parAram Aharonian et Álvaro Verzi Rangel
Codirecteurs de l'Observatoire des Communications et de la Démocratie (OCD) et du Centre Latino-Américain d’Analyse Stratégique (CLAE). Réalisé avec le soutien des équipes d'investigation de l'OCD et du CLAE.
Introduction de la traductrice
A travers des réseaux d'ONG, de Think Tanks, des fondations, des associations « sans but lucratif », des mouvements citoyens et activistes... entre autres formes d'infiltrations et de manipulation des populations depuis les plus hautes sphères des états jusqu'aux soubassements des nations, par la création et le matraquage de matrices d'opinion destinées à créer des noyaux d'inconscient collectifs émotionnellement opératifs, les méga-conglomérats se créent les vecteurs de contrôle des inconscients collectifs, et de domination des politiques mondiales. Il existe des dizaines – voir des centaines – de milliers d'ouvrages documentant ce phénomène dans ses différents aspects, à différentes échelles. Alors qu'à ce stade de développement le capitalisme devient synonyme du fascisme, de leur aboutissement simultané ultime, les tentacules de la pieuvre d'ultra-droite recouvrent la planète. Et non seulement cette direction du monde par les grands marchands est de nature fasciste mais également maffieuse, les recouvrements et confusion s'opèrent tant avec les pires mouvements d'ultra-droite qu'avec les organisations du crime organisé jusqu'à l'indiscernable transformant les « hautes sphères du pouvoir » en association de malfaiteurs au plus plein sens de ce terme.
Je vous renvoie ici à ma propre expérience d'une tentative de manipulation par un troll de Cato alors que je relayais les mouvements de résistance au Coup d'état de 2009 au Honduras. J'ai dévoilé une tentative d'intoxication menée par un Troll Cato-dique contre le président constitutionnel renversé par un coup d'état militaire fomenté depuis les USA. Un des troll de Cato diffusait sous des noms d'emprunts et avec quelques variantes le même message mensonger de dénigrement de Zelaya. Découvert, il s'est montré insultant voir menaçant. Normal puisque sa tentative d'intox était elle-même maladroite et grossière. Malheureusement beaucoup des agents libertariens sont bien mieux formés et plus subtils et pénètrent les institutions jusque dans les plus hautes sphères des états comme des mouvements politiques d'opposition afin de les rendre inopérants, d'y semer la division et/ou de les détourner de leur sens.
D'autres travaux de recherches comme par exemple celles menées par Stella Calloni montrent les liens entre certaines des organisations citées ici et des groupes fascistes latino-américains comme Uno America à l'époque présidé par l'ex-président de Colombie Alvaro Uribe et qui regroupait entre autres des militaires nostalgique des dictatures et escadrons de la mort auxquels ils avaient participé. Rosario en Argentine est un haut lieu de rendez-vous pour les membres de ces organisations.
J'ai mené mes propres recherches, depuis bien avant l'apparition d'Internet, remonté des fils historiques et géographiques de cette gangrène polymorphe et omniprésente qui s'infiltre jusque dans les tréfonds des inconscients. Mais jamais je n'ai cessé de rencontrer des personnes immunisées contre ces tentatives de contrôle et de manipulation. C'est parce qu'on ne les voit pas venir qu'ils sont dangereux. Ce qui suit : une petite dose d'antidote à la manipulation.
Réseau Atlas
L'internationale capitaliste existe, elle se mobilise à travers le mouvement libertarien d'extrême droite (en anglais, ils s'appellent libertarians), et évidemment elle est très bien financée : elle fonctionne à travers un immense conglomérat de fondations, institutions, ONGs, centres et sociétés liées entre eux par des fils peu détectables, parmi eux se détache l'Atlas Economic Research Foundation ou Réseau Atlas.
Lors du Forum Américain de la Liberté du Réseau Atlas, qui a eu lieu en mai 2017 dans le luxueux Brick Hotel de Buenos Aires, en présence du président argentin Mauricio Macri et de l'écrivain péruano-espagnol Mario Vargas Llosa, le débat concernait la manière de mettre en déroute le socialisme à toutes échelles depuis les batailles rangées sur les campus universitaires jusqu'à la mobilisation d'un pays pour obtenir la destitution d'un gouvernement constitutionnel, comme au Brésil.
