’argent pour la guerre en provenance des Etats-Unis, beaucoup d’argent en provenance de l’Union Européenne pour panser les plaies de la guerre, et beaucoup d’argent pour les multinationales qui pillent le pays. Au milieu de tout cela, entre propagande et déni de droit, entre terrorisme d’état et mafia toute puissante, les Colombiens vivent.

Le Conseil Norvégien pour les Réfugiés m’a reçu par un après-midi de pluie. Contrairement aux Colombiens, eux peuvent parler franchement à un étranger de la situation. Contrairement aux mots des Colombiens, les leurs sont toujours teintés de ce regard légaliste en décalage avec la réalité du terrain. Eux peuvent travailler dans les chemins autorisés par l’État de non droit colombien. Et pourtant s’ils n’étaient pas là, le panorama serait encore plus sombre.

Ici à Cúcuta, ville frontière avec le Venezuela, la situation est la suivante. La violence n’a pas disparu mais le schéma de son exécution s’est modifié. Les paramilitaires tenaient la ville il y a encore un an, c’est-à-dire qu’ils étaient les maîtres de façon très visible. Jamais on ne voyait de groupes de jeunes après la nuit tombée dans les rues, peu ou pas de délinquance commune ( la peine automatique étant la mort, la torture ou l’exécution sommaire), et les paramilitaires exerçaient un harcèlement inlassable sur les quartiers où s’échouent les déplacés des campagnes. Apparence de calme, tranquillité pour la bourgeoisie et terreur dans les quartiers populaires.

Depuis peu, la mafia dispute aux paramilitaires le contrôle de la ville. Dispute ou négocie. Les jeunes sont de nouveau visibles dans le centre, devant les discothèques, et le trafic de drogue se fait au grand jour. Augmentation des vols et des braquages. Prostitution plus visible. C’est que, devant la démobilisation des blocs paramilitaires, de nombreux assassins se sont retrouvés au chômage et ne savant pas faire grand chose d’autre que violer et tuer, tranquillisés par l’amnistie tacite du gouvernement, et ils ont rejoint les rangs de la mafia.

Ici, dans cette zone frontalière, la mafia a toujours fait partie du paysage. Dans les alentours, il n’y a pas de stations essence mais des petites échoppes à ciel ouvert où se vend le pétrole vénézuelien dans des bidons de fortune. L’électroménager, les vêtements, les voitures transitent toute la journée selon l’intérêt des uns et des autres. La frontière est une vraie passoire et la vérité c’est que l’on peut pénétrer plusieurs dizaines de kilomètres en territoire vénézuelien sans montrer plus que sa carte d’identité à un douanier distrait, qu’il soit Colombien ou Vénézuelien. D’ailleurs, m’a-t-on dit, le président Chavez ne s’approche jamais de la frontière colombienne, les caciques de la mafia y sont si puissants que la possibilité de se faire assassiner est pour lui réelle. Les paramilitaires colombiens sont aussi à l’aise d’un coté comme de l’autre de la frontière.

Les déplacés sont une population très importante dans les cinq municipalités de la région. On parle de 3 700 familles, et il faut savoir que ne sont pas comptabilisés les déplacements intra urbains, les déplacements causés par les paramilitaires (puisque officiellement ils n’existent plus), ni les déplacements conséquence de la fumigation puisque l’armée n’épand son agent orange nouvelle génération que sur les champs de coca. Autant dire qu’il n’y a aucun autre choix pour les déplacés que de faire une fausse déclaration impliquant la guérilla pour bénéficier d’un peu de couverture sociale. Enfin, il s’agit plutôt d’un piteux cache-misère en fait de couverture.

Je pose souvent la question de ce qui ce passe légalement avec les titres de propriété de ces familles déplacées par la force. C’est pourtant très simple. L’administration qui gère le cadastre est des plus corrompues. Normalement, toute procédure de reconnaissance d’un déplacement gèle toute vente d’un terrain. Dans les faits, c’est une farce. De plus, le titulaire est toujours le chef de famille, l’homme, et si celui-ci disparaît la femme n’a aucun droit sur la terre. Je rappelle qu’il ne s’agit pas de l’Afghanistan des talibans mais bien de la Colombie démocratique du président et paramilitaire élu Alvaro Uribe. Dans ce chaos mise en place pour le bénéfice des caciques et les rentes de ceux qui vendent le pays aux étrangers, le Conseil Norvégien pour les Réfugiés développe des activités et processus de renforcement des structures d’accueils, d’élaboration de projets sociaux, de visibilisation du drame des déplacés, de pressions internationales sur les institutions locales et nationales. Une goutte d’eau ? Une larme serait plus juste, une larme de rage et d’impuissance.

Barrio Primavera

Jésus est un ami de l’humanité, un homme bon malgré les tourments quotidiens qui corrompent les hommes et les femmes. Je ne parle pas du prophète mais de ce jeune père de famille qui habite aux abords du quartier de Primavera, un quartier surgi dans les collines qui bordent Cúcuta et dont la population n’est composée que de familles de paysans des campagnes avoisinantes déplacées par la force. Jésus, je l’ai rencontré lors d’une matinée consacrée à l’organisation des différents projets pour la jeunesse dans la région. Toutes les associations et fondations, tous les acteurs sociaux étaient là. Les représentants de la pyramide administrative aussi, et un policier, comme il se doit déguisé en militaire dans ce pays où la différence entre les deux titres ne saute pas aux yeux.

Beaucoup de projets, quelques cris d’impuissance, quelques banalités et beaucoup d’envie de tous ces citoyens colombiens qui non seulement vivent avec l’horreur quotidienne mais travaillent avec elle. Jésus m’a invité dans son quartier quelques jours plus tard et m’a servi de guide. Il m’a tout expliqué alors je vous explique tout de la vie des familles déplacées.

Dans la chaleur tropicale, sous les pluie quotidiennes, dans les chemins de terre qui serpentent sur la colline, les maisons de planche et de tôle aux portes de toile et de plastique sont disposées de part et d’autre du chemin. La terre est rouge, de ce rouge dont on fait les briques les plus réputées du pays par leurs qualités, si résistantes que les usines du coin les exportent. Lorsqu’il ne pleut pas, il n’y a pas de boue. Lorsqu’il pleut, il fait un peu moins chaud. La chaleur n’impose pas de se barricader et justement, l’air qui passe entre les planches et sous les toits à l’étanchéité médiocre offre un peu de rafraîchissement. Il y a l’électricité mais pas toujours l’eau courante. Des lignes téléphoniques qui s’entremêlent. Une école et deux églises. Les enfants jouent dans les rues comme insensibles à la chaleur, et d’un regard on embrasse les collines luxuriantes, les fincas entourées de barbelés de quelques riches propriétaires terriens et le ciel azur où tournent les aigles. La Colombie est un pays magnifique. Ici la nature est riche et prolifique. Malheureusement pour ces familles de paysans, pas une parcelle de terre n’est à leur disposition pour cultiver.

Il n’y a pas grand monde dans le chemin, c’est midi ou presque, la musique s’envole de chaque maison et parfois une moto passe en claquant ses pistons. Pour la sécurité, tout est relatif. Les paramilitaires, encore, savent tout de ce qui se passe. Il ne fait pas bon s’organiser, sauf aller à l’église. Alors les familles sont un peu enfermées sur elles-mêmes. On ne partage pas beaucoup les histoires d’avant, chacun a presque les mêmes, la guerre, les exactions de l’armée et des paramilitaires, les enfants partis se battre à la guérilla, alors à quoi bon en parler ? Au sommet du quartier, près de la route qui mène à Zulia et plus profondément dans le pays, de petites auberges sont alignées.

Les routiers fréquentent ces petits hôtels où l’on peut demander bien autre chose qu’une bière à la serveuse, et cela même si la serveuse n’est qu’une fillette de douze ans. Dans les maisons, et grâce à Jésus qui s’investit dans le quartier, on nous reçoit ici et là. Il y a des enfants et des bébés dans chaque maison, des mamans si jeunes et, malgré la surprise, toujours des sourires. Les petits vont à l’école, les hommes sont au travail et les femmes s’occupent de la maison lorsque elles-mêmes ne travaillent pas. Ici tout le monde vous dira que la vie est bonne, meilleure qu’à la campagne. Que la vie à la ville est plus facile, qu’ici on est enfin loin de la guerre et de ses bombardements. En fait, ici, malgré la grande gentillesse des habitants, on ment toujours lorsque l’on parle de la vie quotidienne. L’impunité des criminelles n’incite pas à exposer de quelconques doléances.

Jésus et son groupe d’ami d’enfance, qui vivent presque tous dans le quartier, se remémorent le bon vieux temps lorsqu’ils allaient tous à la rivière, avec un repas s’il y avait de quoi ou avec rien d’autre que l’amitié s’il n’y avait rien. Accepter la misère, ce n’est pas facile. Voir leurs enfants grandir dans ce chaos et sans plus de chance qu’eux, c’est difficile pour des parents.

Jésus a monté une association et travaille avec des jeunes de la ville à un petit journal ainsi qu’à une émission de radio dont le titre peut être traduit par « la capote ». Il se bat et croit beaucoup à l’aide de la communauté européenne - je baisse les yeux ; plus tard lorsque l’on mangera, je lui expliquerai, en vain, que l’Europe est surtout la source du cauchemar pour la Colombie puisque ce sont ses entreprises qui pillent le pays, soutiennent les paramilitaires et appuient le président assassin. Et l’oppression violente de ceux d’en haut, c’est insupportable pour ces hommes et femmes qui refusent la soumission et la fatalité. Il faut partir me dit Jésus. Je reste un peu, finis mon verre de jus de fruit frais. Je parle avec ce petit de six ou sept ans et lui demande ce qu’il veut faire plus tard. Il me répond "militaire, comme son cousin". Soupir.

