Nous sommes à San José, un petit village du Mexique, dans la cuisine d’une pauvre maison en pisé. Comme tous les jours, Adelita prépare la nourriture de base pour son mari Diego et ses quatre enfants. Elle verse 500 grammes de nixtamal (farine de maïs) sur la table, y ajoute une petite cuiller de sel et commence à travailler de ses mains la pâte qui se forme tandis qu’elle y incorpore progressivement de la graisse végétale et de l’eau afin qu’elle soit malléable. Lorsque la pâte est homogène, Adelita la sépare en douze boules de la taille d’un œuf, la laisse reposer vingt minutes sur la surface farinée puis étend les boules en minces galettes à l’aide d’un rouleau à patisserie. Elle fait enfin frire le tout deux minutes de chaque côté dans une poêle remplie d’huile d’olive.
Adelita vient de faire des tortillas que sa famille mangera accompagnées de frijoles (haricots rouges). C’est le plat traditionnel des pauvres mexicains qui représentent 70 % de la population de ce pays. Et elle se demande si ce n’est pas la dernière fois, tant le prix du maïs augmente vertigineusement depuis quelques années.
Rien que cet année, il est passé de 5 à 10 pesos le kilo et son mari José ne touche que le salaire minimum, soit 613 pesos par mois (62,50 euros). Etant donné que sa famille, comme tous les autres pauvres, consomme 15 kilos de tortillas par mois et par personne, le calcul est vite fait : au début de 2006, son budget tortillas mensuel s’élevait à 375 pesos. Un an plus tard, il était de 750 pesos par mois. Nettement plus que le salaire de son mari, même si ce dernier vient d’être augmenté de 3,89 %. La famine pointe.
De toutes façons, ce ne sont là que des chiffres, des abstractions qui ne veulent plus rien dire pour Adelita depuis 1999. Car cela fait longtemps qu’elle a remplacé ses tortillas jadis quotidiennes par des soupes instantanées saturées de mauvaises graisses, bourrées de colorants industriels, saturées de sodium et pour la plupart sans aucun apport énergétique produites par des industries locales ou états-uniennes sans scrupules. Les tortillas désormais, c’est pour les jours de fête.
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Ethanol contre tortillas : les Mexicains crient famine - AgoraVox le média citoyen
par mardi 6 mars 2007