On remarquera le fait que de nombreux leaders liés à Atlas on réussit à gagner en notoriété dernièrement : plusieurs ministres du gouvernement conservateur argentin, des sénateurs boliviens et des dirigeants du Mouvement Brésil Libre (MLB) qui ont aidé à mettre en déroute la présidente constitutionnelle Dilma Roussef, comme le montre Lee Fang dans un rapport exhaustif dans The Intercept.
Le Réseau qui aide à altérer le pouvoir politique dans différents pays, est une extension implicite de la politique extérieure des USA - les think tanks associés à Atlas sont financés par le Département d’État et la National Endowment for Democracy, la Fondation Nationale pour la Démocratie, (NED), un bras essentiel du soft power étasunien et patronnés directement par les frères Koch, de puissants milliardaires ultraconservateurs.
La NED et le Département d’État, qui comprennent des entités publiques qui fonctionnent comme centres d'opérations et de déploiement de lignes et de fonds - comme la Fondation Panaméricaine pour le Développement (PADF), Freedom House, et l'Agence de Développement International des États-Unis (Usaid) - sont les principales entités actrices qui répartissent les directives et les ressources, en échanges de résultats concrets dans la guerre asymétrique de laquelle elles participent.
Atlas compte 450 fondations, ONGs, groupes de réflexion et de pression, avec un budget opératif de cinq millions de dollars (2016), apporté par ses fondations « caritatives, sans but lucratif » associées, qui soutiennent, entre autres, le MBL et des organisations qui ont participé à l'offensive en Argentine, comme les fondations Creer y Crecer y Pensar (croire, croître et penser), un think tank d'Atlas qui s'est incorporé au parti (Propuesta Republicana, PRO) crée par Mauricio Macri ; ou les forces d'opposition au Venezuela ou le candidat de droite des élections présidentielles chiliennes Sebastián Piñera.
Le Réseau dispose de 13 entités affiliées au Brésil, 12 en Argentine, 11 au Chili, 8 au Pérou, 5 au Mexique et Costa Rica, 4 en Uruguay Venezuela, Bolivie et Guatemala, 2 en République Dominicaine, Équateur et El Salvador, et 1 en Colombie, au Panama, au Bahamas, en Jamaïque et au Honduras.
Les leaders de MBL et ceux de la fondation Eleútera – un groupe d'« experts » néo-libéraux extrêmement influent dans le scénario post coup d'état au Honduras – reçoivent des financement d'Atlas et font partie de la nouvelle génération d'acteurs politiques qui sont passé par ses séminaires de formation aux USA
L'extrême-droite « moderne » est le mouvement libertarien d'extrême-droite qui navigue à présent sous pavillon républicain, il fonde son action dans une stratégie de désinformation des majorités pour imposer ses politiques ploutocratiques, et trouve dans le Réseau Atlas son principal promoteur en Amérique Latine.
L'initiateur de ce mouvement est le multimillionnaire Charles Koch, qui a adopté la thèse de James McGill Buchanan ( économiste de l'Université de Chicago et Prix Nobel) qui veut que : pour désarmer l'état progressiste, grâce à une stratégie opérative de défense du caractère sacré des droits de la propriété privé, et pour le soumettre à leur modèle de gouvernement afin que prospère le capitalisme, il faut mettre des chaînes à la démocratie.
Parmi les 15 organisations les plus importantes financées par Koch on retrouve Americans for Prosterity, le Cato Institute, l'Heritage Foundation, l'American Legislative Exchange Council, le Mercatus Center, Americans for Tax Reform, Concerned Veterans of América, le Leadership Institute, Generations Opportunity, l'Institute for Justice, l'Independent Institute, le Club for Growth, le Donors Trust, Freedom Partners, Judicial Watch. A celles-ci s'agrègent les plus de 60 organisations de la State Policy Network (Réseau de Politiques des USA)
Le Centre International de l'Entreprise Privée (CIPE) est une fondation affiliée à la NED, créée par le gouvernement des USA pour mener de l'avant les objectifs de politique extérieure de Washington. Il finance des organisations politiques dans le monde en développement. Il a été mis en place par la Fondation de la Chambre de Commerce des USA, l'organisation de lobbying la plus grande du pays. 96% de ses fonds proviennent du Département d’État et de l'USAID.