Il n’y a pas grand chose dans ces maisons de fortune qui poussent comme des champignons à mesure que la campagne pleure son lot d’exilés. On est bien loin des délires de la surconsommation occidentale, on est bien loin du bonheur matériel aussi. C’est une contradiction évidente, qui saute aux yeux. Victimes du capitalisme international, écrasés à l’autre bout de la chaîne par toute cette super structure qui broie les hommes corps et âmes, violés dans leurs droits, soumis par la guerre, abandonnés à l’impunité par leur propre état, ils n’aspirent pourtant pas à autre chose qu’à vivre dans le monde de la consommation, fut-ce au prix de la répétition de leurs souffrances sur d’autres.

L’éducation est un point fondamental, un facteur qui doit retrouver toute son efficacité. Ici en Colombie, après les hécatombes contre les partis politiques et les acteurs sociaux (l’Union Patriotique a perdu 5 000 militants et élus en plus de 25 000 disparus dans les années 85-95, la Colombie détient le triste record du nombre de syndicalistes abattus, et il y a peu encore, au mois de décembre 2008, l’époux d’une militante indienne a été abattu par l’armée nationale lors d’une embuscade maquillée en contrôle de police), la stratégie de l’acceptation du modèle spectaculaire capitaliste atteint le summum de l’horreur. Et bien sûr, dans chacune de ces petites maisons, les informations nationales déversent leurs flots de mensonges quotidiens au travers de petits postes de télévision.

ASCAMCAT ( Association paysanne du Catatumbo)
Asociación Campesina del Catatumbo

L’association paysanne du Catatumbo est une organisation née en 2005 de la volonté des habitants des département de Convención, Teorama, El Tarra y El Carmen qui forment la région du Catatumbo dans l’état de Norte Santander. Cet état frontalier du Venezuela, territoire ancestral des indiens Motilon-Bari, est l’un des symboles des exactions paramilitaires depuis leur prise de pouvoir en 1999. Le fameux et macabre Carlos Castaño, chef du bloc paramilitaire AUC du Catatumbo, n’avait pas fait mystère de son intention de prendre par la force la petite ville portuaire de La Gabarra, sur le fleuve Catatumbo, lieu de passage du commerce pour cette région reculée, et notamment lieu de passage de la pâte de coca. Le front 33 des Farc-ep unis avec l’EPL ( armée populaire de libération, dissidence de l’ELN, l’armée nationale de libération), ont fait échouer sa première tentative en infligeant de sérieuses pertes à sa colonne d’assassins qui ne put rallier la ville. Devant cet état de fait l’armée nationale installa une brigade à la Gabarra, et dans la soirée du 21 août 1999, ces mêmes soldats de l’armée nationale ont accueilli à bras ouverts les paramilitaires eux-mêmes « déguisés » en militaires pour tromper les forces insurgées.

Cette nuit-là, un samedi, jour d’affluence sur le marché, l’électricité a été coupée à la nuit tombée et le bombardement de la ville commença. Le lendemain, les campesinos ont constaté la prise de la ville par les hommes de Castaño, sans que l’armée ne réagisse, et les chiffres du massacre s’élevèrent à 190 paysans assassinés. Main dans la main, armée nationale et paramilitaires avaient perpétré un nouveau massacre pour le contrôle stratégique d’une zone clé à la frontière du pays. Le narco-trafiquant et paramilitaire Castaño, qui depuis serait mort sans qu’on n’ai jamais retrouvé son corps, a bénéficié pendant des années de cette position pour tuer en toute impunité et développer son commerce de la mort. La courageuse guérilla, bernée par l’armée nationale, n’a eu d’autre choix qu’un repli stratégique face à cette alliance macabre de l’état et de la mafia.

Le bloc paramilitaire du Catatumbo s’est officiellement démobilisé en 2004, assurant une presque totale impunité pour tous ces commandants et soldats. Dans ce contexte, l’ASCAMCAT s’est organisée pour reconstruire le tissu social, condition essentielle pour développer un cadre de vie digne pour tous les habitants du Catatumbo, paysans et populations indiennes, les anciens, les femmes et les enfants. L’association lutte également contre la fumigation, pour la résolution des facteurs socio-économiques qui induisent les cultures illicites, pour la défense du territoire, pour la préservation des ressources naturelles, contre l’invasion des multinationales, pour la récupération des traditions ancestrales et pour l’implication de tous dans le respect des droits de l’Homme et l’organisation de la vie sociale. Tâche gigantesque dans ce pays où, malgré les lois de paix et de réconciliation, les facteurs de la tragédie sont toujours présents.

Les Motilon-Bari sont toujours victimes principales de l’appétit des multinationales. En 2005 l’armée nationale les empoisonnait avec des colis alimentaires frelatés tandis que les multinationales du pétrole électrifiaient les clôtures encerclant leurs derricks et causaient des morts atroces.

Les paramilitaires se reforment. En décembre 2008 on a vu ici et là des groupes de 50 à 150 hommes armés dans le département du Catatumbo. C’est que la situation est similaire à celle de la fin des années 90. L’organisation sociale et les mouvements campesinos se sont reformés après les massacres, l’armée nationale est sous la menace du retrait de l’argent yankee pour des raisons d’État de la nouvelle administration nord-américaine, et les multinationales piaffent d’impatience de ne pouvoir piller les ressources. Alors, comme toujours, la guerre sale sera privatisée aux profits des groupes mafieux et terroristes, c’est-à-dire textuellement ceux qui terrorisent les populations.




L’ASCAMCAT prédit tristement que 2009 sera l’une des années les plus noires, préparant les populations au retour des paramilitaires. Préparer les populations au retour des tueurs, des violeurs, de ceux qui décapitent et parfois découpent leurs victimes à la tronçonneuse ? En Colombie, à l’autre bout de la chaine horrible du capitalisme, souvent je regarde la montagne, et je me demande devant tant d’injustice, devant le cirque de la paix des bourgeois et de leurs théories honteuses, ¿donde se encuentra el camino del monte ? (où est le chemin du maquis ?)


Communiqué janvier 2009

Certains analystes expliquent que le conflit de la zone frontière entre la Colombie et le Venezuela, spécialement au Catatumbo, est le résultat, d’une part d’une lutte de territoire entre narcotrafiquants, et d’autre part des actions de l’état menées pour contrôler l’ordre public. La réalité est bien différente, puisqu’il s’agit de l’application de la géopolitique impérialiste des États-Unis d’Amérique. Des arguments cyniques sont donc utilisés pour expliquer la situation, les mêmes qui justifient les terribles crimes contre les peuples palestiniens, afghans, iraqiens et dans d’autres régions de la planète.

La terreur conséquence des massacres perpétrés est l’arme fondamentale pour expulser les paysans de leurs terres et se les approprier. Il est clair que cette région est riche en gisements et ressources naturelles, en ressource hydraulique, riche d’une flore et d’une faune diversifiées, de terres fertiles et située à proximité de ports importants sur la routes des pillages de nos matières premières, pillage toujours en direction des transnationales.

Ces richesses ne s’arrêtent pas à la frontière et par conséquent la stratégie impériale non plus. La toile des multinationales et de ses mercenaires s’étend silencieusement de l’autre côté de la frontalière vénézuélienne, et leurs actions sont dangereusement coordonnées par les mafias du trafic de stupéfiant et par des agents spécialisés payés par l’empire. Le vol des Aigles Noirs (Aguilas Negras), comme on appelle les paramilitaires aujourd’hui, est observé avec complaisance par les fonctionnaires officiels de l’état qui savent pourtant où se trouvent leurs nids.

Ils mettent en place une stratégie pour atteindre leurs objectifs, et certains de ces objectifs s’inscrivent dans le long terme. De sorte qu’ils préparent leurs cadres et leurs commandos spéciaux pour des opérations de sabotage, pour la mise en place des futurs massacres, crimes sélectifs, manipulations médiatiques et agitations sociales qui causeront de terribles traumatismes dans le futur si les mesures adéquates et nécessaires ne sont pas prises.

Le panorama économique, social et militaire des régions frontalières comportent de nouveaux éléments qu’il est nécessaire de réviser pour viser juste tant au niveau des politiques à mener que des moyens à employer. Dans le Catatumbo colombien ils ont vainement essayé de s’emparer de la région au moyen, à la fois du para militarisme, et à la fois par le biais de grandes opérations militaires, comme toujours soutenues par la haute technologie, militaire et médiatique, née des programmes d’assistance, ces programmes orientée par l’ambassade gringa, et les agences de coopération internationale liées au Plan la Colombie comme l’USAID (Agence Internationale pour le Développement des USA).

C’est dans le Catatumbo que se concentrent les bandes paramilitaires, c’est là qu’elles ont perpétré la plus grande quantité de massacres, qu’elles ont occasionné le plus grand nombre de déplacement de population dans le département de Norte Santander ; c’est également dans le Catatumbo que se sont déroulés les combats majeurs des FARC-EP contre l’armée et les paramilitaires, c’est ici que l’on a compté le plus de morts et de blessés, et finalement c’est ici que se concentrent les investissements de capitaux étrangers en comparaison avec le reste du département.

Au cours de cette offensive bestiale de l’ennemi dans la région, bien que celui-ci ait déployé toute sa capacité militaire, technique et scientifique, bien que tous les moyens aient été utilisés dans sa guerre dissymétrique et médiatique, il s’est heurté à notre inébranlable volonté de lutte ; jamais auparavant nous n’avions résisté à une offensive d’une telle ampleur, et nous avons résisté avec dignité et dévouement, sans compter les innombrables difficultés, sans nous arrêter devant les risques ni les sacrifices parce que nous avons la foi en nos idéaux, dans les moyens que nous mettons en œuvre pour les atteindre et la certitude que nous les atteindrons.

