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Mis à jour (Jeudi, 16 Juillet 2009 17:26) Écrit par Administrator Jeudi, 16 Juillet 2009 17:16
Tendus et nerveux, c’est avec rage que nous avons appris que les camarades d’Amérique du Sud n’ont pas obtenu de visa. Mexique, Colombie ou Venezuela, sous prétexte d’une pandémie de grippe tueuse, les frontières sont fermées. Par diverses sources jaillies sous nos coups de pioches répétées, il se confirme que les visas ne sont plus attribués qu’aux apparatchiks de la classe capitaliste et leur cour.
Il faut, nous assure-t-on, déposer de nouveaux dossiers dans quelques mois, une fois envolée l’épidémie mortelle. Pourtant nous constatons que cette épidémie est bien moins mortelle que les guerres en cours, ouvertement, légalement, et bien moins mortelle que les guerres sales et cachées. Nous ne sommes pas sûrs que cela soit le problème le plus important des camarades du Honduras. Parallèlement c’est avec un certain dégout que nous admettons que les occidentaux eux ne sont pas astreints à la quarantaine puisqu’ils peuvent ce rendre n’importe où dans le monde et revenir très tranquillement dans leur forteresse, qu’ils soient contaminés ou pas. D’ailleurs le flot de touristes gringos ne s’est pas tari dans la capitale malgré le fait avéré du nombre de décès le plus élevé à gringoland. C’est donc une bien macabre farce qui ne sert qu’à fermer les frontières. L’idée fait son chemin, dans les têtes inhumaines d’en-haut, ils planchent sur une loi interdisant aux africains de venir en Europe pour empêcher la propagation du virus VIH, à une loi pour stériliser les tziganes européens pour limiter la mendicité, à une loi instaurant le couvre-feu pour éviter les cambriolages et les discussions aux coins des rues, et d’une autre loi interdisant de diffuser la moindre chose intelligente dans la presse et à la télé. L’argument est bien plus efficace que le traditionnel nous ne pouvons pas accueillir toute la misère (que nous avons pourtant provoquée) dans le monde ! Il fallait y penser ! L’historien habile remarque qu’ils y ont déjà pensé et que cela ils s’en flattent en écrivant l’Histoire. Et puis, les média crachant leur bêtes haines et leurs stupides rengaines assassines, s’il le faut une loi autorisera à les tuer tous ou presque, ces dissidents, qu’il reste un peu de bras travailleurs pour extraire les précieuses richesses qui gonflent les viscères d’obèses des maîtres de l’exploitation. L’Occident dont l’Europe est la place forte n’est donc qu’une gigantesque barrière perméable seulement à ceux qui ont le tort d’y être né ou la malice de s’être procuré un passeport. Pour les autres ce sont des barbelés. Les lois racistes et liberticides pour nos frères du monde marquent, en toute décontraction fasciste, l’ère nouvelle de préparation aux guerres totales.
La magnifique crise financière, la tragédie annoncée a eu lieu. Ou non ? Comment savoir, nous nous ne sommes pas de la grande finance ! Il n’y a pas plus de plans de licenciement ou d’expulsions massives, rien de plus que la continuation d’une stratégie commencée aux temps les plus heureux de la récente spéculation boursière. Les dégraissages suivent leur cours, à peine si l’excuse de la catastrophe sert à entériner de vieilles restructurations fomentées de longue date. Dix pour cent de chômage, que le diable nous emporte, depuis les critiques de la société capitaliste des anciens du dix-neuvième siècle nous n’attendons que cela ! En 1929 le peuple entier était dans la rue, la police des riches tiraient sur les émeutiers de la faim et la soupe populaire sauvait une génération du rachitisme. Voit-on ceci aujourd’hui alors qu’ils nous assurent d’une crise au moins égale sinon supérieure ? Et bien non, la crise financière a touché les financiers et les exploités du bout du monde, pas le brave capitaliste par soumission et par couardise. Nos frères et sœurs meurent et mourront de faim, de maladie et d’analphabétisme par millions, comme avant la crise et pour les mêmes raisons. Les castes d’en-haut ont fait le système ainsi. Dans quelques mois, et au prix d’une élévation drastique des mesures de contrôle, d’oppression et par le stratagème des guerres professionnelles entre nations dominées et consortiums politico-militaires, le cycle infâme du capitalisme poursuivra son œuvre de destruction, et de la planète et de la race. Il y a bien deux mondes. Il y a bien deux classes, opposées, antagonistes, en guerre. La guerre est partout, il faut que nous vous le disions. Prêt du pont de Bercy derrière les cinémas débiles aux airs Nord-Américains, se cache sur une voie désaffectée, une voie de garage très symbolique, un vieux et fatigué wagon de la sncf, retapé et mis a disposition des sans-domicile-fixe que ramène le 115. On est là pour quelques jours, parfois plus, un petit chez soi pour ceux qui sont habitués à squatter tous les centres d’hébergement de Paris. La semaine dernière un type a dégueulé ses poumons rougis de la tuberculose jusqu’à crever, seul dans sa petite cabine de six mètres carrés gracieusement offert par la sncf et géré par le CASP, une fondation protestante en business permanent avec les pontes de l’État puisque le président s’appelle Pierre Joxe. Le type mort lui n’était pas cumulard, pas très croyant et tout le monde a oublié son nom. Ce n’est pas la crise qui l’a tué, c’est le système normal et tranquille.