Le CIPE joue un rôle primordial dans le financement du réseau Atlas, il a été la force principale dans le renforcement du réseau. Depuis 1991, l'argentino-étasunien Alejandro Chaufen, apologiste de la sanglante dictature Argentine, dirige le réseau Atlas.
Au Brésil
Au Brésil, ONGs et think tanks travaillent ensemble pour attaquer les politiques distributives du Parti des Travailleurs, ils ont manipulé un grand scandale de corruption, crée des centres académiques et formé des activistes pour qu'ils mènent un combat permanent dans les médias et à travers les réseaux sociaux afin de diriger la plus grande partie de la révolte contre Dilma Roussef, exigeant son renversement et la fin des politiques de bien-être social.
Les médias internationaux comparent la révolte brésilienne avec le mouvement étasunien Tea Party à cause de l'apport implicite des conglomérats industriels locaux et d'un nouveau réseau d'acteurs médiatiques d'extrême-droite et de tendances conspiratrices. Helio Beltrão, exécutif d'un fond d'inversion à hauts risques, qui dirige actuellement l'institut Mises (qui porte le nom du philosophe ultra-conservateur Ludwig von Mises), dit que, grâce à l'appui d'Atlas, il existe actuellement au Brésil près de 30 institutions « sans but lucratif » qui agissent et collaborent ensemble, comme les étudiants pour la Liberté et le MBL
Parmi elles, ont remarquera :
- Le Centro Interdisciplinar de Etica y Economía Personalista de Río de Janeiro qui est un think tank religieux d'Atlas qui développe des arguments théologiques pour des politiques qui bénéficient aux entrepreneurs et commerçants. Le Centre reproduit le modèle de l'Acton Institut US financé par la Secrétaire à l'Education Betsy DeVos. Son directoire éditorial intègre Chafuen et l'avocat Ives Gandra da Silva Martins, qui prépara l'Office pour le procès politique de Dilma Roussef, ainsi que les arguments pour empêcher celui de son successeur, le putchiste Michel Temer.
- L'Institut Millenium est un think tank juridique de Rio de Janeiro, il promeut des activités qui favorisent des solutions de libre marché au Brésil. Le groupe, fondé en 2006, reçoit des financements de différentes grandes corporations ayant un siège dans le pays : Bank of America, Merryll Linch, Group RBS, Gerdau et Am-Cham Brésil, groupe des entreprises étasuniennes dans le pays. Millenium fut particulièrement actif dans la promotion des manifestations de rues contre la présidente Dilma Roussef.
- L'Institut Libéral a été fondé en 1983 à Rio de Janeiro par Donald Stewart Jr., un magnat de la construction et activiste libertarien, qui a obtenu une grande partie de sa fortune pendant la dictature militaire grâce à des contrats trafiqués par l'USAID au Brésil. L'Institut figure parmi les principaux associés du Réseau Atlas en Amérique Latine. Il est financé partiellement par la NED et la CIPE.
C'est comme pour une équipe de football : la défense, c'est l'académie et les politiques sont les attaquants. Au milieu du terrain seraient ceux qui jouent un rôle dans la culture, les chargés de la manipulation médiatique et de la désinformation ainsi que de la manipulation de l'opinion publique.
Le groupe patronne des blogueurs et des commentaristes incendiaires, parmi eux, Rodrigo Constantino connu comme le Breitbart du Brésil (Breibart Network est un portail d'ultradroite ouvertement pro-libertarien et pro-Israël, initié par Andrew Breitbart lors d'une visite à Tel-Aviv en 2007).
Constantino polarise la politique brésilienne en utilisant une rhétorique ultra-sectaire. Avec une propension à de permanentes théories conspiratrices, il préside l'Institut Libéral et a popularisé une narration selon laquelle les défenseurs du PT seraient « une gauche caviar » de riches hypocrites qui embrassent le socialisme pour se sentir moralement supérieurs, mais qui en réalité méprisent les classes laborieuses qu'ils prétendent représenter.