S’il y a bien une dispute de territoires, il s’agit seulement d’éviter que ces terres ne passent aux mains des corporations transnationales, celles qui ne font qu’éventrer ses richesses, réduire en esclavage les travailleurs dans les mines de charbon, dans la production pétrolière, dans les plantations de dizaines de milliers d’hectares semés de palmier et de cane pour la production d’agrocombustibles, et tant d’autres mégaprojets. Si les paysans et les communautés indiennes perdent leurs terres, c’est dans le seul but d’assurer l’arrière-garde des mercenaires qui poursuivent leurs objectifs funestes dans le pays frère du Venezuela.. Dans les terres du Catatumbo nous semons nos frères tombés au combat comme les paysans assassinés par l’armée officielle et ses paramilitaires, mais nous semons également dans les esprits de nos peuples humbles et vilipendés l’espérance de construire le rêve bolivarien. Entendez que c’est la raison de notre résistance, par le socialisme, hasta la vida misma si cela est nécessaire. Nous sommes encouragés par la solidarité des peuples frères et nous ne doutons pas d’atteindre la victoire. FARC-EP (Forces armées révolutionnaires de Colombie – Armée du peuple), depuis les montagnes de Colombie.

Libération de quatre prisonniers de la Force Publique par les FARC-EP. Filmé par les Farc-ep. 1er Janvier 2009.







Note :


Je remercie particulièrement Luz Dary pour son aide lors de mon passage à Cúcuta, sa confiance et son implication ont été le lien nécessaire avec la population, de même que je remercie sincèrement toutes les personnes qui m’ont guidé et appuyé dans ce modeste projet de partager les souffrances et les espérances du peuple colombien soumis à la terreur capitaliste.
Un salut respectueux à tous.
A.E

Témoignages des victimes et des acteurs du conflit en Colombie.


État de Norte Santander, Cúcuta, frontière avec le Venezuela.


Don Reynaldo est le fondateur de la fondation Albergue de paso para desplazados y población vulnerable el Buen Jesus. Le titre, un peu long, a l’avantage d’éclaircir les motivations du bonhomme quant à son implication sociale dans le quartier. Les populations vulnérables en question sont les anciens en situation d’extrême pauvreté et les enfants abandonnés. Cúcuta détient le triste record du taux le plus élevé de séropositifs et porteurs du virus VIH en Colombie.

Nous sommes assis avec don Reynaldo à son petit bureau, dans la cour de la maison qu’il loue dans un quartier populaire de la ville. Derrière, les enfants préparent des décorations pour noël, des petits sacs faits de tissus récupérés et des poupées de toutes les couleurs. Beaucoup d’entre eux sont séropositifs. Certains ont été abandonnés par leur famille du fait de la maladie. Dans le reste de la maison, derrière chaque porte se repose un ancien sur un lit sommaire.



La fondation manque de place et de moyens. Aux yeux occidentaux peu habitués à la misère, cela pourrait paraître plus que rustique, si loin des standards d’hygiène des mondes aseptisés, mais la chaleur humaine et la force morale de don Reynaldo relativisent les murs sans peinture et les sols sans parquet. Aujourd’hui il ne pleut pas, il n’y a pas de boue et la chaleur de la matinée fait déjà perler des gouttes de sueurs sur les visages. Les ventilateurs sont réservés aux anciens, et la nuit les jeunes font leurs nids dans la cour avec les vieux matelas rangés contre le mur.

L’état n’aide pas la fondation, les oligarques préfèrent ne pas voir la situation du pays, ne pas enregistrer les cas de misère qui assombriraient les bilans de fin d’année. La mairie fait parfois don d’un peu de nourriture, de mauvaise qualité et en quantité insuffisante. Pas d’importance pour cet homme de foi, il frappe inlassablement à toutes les portes pour que les enfants et les anciens puissent bénéficier du minimum et ne pas traîner dans la rue. Il occupe les plus jeunes avec des dessins, des jeux, du sport, il les aide dans leurs devoirs, il implique des étudiants et des infirmiers, il dispense son catéchisme et assure lui-même des ateliers d’information sur le virus du sida. C’est un homme sain, à vous réconcilier avec Jésus, plus proche de Camilo Torres Restrepo (le curé guévariste) que de Benoît XVI (le curé révisionniste). Il se démultiplie, aide les parents à gérer leurs maigres ressources, à la fois banquier et comptable et sa bonne humeur cache presque l’effroi de ses paroles qui content la situation des ces populations vulnérables oubliées de la grande bourgeoisie.

En finissant le jus de fruit frais qu’ils nous a offert, il se projette dans le futur, imagine une fondation plus grande, plus salubre, il imagine la charité chrétienne des grandes familles de la ville, il rêve de dispenser des cours sur le sida dans les écoles et collèges du quartier, il prophétise des temps meilleurs pour les enfants, loin des pressions paramilitaires, des mafias qui recrutent dans la rue, et dans sa poignée de main ferme qui me salue sur le bas de la porte, je sens toute la force des hommes de bonne volonté qui luttent et lutteront, quoi qu’il arrive, pour une Colombie juste et en paix, c’est-à-dire dire pour le commencement d’un monde meilleur. Je sais que son projet de déménagement n’a finalement pas fonctionné, alors il reste encore dans ce logement pas très commode. L’aider, c’est aider tous ces enfants et tous ces vieux, toutes ces victimes du capitalisme, parce que dans les rues de la ville passent de grosses voitures que même en Europe il est difficile de se payer, et il n’y a aucun doute sur l’implication de leur conducteur dans de très sales choses. Les enfants, eux, et avec don Reynaldo, continuent de se battre chaque jour à fabriquer non seulement de petites poupées avec des tissus de récupération, de petits sacs vendus sur les marchés, mais avant tout ils se battent pour construire un avenir meilleur au milieu du marasme imposé par l’élite colombienne à son propre peuple.

Tragédies des déplacés – Doña Carmen

Doña Carmen vit avec sa famille dans le quartier de Niña Ceci, quartier populaire de Cúcuta, depuis 4 ans. Avant elle vivait dans une finca, à la campagne, travaillant la terre et vivant de ses mains, avec son mari et ses enfants. Un de ses fils a rejoint la guérilla, et après 3 ou 4 ans, elle ne sait pas très bien, il s’est enfui au Vénézuela pour des raisons qui restent obscures à ses yeux de mère. Là-bas il a été assassiné, sans qu’elle sache si cela fut le fait des paramilitaires, de la guérilla ou d’éléments infiltrés de l’armée nationale colombienne. Alors, des hommes sont venus la menacer, elle et sa famille, aux portes de la finca. La vie n’était d’ailleurs plus tenable. Une nuit, prise entre les tirs croisés d’un accrochage, toute la famille est restée couchée sur le sol pour éviter les balles. Son plus jeune fils en a été profondément marqué et ne put dormir pendant des mois, les cauchemars remplaçant les doux rêves des enfants. Un autre jour des hommes ont mis le feu à la maison, alors elle est partie avec sa famille et quelques affaires pour se réfugier plus loin sur une autre parcelle de terre. Mais les problèmes l’ont suivie. Là-bas aussi on savait pour son fils dans la guérilla assassiné au Venezuela. A nouveau menacée, elle a du partir avec toute sa famille, cette fois pour la ville. Il n’est pas difficile de savoir qui les a menacé, les sbires mercenaires de l’ordre capitaliste ; en Colombie il faut savoir interpréter les silences et les regards fuyants.

Pour beaucoup de paysans la guerre est une chose unique et peu importe l’écusson sur la veste du soldat, seulement importe les faits de guerre, les menaces, les armes braquées sur les tempes. De plus, pour bénéficier du minimum que l’état consent aux populations déplacées, il faut déclarer que la guérilla est la seule source de tous les malheurs. Ainsi l’état a de quoi alimenter sa propagande guerrière. Alors c’est ainsi, et pour eux peu importe, la tragédie reste la même, les larmes ne sont pas moins salées, les nuits ne sont pas plus douces.

La Croix Rouge lui a apporté une première aide d’urgence, des couvertures, une petite maison de transit, un peu d’argent pour se nourrir les premières semaines. La ville. Que faire ici pour ces paysans habitués à semer le maïs et la yuca, qui vivent au rythme du soleil ? Ici dans le béton rien ne pousse. Ici, dans l’agitation de la ville, les ennemis sont partout. Les paramilitaires nouvellement reformés sous le nom de aguilas negras (les aigles noirs) contrôlent la ville. La confiance est une denrée précieuse.

Des associations travaillent pour aider ces populations, pour les socialiser et les intégrer à la vie urbaine, pendant que l’état, lui, nie en bloc la réalité de la guerre, heureux et traître de clamer haut et fort que la pays est pacifié, tout juste s’il resterait quelques bandes de délinquants et de trafiquants ici et là... alors que le chiffre pour cette année 2008 est de 500 000 déplacés ! Des paramilitaires infiltrent même les cercles de victimes pour s’assurer que personne ne parle. Quelle tristesse et quelle souffrance, dans ce pays, qui, quoiqu’en dise les biens pensants démocrates, fut, est et reste une dictature.

