23 mai 2013 4 23 /05 /mai /2013 18:11

 

 


 

Le détournement des mots et concepts, pour les utiliser dans des contresens ou des non-sens, l’introduction de nouvelle notions chargées d’idéologie souvent in-définie, c’est ce que je qualifie de confusionnisme ambiant. Il me semble parfois que je devrais joindre à mon blog un lexique pour définir les termes que j’utilise… « en quel sens ».

La première fois que j’ai ressenti ce choc de détournement de sens, je revenais de voyage et me trouvais dans une salle d’attente d’une antenne emploi de Bruxelles. Sur la table git une brochure  pour apprendre à se présenter à un employeur potentiel. Et dans la brochure la liste du vocabulaire à utiliser.

J’aurais dû la copier et la garder précieusement. Il s’agissait tout simplement de se reprogrammer psychologiquement. Il y était question de « gérer sa vie »… j’étais offusquée, je gère mon pognon, et même très bien, pas ma vie. Tout le reste équivalait à une redéfinition de soi en des termes imposant leur structure psychologique.

J’ai eu souvent l’occasion de me trouver face à des gens désemparés pour avoir été soumis à un tel traitement, un peu en décalage avec eux-mêmes, obligés qu’ils avaient été de se redéfinir en termes aliénants par les contrôleurs sociaux, Contraints à un devenir autre pour être recevable sur le « marché de l’emploi ». De telles entrevues utilisent souvent des méthodes dignes de la scientologie… l’a priori est que si vous en êtes arrivé « « « là » » », c’est que vous avez tout faux, qu’il va donc falloir vous corriger, vous rectifier… mais disent les contrôleurs en phase d’approche : « Nous sommes là pour vous aider ». Les menaces, tentatives d’intimidation, la répression viendront plus tard, pour les incorrigibles.

« Demandeur d’emploi » au lieu « d’offreur de sa force de travail, » déjà c’est un contresens relativement aux soi-disant lois naturelles de l’économie de marché, c’est une de ces aberration de la novlangue qui opère un renversement du rapport de force, verbal qui va se cristalliser dans les inconscients collectifs sociaux, dans le vécu, dans l’éprouvé et telles sont aujourd’hui les choses que « quémandeur d’emploi » devient plus approprié.  

Désolée mais d’un emploi je n’en veux pas. Je veux un travail, qui ait du sens, parce qu’il s’intègre dans le cadre d’un projet de monde qui me convienne, dans une bonne convivialité. Je ne vais pas travailler pour les ennemis de l’humanité en fonction de leurs normes, à la construction de leur monde… et quoi encore ! Après, du moment que je puisse y mettre mn cœur, je ne rechigne pas à la besogne, même si elle est pénible. C’est ce genre d’attitude qui est à présent délégitimée, et il faut pouvoir manier les concepts et le idées mieux que les contrôleurs pour échapper soit au reformatage, soit à la déstabilisation psychologique.

Ce que j’appelle « crible social », qui a déterminé au cours des dernières décennies cette division des populations entre intégré ou rebus, est cette opération psychologique de reconditionnement en fonction des nécessités du système-monde imposé par les corporations transnationales. J’affirme que je suis non-intégrable. Et j’assume, avec le sourire. Ben tiens…Il vous plait à vous leur monde ? Moi je refuse de collaborer avec l’ennemi. Purée, il y a plus qu’assez de boulot gratifiant à faire pour le construire ce monde à dimension humaine   que pour ne  pas aller perdre son humanité à jouer les engrenage de leur machine à broyer du vivant !

 