Parfois les pères peinards se croient à l’abri parce que loin des fronts de la guerre. En longeant le canal Saint-Martin nous est venue l’idée de la disparition du prolétariat. C’est une discussion qui vaut sont pesant de bulletins de vote. Dans cette prison gigantesque qu’ils appellent l’Europe, les réseaux de la révolte se préparent aux actes alors que les ventres plats se trainent vers les urnes. Devant le square où s’assassinent entre eux les victimes du capitalisme, qui lui est bien gaillard, les sirènes rugissent à la suite, pense-t-on, d’un quelconque terroriste. Un courrier d’un camarade d’Afrique qui traine dans une poche nous rappelle que là-bas ça meure toujours. Un jour ils viendront tous nous égorger et ils auront bien raison. L’État des lieux est mélancolique, nous ne le cachons pas. Ce n’est pas le propos, nous sommes en Occident et la violence policée par les codes débiles des saigneurs du monde ne sait plus contenir ces autres à la marge. Ces autres, ce sont ceux très conscients de l’État de guerre. A l’arrière, si ils vivent tranquilles(sic), c’est qu’ils s’engraissent de la guerre comme les vendeurs de juifs au temps du marché noir. Nous, êtres conscients et grands chercheurs de nouvelles voies de s’émanciper, parcourons les rues de Paris entre camouflages et grandes gueules enragées de vivre. Pour nous et pour les autres. Il faut amener l’État de guerre derrière les lignes ennemies, il faut faire payer le bourgeois, c’est un acte de grande valeur et de grand courage autant que c’est le seul qui vaille en terrain ennemi. Si l’envie d’en découdre est plus forte que la subversion aux allures pacifistes, ce ne sont pas les terrains de confrontations directes qui manquent sur notre belle perle bleue.