Doña Carmen, elle, va de l’avant. Elle a monté un petit atelier de couture et le travail ne manque pas. Un de ses fils travaille à la fondation Creciendo Unidos de Cúcuta, fondation qui socialise les enfants travailleurs et les jeunes en situation de vulnérabilité. Il apprend le métier de boulanger. Avec ses amis, des jeunes eux aussi victimes du conflit, ils pensent monter une petite pizzeria. La fille de doña Carmen apprend la maroquinerie et tous deux continuent leur parcours scolaire. Le mari de doña Carmen, lui, reste plongé dans une dépression latente, comme beaucoup de déracinés de leur terre. Il traine un peu trop avec les hommes du quartier à tuer le temps avec une bière et il n’a pas voulu parler avec l’étranger de passage.

Témoignages de l’horreur paramilitaire - Doña Luz Mery

Doña Luz Mery, nous l’avons rencontrée dans la localité de Zulia, une municipalité peu éloignée de Cúcuta. Nous avons partagé un repas et elle nous a raconté son histoire. Par trois fois elle a essuyé les larmes qui roulaient sur ses joues avec son écharpe aux couleurs de la Colombie. Sa fille est morte un 20 juillet, sur le bas de sa porte, devant son petit frère et sa petite sœur, d’une balle tirée par deux hommes en moto. Deux autres hommes surveillaient de loin sur une autre moto. Les militaires de l’armée nationale qui était postés au bout du chemin assurent n’avoir rien vu. Quelques jours auparavant, sa fille, dont le sourire illumine la photo qu’elle me tend et qui ne la quitte jamais, avait refusé à des hommes en armes de partager une bière avec eux et ces derniers étaient partis en la menaçant de mort. L’exécution ne tarda pas, l’impunité continue.

Le chef paramilitaire du secteur, alias el gato (le chat), a reconnu d’un air distrait lors de son procès qu’effectivement la fille de doña Luz Mery figurait sur sa liste, comme on vérifie un livre de compte mortuaire. Luz Mery a vu le commanditaire de l’assassinat sans que rien ne change, ni pour sa douleur, ni pour la situation de la région, parce que les morts se succèdent. Elle m’informe des chiffres sordides de la veille, 14 personnes ont été assassinées cette nuit, dont deux dans des fincas éloignées de la ville, comme ce fut le cas pour sa fille. Pour l’année 2008, à Ocaña, une localité distante de quelques kilomètres, 50 jeunes ont été assassinés.

Avant cette tragédie, elle vivait aussi tranquille que l’on puisse vivre dans la campagne de Norte Santander, avec ses cultures et son élevage de 60 poulets, me dit-elle fièrement, les yeux encore humides de ces souvenirs douloureux. Aujourd’hui elle s’entasse avec le reste de sa famille dans une seule pièce insalubre, dans une finca éloignée où ses enfants doivent marcher chaque jour 3 heures pour se rendre à l’école.

Elle s’implique dans l’association Asofazul, avec d’autres victimes du conflit, pour leur apporter un soutien juridique, pour que les familles déplacées aillent au bout des démarches administratives qui leur donnent droit à de maigres compensations, comme les frais de cantine gratuits pour les enfants et une petite indemnisation.

Doña Luz Mery est une petite femme, une campesina, une âme forte quoique abattue par la douleur de la perte de sa famille, et à partager le souvenir de cet assassinat, souvenir qui maintenant est le mien, et le votre, à voir son courage à continuer à vivre et à aider les victimes, comme elle, de la barbarie des paramilitaires, le soleil se lève dans mon cœur face aux combats quotidiens de ceux qui se lèveront toujours, eux, contre l’inhumanité de ces tueurs au service de l’oligarchie.

Conseil Norvégien pour les Réfugiés.

En Colombie, il est plus facile pour les étrangers que pour les Colombiens de travailler dans la lutte pour le respect des droits de l’Homme. Ce n’est pas vraiment une question de facilité mais plutôt de sécurité. Le passeport et la couleur de peau protègent plus que la vaillance et la persévérance. C’est le sophisme colombien, beaucoup d’argent pour la guerre en provenance des Etats-Unis, beaucoup d’argent en provenance de l’Union Européenne pour panser les plaies de la guerre, et beaucoup d’argent pour les multinationales qui pillent le pays. Au milieu de tout cela, entre propagande et déni de droit, entre terrorisme d’état et mafia toute puissante, les Colombiens vivent.

Le Conseil Norvégien pour les Réfugiés m’a reçu par un après-midi de pluie. Contrairement aux Colombiens, eux peuvent parler franchement à un étranger de la situation. Contrairement aux mots des Colombiens, les leurs sont toujours teintés de ce regard légaliste en décalage avec la réalité du terrain. Eux peuvent travailler dans les chemins autorisés par l’État de non droit colombien. Et pourtant s’ils n’étaient pas là, le panorama serait encore plus sombre.

Ici à Cúcuta, ville frontière avec le Venezuela, la situation est la suivante. La violence n’a pas disparu mais le schéma de son exécution s’est modifié. Les paramilitaires tenaient la ville il y a encore un an, c’est-à-dire qu’ils étaient les maîtres de façon très visible. Jamais on ne voyait de groupes de jeunes après la nuit tombée dans les rues, peu ou pas de délinquance commune ( la peine automatique étant la mort, la torture ou l’exécution sommaire), et les paramilitaires exerçaient un harcèlement inlassable sur les quartiers où s’échouent les déplacés des campagnes. Apparence de calme, tranquillité pour la bourgeoisie et terreur dans les quartiers populaires.

Depuis peu, la mafia dispute aux paramilitaires le contrôle de la ville. Dispute ou négocie. Les jeunes sont de nouveau visibles dans le centre, devant les discothèques, et le trafic de drogue se fait au grand jour. Augmentation des vols et des braquages. Prostitution plus visible. C’est que, devant la démobilisation des blocs paramilitaires, de nombreux assassins se sont retrouvés au chômage et ne savant pas faire grand chose d’autre que violer et tuer, tranquillisés par l’amnistie tacite du gouvernement, et ils ont rejoint les rangs de la mafia.

Ici, dans cette zone frontalière, la mafia a toujours fait partie du paysage. Dans les alentours, il n’y a pas de stations essence mais des petites échoppes à ciel ouvert où se vend le pétrole vénézuelien dans des bidons de fortune. L’électroménager, les vêtements, les voitures transitent toute la journée selon l’intérêt des uns et des autres. La frontière est une vraie passoire et la vérité c’est que l’on peut pénétrer plusieurs dizaines de kilomètres en territoire vénézuelien sans montrer plus que sa carte d’identité à un douanier distrait, qu’il soit Colombien ou Vénézuelien. D’ailleurs, m’a-t-on dit, le président Chavez ne s’approche jamais de la frontière colombienne, les caciques de la mafia y sont si puissants que la possibilité de se faire assassiner est pour lui réelle. Les paramilitaires colombiens sont aussi à l’aise d’un coté comme de l’autre de la frontière.

Les déplacés sont une population très importante dans les cinq municipalités de la région. On parle de 3 700 familles, et il faut savoir que ne sont pas comptabilisés les déplacements intra urbains, les déplacements causés par les paramilitaires (puisque officiellement ils n’existent plus), ni les déplacements conséquence de la fumigation puisque l’armée n’épand son agent orange nouvelle génération que sur les champs de coca. Autant dire qu’il n’y a aucun autre choix pour les déplacés que de faire une fausse déclaration impliquant la guérilla pour bénéficier d’un peu de couverture sociale. Enfin, il s’agit plutôt d’un piteux cache-misère en fait de couverture.

Je pose souvent la question de ce qui ce passe légalement avec les titres de propriété de ces familles déplacées par la force. C’est pourtant très simple. L’administration qui gère le cadastre est des plus corrompues. Normalement, toute procédure de reconnaissance d’un déplacement gèle toute vente d’un terrain. Dans les faits, c’est une farce. De plus, le titulaire est toujours le chef de famille, l’homme, et si celui-ci disparaît la femme n’a aucun droit sur la terre. Je rappelle qu’il ne s’agit pas de l’Afghanistan des talibans mais bien de la Colombie démocratique du président et paramilitaire élu Alvaro Uribe. Dans ce chaos mise en place pour le bénéfice des caciques et les rentes de ceux qui vendent le pays aux étrangers, le Conseil Norvégien pour les Réfugiés développe des activités et processus de renforcement des structures d’accueils, d’élaboration de projets sociaux, de visibilisation du drame des déplacés, de pressions internationales sur les institutions locales et nationales. Une goutte d’eau ? Une larme serait plus juste, une larme de rage et d’impuissance.

Barrio Primavera

Jésus est un ami de l’humanité, un homme bon malgré les tourments quotidiens qui corrompent les hommes et les femmes. Je ne parle pas du prophète mais de ce jeune père de famille qui habite aux abords du quartier de Primavera, un quartier surgi dans les collines qui bordent Cúcuta et dont la population n’est composée que de familles de paysans des campagnes avoisinantes déplacées par la force. Jésus, je l’ai rencontré lors d’une matinée consacrée à l’organisation des différents projets pour la jeunesse dans la région. Toutes les associations et fondations, tous les acteurs sociaux étaient là. Les représentants de la pyramide administrative aussi, et un policier, comme il se doit déguisé en militaire dans ce pays où la différence entre les deux titres ne saute pas aux yeux.

Beaucoup de projets, quelques cris d’impuissance, quelques banalités et beaucoup d’envie de tous ces citoyens colombiens qui non seulement vivent avec l’horreur quotidienne mais travaillent avec elle. Jésus m’a invité dans son quartier quelques jours plus tard et m’a servi de guide. Il m’a tout expliqué alors je vous explique tout de la vie des familles déplacées.

