19 février 2019 2 19 /02 /février /2019 20:41

Pourquoi une invasion militaire est (presque) certaine au Venezuela

 

J’écris le cœur gros, avec une immense tristesse dont le mieux que je puisse espérer c’est qu’elle fasse place bientôt à la juste colère. Je viens d’écouter le discours sur le Venezuela que Trump a prononcé hier, à Miami, devant le rassemblement de la pire oligarchie esclavagiste et fasciste latino. Il confirme tout ce que j’avais pu apprendre d’autre part.

 

Le message qui domine son discours, c’est que la prochaine intervention au Venezuela est le début d’une grande croisade anti-socialiste et anti-communiste mondiale, dont le Venezuela n’est que la première étape, puis, dit-il, il ira sur Cuba, sur le Nicaragua et dans toute en Amérique Latine et,... dans le Monde entier : le glas sonne pour le socialisme et le communisme qui seront bientôt éradiqués de la surface de la Terre. Selon Trump.

 

Cela aide à comprendre en quoi la construction d’un mur frontalier au Sud serait une urgence nationale : si , comme il le dit, il s’apprête à passer un seuil dans la déstabilisation de l’Amérique Latine , le risque de voir un exode de réfugiés fuyant la guerre, les persécutions, la misère, est immense. Comme celui de voir se créer des Forces de Résistances qui tenteraient de riposter en attaquant les USA sur leur territoire.

 

L’aide humanitaire prend peu de place dans ce discours, sinon pour confirmer qu’elle est le prétexte pris pour initier une intervention dont le but, avoué à présent sans équivoque, crié haut et fort par Trump, sous les acclamations du public est l’éradication du socialisme – donc des socialistes - au Venezuela… pour commencer ! Je l’avais déjà fait remarquer, je voyais se lever, plus enragé encore que l’originale, cette réactivation du Maccarthisme aux USA et parmi une ultra-droite latino qui gagne du terrain. En Europe aussi, le fascisme grandit, s’organise, occupe le terrain politique, se prépare para-militairement et se lance de plus en plus ouvertement à la conquête du pouvoir.

 

 

Ici le discours de Trump en traduction simultanée en espagnol. J’aime bien parfois couper le son et observer la gestuelle d’un orateur. Là pour Trump, je me suis demandé s’il avait été remplacé par un clone hybride ou s’il s’est fait un lifting de trop… Ou simplement il est stressé à l’idée d’annoncer sa croisade anti-socialiste mondiale, qui fait de lui le co-auteur et le complice de massacres annoncés. C’est la première guerre qu’il déclare, mais il l’annonce mondiale, une guerre de fin de monde. Et il prend des airs de robot humanoïde… a-t-il vraiment conscience du monstre qu’il s’apprête à déchaîner ?

 

Avant d’entendre ce discours un des principaux argument sur lequel je me fondais pour affirmer que les USA veulent et préparent d’une intervention militaire au Venezuela, c’est le choix fait par Trump de ses conseillers pour l’Amérique Latine en général, pour le Venezuela en particulier, le passé de chacun d’eux et leurs déclarations présentes sont la chronique annoncée d’une opération de destruction massive du Venezuela. Les ingrédients d’une recette fatale. Trump + Bolton, Pompeo, Ivan Cruz, Gina Hespel et plus récemment Eliott Abrams, forment un ensemble qui parle de longues histoires de guerre, de torture, d’escadrons de la mort, de francs tireurs, d’éradication des peuples qualifié par eux de merde, de mise à genou d’une l’Amérique Latine « nettoyée » des indigènes, des afro-descendants et des communistes. Ils n’ont fait que cela toute leur vie, s’improviser bourreaux génocidaires et idéocides de peuples à soumettre. Certains ont déjà sévit en AL… ils auraient changé ? Ils seraient soudain devenus bienveillants envers les peuples des nations qu’ils veulent dominer ? Voyez leurs histoire. Écoutez les, écoutez leurs déclarations de cette dernière année…. Avec Tillerson des solutions négociées étaient envisageables, mais ce n’est pas cette voie que Trump a choisi ; ici c’est une équipe de guerre qu’il a formé, une équipe des pires spécialistes en matière de renversements de gouvernement et de guerres sales…

J’ai d’autres arguments qui vont dans le même sens, mais celui-là me semblait entièrement suffisant pour croire en la probabilité d’une guerre d’agression au Venezuela. Et sous une forme adaptée à la contingence locale en s’inspirant d’expériences passées ou en cours.