Cela dit il ne faut pas sous-estimer les forces d’oppressions. Rappelons un court passage de Michel Foucault en 1969 : « Nul de nous n’est sûr d’échapper à la prison. Aujourd’hui moins que jamais. Sur notre vie de tous les jours le quadrillage policier se resserre : dans la rue et sur les routes ; autour des étrangers et des jeunes ; le délit d’opinion est réapparu ; les mesures antidrogues multiplient l’arbitraire. Nous sommes sous le signe de la garde à vue. On nous dit que la justice est débordée. Nous le voyons bien. Mais si c’était la police qui l’avait débordée ? On nous dit que les prisons sont surpeuplées. Mais si c’était la population qui était suremprisonnée ? Peu d’informations se publient sur les prisons : c’est une des régions cachées de notre système social, une des cases noires de notre vie. Nous avons le droit de savoir, nous voulons savoir. » Et un autre enragé, de mémoire, un autre enragé qui avait fait sien avec quelques apôtres le dogme de l’Action Directe, à savoir que tous les militants sincères auront un jour ou l’autre et avec une férocité diverse affaire à la police, alors lisons attentivement ce qui suit :
Deux acharnés de notre petite brigade ont décidé, fidèles à l’esprit d’action et de vérité de la Coopérative, de remonter une piste s’étant fait jour en compilant les témoignages sans fin sur la flicaille en civil qui rode partout, dans les manifs, dans les rues, dans les gares, pour faire son chiffre et embastiller le citoyen de base. A suivre les civils de la BAC dans les rues chaudes de Paris, les traquenards se font légions. Et même près de Montmartre, ils sont nombreux les indics en maraude à, non pas vous vendre, mais vous donner carrément ce que vous ne demandez pas, et les civils vous tombent dessus. Leur tombe dessus, et c’était bien le but, l’investigation à l’envers, le sourire en coin et, quand même, la main dans la gueule de tous ces policiers qui ne se privent pas de fêter leur traquenard avec une série de coups de pieds et de poings dans la gueule. Nos valeureux infiltrés en furent quittes pour une cinquantaine d’heures dans les commissariats de la ville, avec tout ce que peuvent ramasser dans les rues les agents assermentés par l’élite. Que des innocents, il va s’en dire, du noir, de l’arabe, du roumain, de l’alcool et des voleurs de sac à quarante euros. Pas une cravate, pas un col blanc, pas un employé de la Société Générale. A la fin, sans aucune preuve, sans qu’on les écoute, ils finirent au 9 quai de l’horloge, au dépôt crasseux et sévère qui git sous le Palais de Justice de l’ile de la Cité. Fouilles multiples, odeur d’urine et de merde, à poil, insultés, et finalement libérés deux jours plus tard par un procureur qui ne lèvera pas les yeux sur eux en leur tendant une feuille où la justice reconnait leur implication dans une transaction...de crack ! Taux d’élucidation à 100% et préparation des statistiques pour une prochaine élection. Les preuves il n’en faut pas, les lois, même les leurs, ne sont pas respectées et le droit semble absent. L’Occident vit avec dans ses rangs une force supérieure, au-dessus de tout, incontrôlable, inattaquable, odieuse et fasciste, c’est le couple liberticide formé par les forces de Police et la Justice, eux-même digues de protection illusoire pour la caste oisive et assassine des élites bourgeoises. Et ils sont jeunes ces sbires des meurtriers, ces débiles assermentés, ils sont chinois, arabes ou africains, du Berry ou de Toulon, hommes et femmes, fiers d’être français, fiers de leur smic supérieur et heureux d’être protégés et récompensés par ceux d’en-haut, comble de l’extase ils ont légalement le droit de mettre des doigts dans le cul, au sens propre comme au sens figuré, à tous ceux qui leurs rappellent qu’ils ne sont que des fonctionnaires de base, pas mieux que les SS qui gardaient les camps où sont morts nos grand-pères, autrement dit la caste la plus abjecte de notre race humaine. Nous, les combattants de la liberté, au même titre que n’importe quel citoyen nous sommes tous virtuellement coupables, nous devons plus que tout être prudent parce que, c’est bien un constat triste de l’État de ces lieux, une fois les bracelets aux poignets, seule la révolution ou un peu de chance nous feraient revoir le soleil.