Dans la chaleur tropicale, sous les pluie quotidiennes, dans les chemins de terre qui serpentent sur la colline, les maisons de planche et de tôle aux portes de toile et de plastique sont disposées de part et d’autre du chemin. La terre est rouge, de ce rouge dont on fait les briques les plus réputées du pays par leurs qualités, si résistantes que les usines du coin les exportent. Lorsqu’il ne pleut pas, il n’y a pas de boue. Lorsqu’il pleut, il fait un peu moins chaud. La chaleur n’impose pas de se barricader et justement, l’air qui passe entre les planches et sous les toits à l’étanchéité médiocre offre un peu de rafraîchissement. Il y a l’électricité mais pas toujours l’eau courante. Des lignes téléphoniques qui s’entremêlent. Une école et deux églises. Les enfants jouent dans les rues comme insensibles à la chaleur, et d’un regard on embrasse les collines luxuriantes, les fincas entourées de barbelés de quelques riches propriétaires terriens et le ciel azur où tournent les aigles. La Colombie est un pays magnifique. Ici la nature est riche et prolifique. Malheureusement pour ces familles de paysans, pas une parcelle de terre n’est à leur disposition pour cultiver.

Il n’y a pas grand monde dans le chemin, c’est midi ou presque, la musique s’envole de chaque maison et parfois une moto passe en claquant ses pistons. Pour la sécurité, tout est relatif. Les paramilitaires, encore, savent tout de ce qui se passe. Il ne fait pas bon s’organiser, sauf aller à l’église. Alors les familles sont un peu enfermées sur elles-mêmes. On ne partage pas beaucoup les histoires d’avant, chacun a presque les mêmes, la guerre, les exactions de l’armée et des paramilitaires, les enfants partis se battre à la guérilla, alors à quoi bon en parler ? Au sommet du quartier, près de la route qui mène à Zulia et plus profondément dans le pays, de petites auberges sont alignées.

Les routiers fréquentent ces petits hôtels où l’on peut demander bien autre chose qu’une bière à la serveuse, et cela même si la serveuse n’est qu’une fillette de douze ans. Dans les maisons, et grâce à Jésus qui s’investit dans le quartier, on nous reçoit ici et là. Il y a des enfants et des bébés dans chaque maison, des mamans si jeunes et, malgré la surprise, toujours des sourires. Les petits vont à l’école, les hommes sont au travail et les femmes s’occupent de la maison lorsque elles-mêmes ne t

ravaillent pas. Ici tout le monde vous dira que la vie est bonne, meilleure qu’à la campagne. Que la vie à la ville est plus facile, qu’ici on est enfin loin de la guerre et de ses bombardements. En fait, ici, malgré la grande gentillesse des habitants, on ment toujours lorsque l’on parle de la vie quotidienne. L’impunité des criminelles n’incite pas à exposer de quelconques doléances.

Jésus et son groupe d’ami d’enfance, qui vivent presque tous dans le quartier, se remémorent le bon vieux temps lorsqu’ils allaient tous à la rivière, avec un repas s’il y avait de quoi ou avec rien d’autre que l’amitié s’il n’y avait rien. Accepter la misère, ce n’est pas facile. Voir leurs enfants grandir dans ce chaos et sans plus de chance qu’eux, c’est difficile pour des parents.

Jésus a monté une association et travaille avec des jeunes de la ville à un petit journal ainsi qu’à une émission de radio dont le titre peut être traduit par « la capote ». Il se bat et croit beaucoup à l’aide de la communauté européenne - je baisse les yeux ; plus tard lorsque l’on mangera, je lui expliquerai, en vain, que l’Europe est surtout la source du cauchemar pour la Colombie puisque ce sont ses entreprises qui pillent le pays, soutiennent les paramilitaires et appuient le président assassin. Et l’oppression violente de ceux d’en haut, c’est insupportable pour ces hommes et femmes qui refusent la soumission et la fatalité. Il faut partir me dit Jésus. Je reste un peu, finis mon verre de jus de fruit frais. Je parle avec ce petit de six ou sept ans et lui demande ce qu’il veut faire plus tard. Il me répond "militaire, comme son cousin". Soupir.

Il n’y a pas grand chose dans ces maisons de fortune qui poussent comme des champignons à mesure que la campagne pleure son lot d’exilés. On est bien loin des délires de la surconsommation occidentale, on est bien loin du bonheur matériel aussi. C’est une contradiction évidente, qui saute aux yeux. Victimes du capitalisme international, écrasés à l’autre bout de la chaîne par toute cette super structure qui broie les hommes corps et âmes, violés dans leurs droits, soumis par la guerre, abandonnés à l’impunité par leur propre état, ils n’aspirent pourtant pas à autre chose qu’à vivre dans le monde de la consommation, fut-ce au prix de la répétition de leurs souffrances sur d’autres.

L’éducation est un point fondamental, un facteur qui doit retrouver toute son efficacité. Ici en Colombie, après les hécatombes contre les partis politiques et les acteurs sociaux (l’Union Patriotique a perdu 5 000 militants et élus en plus de 25 000 disparus dans les années 85-95, la Colombie détient le triste record du nombre de syndicalistes abattus, et il y a peu encore, au mois de décembre 2008, l’époux d’une militante indienne a été abattu par l’armée nationale lors d’une embuscade maquillée en contrôle de police), la stratégie de l’acceptation du modèle spectaculaire capitaliste atteint le summum de l’horreur. Et bien sûr, dans chacune de ces petites maisons, les informations nationales déversent leurs flots de mensonges quotidiens au travers de petits postes de télévision.

ASCAMCAT ( Association paysanne du Catatumbo)
Asociación Campesina del Catatumbo

L’association paysanne du Catatumbo est une organisation née en 2005 de la volonté des habitants des département de Convención, Teorama, El Tarra y El Carmen qui forment la région du Catatumbo dans l’état de Norte Santander. Cet état frontalier du Venezuela, territoire ancestral des indiens Motilon-Bari, est l’un des symboles des exactions paramilitaires depuis leur prise de pouvoir en 1999. Le fameux et macabre Carlos Castaño, chef du bloc paramilitaire AUC du Catatumbo, n’avait pas fait mystère de son intention de prendre par la force la petite ville portuaire de La Gabarra, sur le fleuve Catatumbo, lieu de passage du commerce pour cette région reculée, et notamment lieu de passage de la pâte de coca. Le front 33 des Farc-ep unis avec l’EPL ( armée populaire de libération, dissidence de l’ELN, l’armée nationale de libération), ont fait échouer sa première tentative en infligeant de sérieuses pertes à sa colonne d’assassins qui ne put rallier la ville. Devant cet état de fait l’armée nationale installa une brigade à la Gabarra, et dans la soirée du 21 août 1999, ces mêmes soldats de l’armée nationale ont accueilli à bras ouverts les paramilitaires eux-mêmes « déguisés » en militaires pour tromper les forces insurgées.

Cette nuit-là, un samedi, jour d’affluence sur le marché, l’électricité a été coupée à la nuit tombée et le bombardement de la ville commença. Le lendemain, les campesinos ont constaté la prise de la ville par les hommes de Castaño, sans que l’armée ne réagisse, et les chiffres du massacre s’élevèrent à 190 paysans assassinés. Main dans la main, armée nationale et paramilitaires avaient perpétré un nouveau massacre pour le contrôle stratégique d’une zone clé à la frontière du pays. Le narco-trafiquant et paramilitaire Castaño, qui depuis serait mort sans qu’on n’ai jamais retrouvé son corps, a bénéficié pendant des années de cette position pour tuer en toute impunité et développer son commerce de la mort. La courageuse guérilla, bernée par l’armée nationale, n’a eu d’autre choix qu’un repli stratégique face à cette alliance macabre de l’état et de la mafia.

Le bloc paramilitaire du Catatumbo s’est officiellement démobilisé en 2004, assurant une presque totale impunité pour tous ces commandants et soldats. Dans ce contexte, l’ASCAMCAT s’est organisée pour reconstruire le tissu social, condition essentielle pour développer un cadre de vie digne pour tous les habitants du Catatumbo, paysans et populations indiennes, les anciens, les femmes et les enfants. L’association lutte également contre la fumigation, pour la résolution des facteurs socio-économiques qui induisent les cultures illicites, pour la défense du territoire, pour la préservation des ressources naturelles, contre l’invasion des multinationales, pour la récupération des traditions ancestrales et pour l’implication de tous dans le respect des droits de l’Homme et l’organisation de la vie sociale. Tâche gigantesque dans ce pays où, malgré les lois de paix et de réconciliation, les facteurs de la tragédie sont toujours présents.

Les Motilon-Bari sont toujours victimes principales de l’appétit des multinationales. En 2005 l’armée nationale les empoisonnait avec des colis alimentaires frelatés tandis que les multinationales du pétrole électrifiaient les clôtures encerclant leurs derricks et causaient des morts atroces.

Les paramilitaires se reforment. En décembre 2008 on a vu ici et là des groupes de 50 à 150 hommes armés dans le département du Catatumbo. C’est que la situation est similaire à celle de la fin des années 90. L’organisation sociale et les mouvements campesinos se sont reformés après les massacres, l’armée nationale est sous la menace du retrait de l’argent yankee pour des raisons d’État de la nouvelle administration nord-américaine, et les multinationales piaffent d’impatience de ne pouvoir piller les ressources. Alors, comme toujours, la guerre sale sera privatisée aux profits des groupes mafieux et terroristes, c’est-à-dire textuellement ceux qui terrorisent les populations.





L’ASCAMCAT prédit tristement que 2009 sera l’une des années les plus noires, préparant les populations au retour des paramilitaires. Préparer les populations au retour des tueurs, des violeurs, de ceux qui décapitent et parfois découpent leurs victimes à la tronçonneuse ? En Colombie, à l’autre bout de la chaine horrible du capitalisme, souvent je regarde la montagne, et je me demande devant tant d’injustice, devant le cirque de la paix des bourgeois et de leurs théories honteuses, ¿donde se encuentra el camino del monte ? (où est le chemin du maquis ?)