Par contre je perds le sourire et j’ai la rage avec ce fond de douleur qui sourd  quand je vois les dégâts que cela fait dans le monde en général et autour de moi en particulier parce que la plupart n’ont pas le verbe qui leur permet de renverser les rôles et qu’ils se retrouvent déstabilisés psychologiquement  alors les contrôleurs les envoient chez le médecin qui leur prescrit les petites pilules rédemptrices et la plupart du temps cela ne fait qu’aggraver les choses. Je reviendrai sur ce sujet : la sélection sociale et le rôle de la novlangue. Ainsi sur cette dérive « marginal à exclu  à rebut », avec les conceptions du monde qui accompagnent cette progression et les conséquences concrètes dans les inconscients collectifs et dans la perception de soi de ceux qui en ont été sujets. En attendant je vous renvoie à ce texte DSM : quand la psychiatrie fabrique des individus performants et dociles - Médecine - Basta !  trouvé ce matin via Mes coups de coeur    je ne souscris pas totalement, mais si,  le renvoi aux catégories de malades mentaux à ceux qui refusent l’intégration ou la supporte mal, et c’est un phénomène qui prend de l’ampleur et dont le vocabulaire comme il apparait clairement dans ce texte relève aussi de la novlangue qui invente autant de maladies qu’il y a de symptômes au malaise social mais n’a d’autres remèdes que l’anesthésie ou la destruction de la conscience.

Le second choc de rencontre avec la novlangue, après un autre voyage, loin des médias, émission de radio où les informations sont proclamées dans une langue étrange qui me semble décalée de la réalité. Il est question de santé des ménages, surprise je comprends que « santé » se traduit par « pouvoir d’achat ». Ah bon !, Pas trop bonne parait-il, la santé mais, la présentatrice enchaine : « Pas de panique, tout va bien telle grande entreprise a réalisé des bénéfices fabuleux »… Là j’en reste baba, plus tard, j’entendrai Ricardo Petrella dans une conférence reprendre toute les réflexions que je m’étais faites. Je crois que c’est à ce moment que j’ai ressenti cette cassure, la fin du « bon sens populaire » : « Vos portemonnaies sont vides bonnes gens, mais qu’à cela ne tienne vos maitres eux s’en mettent pleins les poches…  Vous ne pouvez plus payer vos factures, qu’à cela ne tienne… les nantis eux vont bien. Et tant que l’électricité ne sera pas coupée, vous pourrez vivre par procuration, en regardant la téloche, la vie des peoples »… que demander de plus… sans parler d’usage du terme de santé dans un sens purement économiste, la vie par procuration et le Lotto. »

A mes yeux encore mal décillés, de telles paroles auraient dû provoquer des rébellions, on se moque de qui ? Mais non… je n’avais pas succombé à « la force de l’habitude », je n’étais pas mithridatisée contre les effets des venins de la propagande. A présent il est trop tard et cette accumulation de mensonges manipulateurs promulgués dans un langage au vocabulaire de contresens me donne toujours la nausée. Les radios, télévision, journaux n’étaient plus ceux que j’avais connus mais bien des outils de propagandes par lesquels des journalistes ineptes véhiculaient les messages destinés aux peuples par une Olympe dégénérée. Platon et sa république au pouvoir… Les crèches, écoles et autres garderies se chargeant de pré-formater les futurs citoyens (et les autres), petit à petit les notions diffusées rendent impossible la conception même d’un autre cadre d’avenir que celui parrainé par TINA  (Il n’y a pas d’alternative).  Aujourd’hui la production d’intelligence collective, qui est une priorité, passe par une réappropriation de notre langue, de nos langages.

 

D’autres termes alors m‘ont interpellée, nous n’avions plus des mandataires mais des « décideurs », terme qui désigne des gens souvent totalement hors de notre portée et des dirigeants, nouvelle appellation de notre personnel politique qui était passé au service de nouveaux employeurs…

Liberté, démocratie, qui déjà étaient devenus à mes yeux des concepts vagues ou flous ont encre perdu  de consistance quand j’ai lu Henri Laborit qui en parle comme des concepts émotionnels et donc par nature propices aux usages manipulatoires en particuliers dans le cadre de cette pensée dichotomique, avec des bons et des méchants… sans nuances. Etc… Savons-nous encore ce que nous disons et comment est perçu ce que nous disons quand les mots destinés à construire notre quotidien politiques reterritorialisés sur le plan économistes disent tout, son contraire ou se contentent de brasser des leurres de néant…

 

 

Combattre la NOVLANGUE néolibérale

(Conférence de Pierre Lévy)

Pierre Lévy, rédacteur en chef du journal« Bastille, République, Nation » était l’invité jeudi dernier de l’association des « Amis du temps des cerises ».