Que le titre du paragraphe n’effraie pas les réactionnaires, les réseaux en question ne sont pas aussi puissants qu’une quelconque Internationale. Ces brigadistes-là cultivent bien loin des voies spectaculaires les nouvelles formes d’organisation. Ils sont dispersés et parfois ne sont pas véritablement, pas complètement dans la lutte. L’anarchisme latent car naturel à s’élever contre ce qui nous empêche de vivre est une arme qu’aucun régime ne pourra détruire. Il s’agit plus de cette lucidité, cette désagréable lucidité qui fait basculer les moutons quotidiens, les égorgeurs par procuration, dans la voie nécessaire de la révolte. Les décades passées ont définitivement bétonné la défiance envers les partis et le militantisme. L’oppression administrative et policière, le carcan salarial et la torture des fins de mois sont à dire vrai les seuls obstacles au passage à l’acte, c’est à dire l’organisation libre, la quête de l’indépendance et l’implication pour la libération du monde et des êtres qu’il supporte. L’analphabétisme intellectuel et philosophique mêlé au révisionnisme des vainqueurs et à la propagande des agents de l’Ordre ralentissent un processus qui ne saurait arrêter sa course vers l’émancipation, la prise de contrôle de nos vie et finalement vers la construction d’un monde de félicité. Un camarade trotskyste par manque d’expériences réelles nous fit la remarque suivante : l’héritage de mai 68 est bien liquidé jusque dans les hautes sphères des renseignements intérieurs. Il n’est plus à l’ordre du jour de laisser les jeunes faire leur armes politiques et bruyantes en attendant qu’ils se rangent aux côtés des bouchers capitalistes comme les ainés de 68. Les nouveaux maccarthystes placés par la nouvelle administration sont nettement plus violents comme doit le savoir Julien Coupat mieux que nous. Mai 68 c’est fini, c’est aujourd’hui comme hier l’internationale fasciste. Internationalisme parce que les frontières n’ont pas d’autre sens que celui d’un vieux nationalisme bourgeois, une découpe plus nécessaire à collecter les impôts et compter les foules qu’une véritable destinée historique ; les forces macabres, comme les bombardiers de la mort, ne les connaissent pas. Les frontières n’existent que pour ceux d’en-bas. Liées à l’essor du capitalisme, la fin de celui-ci marquera donc la fin de celles-ci. Tout se tient, c’est l’autre internationalisme, celui du cœur et de la radicalité, l’internationalisme combattant, sans grandiloquence mais ferme, qui noiera les élites dans le bain de sang qu’elles imposent au monde.
Nos quartiers populaires sont un miroir mauvais teint des saloperies polissées qui ont cours dans les quartiers résidentiels. Il faut en avoir honte c’est un juste sentiment révolutionnaire. Les plus téméraires des pays du Sud s’y entassent, dans ces quartiers de béton et d’injustice, rongeant rage et mauvais pain quotidien. La communauté d’exilés les soutient seulement pour la course au salaire, à l’esclavage, et entretient le rêve d’un retour au pays sous le triomphe de l’argent roi. Mirage des capitalistes d’en-bas, la puissance corruptrice de l’Occident les écrase, les fascine, les enrôle, les embastille, les salit et les tue, corps et âmes. L’immigration est une chimère sans fondement, un délire d’occident alors même que les occidentaux sont les maitres et les inventeurs de la conquête internationale. Ils sont partout, vont partout, vomissent partout et refusent au reste du monde le droit de se déplacer, et pour travailler, et pour vivre et même pour s’aimer.
Imprégnés des vices d’ici, les lascars flamboient sous les projecteurs du spectacle, ils ne veulent que les voitures d’ici, les femmes d’ici et les vies faciles de ceux d’en-haut, et leurs enfants parlent le dialecte des soumis, même en rimes c’est l’abîme capital et une force toute neuve pour le vieux système de caste. Rien de plus. Encore une fois, il faut en avoir honte.
Les petits et les énervés tardifs, dans les ghettos comme ailleurs l’adolescence se meure jusqu’à quarante balais !, pensent effrayés le bourgeois pour un mot de travers dans les couloirs du métro, mais ce sont pourtant eux les perdants perpétuels enchainés à la police comme au pôle emploi. La mode et la drogue les tuent, sont-ils victimes ou forts conscients d’être des champions de l’ordre capitaliste ?, il faudra bien un jour qu’ils répondent de leurs actes, il faudra bien qu’ils s’expliquent sur le shit, le dénie de solidarité, les techniques de balance, la pornographie adorée, le bling-bling digne des présidents tueurs d’enfants, leurs singeries des pires assassins Nord-américains, leur respect débile de la religion, leur nationalisme pour des drapeaux rouges de sang et le crane oublie des valeurs qui ont levé les guérillas indépendantistes pour jeter l’envahisseur blanc à la mer. Ce jour-là nous serons de partout, réellement sans frontière. Les quartiers populaires sont ainsi à l’image de la société entière, vérolés par le mal et sur la pente de l’abîme, simplement c’est avec regret que la concentration de misère, matérielle et sentimentale, c’est avec mélancolie que l’état des lieux amène à la conclusion que rien ne nait de ces souffrances, rien de révolutionnaire, aucun sentiment assez digne pour balayer les tortures illégitimes du système, aucun acte du cœur, aucune rage lucide, rien sinon la reproduction systématique des comportements que dictent l’appareil de contrôle de la société raciste et capitaliste.
