S’il y a bien une chose qui m’est apparue clairement au cours des dernière semaines, c’est cette volonté rénovée et renforcée des USA de détruire non seulement tous les acquis des années progressistes, mais aussi de démoraliser complètement les populations, de les affaiblir, de les décimer.
Aujourd’hui je suis tombée sur des textes et conférences de Thierry Meyssan qui ont confirmés mes pires intuitions. Il décrit un nouveau paradigme stratégique du Pentagone.
Il va décrire d’une part comment s'applique ce nouveau paradigme au Moyen-Orient et aussi comment il prévoit qu’il sera mis en œuvre contre l’Amérique Latine. Ces propositions me semblent plus probables que plausibles. Elles sont exposées dans 2 textes
Interprétations divergentes au sein du camp anti-impérialiste constitue la première partie de cet exposé.
Dans ce premier texte, il montre que les gouvernements cibles d’Amérique Latine n’ont pas compris ni cette stratégie, ni ces enjeux, ce qui ne leur permet pas de se préparer efficacement à la résistance.
On apprend dans ce texte que les EU ne cherchent plus à renverser des gouvernements pour s’approprier des ressources, mais bien à détruire entièrement des pays dont les peuples seront renvoyés à la préhistoire, incapables de s’organiser politiquement, ils cesseront d’être une « menace » pour la sécurité des EU.
Et c’est bien ce qui s’est passé en Afghanistan, en Irak, en Lybie - pays pris dans des guerres sans fin - mais qui est en train d’échouer en Syrie.
T. M. évoque des documents, stratégies du Pentagone pour "préserver la sécurité" des EU, qui semblent incroyables pour des humains bienveillants, mais qui collent tout à fait à ce qui se produit dans la réalité.
Une carte parle plus que bien des mots. Dans cette stratégie de « sécurité », le Pentagone définit des régions entières (celles en rose)comme celles dont les infrastructures doivent être entièrement détruites et les peuples réduits à une misère physique et morale telle qu’ils n’aient plus aucune capacité de s’organiser politiquement, de résister. Le monde serait alors divisé en deux avec les zones de stabilité et d’autres deviendraient des réservoirs de ressources, dont les survivants serait mis en l’incapacité de se reconstruire. Le pire c’est de me rendre compte que je ne mets même plus en doute la capacité des malades du Pentagone et de ce que Meyssan qualifie de gouvernement profond des EU d’élaborer de telles stratégies qui leur dénient toute humanité.
Un des auteurs de cette théorie serait Léo Strauss, ce pseudo-anthropologue a formé des cadres du Pentagone pour réaliser ce projet de « construire une nouvelle forme de pouvoir en plongeant le monde en enfer ». Un comble de lâcheté, la dignité voulant que l’on ne s’en prenne pas à plus faible que soit. Or on le sait pour les EU, désarmer, affaiblir les peuples, avant de les attaquer est chez eux une manière d’être rédhibitoire.
Cette première partie se poursuit en décrivant les mesures de résistance efficace prise par le président Assad. C’est intéressant, cela mériterait d’être approfondi. Surtout par les gouvernement cible d’une première vague d’attaques sur l’Amérique Latine. Le Venezuela bien-sûr, mais aussi la Bolivie et l’Equateur.
La suite se trouve dans le texte suivant :
Le premier texte montrait la division qui existe au sein du mouvement anti-impérialiste entre ceux qui souscrivent à une vision de résistance issue de l’ancien paradigme : renversement de gouvernements dérangeants et appropriation des richesses, et ceux qui adoptent le nouveau : destruction des peuples et des pays comme milieu de vie. Je pensais ajouter civilisé mais je connais les préjugés des occidentaux, je précise donc que dans le cas de l’Amérique Latine, civilisés concerne en premier lieu, les civilisations des primo-habitants comme priorité dans ce qui doit être détruit comme en témoigne ce génocide discret qu’ils subissent. Ce génocide, j’en ai vraiment pris conscience quand je suivais jour après jour ce qui se passait dans la région et que chaque jour je voyais s’allonger la liste des morts. Des militants assassinés, les personnes déplacées de leurs terres, les victimes des violences de la DEA et autres narcos… Les cultures indigènes sont des cultures d’auto-organisation et d'auto-subsistance. Et c’est bien cette faculté qu’il s’agit d’éradiquer chez les habitants de cette immense zone rose…. L’enfer sur terre.
Ne me dites pas que les gens qui imaginent cela ne sont pas des grands malades. Des pauvres gens aussi. Une partie de ma vie que j’apprécie particulièrement est faite de toutes les rencontres, échanges, partages que j’ai pu vivre avec des belles personnes venues de monde entier. Mépriser cette richesse pour courir derrière des chimères de pouvoir, ce serait plutôt tristounet si ces gens n’étaient pas des criminels de lèse-humanité, de lèse-vie. Pour moi la division du monde n’est pas entre nations, entre classes et autres genres mais bien entre les personnes bienveillantes et celles qui ne le sont pas.