 

Lors de cette conférence, il a axé son propos sur la langue utilisée par les néolibéraux qui est en train de déposséder le peuple de ses propres mots. Il importe absolument de combattre cette opacité volontairement entretenue afin que le peuple se désintéresse de son propre sort faute de pouvoir le comprendre. Et pourtant l’espoir persiste puisqu’il suffit souvent de révéler l’intérieur d’un texte pour en provoquer sa destruction comme le « non » au traité constitutionnel l’a démontré en 2005.

 

Il est actuellement inquiétant d’observer la progression néolibérale au sein de l’espace linguistique, puisque la subversion de nos mots par nos adversaires correspond à leur victoire. Penser avec les concepts des autres est déjà le signe d’une défaite.

 

Pierre Lévy a ainsi montré comment un plan de licenciement est devenu un plan social puis un plan de sauvegarde de l’emploi. Les termes employés correspondent à l’inverse de la réalité. Les emplois d’avenir sont souvent des emplois sans avenir ou au moins d’attente, faute de proposer de véritables emplois durables. Le plan de sauvetage de la Grèce est en fait un plan de sauvetage de ses créanciers, qui place Athènes en situation de mort clinique.

 

Dans le même esprit, le plan de modernisation et de sauvegarde de système de protection social coïncide à son recul pour ne pas dire à son démantèlement. Attalia rendu son rapport de libéralisation de la croissance alors qu’il s’agit avant tout de s’attaquer aux statuts des fonctionnaires ou aux avantages des salariés.

 

Le terme de compétitivité a tendance à s’insérer dangereusement dans de nombreux domaines tels que les hôpitaux, les universités avant les tribunaux ? Les usagers de services publics deviennent des clients...

 

La confrontation patrons-syndicats est également biaisée puisqu’au lieu de la considérer comme un rapport de force c'est-à-dire une lutte des classes, la novlangue néolibérale utilise des termes tels que partenaires sociaux ou dialogue social, qui laissent à penser que les « partenaires » ont les mêmes intérêts. Ces termes placent les responsables syndicaux dans une situation délicate.

Concernant la dette le problème est identique. Les journaux allemands utilisent les mots demontagne de la dette qui ont un côté effrayant. Face à la gestion de la dette, l’utilisation des termes de pays vertueux apparait dangereuse puisque personne ne veut être un pays vicieux. Les pays sont placés dans une situation d’élève vis-à-vis de Bruxelles puisqu’il s’agit parfois de remettre sa copie afin d’éviter d’être classé parmi les mauvais élèves de l'UE.

 

Ce rapport de parents-élèves a également été instauré lors de la victoire du « non » au traité européen, où les tenants du « oui » estimaient avoir manqué de pédagogie renvoyant ainsi le peuple au rôle de « garnement ». L’UE souhaite également mettre en place des campagnes pédagogiques. Le parlement ne représente plus le peuple mais l’éduque.

 

Les réformes structurelles néolibérales sont facilitées par l’utilisation d’euphémismes qui laissent à penser qu’il s’agit de réformes marginales. Ainsi les politiques d’austérité se transforment en maîtrise des finances publiques ou en ajustement budgétaire.

 

Les termes implicites sont également utilisés pour favoriser la mise en place de politiques néolibérales. Ainsi l’utilisation du mot assainissement pour évoquer les finances publiques laisse à penser qu’elles ne sont pas saines. 

 

La mise à la diète des fonctionnaires sous-entend que ces derniers vivent dans l’opulence.

 

La modération salariale renvoie à la même idée concernant les salariés. Dans le même esprit, les politiques de privatisation consistent à faire « respirer » le secteur public et les politiques de démantèlement du code du travail consistent à s’attaquer aux rigidités de ce dernier.

 

Le rapport à l’emploi est également décri d’une manière particulière, puisqu’il s’agit de « décrocher » un emploi comme s’il s’agissait d’une chance exceptionnelle. Pour y parvenir, il est demandé d’être flexible, c'est-à-dire de s’adapter aux contraintes horaires ou géographiques de son employeur, voire agile, en démontrant par exemple sa capacité à prendre un emploi de 2 mois à Riga ou à Lisbonne.