N’ayant plus la stratégie d’en faire des prolétaires plus ou moins dociles, cette société-là les laisse sombrer dans une délinquance totalement maîtrisée, ennemis de l’intérieur aujourd’hui, justification de l’état sécuritaire et prétexte aux guerres de civilisation pour demain. Ce pari risqué, ce stratagème machiavélique pour rendre la sécurité démocratique indispensable, suppose de flirter en permanence avec un état de guerre civile larvée, et sans presque rien de plus, le chaos l’emporterait sur les lois scélérates pour accoucher d’une dictature flagrante ou d’une guerre ouverte.
Les bourgeois parlons-en et chacun aura une pierre pour lancer sur l’autre, et les classes diverses, insolubles l’une dans l’autre comme l’eau et le huile, auront toutes deux une vérité tenace à jeter à la tête de l’autre. Un camarade se promet de faire sauter le 8ième arrondissement sans autre forme de procès. La discussion est âpre. Certains assurent que là-bas il n’y a pas un innocent, que les bombes jetées à la volée sur les terrasses bondées de ce Paris si lointain de la réalité ne tueraient que de fieffés coupables. D’autres veulent simplement les rançonner comme si le vol était une solution au désordre social. Le vol nous lui avons pourtant déjà réglé son compte, parce que à voler les steaks bons marchés dans les épiceries de la rue Jean Jaurès de notre quartier périphérique, nous remarquons pourtant qu’ils reviennent toujours, carne immortelle au goût acre, carton coloré au sang des usines de l’Europe des morlocks. Il faut bien se mettre d’accord : exclure n’est pas une approche acceptable, détruire ne vaut que pour reconstruire avec tous et la justice implique qu’on ne puisse se substituer au désir général parce que nous ne sommes pas représentants ou élite du peuple ou d’une de ces parties. Elle est dure à faire avaler aux plus radicaux d’entre nous, elle saute en effet aux yeux la bêtise assassine des beaux quartiers, sa jeunesse droguée et morte-née sans jamais rendre de compte, eux les prolétaires supérieurs de l’industrie des oisifs, mode, spectacle, art dadaesque, univers du paraître et de la nuit des chiennes, et les gros papas, et les grasses mamans, ces analphabètes du cœur, de la fraternité et de la solidarité, ceux qui confondent la charité et la compassion, la littérature et Télérama, la vigilance populaire et la police, la justice et l’administration pénitentiaire et certainement Thiers avec une inoffensive artère bouchonnante de la capitale.
Ah les bourgeois, qu’en faire ? Et d’abord qui sont-ils, à quoi servent-ils donc ? Nous convenons d’être éducationistes bien que toujours prêts pour faire le coup de feu au quatre coins du monde pour les camarades qui luttent contre ces bourgeois-là. Parce qu’il n’y a pas à se tromper, ces gens-là sont nos ennemis mortels. A tous les liquider les forces productrices ne seraient pas même freinées et les richesses enfin libres d’être réparties, le travail d’être organisé par les travailleurs donc enfin libéré de son carcan inhumain pour redevenir le juste lien nécessaire d’une civilisation créatrice et libertaire ; l’équation du bain de sang est tentante, nous voulons dire par là qu’il est tentant de retourner cette équation, que les derniers deviennent les premiers, que les assassins deviennent les victimes, étant entendu que cela serait l’ultime carnage de ce dur et long chemin vers l’émancipation. Les deux cent familles sont peut être deux mille, les cent mille têtes passeraient alors le million et pourquoi pas alors exclure des villes bourgeoises ces tarés aux comportements gâtés par le capitalisme pour que la Nature les force à nouveau sur le droit chemin, celui de la terre, celui du chant des oiseaux, des feux de bois crépitant au soir d’une rude journée, la peau salée par de belles larmes de sueur arrachées à leur vertu, et la pluie, et le vent et le rythme des quatre saisons. Un jour prochain nos bourgeois d’aujourd’hui mourront d’eux-mêmes ou s’adapteront dans une société des plus justes, sans bénéfice, sans marge, sans rente, sans capital, c’est dire sans qu’aucun ne puisse voler le travail d’autrui, encore mieux dit sans qu’aucun ne puisse voler la vie d’autrui.