 

Les mouvements de troupes (beaucoup de fake, mais aussi des redondances d’indices fiables) vers les frontières avec le Venezuela (2 fois plus de 2000 km) en Colombie et au Brésil, l’installation d’une base « humano-militaire » sur l’île néerlandaise de Curaçao, à 50 km des côtes du Venezuela, la formation avec l’aide de la CIA de milices paramilitaires parmi les réfugiés vénézuéliens, pour accompagner cette aide… A Cucuta, en Colombie, origine du premier couloir humanitaire, parallèlement aux entrepôts qui accueillent les marchandises, une base d’hébergement militaire est édifiée. Les USA ont mis l’accent au cours des dernières années sur la capacité à projeter rapidement des forces en n’importe quel point de la planète, plus besoin d’occupation permanente. Les militaires colombiens, une armée qui fait partie de l’OTAN, travaillent depuis des années en opérations conjointes sous commandement étasuniens. Un commandement que n’apprécient pas, par contre les militaires brésiliens, un sujet de discorde dans le clan de Bolsonaro. Le 7 février cependant, non sans provoquer des remous dans l’armée, dans les monde économique et politique, des troupes brésiliennes ce sont intégrées au commandement Sud US contre le Venezuela.

 

Les discours de Guaido aussi annoncent de plus en plus clairement son intention d’ « autoriser » une intervention militaire étrangère, si « l’usurpateur » ne laisse pas entrer l’aide humanitaire, ce qui est le cas. Je ne crois pas que le gouvernement de Maduro changera d’avis à ce sujet. Mais de toute façon, Guaido et ses maîtres de Washington misent sur ce refus. Refuser une aide humanitaire de la part de Maduro et son équipe, alors que le peuple en a un urgent besoin… monstrueux non. Déjà, sous ce prétexte anticipé, Trump autant que Guaido rendent a priori Maduro responsable de toutes les horreurs annoncées.

Et la similitude de leur discours, la guerre contre le socialisme barbare, une intervention de « devoir de protéger » devenue inévitable dont Maduro sera rendu responsable, montrent leur accord sur un même programme. D’une certaine manière dans leur comportement, Trump comme Guaido semblent être pris dans la mécanique d’une machine de guerre qui les dépasse. Difficile de conserver une conscience avec ce qu’il s’apprêtent à faire : mettre le Venezuela à feu et à sang. Une chose est d’en parler, autre chose est devenir co-responsable de ce que cela se produise dans la réalité des corps et des âmes déchirés par les conséquences de vos décisions.

 

Un autre sujet qui fait couler de l’encre et provoque de multiples spéculations : le ministre des affaires étrangères de Maduro, Arreaza s’est réuni avec le Conseiller National de Sécurité étasunien John Bolton. Mais dit-il, le contenu de ces « conversations » est frappé du sceau de la confidentialité. Quelle discussion est possible avec celui qui a dit : « Il faut en finir avec ces pays qui compliquent la vie des USA.[…] Pourquoi avoir un arsenal nucléaire si ce n’est pas pour nous en servir. On raye ces pays de la carte et on passe à autre chose » (cité par Atilio Boron). Le même Bolton qui est venu en Europe organiser l’extrême-droite régionale en vue des prochaines élections européennes.

 

Les déclarations de Trump ne laissent aucun plus doute :

 

UNE GRANDE CROISADE ANTI-SOCIALISTE, ANTI-COMMUNISTE SE PRÉPARE DANS LE MONDE. ELLE DEVRAIT COMMENCER SAMEDI 23 FÉVRIER 2019 AU VENEZUELA.

 

Si j’ai mis un (presque) entre parenthèses dans mon titre, c’est que j’ai vu en d’autres occasions (coup d’état mis en échec par le peuple en 2002, tentative de révolution de couleur qui ne prend pas en 2013 et 2015...) la capacité de résistance, de création d’intelligence collective et d’organisation spontanée du peuple vénézuélien.

Aussi critique que je puisse être au sujet de socialismes réels et de leurs dérives, je sais que le modèle qu’incarne Trump est bien pire. Il suffit de voir ce qui ce passe au Honduras depuis le coup d’état militaire du 28 juin 2009, fomenté par les USA, qui se perpétue depuis par des assassinats de leaders populaires, de journalistes, des élections totalement frauduleuses (je les ai suivi en 2012, achat de vote, menaces contre les électeurs jusque dans les bureaux de vote, détournements d’urnes,… … ... la totale). La misère et la violence de rue coexistent avec le terrorisme d’état dans un pays dépossédé de son territoire par la dite «  loi hypothèque » qui amène le pays à céder ses ressources, son territoire, en remboursement de dettes usuraires. Qui parle de l’exode du Honduras, pas le show des caravanes qui d’une certaine manière occulte l’ampleur du phénomène, celui qui se déroule en silence depuis des années, selon G Trucchi , en plus des adultes, des familles, ce sont deux enfants non accompagnés qui à chaque heure fuient le pays).

