14 août 2011 7 14 /08 /août /2011 11:20

 

par Anne Wolff

 

Le texte précédent, trouvé sur le blog de Serge est l'analyse la plus pertinente que j'ai trouvée au sujet des émeutes de Grande-Bretagne, tous les autres textes m'ont laissée dans un état de malaise : il y a quelque chose qui cloche, mais quoi ?  

Une des choses qui me gêne déjà, je ne trouve aucune trace de la parole des émeutiers. Chacun s'interroge, disserte, condamne ou stigmatise, mais personne ne semble prendre la peine de recueillir la parole de ceux qui sont ainsi mis en cause.

Je ne me permets de juger de la forme que prend le combat d'autres personnes.

Je n'ai personnellement l'intention de ne pratiquer ni l'émeute, ni le pillage. Simplement parce que je pense qu'il est possible de faire mieux de sa vie que de rester fascinés par les symboles d'un système qui nous opprime d'autant plus que nous souscrivons aux valeurs qu'il voudrait nous imposer.

Mais cette fascination est voulue, volontairement fabriquée grâce à cet horizon de convoitise créé par la publicité, la télévision, le cinéma.... C'est cela la vraie cause des émeutes, la création de cet horizon qui restera toujours d'autant plus inaccessible que l'on appartient à certaine "catégories" de population. Une insulte, une provocation, un gigantesque foutage de gueule. La réaction la plus saine serait évidemment de se détourner de tout cela pour fonder un autre monde, bâti avec d'autres valeurs. Mais pour cela, il faudrait déjà avoir conscience que c’est possible. Or tout est fait pour éviter cette prise de conscience. Il n’y a qu’à voir la violence de la réaction à Flagey à Bruxelles quand quelques indignés assis paisiblement invitent la population a deviser ensemble de sujets qui nous concernent tous. Je parle de ce moment précis, une quarantaine de personnes assises tranquillement, et ? une centaine de flics fédéraux anti-émeute, plus les locaux, les chiens, l’autopompe…

Il n’y a qu’à voir les attaques concertées contre le mode de vie « alternatifs » en Europe. Interdiction des habitats nomades, expulsions de squats dont certains existaient depuis plusieurs décennies. Les jeunes des banlieues, des quartiers pauvres n’ont pas connaissance de ces modes de vie différents ou alors on les a programmé pour les mépriser et ils sont tombés dans le piège… ringardisation, discrédit par l’ironie… La seule valorisation devient la possession des symboles, les marques qui uniformisent en tant que signe d’appartenance. Et puisqu’il ne sera jamais possible de les acheter, on se les approprie… Et ce n’est que conséquence logique de tout le dispositif de stimulation de la convoitise comme une des valeurs fondatrices de notre société.

Ce qui me gêne aussi, c’est cette opposition entre le bon et le mauvais « étranger ».  Souvent le bon est un « ancien » arrivé à une époque de relative prospérité et qui a pu faire sa place dans ce cadre, dans un autre monde en fait, dans un monde révolu. Le contexte est totalement différent, les perspectives ouvertes aux anciens n’existent pas pour la majorité des jeunes.

Je le constate de toute part, nous venons de franchir un seuil dans l’accélération de la mutation du monde et de la mise en œuvre d’une guerre totale contre les peuples des humains or la riposte existe, incontestablement et ne cesse de croître. Mais elle reste polymorphe, morcelée, locale. Des groupes en lutte, des groupuscules apparaissent chaque jour partout sur la planète, ils n’arrivent pas à s’unir, à faire bloc, nombre d’entre eux ne cherchent pas à le faire. Des groupes minuscules, insignifiants continuent à prétendre être les détenteurs de la recette magique pour l’avenir de l’ensemble de la planète. C’est ridicule, burlesque et infiniment tragique.

Comme beaucoup d’entre nous, je suis prise dans les doutes, les interrogations et plus ça va plus c’est intense. Il y a urgence mais la précipitation tue. Avec qui suis-je alliée ? L’ennemi est partout…mais non je ne suis pas parano. L’ennemi, ce sont toutes les formes du fascisme (la peur qui débouche sur la haine et le désir d’extermination de l’autre) entre autre. Le micro-fascisme  est la pire de ces formes, il est omniprésent, insidieux, il resurgit au détour d’une phrase, d’un regard. Aucun d’entre nous  n‘est totalement immunisé. Et plus nous entrons dans la guerre totale, plus il se fait redoutable et chacun doit être vigilant pour soi-même, mais aussi autour de soi.