La « breitbartisation » du discours est seulement une parmi les multiples formes subtiles par lesquelles l'Atlas Network a influencé le débat politique.
Fernando Schüler, académique et éditorialiste associé à Millenium – un autre des think tanks de Atlas au Brésil – se charge d'attaquer les 17 mille syndicats du pays et fait remarquer qu'« avec la technologie, les personnes pourraient participer directement, en organisant par WhatsApp, Facebook et YouTube une espèce de manifestation publique à faible coût » (c'est ce qu'il entend par participation populaire). Pour Schüler, le modèle actuel -une constellation de think tanks de Washington subsidiés par substantielles donations – serait l'unique chemin pour le Brésil.
Atlas justement, se dédie en partie à cela : il offre des bourses et des subventions pour de nouveaux groupes de réflexions et laboratoires d'idées, il prodigue des cours de gestion politique et relations publiques, patronne des événements de travail en réseau dans le monde entier et, au cours des dernières années, a dédié des ressources spéciales pour inciter les libertariens d'ultradroite à influencer l'opinion publique à travers les réseaux sociaux et des vidéos en ligne.
En Argentine
La Fondation Pensar est une des branches du Réseau Atlas en Argentine qui s'est convertie dans le PRO, le parti politique qui, en 2015, a conduit à la présidence Mauricio Macri. Des dirigeant de Pensar et de la Fondation Libertad – autre branche du Réseau – occupent actuellement des postes clé dans l’administration argentine. Et il y a une série de fondations, dirigées par de hauts fonctionnaires de l'administration Macri, qui drainent vers eux des fonds publics, augmentant les fonds provenant du Réseau Atlas et de la NED.
Selon des enquêtes menées par des journalistes, il faut ajouter à ce réseau les fondations SUMA (dirigée par la vice-présidente Gabriela Muchetti), Sécurité et Justice (du Secrétaire de Sécurité Eugenio Burzaco), Creer y Crecer (du maire Néstor Grindetti), Formar (du Ministre de l’Éducation Guillermo Dietrich), Pericles (de l'assesseur juridique présidentiel Rodriguez Simón), par exemple.
Le Bureau du Procureur de la Criminalité Économique et Blanchiment d'Argent dénonça en 2014 le Ministre de la Culture Hernán Lombardi pour avoir détourné des Fonds Publics vers Pensar. De même, a fait l'objet de dénonciation, la « dîme » que la dirigeante macriste Gladys Rodriguez sollicitait de ceux qui accédaient à des emplois publics dans la Province de Buenos Aires, afin de grossir les revenus de la même fondation.
Le Centre d'Ouverture et Développement d'Amérique Latine (CADAL, qui figure parmi les 60 think tank les plus influents de la région selon le Global Think Tank Index Report) est associé à la Network Of Democracy Research Institutes, NDRI, qui a façonné l'Institut Vaclav Pavel et d'Analyse Latino, que dirige le journaliste Fernando Laborda (prix des Jeunes Leaders 2006 du Réseau Atlas), le tout avec des fonds proportionnés par la NED, via le Réseau Atlas et par les fonds drainés depuis l'état argentin.
Au Honduras
La Fondation Eléutera, à San Pedro Sula, a été fondée après le coup d'état de 2009 contre le président constitutionnel Manuel Zelaya. Le leader de la fondation Guillermo Peña Panting, qui a travaillé pour la John Locke Foundation, think tank d'Atlas basé dans l'état de Caroline du Nord, a offert de nombreux séminaire d'organisation.
L'actuel gouvernement du Honduras a sollicité l'appui politique d'Eléutera, y compris pour la mise en oeuvre des premières Zones Spéciales de Développement (ZEDE), un projet controversé par lequel des dirigeants d'entreprises peuvent utiliser des zones déterminées sans avoir à se soumettre aux systèmes légaux et politiques de l'état.