La classe moyenne est cette chose sans forme et sans contour, un sac de fonctionnaires de l’administration, des générations abaissées à la production de services, de dépendances ; fourmis un peu stoned, le monde du travail à remplacer le champs, l’usine ; le crédit s’est substitué au fouet, la dette perpétuelle à la faim tenace ; les pèlerins sont devenus des touristes au bon vouloir de la nouvelle Inquisition, ils prient devant les enseignes lumineuses, les écrans plasmas et les jeux du cirque. A s’embourgeoiser les kapos fortifient le système et se rangent dans la lutte des classes du côté des maîtres ; le corps des fonctionnaires est d’ailleurs son refuge, flics où profs, bibliothécaires ou infirmiers, militaires ou affectés aux espaces verts, c’est la démonstration de puissance et l’aveu de pérennité de l’administration. Petits salariés, précaires au bonheur, effrayés de perdre leur rang, les premiers sacrifiés dans la brutalité d’un changement radical, petits salariés et néanmoins les plus dangereux, les plus réactionnaires et les plus bêtes car ils n’ont guère plus que les avantages d’un gardien de prison et pas grand chose d’autre comme gloire à leur nom. La classe moyenne cultive toutes les tares et toutes les hypocrisies, toutes les bassesses et toutes les frustrations, toutes les maladies et toutes les erreurs, c’est la graisse qui huile chaque jour l’immonde système. Mais la graisse se brule au flambeau de la connaissance, de la vérité, c’est la peur du noir qui s’évanouit, il n’en faudrait pas plus pour que ne fonde ce pouvoir insensé. D’un petit mot on notera que certes, le bourgeois est un assassin, certes le petit patron est un damné frustré, que le salarié est autant bourgeois que prolétaire, et bien il faut le dire le fonctionnaire, héros de la classe moyenne, est une triste savonnette, un traitre, un inconscient, un bête soldat aux ordres. Il peut bien chercher à se défendre, le prof peut bien nous enfumer avec l’Education majuscule, et le magistrat travesti chier sur la Justice en robe du soir, nous savons bien qu’ils participent au mensonge collectif et systématique de l’Ordre Nationale à asseoir la voix du maitre, ce ne sont tous à leur poste que de misérables tortionnaires, dans la rue, dans les hôpitaux, dans les administrations, dans les commissariats et les palais d’injustice, ce sont eux la bête morbide qui soutient l’État car un fonctionnaire n’est rien de moins qu’un fantassin. Qu’ils s’enfuient tous, alors, parce que si l’insurrection venait elle ne serait pas tendre avec eux dans cette bataille de plus de cette guerre en cours.
Aux Universités populaires des marins en carafe nous ont refilé les bouquins déjà lus de Pouget et Malatesta, de James Guillaume et de Louise Michel, de Tiqqun et quelques fractions invisibles d’un parti imaginaire au grand jour depuis que certains membres sont passés à l’ombre. La stupeur nous a coincé comme ce jour ou nous avons coincé un livre de Debord dans une librairie de Bogotá. Tout est là camarades, seul manque le black out, un peu de temps, la fin des mensonges télévisés, la fin des billets dans les distributeurs aux langues muettes, la fin de l’empire des services et de la paresse, la fin de l’exploitation par les usuriers, la fin des prisons pour citoyens à la marge et la flicaille morte de peur. En Urbanie l’Anarchie est tenace comme le mot Libertad dans les fusils latins, et nous en sommes : à chacun selon ses moyens et à chacun selon ses besoins. L’envie est bien trop forte pour parler au singulier. Nous sommes si nombreux, si lucides pour marcher comme des mécaniques huilées au gras quotidien, et la machine immense et écrasante nous mangent comme des prolétaires, ceux du temps de nos grand-pères. Il existe les miliciens et il existe les autres, ces autres qui refusent le commandement des ogres aux ordres des puissants, à certains la vie oisive, sale et sans amour, à nous la force, cette abnégation des forçats, et les muscles tendus des mangeurs de pierre. Abrutis et noyés dans l’extase de la fin du service, la quille nous noie jusqu’au lendemain, c’est à confondre ce sentiment que l’on ne doit pas dire sous peine qu’il s’enfuit et la carne vendue à nos têtes fendues.