Face aux émeutiers, il y  a la traditionnelle réponse micro-fasciste des petits bourgeois frileux et autres effrayé de la vie. Cela c’est récurrent, on pouvait s’y attendre, cela ne choque plus qu’à peine. Ceux-là n’ont pas attendu les émeutes pour rejeter la différence au nom de « la peur de l’inconnu ». C’est une franche de population prête à accepter toutes les dérivés sécuritaires,  quitte à ce qu’elles éliminent quelques « bons » pour autant que leurs biens et leur misérable vie de limaces soient protégées.

Maintenant dans les récits que j'ai lus je constate aussi la présence de micro-fascisme chez les émeutiers et de violence aveugle. Mais épiphénomènes montés en épingle ou essence des émeutes. Quand je vois comment on gonfle ici les actes de quelques Indignés à tendance plus violente, alors que l’immense majorité d’entre nous optent pour des actions pacifiques. C'est une des maières les plus courante de jeter le discréditsur un mouvement.Quitte àpayer quelques agitateurs pour fabriquer les incidents.

 

Ce qui me choque, ce sont les retournements de veste des nantis qui se la jouait tolérant, « amis du peuple » (en parole),  ils se croyaient à l’abri, dans leurs forteresses ils ne risquaient rien. Et à peine ils se sentent menacés, la peur leur fait perdre tout esprit critique : il faut sévir, expulser… Ce sont de dangereux bandits, des criminels, des assassins. Il est vrai, rien de tel qu’une émeute comme couverture pour des activités criminelles. Mais il y a aussi certainement pour beaucoup de p'tits gars,ce sentiment : "Ils peuvent me tuer demain...pour rien. Alors d'aujourd'hui je profite" Défi à la vie plus encore qu'au système...

 

A ceux qui stigmatisent les émeutes de leur mépris les discréditant d’un dédaigneux : « Elles ne sont pas politiques », je dis il faut rester logique, il y a longtemps que la politique a été supplantée et réduite à néant par le tout puissant Economisme. Je doute que les émeutiers aient eu l’occasion de bénéficier d’un apprentissage, d’une culture politique très poussés.  Alors oui, les émeutes sont aussi économiques et vous vous attendiez à quoi ? Malheur à celui par qui le scandale arrive et susciter en permanence chez autrui des tentations qu’il ne peut assouvir, c’est un pur scandale ! Cela ne fait que commencer et même si je déplore que cela en arrive-là, pas tant pour les nantis égoïstes que pour beaucoup de ces petits gars qui auraient certainement mieux à faire de leur vie dans un contexte plus favorable, j’entends une petite voix qui insiste et me dis « Peut-être que la société n’a que ce qu’elle mérite. Peut-être devrait-elle voir là un avertissement de désordre pire à venir. Il vous est donné une dernière chance de changer votre manière d’habiter la planète. Pour cela il faudrait comprendre la différence entre un droit et un besoin fabriqué. »

Et le premier droit planétaire, c'est que chaque personne à droit au respect et aux moyens de la dignité du seule fait qu'elle existe et chaque individu qui n'agit pas en ce sens est désormais exclu du Peuple des Humains

Anne

 

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"Le vieux fascisme si actuel et puissant qu’il soit dans beaucoup de pays, n’est pas le nouveau problème actuel. On nous prépare d’autres fascismes. Tout un néo-fascisme s’installe par rapport auquel l’ancien fascisme fait figure de folklore […].

Au lieu d’être une politique et une économie de guerre, le néo-fascisme est une entente mondiale pour la sécurité, pour la gestion d’une « paix » non moins terrible, avec organisation concertée de toutes les petites peurs, de toutes les petites angoisses qui font de nous autant de microfascistes, chargés d’étouffer chaque chose, chaque visage, chaque parole un peu forte, dans sa rue, son quartier, sa salle de cinéma."

 

Gilles Deleuze, février 1977.

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