On peut spéculer, mais il existe aussi des réalités incontournables, le Honduras, premier pays tombé dans un nouveau jeu de domino anti-progressiste latino est l’exemple criant de douleur du résultat des interventions US et autres coups d’états en AL.

La Colombie qui alerte au sujet de l’exode vénézuélien n’évoque pas la crise humanitaire d’expropriation dans son propre pays, 7.446.404 victimes de ces déplacements au 1er octobre de 2018 selon les chiffres officiel. Mais ce chiffre est en constante augmentation et les expropriations pour des raison d’appropriation économique (grande extraction, tourisme écologique de luxe, celui qui aime les animaux exotiques, pas les humains pauvres qui doivent disparaître du paysage, …) y prennent une part toujours plus grande, même si un climat généralisé de terreur, les guerres internes entre guérillas, narco, paramilitaires, force de répressions officielles et autres mercenaires, est restée longtemps la cause majeure de ces déplacements. Un pays dans lequel les assassinats de leaders des mouvements populaires et sociaux déjà élevé ne cessent d’imploser. Un pays dans lequel des enfants de 11 ou 12 ans sans avenir, sont formé dans des « écoles de tueurs à gage »… où en 2013 Colombie : un enfant indigène sur quatre meure de faim avant 6 ans à cause de la dénutrition.

et les choses empirent aujourd’hui encore.

Or la Colombie est présentée par les USA comme un modèle de démocratie en Amérique Latine.

Honduras et Colombie, pour rappeler par des exemples concrets de ce qui est « leur monde » ce qui se cache derrière les promesses et les belles paroles d’un Trump, d’un Guaido.

 

 

Une autre chose dont je suis certaine à 99,99 % c’est que l’opposition pour obtenir le soutien des USA, doit faire mousser un soutien dont elle ne dispose pas en réalité. Et donc le potentiel de résistance populaire pourrait être un élément déconcertant pour les agresseurs. En Irak aussi, les soldats US pensaient être accueillis en libérateurs acclamés par le peuple…

 

Le gouvernement vénézuélien annonce pour le 23 et le 24 des grands concerts avec des artistes internationaux pour les miliciens et autres résistants prêts sur place à défendre la frontière, sur le pont bloqué de las Tienditas, point d’entrée prévu de « l’aide humanitaire ». Il prévoit également d’aller distribuer des vivres et aides médicales aux Colombiens de Cucuta ; leur argument est qu’il y a une crise humanitaire en Colombie, ce qui est vrai.

 

Bref, le motif de l’auto-proclamation de Guaido est à présent dévoilé au grand jour : elle constitue le prélude un lancement d’une grande campagne guerrière anti-communiste, au Venezuela, ensuite à Cuba et au Nicaragua, puis en Amérique Latine et dans le Monde. La date de début des hostilités est fixée, le 23 février. Je pense que cela va commencer par des échauffourées, des incidents, sans participation directe de l’armée US, une montée en intensité. La « communauté internationale » qui dans son immense majorité ne reconnaît pas Guaido, alors qu’une majorité de pays qui se sont déclarés en faveur du renversement de Maduro restent hostiles à toutes formes d’intervention militaire au Venezuela. Il faut donc créer le contexte, un marketing de la guerre, qui la convaincra qu’une intervention militaire est urgente au Venezuela au nom du devoir de protéger contre le monstre socialiste Nicolas Maduro et son équipe.

 

Le temps est venu pour le Venezuela des alliances improbables, comme celles nouées dans la résistance européenne contre l’occupation par les armées nazies d’Hitler. L’aboutissement suprême du capitalisme est le fascisme universel. Bruit de bottes et tentative de passage de seuil en vue…

Je sens pourtant en moi, comme une petite lueur joyeuse qui me parle de tous ceux qui sont prêts dans le monde entier à se lever pour lui faire barrage.

 

Ils (la pieuvre fasciste) n’ont pas gagné.

 

Anne Wolff

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Gilles Deleuze, février 1977.

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