3 juillet 2019 3 03 /07 /juillet /2019 12:13

 

 

De la banalisation de l'horreur

La traversée du Rio Bravo par les migrants, une tragédie quotidienne indéfiniment répétée.

Rien ne me met plus en rage, une rage douloureuse, que de voir comment les médias utilisent l’arbre pour cacher la forêt. Aujourd’hui le monde s’indigne parce qu’une petite fille salvadorienne est morte dans les bras son papa qui lui aussi a perdu la vie en tentant de la sauver des eaux traîtres du Rio Bravo.

 

Voici ce que vivent quotidiennement des centaines de familles qui se lancent dans la périlleuse traversée, alors même que la migra, déjà, veille sur l’autre bord, et cela dure depuis des années . Cette scène se reproduit tous les jours, plusieurs fois par jour, sans caméra pour témoigner, et nombreux sont ceux qui n’atteignent pas l’autre rive.

Et cela va continuer, cela se passe aujourd’hui, cela se passera demain,... mais les feux des médias éclaireront dorénavant d’autres sujets porteurs et les morts quotidiennes et atroces de milliers de migrants en route vers l’espoir, si ténu soit-il, sombrera à nouveau dans l’oubli.

 

 

Tout d’un coup toutes les caméras sont braquées sur les caravanes de migrants qui quittent massivement le Honduras, mais qui parle de ce goutte à goutte de migrants qui depuis des années, fuient le pays, et affrontent tous les risques d’un long voyage, dont aucun ne sortira indemne, comme en témoigne le récit de Maria Jose qui raconte l’enfer de son voyage depuis le Honduras jusqu’au USA, alors que bien plus tard, comme pour beaucoup d’autres migrants qui ont atteint le mythe étasunien, ses nuits sont hantées de cauchemars ?

Maria Jose : « […] les hôpitaux ce qu’ils font quand arrive un migrant, ils le tuent et ils vont l’enterrer comme x ou y dans les fosses pour ne pas subir d’enquête d’aucune sorte »

 

Combien de corps sans organes empilés dans des fosses resteront anonymes après avoir alimenté le trafic d’organes humains, devenu un des secteurs des plus lucratifs avec les trafics de drogues, d’armes et d’humains. Les pauvres devenant réserves d’organes pour les riches.

 

Des centaines de corps non identifiés s’accumulent dans les morgues des deux côtés de la frontière alors que des dizaines de milliers de familles du Honduras, du Salvador, du Guatemala cherchent, le plus souvent en vain, le proche qui a pris le chemin de l’exil et n’a plus jamais donné de nouvelles.

 

A l’époque j’écrivais :

Il y a aujourd’hui une sorte d’effet pervers de la normalité, comme quand à la fin de son récit Maria José dit que ces cauchemars et ces insomnies, finalement c’est normal, puisque la plupart des immigrants sans papier en souffrent. Normal est pris dans le sens d’acceptable puisque un grand nombre sont concernés. « Avoir des cauchemars après avoir traversé l’horreur, mais c’est normal ma p’tit dame, pas de quoi en faire un foin Tous les migrants vivent cela ». Banalisation et normalisation nous font à présent accepter l’inacceptable. J’ai remarqué cela en de multiples occasions. Il est devenu tout aussi anodin de dire, c’est normal, cela arrive tous les jours comme si la multiplication des faits les plus abominables, rendaient anodine, recevable, acceptable pour la conscience normale du citoyen lambda, une banalisation de l’horreur au quotidien.

 

Rien a changé.

 

Anne W

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Gilles Deleuze, février 1977.

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