Communiqué janvier 2009

Certains analystes expliquent que le conflit de la zone frontière entre la Colombie et le Venezuela, spécialement au Catatumbo, est le résultat, d’une part d’une lutte de territoire entre narcotrafiquants, et d’autre part des actions de l’état menées pour contrôler l’ordre public. La réalité est bien différente, puisqu’il s’agit de l’application de la géopolitique impérialiste des États-Unis d’Amérique. Des arguments cyniques sont donc utilisés pour expliquer la situation, les mêmes qui justifient les terribles crimes contre les peuples palestiniens, afghans, iraqiens et dans d’autres régions de la planète.

La terreur conséquence des massacres perpétrés est l’arme fondamentale pour expulser les paysans de leurs terres et se les approprier. Il est clair que cette région est riche en gisements et ressources naturelles, en ressource hydraulique, riche d’une flore et d’une faune diversifiées, de terres fertiles et située à proximité de ports importants sur la routes des pillages de nos matières premières, pillage toujours en direction des transnationales.

Ces richesses ne s’arrêtent pas à la frontière et par conséquent la stratégie impériale non plus. La toile des multinationales et de ses mercenaires s’étend silencieusement de l’autre côté de la frontalière vénézuélienne, et leurs actions sont dangereusement coordonnées par les mafias du trafic de stupéfiant et par des agents spécialisés payés par l’empire. Le vol des Aigles Noirs (Aguilas Negras), comme on appelle les paramilitaires aujourd’hui, est observé avec complaisance par les fonctionnaires officiels de l’état qui savent pourtant où se trouvent leurs nids.

Ils mettent en place une stratégie pour atteindre leurs objectifs, et certains de ces objectifs s’inscrivent dans le long terme. De sorte qu’ils préparent leurs cadres et leurs commandos spéciaux pour des opérations de sabotage, pour la mise en place des futurs massacres, crimes sélectifs, manipulations médiatiques et agitations sociales qui causeront de terribles traumatismes dans le futur si les mesures adéquates et nécessaires ne sont pas prises.

Le panorama économique, social et militaire des régions frontalières comportent de nouveaux éléments qu’il est nécessaire de réviser pour viser juste tant au niveau des politiques à mener que des moyens à employer. Dans le Catatumbo colombien ils ont vainement essayé de s’emparer de la région au moyen, à la fois du para militarisme, et à la fois par le biais de grandes opérations militaires, comme toujours soutenues par la haute technologie, militaire et médiatique, née des programmes d’assistance, ces programmes orientée par l’ambassade gringa, et les agences de coopération internationale liées au Plan la Colombie comme l’USAID (Agence Internationale pour le Développement des USA).

C’est dans le Catatumbo que se concentrent les bandes paramilitaires, c’est là qu’elles ont perpétré la plus grande quantité de massacres, qu’elles ont occasionné le plus grand nombre de déplacement de population dans le département de Norte Santander ; c’est également dans le Catatumbo que se sont déroulés les combats majeurs des FARC-EP contre l’armée et les paramilitaires, c’est ici que l’on a compté le plus de morts et de blessés, et finalement c’est ici que se concentrent les investissements de capitaux étrangers en comparaison avec le reste du département.

Au cours de cette offensive bestiale de l’ennemi dans la région, bien que celui-ci ait déployé toute sa capacité militaire, technique et scientifique, bien que tous les moyens aient été utilisés dans sa guerre dissymétrique et médiatique, il s’est heurté à notre inébranlable volonté de lutte ; jamais auparavant nous n’avions résisté à une offensive d’une telle ampleur, et nous avons résisté avec dignité et dévouement, sans compter les innombrables difficultés, sans nous arrêter devant les risques ni les sacrifices parce que nous avons la foi en nos idéaux, dans les moyens que nous mettons en œuvre pour les atteindre et la certitude que nous les atteindrons.

S’il y a bien une dispute de territoires, il s’agit seulement d’éviter que ces terres ne passent aux mains des corporations transnationales, celles qui ne font qu’éventrer ses richesses, réduire en esclavage les travailleurs dans les mines de charbon, dans la production pétrolière, dans les plantations de dizaines de milliers d’hectares semés de palmier et de cane pour la production d’agrocombustibles, et tant d’autres mégaprojets. Si les paysans et les communautés indiennes perdent leurs terres, c’est dans le seul but d’assurer l’arrière-garde des mercenaires qui poursuivent leurs objectifs funestes dans le pays frère du Venezuela.. Dans les terres du Catatumbo nous semons nos frères tombés au combat comme les paysans assassinés par l’armée officielle et ses paramilitaires, mais nous semons également dans les esprits de nos peuples humbles et vilipendés l’espérance de construire le rêve bolivarien. Entendez que c’est la raison de notre résistance, par le socialisme, hasta la vida misma si cela est nécessaire. Nous sommes encouragés par la solidarité des peuples frères et nous ne doutons pas d’atteindre la victoire. FARC-EP (Forces armées révolutionnaires de Colombie – Armée du peuple), depuis les montagnes de Colombie.

Libération de quatre prisonniers de la Force Publique par les FARC-EP. Filmé par les Farc-ep. 1er Janvier 2009.







Note :


Je remercie particulièrement Luz Dary pour son aide lors de mon passage à Cúcuta, sa confiance et son implication ont été le lien nécessaire avec la population, de même que je remercie sincèrement toutes les personnes qui m’ont guidé et appuyé dans ce modeste projet de partager les souffrances et les espérances du peuple colombien soumis à la terreur capitaliste.
Un salut respectueux à tous.
A.E

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24 août 2009 1 24 /08 /août /2009 15:47

L´autorisation d´ouvrir sept nouvelles bases militaires nord-américaines sur le territoire de la Colombie, un cadeau fait par Bogota à Washington, ne représente pas seulement une menace contre les autres pays de la zone. C´est également une machiavélique agression contre l´intégrité et la stabilité de cette nation.

En effet, dans le futur, la Colombie va se convertir en un pays occupé par une quantité dangereusement importante de forces militaires étrangères et elle se trouvera ainsi à la merci des caprices de l´empire.

Les autorités colombiennes actuelles n´ont pas seulement compromis le présent de la nation mais aussi son futur. Le grand ennemi se sera installé dans la maison, prêt à porter ses coups si par hasard, un jour, un gouvernement progressiste parvient à s´instaurer et prétend apporter des changements qui ne soient pas du goût de la Maison Blanche.

C´est l´amère réalité à laquelle se trouvent confrontés le peuple et la nation toute entière, et pour laquelle ils doivent « remercier » leur gouvernement actuel dont l´attitude servile porte, en fait, également tort à tout l´hémisphère.


La concession faite est honteuse de tout point de vue.

Il est impossible de ne pas tenir compte des conditions exigées par le Pentagone pour l´installation de ses bases militaires en Colombie : par exemple que les militaires colombiens n´aient le droit d´y pénétrer sous aucun prétexte, ou que les troupes nord-américaines jouissent d´une totale immunité pour les actions réalisées dans le pays.

C´est la raison pour laquelle ceux qui tentent de justifier cette prévarication en utilisant le prétexte d´une collaboration militaire des États-Unis en matière de lutte contre le terrorisme et le trafic de stupéfiants, se sont en réalité privés du droit de franchir les lignes de fil barbelé installées par les militaires étrangers sur leur propre sol ou celui de savoir pourquoi et comment ils opèrent dans leurs respectives zones d´action.

De plus, les troupes occupantes pourront se livrer à n´importe quel acte violent selon leurs convenances sans qu´elles puissent être jugées par les lois colombiennes et sans que les autorités du pays puissent leur demander d´en rendre compte.

Les viols, les assassinats et toutes sortes de trafic échapperont ainsi au contrôle des lois du pays car l´accord qui vient d´être cuisiné à Bogota les exempte de l´application de la loi colombienne et annule toute souveraineté nationale sur les portions du territoire national qui ont été demandées et qui sont usurpées par les gringos.

C´est ainsi que la servilité sans limites de l´actuel gouvernement de la Colombie permet aux armes yanqui de viser directement au cœur de ce pays et qu´elle compromet ainsi totalement son futur de nation indépendante.

Par cuba si lorraine

Colombie: un attentat interne - Cuba Si Lorraine

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Vendredi 21 août 2009


  image tiré du site...cliquez sur super Uribe !   Frédéric DELORCA Legrandsoir Le 15 juillet dernier le gouvernement colombien [1] a divulgué son projet de mettre sept bases à la disposition de l’armée américaine. Le Venezuela et l’Equateur ont dénoncé la politique belliciste de leur voisin […]
Par cuba si lorraine - Publié dans : Big Brother - Communauté : Cuba Si Lorraine
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19 août 2009 3 19 /08 /août /2009 09:28


Le 15 juillet dernier le gouvernement colombien a divulgué son projet de mettre sept bases à la disposition de l'armée américaine. Le Venezuela et l'Equateur ont dénoncé la politique belliciste de leur voisin colombien, tandis que le Brésil et le Chili ont également fait part de leur "préoccupation". Ce nouvel accord permettrait à l'armée américaine de compenser la perte de sa seule base en Amérique du sud, située à Manta, en Equateur.


