27 novembre 2013 3 27 /11 /novembre /2013 12:35

Je poursuis mon panorama de la situation au Honduras post-fiction-électorale. Hier je publiais le texte d’OFRANEH (Honduras : JJ Rendon, la droite fasciste et la fraude annoncée) qui décrit d’une part le rôle de JJ Rendon qui est un élément majeur de la guerre psychologique menée en Amérique Latine pour déstabiliser les gouvernements et museler les peuples qui s’opposent au pillage-appropriation de la région au non « des intérêts et de la sécurité des Etats-Unis ». Un texte qui montre les principaux rouages d’une fraude annoncée, qui s’inscrit dans un processus continental de reconquête dont JJ Rendon incarne l’aspect de guerre psychologique..

Aujourd’hui je vous propose ce texte de l’ethnologue et avocat quechua Ollantay Itzamna qui met en évidence le rôle de LIBRE dans la démobilisation de l’immense soulèvement populaire qui à suivi le coup d’état, au bénéfice d’une stratégie électorale dont la confiscation était prévisible, ce qui a pour tragique conséquence que malgré une fraude grave et flagrante, le peuple est fort peu mobilisé. Gorgio Trucchi, décrit Tegucigalpa lundi matin comme une ville aux rues désertée par ses habitants.

Le coup d’état du 28 juin 2009 au Honduras a été le premier pas de la stratégie de reconquête de l’Amérique du Sud par le régime Obama. Le renversement de Lugo au Paraguay marque une autre étape de « coup d’état doux », mais cette reprise en main du pouvoir politique n’est qu’un des fronts d’avancée de la recolonisation, qui depuis la disparition d’Hugo Chavez semble avoir les mains libres pour progressivement se déchaîner.

La progression de la militarisation du continent sous égide de Washington, la présence croissante de mercenaires des armées privées au service de Transnationales, le déferlement de bandes, les maras dont la violence et innommable cruauté trouve son origine dans les prisons des Etats-Unis ou dans leur formation militaire, constituent des éléments de la déstabilisation continuée qui maintient les populations de plusieurs pays de la région – culminant en Colombie, au Mexique, au Honduras – dans un état de terreur permanent. Alors que sont pratiqués au quotidien les éliminations ciblées des leaders sociaux, syndicaux, paysans, de journalistes, de défenseurs des droits humains, les emprisonnements de résistants, les disparitions forcées, les tortures aussi, l’arme du terrorisme d’état et de la libre croissance de bandes plus cruelles les unes que les autres, est un des instruments privilégiés de la recolonisation, du musellement des populations rendues impuissantes par la peur et la misère.

S’il est clair par exemple qu’Evo Morales a dernièrement gagné quelques batailles sur la scène internationale, le fait que les OGM progressent en Bolivie, alors que Correa ouvre l’Equateur à leur culture, nous parle de batailles perdues. La cession de territoire aux corporationx transnationales se produit de différentes manières, la plus aboutie est cette création de cités modèles, adoptée dernièrement au Honduras sous le nom de ZEDE, stade de dépossession accrue qui succède aux zones franches, mais de la même manière que certains considèrent avec raison que l’exportation massive de soja par exemple est aussi une forme d’extractivisme, car tirant du sol des oligo-éléments qui ne seront pas renouvelés, la cession des droits sur des ressources naturelles, sur des territoires les recelant qui ne retourneront au patrimoine national que vidés de leurs richesses, la production agro-industrielle qui détruit le potentiel des terres qu’elle exploite, bref les modes de l’appropriation du Sud par le Nord sont multiples et variés, s'étendent et s’intensifient de jour en jour.

J’ajouterai donc aux directions préconisées par l’auteur du texte, celle de l’intensification des processus, à toutes échelles, d’une intégration régionale de complémentarité et de résistance. Ce n’est que par la mise en œuvre d’un processus de souveraineté et de renforcement de l’autodétermination régionales que les forces vives du continent Sud pourront vaincre ensemble un ennemi commun, le colonisateur du Nord et les oligarchies locales qui le servent et lui servent de Cheval de Troie.

Anne W

 

Honduras : leçons et défi du processus électoral apparent

11/26/13 •  

 

OLLANTAY ITZAMNA 

Pour qui suit de près le processus de la désintégration sociale et de la dissolution de l’Etat hondurien de façade, il n’est pas surprenant que le Tribunal Suprême Electoral (TSE, présidé par un ex député du Parti National) déclare comme gagnant des élections nationales le néo libéral Juan Orlando Hernandez, même avant le dépouillement de 100% des urnes. 

L’Ambassade nord-américaine, le TSE (Parti National et Libéral), la Confédération des Entreprises privées et la hiérarchie catholique et évangélique, avaient déjà décidé du « gagnant » de cette élection quand le Président Pepe Lobo signa l’Accord de Cartagena de Indias qui permit le retour de Manuel Zelaya Rosales au Honduras (2011)

Cette décision anticipée fut ratifiée face à l’euphorique multitude rouge-noire qui reçu le président renversé, qui revenait transformé en colosse, à l’aéroport international de Tocontin de Tegucigalpa.