Au Venezuela
Atlas a joué un rôle au Venezuela. Les registres obtenus grâce à la Loi sur la Liberté d'Information, ainsi que les câbles du Département d’État révélés par Chelsea Manning, révèlent les efforts sophistiqués des politiques étasuniens qui ont utilisé les think tanks d'Atlas dans une grande campagne de déstabilisation du gouvernement vénézuélien. Déjà, en 1998, Cedice Libertad ,le vaisseau d'Atlas à Caracas, avait reçu le soutien financier régulier du Centre pour l'Entreprise Privée International. Les fonds de la NED destinés à CEDICE ont pour justificatif l'aide pour plaider pour un « changement de gouvernement »
Les dirigeants de Cedice reçoivent le prix « Exelencia en la defensa de la libertad » proposé par d'Atlas (Rosario 2013)
Cedice Libertad à Caracas, accorde son soutien aux dirigeants de l'opposition conservatrice, y compris Maria Corina Machado. Le directeur de Cedice avait signé le décret Carmona qui a instauré la brève dictature après le coup d’État civico-militaire contre Hugo Chávez en 2002. C'est un think tank d'Atlas qui reçoit également des financements du gouvernement US à travers la NED.
Un câble de 2006 établit une stratégie de l'ambassadeur étasunien William Brownfield pour financer les organisations sans but lucratif politiquement actives au Venezuela visant : le renforcement des institutions démocratiques ; la pénétration de la base politique d'Hugo Chávez ; la division du chavisme et, par dessus tout, la protection des commerces vitaux au niveau international.
Il y a d'autres ONGs et Fondations qui travaillent dans la trame d'Atlas comme Provea (qui est financée également par la Open Society Foundation du multimillionnaire George Soros, par la Fondation Ford et par l'embassade britanique) l'Association Civile Pouvoir Citoyen (involucrée dans la sape des forces militaires et des appareils d'intelligence et de sécurité vénézuéliens), et l'Observatoire Vénézuélien de la Conflictualité Sociale, qui travaille sur des thèmes de droits humains et de citoyennisation du conflit interne, cofinancé par la NED.
A celles-ci il faut ajouter Espacio Publico, qui coordonna directement la distributions des fonds et des projets du Département d’État pour le « journalisme indépendant » (en réalité les portails antichavistes) entre 2008 et 2010, mettant l'accent sur la défense de la libre expression, ainsi que le Forum Pénal Vénézuélien financé par Freedom House, dédié à la défense juridique des accusés de sabotage ou de terrorisme pendant les campagnes vandales de « résistance civile » de l'opposition vénézuélienne en 2014 et 2017
La réunion de Buenos Aires
Lee raconte dans The Intercept qu'un jeune leader de Cadal, un groupe d'experts argentins, proposa une manière de classifier chaque province argentine en utilisant ce qu'il appela un « indice de liberté économique », qui utiliserait le niveau des impôts et de régulation, comme principal critère pour générer des rumeurs en vue d'avancer dans des réforme favorables au libre marché, en se fondant sur des stratégies similaires à celles utilisées aux USA, qui utilisent l'Indice de Liberté Économique de l'Heritage Foundation qui évalue les pays sur base des politiques fiscales et des barrières régulant la formation des entreprises.
Les think tanks du Réseau sont associés à des instituts « indépendants » formés pour développer des solutions non conventionnelles. Mais le modèle d'Atlas se centre moins dans le développement de nouvelles propositions de politique que dans l'établissement des organisations politiques dotées de la crédibilité des institutions académiques, les convertissant en organes efficaces pour gagner les cœurs et les esprits.
Les idées du libre marché, comme réduire les impôts des riches, réduire le secteur public et le placer sous le contrôle des opérateurs privés, la libéralisation des normes commerciales et la restriction des syndicats, ont toujours été confrontées à un problème de perception. Rénover l'ultra libéralisme économique pour en faire une idéologie d'intérêt public a requis des stratégies élaborées de persuasion de masse.
Pendant la réunion à Buenos Aires, les « entrepreneurs » du groupe du Pérou, de la République Dominicaine et du Honduras ont concouru dans une formule similaire à celle de Shark tank, un reality show des USA dans lequel des entreprises start-up lancent un appel à un groupe d'investisseurs riches et sans pitié. Cependant au lieu de chercher les investissements de groupes de capitaux à risque, les leaders de ces laboratoires lancèrent des idées sur le marché des politiques.