La Colombie était en 2006 le pays où sont morts la moitié des syndicalistes assassinés dans le monde. Elle est le troisième bénéficiaire de l'aide militaire étatsunienne derrière Israël et l'Egypte dans le cadre officiel d'un plan de lutte antidrogue (Plan Colombia) qui est en fait une lutte anti-FARC (tandis que par ailleurs les USA soutiennent la narco-répubique autoproclamée du Kosovo et que sous leur occupation la culture du pavot ne cesse d'augmenter en Afghanistan). Dans le cadre du Plan Colombia (que Washington veut exporter au Mexique, au Pakistan et en Afghanitan), les USA ont aussi mobilisé les services spéciaux britanniques et espagnols pour l'encadrement de l'armée colombienne. Si l'aide étatsunienne se chiffre à 5,5 milliards de dollars par an, les alliés européens membres de l'OTAN (France, Allemagne, Royaume-Uni etc) contribuent aussi : ils ont versé pour leur part en 2007 154 millions de dollars d'aide militaire à la Colombie sans aucun débat devant leur opinion publique. M. Uribe, qui est un ami de M. Kouchner, a fait libérer pour lui récemment le criminel de guerre kosovar recherché par la justice internationale Agim Ceku. Les forces spéciales israéliennes aussi sont en Colombie, tout comme elles ont participé au coup d'Etat au Honduras.

Le 1er mars 2008, la Colombie a bombardé une base arrière des FARC en Equateur provoquant la rupture des relations diplomatiques avec ce pays. Dix bombes de 500 kilos communément utilisées en Irak ont été déversées par des avions dont on soupçonne qu'ils furent américains (car les avions colombiens ne peuvent transporter de telles bombes).

En avril 2008 le colonel Jim Russell commandant des opérations de l'US Airforce dan le Sud a demandé que des soldats soient retirés d'Irak pour être déployés en Amérique latine. A partir du 12 juillet 2008, la 4ème flotte états-unienne a recommencé à patrouiller au large des côtes latino-américaines pour la première fois depuis 1950. En mai 2008 un avion de combat étatsunien en provenance des Antilles néerlandaises a violé l'espace aérien vénézuélien. Selon Caracas, il s'agissait d'une mission d'espionage sur l'île de La Orchila pour tester les radars vénézuéliens, tandis que Washington a parlé d'une erreur de navigation.

Pour se défendre, le Venezuela, qui se sent menacé, a proposé en mars dernier de mettre des bases aériennes à la disposition des bombardiers russes et son président Hugo Chavez a annoncé mercredi la signature en septembre d'un nouveau contrat d'armement "important" avec Moscou, comprenant l'achat d'une quarantaine de chars. Le président Chavez  accuse "l'empire américain" de vouloir utiliser les bases colombiennes pour s'approprier le riche bassin pétrolifère de l'Orénoque dans le sud-est de son pays. Dans l'Etat pétrolifère de Zulia, un mouvement sécessionniste se développe depuis plusieurs années "Rumbo Propio" soutenu par les grands médias de l'oligarchie vénézolo-américaine.

L'étau se resserre autour de Vénézuela tandis que les USA, qui utilisent les bases de la Guyane française, peuvent aussi compter désormais sur le Panama qui a élu un président de droite en mai dernier. Avec ses nouvelles bases, la Colombie,  pourra aussi menacer la zone andine au sud-ouest et la zone amazonienne où les enjeux stratégiques sont importants. " D'abord c'est le pétrole, ensuite ce sera le minerai de fer et l'eau. Aujourd'hui ils veulent envahir l'Iraq, ne vous étonnez pas si demain ils décident d'envahir l'Amazonie " avait déclaré l'économiste égyptien et contributeur de l'Atlas alternatif Samir Amin lors du deuxième forum social pan-amazonien de janvier 2003 à Bélem. Pour mémoire le 13 août dernier les delegués des peuples indigènes de Colombie ont dénoncé devant le Comité pour l'élimination des discriminations raciales des Nations Unies les persécutions dont ils sont l'objet par le gouvernement de Bogota. Karmen Ramírez Boscán, dirigeante de l'Organización Nacional Indígena de Colombia (ONIC) a critiqué les divers effets néfaste de la future présence des bases étatsuniennes dans leur zone, y compris en termes des risques de diffusion du commerce sexuel et de viols des femmes indigènes.


F. Delorca
Source : Atlas Alternatif
Après l'Irak la Colombie ? - Le blog de mamie sceptix/Charlotte
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14 août 2009 5 14 /08 /août /2009 12:11



par Atilio Boron


Il fallait justifier l'escalade de l'offensive militaire de l'empire étasunien dans le but d'inverser les changements qui ont remanié la physionomie sociopolitique de la région [Amérique du sud]. Devant cette déconcertante réalité, la tactique de la Maison-Blanche a été d'abandonner la rhétorique belliqueuse de Bush et de s'essayer à un discours égalitariste et respectueux de la souveraineté des pays de la région, tout en déployant de nouvelles bases militaires, en maintenant la Quatrième Flotte et en renforçant sans cesse le Commandement Sud de l'armée états-unienne [1].

En ce sens, Barack Obama – que des «progressistes» européens et latino-américains continuent à confondre avec Malcolm X – est en train de suivre à la lettre les conseils de Théodore Roosevelt, le père de la grande expansion impérialiste nord-américaine dans les Caraïbes et en Amérique Centrale, lorsqu'il conseillait «speak softly and carry a big stick», autrement dit, «parle avec une voix douce, mais porte un gros bâton". Roosevelt s'est montré maître dans l'art d'appliquer cette maxime au moment de construire le Canal de Panama [il s’est ouvert à la navigation en 1914] et de réussir, à l'aide de l'infâme amendement Platt [2], qui entraînait pratiquement une annexion de Cuba par les Etats-Unis. Avec sa politique de remilitarisation forcée de la politique extérieure vers l'Amérique Latine et les Caraïbes, Obama suit le chemin tracé par son prédécesseur [G.W Bush].

Pour justifier sa décision de concéder aux forces armées des Etats-Unis sept bases militaires, Alavaro Uribe – le président de Colombie – invoque l'élargissement de la coopération avec le pays du Nord pour pouvoir livrer un combat efficace contre le narcotrafic et le terrorisme. Cette excuse ne tient pas à la lumière de l'expérience: d'après une agence spécialisée des Nations Unies, les deux pays dont la production et l'exportation de pavot et de coca ont le plus augmenté sont l'Afghanistan et la Colombie. Or, ces deux pays sont sous une occupation militaire nord-américaine. Si l'histoire de la Colombie au cours du dernier demi-siècle nous montre quelque chose, c'est bien l'incapacité à résoudre le défi posé par les FARC par la voie militaire.


Malgré cela, le général colombien Freddy Padilla de Leon – qui aime à répéter que mourir au combat est "un honneur sublime" – a annoncé dernièrement à Bogota que les sept bases seraient situées à Larandia et Apiay (dans l'Est de la Colombie); à Tolemaida et Palanquero (au centre); à Malambo (sur l'Atlantique, sur la côte nord); à Cartagena, dans les Caraïbes colombiennes. La septième se situerait dans un lieu non encore déterminé sur la côte du Pacifique. Le Congrès des Etats-Unis a déjà approuvé la somme de 46 millions de dollars pour installer son personnel et ses équipements guerriers et de surveillance dans ces nouvelles bases pour remplacer les installations qu'il avait à la base militaire de Manta, en Equateur. Actuellement il y a déjà en Colombie 800 hommes des forces armées des Etats-Unis ainsi que 600 «civils sous contrat» (en réalité des mercenaires), mais les analystes s'accordent pour signaler que le chiffre réel est beaucoup plus élevé que celui qui est officiellement reconnu.


Il n'est pas besoin d'être un expert militaire pour se rendre compte que la cession de ces bases par la Colombie aboutit à ce que le Venezuela soit complètement encerclé, soumis à un harcèlement permanent des troupes de l'empire stationnées en Colombie, sans compter les bases colombiennes et celles des «paramilitaires» colombiens. Il faut ajouter à cela l'appui qu'apportent dans cette offensive contre la Révolution Bolivarienne les bases américaines à Aruba, à Curazao et à Guantanamo, ainsi que celle de Palmerolas, au Honduras, et la Quatrième Flotte étasunienne, qui dispose de suffisamment de ressources pour patrouiller efficacement tout le littoral vénézuélien.


Mais Chavez n'est pas le seul à être menacé: Rafael Correa (Equateur) et Evo Morales (Bolivie) aussi restent dans la mire de l'empire, d'autant que Alan Garcia au Pérou brûle d'envie d'offrir une «preuve d'amour» à l'occupant de la Maison-Blanche en lui offrant des possibilités pour le déploiement de ses troupes. Au Paraguay, les Etats-Unis se sont assuré le contrôle de la base stratégique de Mariscal Estigarribia, située à moins de cent kilomètres de la frontière avec la Bolivie. Elle est dotée d'une des pistes d'aviation les plus étendues et les plus résistantes d'Amérique du Sud, capable d'accueillir les gigantesques avions utilisés pour transporter les chars, les avions et les divers armements lourds qu'utilise le Pentagone. Au Paraguay, les Etats-Unis disposent encore de l'énorme base de Pedro Juan Caballero, localisée à 200 mètres de la frontière avec le Brésil!. Mais d'après Washington, elle appartient à la DEA [Drug Enforcement Administration - agence fédérale chargée de la lutte contre la drogue] et n'a pour objectif que de lutter contre le narcotrafic !


La menace que présente cette expansion sans précédent de la puissance militaire nord-américaine en Amérique du Sud n'est pas passée inaperçue notamment pour le Brésil. Ce pays connaît en effet les convoitises états-uniennes en ce qui concerne l'Amazonie, région que, entre eux, les stratèges impériaux considèrent comme un territoire vide, en libre accès, et qui sera occupé par celui qui aura les capacités technologiques de le faire [les ressources de l’Amazonie sont énormes et multiples pour le capital].