Ce qui suivit après fut seulement un théâtre conçu pour démobiliser les forces sociales inédites du Front National de Résistance Populaire (FNRP) et le réduire à un Parti Politique (2012)

Ce danger fut dénoncé par l’Organisation Fraternelle Noire du Honduras (OFRANEH) et le Conseil Civic des Organisations Populaires et Indigènes du Honduras (COPINH) et le Diocèse de Santa Rosa de Copán. Mais cette question fut refermée sans débat suffisant à l’intérieur du FNRP et Libre, se tût.

Quelles leçons nous donne ce processus électoral apparent ?

Premièrement. Il ne faut jamais sacrifier, démobiliser, un mouvement social populaire d’un peuple en vue de participer à une bataille électorale inégale de manière préméditée.

Le Parti Libre a eu l’occasion de devenir un instrument politique du FNRP, mais il s’est converti en Parti Politique centré uniquement sur la bataille électorale, abandonnant les objectifs d’organisation-conscientisation-mobilisation du FNRP. Et maintenant, face au « vol des élections » qu’il subit, il n’existe pas de mouvement social national articulé et fort qui depuis la rue obligerait l’oligarchie à respecter la volonté populaire exprimée par les urnes.

Dans des pays comme le Honduras, les exclu(e)s peuvent gagner les élections, mais s’ils ne sont pas organisés en mouvements sociaux ils gagneront pour perdre. Parce que face à la première tentative de changement dans l’appareil productif et dans les relations de dominations établies, les privilégiés défenestreront le gouvernement populaire sans qu’il n’y ait une armée ou un peuple qui le défende dans les rues..

Deuxièmement. Pour obtenir le triomphe électoral, dans un pays qui languit dans la mendicité, il n’est pas suffisant de mener une « campagne politique » (pendant la période électorale) pour libérer le peuple. Libre a commis cette grave erreur. Beaucoup de candidat(e)s ont cru que la promesse d’un « vote libre » dans les villages et les municipalités (produit de leurs visites sporadiques à la campagne), seraient suffisante pour gagner les élections, mais ils négligèrent sa décolonisation et l’éducation politique permanente.

C’est pour cette raison que les appauvri(e)s ont vendu, une fois de plus, leur vote à leurs patrons en échange de nourriture, boissons et autres cadeaux.

Ce n’est pas la vérité qu’au Honduras, il y aurait des millions d’oligarques. Pourtant c’est la quantité de votes qu’obtient la droite. De même que ce n’est pas une vérité que les « votes libres » seraient des votes conscients. S’il en était ainsi, la résistance serait dans les rues en ce moment.

Le Honduras a besoin d’une culture d’organisation. Il doit consolider et renforcer les naissantes ou circonstancielles structures organisées dans les différents villages, hameaux et municipalités qui ont promu Libre dans ce processus électoral, pour les convertir en noyaux organisés et articulés du Front National de Résistance Populaire. Dans ces espaces et d’autres, il faut impulser des processus de formation-conscientisation pour la construction et l’exercice du pouvoir local. Verrons-nous les député(e)s et maires élu(e)s assumer ces enjeux comme une opportunité et un défi ?

Troisièmement. Il faut rompre avec les croyances et pratiques de la politique traditionnelle de l’intérieur. On peut arriver au pouvoir avec des « ex » politiques traditionnelles de candidats. Mais refonder le pays par des méthodes politiques anciennes, ce n’est pas crédible pour les secteurs subalternes de la population qui, à présent, commencent à se réveiller. Ceci était et reste une observation exprimée depuis le Honduras profond mais on ne lui prête pas la moindre attention. Cette situation entraîne, dans une forte mesure, que les indécis votes libres allèrent vers le récent Parti Anti Corruption (PAC)

Plusieurs des député(e)s élus sur les listes de Libre sont d’ex leaders politiques du Parti Libéral, les yeux de la population hondurienne seront sensibles aux conduites de ces politiques. Il ne reste pas le moindre doute que c’est aussi d’eux que dépendra que Libre grandisse ou s’évanouisse électoralement dans les prochaines batailles électorales.

Le mieux qui puisse arriver à Libre, au-delà de ses erreurs, est de ne pas être au gouvernement dans l’actuelle conjoncture de Honduras. Dans les mois qui viennent des convulsions sociales permanentes s’ajouteront au déjà très rude panorama de violence généralisée parce que le pays traverse une limite existentielle.

Le problème hondurien ne consiste pas uniquement en la résolution de la crise économique ou de la misère généralisée, mais dans le fait de concevoir et mettre en marche un projet d’Etat et de société pratiquement inexistants au Honduras. Une tâche urgente et pas facile. Mais cela oui, Libre à la brillante opportunité d’apporter pour la première fois dans l’histoire hondurienne, une opposition créative et faisant des propositions depuis le Congrès National et depuis les municipalités pour réveiller et mobiliser la volonté populaire endormie.

 

Traduction Anne Wolff

Source en espagnol :

Honduras: lecciones y desafíos luego del aparente proceso electoral | CONTRAINJERENCIA

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