 

Les conflits militaires sont également adoucis par la novlangue néolibérale. Ainsi les bombardements sont remplacés par des frappes chirurgicales et les bombes qui ratent leur cible comme des « bavures ». Les opérations militaires deviennent des opérations de sauvegarde de la paix. Les adversaires deviennent des Etats « voyous » pour lesquels on utilise fréquemment les termes de « dérapage » ou de « provocation ».

 

Enfin le problème de l’anglicisation reste délicat pour différentes raisons. Tout d’abord sa traduction peut parfois poser problème comme pour le mot « people » qui veut aussi bien dire peuple que population et qui sème la confusion en français où le second remplace le premier. Cette évolution a tendance à faire ressurgir l’individualisme en faisant émerger les communautés au détriment du peuple comme une unité indivisible. Autrement dit : diviser pour mieux régner.

 

L’anglais devient également la langue des élites. Le Monde publie ainsi quasiment chaque jour un titre en anglais ce qui signifie implicitement qu’il n’est pas concevable que leurs lecteurs ne puissent pas maîtriser la langue de Shakespeare. Cette progression de l’anglais est donc particulièrement inquiétante. Certains veulent même que cette langue soit enseignée dès la maternelle et que des cursus universitaires en anglais deviennent la règle.

 

A l’arrivée, il semble que l’on veuille déposséder le peuple de ses mots pour que non seulement il ne puisse plus intervenir sur son avenir mais qu’en plus il ne soit plus en capacité de le comprendre. Les néolibéraux semblent s’approcher de plus en plus de leur objectif qui est de faire disparaitre l’idée que le peuple puisse prendre en main son avenir.

 

Les journalistes ont un rôle non négligeable dans la propagation de cette novlangue. De même l’existence de clubs comme « Le Siècle » favorise cette propagation puisque les élites utilisent ces mêmes termes en parlant entre-elles.

 

Le danger est que l’émergence de cette novlangue qui exclut les peuples aboutisse à l’émergence de concepts faux comme celle de peuple européen qui aurait une conscience européenne alors que du fait de son histoire la France est beaucoup plus proche d’un pays comme l’Algérie que d’un pays comme l’Estonie. Tout comme l’Allemagne est plus proche de la Turquie que de l’Irlande.

 

Pierre Lévy décida de conclure son propos par les mots de François Hollande : « Ce qui nous menace aujourd’hui n’est plus la défiance des marchés mais celle des peuples ». Ce n’est pas en créant des structures technocratiques et anti-démocratiques que cette défiance diminuera. Les peuples doivent reprendre leur parole et récupérer leur souveraineté.

 

Theux

  Source : L'ESPOIR 

Via canempehepasnicolas 

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Le blog de Anne Wolff
  • : Comprendre la globalisation, apprendre à y résister
  • Contact

Profil

  • Anne Wolff
  • Amoureuse de la vie, d'une fleur, d'un papillon, d'un arbre, du sourire d'un enfant, je m'oppose à tout ce qui conduit à la destruction systématique de ce que la nature a créé, de la vie, de la beauté du monde, de la tendresse et de la dignité
  • Amoureuse de la vie, d'une fleur, d'un papillon, d'un arbre, du sourire d'un enfant, je m'oppose à tout ce qui conduit à la destruction systématique de ce que la nature a créé, de la vie, de la beauté du monde, de la tendresse et de la dignité

No Pub

Malgré les publicités imposées dans sa nouvelles versions qui apparaissent sur ce blog,celui-ci reste un acte gratuit.

Recherche

Nouvelles formes du fascisme

"Le vieux fascisme si actuel et puissant qu’il soit dans beaucoup de pays, n’est pas le nouveau problème actuel. On nous prépare d’autres fascismes. Tout un néo-fascisme s’installe par rapport auquel l’ancien fascisme fait figure de folklore […].

Au lieu d’être une politique et une économie de guerre, le néo-fascisme est une entente mondiale pour la sécurité, pour la gestion d’une « paix » non moins terrible, avec organisation concertée de toutes les petites peurs, de toutes les petites angoisses qui font de nous autant de microfascistes, chargés d’étouffer chaque chose, chaque visage, chaque parole un peu forte, dans sa rue, son quartier, sa salle de cinéma."

 

Gilles Deleuze, février 1977.

Toutes Dernières Archives