Quelques précurseurs
Le modèle Atlas qui s'est étendu en Amérique Latine se base sur une méthode perfectionnée par des décennies de lutte aux USA et au Royaume Uni. Antony Fisher, entrepreneur britannique et fondateur de l'Atlas Natwork, voulait « couvrir le monde avec les think tanks du libre marché » en se basant sur les thèses de l'économiste autrichien Friedrich Hayek.
Il rencontra le soutien d'un autre idéologue du libre marché, l'étasunien Leonard Read formé - dans de rudes batailles contre la main d’œuvre organisée - par la Fondation pour l’Éducation Économique à New York, qui patronnait et promouvait les idées de libre marché. L'économiste libertarien F.A. Harper conseilla Fisher pour ce qui concernait les méthodes de fondation de sa propre ONG au Royaume Unis, l'Institut des Affaires Économiques (IEA).
La IEA aida à populariser les idées des économistes affiliés aux idées de Hayek, mettant en contact des journalistes avec des académiques du libre marché et diffusant des critiques de manière régulière à travers des colonnes d'opinion, des interviews radiophoniques et des conférences. Les grandes entreprises, depuis Barclay jusqu'à British Petroleum, lui ont proportionnés la plus grande partie de ses fonds.
Le réseau Atlas proclama orgueilleusement que la IEA « posa les bases de ce qui plus tard se transforma en la Révolution Thatcher des années 80 ». Thatcher a écrit que la IEA a crée « le climat d'opinion qui a rendu possible notre victoire ». Parallèlement, Hayek a formé un groupe d'économistes du libre marché appelé Mont Pelerin Society. Un des ses membres, Ed Feulner, avait aidé a fonder la conservatrice Heritage Fondation de Washington, pendant qu'Ed Crane fondait le Cato Institute, le groupe de réflexion ultralibérale le plus notable des USA.
En 1981 Fisher, établit à San Francisco, se disposait à développer la Fondation de Recherches Économique Atlas aux instances de Hayek, il courtisant des corporations donatrices pour aider à établir une série de groupes de réflexions plus petits mais inclus dans un projet global : établir des tête de ponts libertariennes d'ultradroite dans tous les pays du monde. Muni de lettres de Hayek, Thatcher et Friedman, il commença à récolter des fonds parmi les grands conglomérats d'entreprises – Pzifer, Procter & Gamble et Shell – et des méga donneurs républicains comme Richard Mllon Scaife. Pour avoir du succès, l'AIE devait être perçue comme une institution académique et impartiale.
Le plan commercial d'un argentino-étasunnien
Un jeune argentin d'une famille anti-peroniste, Alejandro Chafuen parvint dans les bureaux d'Atlas à San Francisco, après voir fait des études au Grove City College, une école chrétienne profondément conservatrice de Pennsylvanie. Chafuen revint en Argentine alors que les militaires étaient au pouvoir – après le coup d'état civico-militaire génocidaire de 1976 – quoique selon lui « l'armée avait agi par nécessité pour éviter une main mise communiste sur le pays ».
En 1980, à 26 ans, Chafuen fut invité à se convertir en le plus jeune membre de la Société Mont Pelerin. Il voyagea à Standford, se mit en contact avec Read, Hayek et d'autres notables libertariens d'extrême-droite. Fisher annonça qu'il avait fait une offre à Chafuen et qu'il espérait contracter le jeune économiste à temps complet pour développer des groupes de réflexions Atlas en Amérique Latine. L'année suivante, Chafuen organisa la première Conférence Atlas des groupes de réflexion latino-américains en Jamaïque.
Dans d'autres pays d'Amérique Latine, le libertarisme d'ultra-droite rencontra également une audience réceptive parmi les gouvernements militaires. Au Chili, après que les militaires eurent renversé le gouvernement constitutionnel de Salvador Allende, les économistes de la Société du Mont Pelerin préparèrent rapidement le scénario pour des réformes libertariennes généralisées, incluant la privatisation de l'industrie et du système de pensions du pays.