Devant ces menaces les pays sud-américains doivent réagir avec beaucoup de fermeté et exiger des Etats-Unis qu'ils envoient aux oubliettes leurs plans belliqueux en Colombie, qu'ils démilitarisent l'Amérique latine et les Caraïbes et qu'ils désactivent la Quatrième Flotte. La rhétorique «dialoguiste» d'Obama n'est pas compatible avec l'existence de ces menaces. Et si Obama veut avoir un minimum de crédibilité internationale, il devrait immédiatement donner des instructions pour faire marche arrière avec ces initiatives.


Les gouvernements de la région, regroupés dans l'Unasur (Union des nations sud-américaines) et le Conseil sud-américain de la défense, devraient pour leur part faire la sourde oreille à la supercherie de Uribe et passer du plan de la rhétorique et de l'indignation morale au plan plus concret de la politique, en impulsant quelques gestes efficaces. Ils devraient, par exemple,  ordonner le retrait immédiat des missions militaires et des autres officiels représentants les forces armées étatsuniennes, stationnés dans nos pays, tant que ces options de Washington ne sont pas changées. C'est ainsi que le message de refus et de répudiation du «militarisme pentagoniste» – comme l'a baptisé précocement un grand homme latino-américain, Juan Bosch [3] – pourrait parvenir clairement et puissamment aux ouïes de leurs destinataires à Washington. Les suppliques et les exhortations, par contre, ne feront qu'exacerber les ambitions de l'impérialisme.


Traduction A l’Encontre.


Notes

1. Le domaine de compétence du Commandement Sud s’étend sur près de 41 millions de kilomètres carrés et sur quasi la totalité des pays du continent. Il dirige également 16 programmes de formation de militaires latino-américains dans différentes spécialités. Depuis l’an 2000, avec G. W. Bush et D. Cheney le déploiement militaire du Commandement Sud s’est étendu. Il a des bases à Guantánamo (île de Cuba), Soto Cano (Honduras), Comalapa (Salvador), Roosevelt Roads et Fort Buchanan (Puerto Rico), Reina Beatrix (île d’Aruba, au large du Venezuela). Sa base de Manta en Equateur est remise en question, ce qui explique le renforcement du déploiement en Colombie. Le Commandement sud dispose d’un contrôle sur un vaste réseau de radars consacré à la «lutte contre le narcotrafic» : trois radars fixes au Pérou et en Colombie et 11 radars mobiles dans six pays des Andes et des Caraïbes. (Réd) (La base de Manta a été évacuée suite à la décision du gouvernement de l'Equateur de les expulser se son territoire. Les USA n'ont rien à faire en Amérique Latine. Anne)

2. Amendement voté par le Congrès des Etats-Unis en 1901, suite à la brève «guerre hispano-américaine» de 1898. Il définissait les termes des relations américano-cubaines et officialisait le droit d'ingérence des Etats-Unis sur le territoire de la République de Cuba. Il resta en vigueur jusqu’en 1934. Il fut alors remplacé par un traité qui perpétua, de fait, la présence politique américaine dans l’ensemble de l’île et, physiquement, assura aux Etats-Unis le territoire de Guantanamo. (Réd.)

3. Pour échapper au dictateur Trujillo, Juan Bosch – écrivain, historien, auteur d’une biographie de Bolivar – s’est réfugié en 1938 à Porto Rico. Il se rendra à Cuba par la suite. Il revient en République dominicaine en 1961, suite à l’exécution de Trujillo. Elu président en 1962, il prend des mesures progressistes. Elles suscitent des réactions vives dans l’armée, l’Eglise réactionnaire et aux Etats-Unis. Il ne faut pas oublier qu’en 1959, la révolution cubaine avait triomphé. Et la distance physique entre la République dominicaine et  Cuba était petite. Ainsi, les Etats organisent en un coup d'État militaire en septembre 1963. J. Bosch doit s’exiler à nouveau. En 1973, il fonde le Parti de la libération dominicaine. Il sera battu lors des élections de 1978. On peut discuter son rôle à Saint-Domingue où sa figure, présente politiquement jusqu’en 1994, ne favorisa pas nécessairement l’émergence d’une gauche classiste. Mais ce fut «un grand homme». (Réd.)



Atilio Boron
est l’animateur du CLASCO (Consejo Latinoamericano de Ciencias sociales)


 Articles de Atilio Boron publiés par Mondialisation.ca


Mondialisation.ca, Le 11 aout 2009
La publication du texte par Mondialisation .ca est récente mais le texte est plus ancien puisque la base de Manta en Equateur est évacuée à présent.


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14 juillet 2009 2 14 /07 /juillet /2009 16:21

 

Les barricades ont commencé à 4 heures du matin d'hier et ont été attaquées par des tirs. L'explosion d'une camionnette dans d'étranges circonstances a fait un mort et 10 blessés.

La commémoration hier dimanche du troisième anniversaire de la victoire de l'APPO et de la Section 22 du SNTE sur les policiers étatiques, après une violente expulsion violente a fait un mort et au moins 10 blessés, la suspension du service de transport urbain, des tirs de policiers sur une barricade, une marche de milliers de personnes et 15 barricades dans différents points de la capitale.

A la croissance imparable de la marche dans la ville d'Oaxaca a répondu une importante mobilisation de policiers en patrouilles, en moto, en camionnettes de toutes les institutions de l'état.

Ils attaquent une barricade

Des sicaires du gouvernement étatique ont effectué une série de tirs contre la protestation placée dans la rue de Nezahualcóyolt dans la colonie Reforma dans les environs de la station de radio Am Ley 710.

La Police Fédérale Préventive (PFP), qui est à Oaxaca depuis un mois pour préparer la répression, a réalisé samedi une opération pour essayer de prendre les installations de la Radio La Ley 710, et où il y a presque 3 ans était assassiné par les balles du gouvernement d'Ulises Ruiz l'architecte et membre de l'APPO Lorenzo Sampablo Cervantes.

L'opération de la PFP et les tirs sur la Barricade ont été ordonnées de manière ponctuelle sur les endroits où était revendiquée la condamnation des assassins de Lorenzo Sampablo Cervantes.

À 4 h20 à la Calzada Niños Heroes de Chapultepec a été attquée la barricade installée par les habitants. Sur le lieu ont été trouvé cinq balles de 9 mm. Avant les tirs plusieurs autres véhicules sont arrivés dans le secteur de la Barricade, réalisant des actions de provocation, en particulier une Volswagen modèle Bora, ainsi que des camionnettes tout-terrain, qui accéléraient intempestivament. L'une d'elles a été sur le point de renverser une personne en après essayer de traverser la barricade, ensuite ce fut d'un de ces véhicules que sont sortis les tirs.

Explose une camionnette dans d'étranges circonstances

Après avoir levé les barricades, les manifestants se sont joints à la mega-marche. À 10 h15, une camionnette avec des fusées et de la poudre a explosé sur la route à Mexico, à la hauteur du pont piétonnier de l'agence municipale de Viguera.

Selon la police, "sur la base de données que nous avons réussi à obtenir, Alberto Gasga Barenca, de 21 ans, était dans la camionnette qui transportait les fusées, d'où il les lançait". concessionnaire automobile et autres magasins de luxe.

Suivant la version policière, une étincelle a atteint la poudre et a déclenché l'explosion qui a tué le membre de la Section 22 du SNTE et a blessé huit personnes. (...)

D'autres versions affirment que la camionnette a été attaquée à coups de feu par une voiture sans plaque, de celles que la police secrete d'Ulises Ruiz a l'habitude d'utiliser, et que se serait un de ces tirs qui aurait provoqué l'explosion.

Ces véhicules, dès l'aube surveillait et menaçant les barricades en se déplaçant dans les environs des colonnes qui arrivaient, effectuant dans beaucoup de cas des tirs en l'air.

Une répression focalisée

La marche magistériale a continué et est arrivé au Zocalo de la ville autour de 13 h 45, formée à ce moment par des dizaines de milliers de personnes.

Durant son parcours vers le zocalo différents corps policiers ont essayé de diviser la gigantesque marée humaine.

En réponse, les activistes ont lancé des pierres et des bombes molotov sur la police, en plus de détruire des distributeurs bancaires, les vitrines d'un concessionnaire automobile et autres agences de luxe.

Durant le meeting, devant des milliers de maîtres et de militants de l'Assemblée Populaire des Peuples d'Oaxaca (APPO), il a été demandé une minute de silence en mémoire du compagnon décédé dans des circonstances suspectes.

A la fin meeting il a été demandé une enquête sur la mort et la condamnation des responsables puisque qu'il n'était pas écarté qu'il s'agisse d'un "attentat de l'état".

La Haine, 15 juin 2009.

 

Ce n'est pas toujours de l'information toute fraîche, mais les luttes que je répercute ici, celle du Pérou, de Oaxaca, de la Minga ... sont des luttes de longues haleines, pas de simples soulèvement mais la lutte des peuples d'amérique du Sud pour la construction d'un nouveau modèle de civilisation polimorphe qui pourraient être les prémisses de ce monde de simplicité auquel j'aspire. Je l'ai dit depuis des années je fonde mon espoir dans cette lutte pour des droits vraiment humains, le voilà menacé et cela me fait très peur pour notre avenir à tous.

 

Un blog excellent à visiter, de la bonne information peu diffusée REINERORO

 

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Au lieu d’être une politique et une économie de guerre, le néo-fascisme est une entente mondiale pour la sécurité, pour la gestion d’une « paix » non moins terrible, avec organisation concertée de toutes les petites peurs, de toutes les petites angoisses qui font de nous autant de microfascistes, chargés d’étouffer chaque chose, chaque visage, chaque parole un peu forte, dans sa rue, son quartier, sa salle de cinéma."

 

Gilles Deleuze, février 1977.

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