Je suis d’accord avec Thierry Meyssan quand il affirme que comprendre ce nouveau paradigme stratégique, ou pas peut faire la différence quand il s’agit de résister à ce projet d’enfer sur terre.
Trois théoriciens ont contribué au développement de ce nouveau paradigme. Harlan K. Ullman veut réduire les peuples à l’impuissance par une stratégie de choc et terreur. Les bombes atomiques sur le Japon en sont un exemple. (Et n’oublions pas les destructions de Dresde et Berlin).
Les adeptes de Strauss rêvent quant à eux de gagner plusieurs guerres à la fois. Dans les conférences TM développent quelques méthodes de la guerre par procuration et stratégie utilisées lors des « coups d’états doux », les méthodes par lesquels des peuples s’entretuent, guerres civiles entre voisins, guerre entre ethnies, etc… sans que les EU aient besoin d'intervenir directement.
L’amiral Cebrowski va lui s’intéresser à une réorganisation des armées visant le partage en temps « réel » d’un maximum de données et l’utilisation de robots capables de prendre des décisions stratégiques (forcément sans états d’âme, le parfait idéal du soldat nazi). Quand je dis qu’ils ne sont pas tout à fait humains, ce n’est pas simplement une image mais bien le fonctionnement réel de cette association homme-machine dans laquelle on se demande qui dirige l’autre. Il s’agit de questions fondamentales, de question de manière d’être au monde ou d’ontologie, d'articulations entre vivants, hybrides et machines qui coexistent dans notre monde.
La pensée de Barnett est le passage d’un seuil, il ne s’agit plus de faire la guerre et de s’opposer à des états ou des mouvements pour des raisons politiques, mais bien de plonger et maintenir dans le chaos les peuples résistants ou non qui ne sont pas « atteint un certain niveau de vie », qui ne sont pas « intégrés dans le système économique global ». Des continents et régions entières de notre monde, presque tout l’hémisphère Sud, le Moyen-Orient. Ce qui pour faire passer la pilule devra être présenté comme une guerre de civilisations.
Et à présent que le Moyen-Orient est en feu et en ruine, la prochaine cible est le Nord-Ouest de l’Amérique Latine où seuls devraient rester stables le Brésil, l’Argentine et le Mexique.
« […}, le néo-impérialisme états-unien n’entend rien apporter ni aux peuples des États stables, ni à ceux du réservoir de ressources naturelles. Il prévoit de racketter les premiers et planifie de détruire le lien social qui soude les seconds. Il ne veut surtout pas exterminer ces derniers, et a besoin qu’ils souffrent pour que le chaos dans lequel ils vivent empêche les États stables d’aller chercher chez eux des ressources naturelles sans la protection des armées US.
Jusqu’ici le projet impérialiste considérait qu’ « on ne fait pas d’omelettes sans casser des œufs ». Il admettait commettre des massacres collatéraux pour étendre sa domination. Désormais, il planifie des massacres généralisés pour asseoir définitivement son autorité. »
Thierry Meyssan
Quelques conférences qui développent ce thème :
Conferencia de Thierry Meyssan en Buenos Aires_parte II - YouTube
Celle-ci est bilingue, la première partie de la suivante est une interview faite au Venezuela, traduction espagnole, et reprend ce qui concerne plus spécifiquement l’Amérique Latine.
Qui peut savoir ? En tout cas, tous les éléments que j’ai pu recueillir au cours des dernières années prennent sens et s’articulent dans le cadre de cette théorie.
Dans ses conférences TM va développer le concept de guerres proxy (par procuration), ici un article qui développe ce thème ;
Projet global d'instrumentalisation des armées mondiales au service "des intérêts et de la sécurités des USA"
Dans les notes de bas de page, il fait référence au programme de « Domination du spectre total pour 2020 » programme en cours du Pentagone, vous trouverez son contenu en français ici :
Il y a encore sur ce blog de nombreuses traductions inédites de textes sur le thème de la guerre du 21ème siècle, comme ceux de Nick Turse, mais mon ordinateur est d’une lenteur désespérante… donc je remets leur recherche à
Nous sommes toujours dans ce programme JV2020, et ces nouvelles stratégies constituent le passage d’un seuil dans sa cruauté mégalomaniaque. A la fin de son interview au Venezuela, TM ne croit pas que cette guerre soit évitable, ni les nombreuses victimes qu’elle causera, mais il termine sur une note positive :
Une résistance peut s’organiser, et « fatiguer » l’adversaire » jusqu’à ce qu’il soit obligé de renoncer.
Si je mets si souvent l’accent sur le fait que les mouvements sociaux et communaux sont la vraie force du changement en Amérique Latine, ces nouvelles données en font la source d’une résistance que les états ne seront plus capables d’assumer. Et les primo-habitants, leurs traditions ancestrales et la culture de résistance contemporaines qu’ils ne cessent de développer ont très certainement un rôle à jouer dans cette guerre totale qui se profile à un horizon qui semble bien trop proche.
Anne