Dans toute la région, sous la vigilance des militaires qui avait pris le pouvoir, les politique économiques ultralibérales commencèrent à s'enraciner.
Lors d'une conférence, Chafuan fait remarquer que les donateurs ne peuvent apparaître comme tels lors des enquêtes publiques parce que celle-ci perdraient toute crédibilité. « Pfizer ne patronnera pas des enquêtes dans le domaine de la santé, et Exxon ne sponsorisera pas celles qui concernent les thèmes environnementaux » mais les think tanks libertariens d'extrême-droite, comme le réseau Atlas, non seulement peuvent présenter la même enquête avec plus de crédibilité, et en plus il peut le faire de manière à obtenir la couverture des médias. Et les donateurs eux-mêmes se rendent compte de cela, ajouta-t-il.
En 1991, trois années après la mort de Fisher, Chafuen a pris le timon d'Atlas. Phillip Morris contribuait avec des donations régulières à Atlas, cela incluait une contributions de milliers de dollars au groupe en 1994, ce qui fut révélé quelques années plus tard lors de litiges internationaux, par des journalistes chiliens, qui découvrirent que les groupes de réflexion qu'il soutenait, avaient travaillé pour faire un lobbying discret contre la régulation du tabac sans révéler leur financement par les compagnies tabatières.
Les corporations géantes comme ExxonMobil et MasterCard, s'ajoutèrent aux donateurs d'Atlas, qui « acquis du prestige », grâce à des figures notables parmi les libertariens d'ultra-droite, et fondations associées tel l'investisseur John Tempelton et les frères milliardaires Charles et David Koch. Ainsi commencèrent à fleurir de nombreuses fondations et ONGs conservatrices.
Chafuen fut membre fondateur de Donors Trust, un fond réservé qui a réparti 4OO millions de dollars entre des organisations libertariennes ultra-droitières, incluant des membres du réseau Atlas. Il est également fidéicommis de la Fondation Chase de Virginie. En plus des entrepreneurs donateurs, une autre manne d'argent est le gouvernement US. La NED, qui éprouvait des difficultés pour établir des organisations « sans but lucratif » amies, trouva la solution dans l' « indépendant » Réseau Atlas
Pendant une conférence avec Chafuen, Gerardo Bongiovanni – président de la Fondation Libertad, un groupe de réflexion situé à Rosario en Argentine – signala qu'entre 1985 et 1987 la NED a transféré un million de dollars comme capital initial du Centre pour l'Entreprise Privée Internationale. Atlas parvint à convertir l'argent des contributeurs étasuniens à travers la NED et le Centre de l'Entreprise Privée Iinternationale en une importante source de financement pour son réseau grandissant. Parmi les bénéficiaires effectifs de ce Centre se rencontre la Vénézuélienne Cedice Libertad, rappelle Lee.
Judy Shelton manipule les ressources
Chafuen s'illumina quand Donald Trump arriva à la présidence. L'administration de Trump est pleine d'anciens disciples des groupes liés avec Atlas et d'amis du Réseau. Sebastien Gorka, le conseiller islamophobe de contre-terrorisme de Trump, dirige un groupe de réflexion soutenu par Atlas en Hongrie. Le vice-président Mike Pence était présent lors d'un événement d'Atlas. La secrétaire de l’Éducation Betsy DeVos et Chafuen ont été très proches dans le leadership de l'Acton Institut, un groupe de réflexion du Michigan qui développe des arguments religieux en faveur des politiques des libertariens de l'ultradroite, et qui à présent dispose d'une filiale au Brésil, le Centre Interdisciplinaire d’Éthique et d’Économie Personnaliste.
Mais la figure principale de cet entremêlement est à présent Judy Shelton, économiste et membre principale du Réseau Atlas, qui a pris la NED à sa charge, après avoir été conseillère de la campagne de Trump. Chafuen a déclaré que le chemin est tracé : plus de groupe de réflexion, plus d'efforts pour renverser des gouvernements de gauche et plus de dévots et disciples d'Atlas élevés dans les plus hautes sphères des gouvernements du monde entier.
Traduction Anne Wolff